B. VERS LA LEVÉE DE CES SANCTIONS

1. Le processus prévu par l'accord du 14 juillet 2015

L'accord de Vienne organise une levée progressive des sanctions internationales prises à l'encontre de l'Iran, qu'elles soient issues du conseil de sécurité des Nations Unies, de l'Union européenne ou des États-Unis, sous la condition de la mise en oeuvre par l'Iran de ses engagements en matière nucléaire. Ce régime distingue les sanctions économiques des mesures de non-prolifération et permet la réversibilité du processus au cas où l'Iran violerait ses obligations.

a) Une levée des sanctions économiques conditionnée au respect par l'Iran de ses engagements

L'accord de Vienne prévoit que, dès la mise en oeuvre par l'Iran des engagements qu'il a pris en ce qui concerne le nucléaire, telle que l'attestera un rapport de l'AIEA, et à cette condition :

- d'une part, les six résolutions précitées du conseil de sécurité des Nations Unies visant le pays seront abrogées ;

- d'autre part, les sanctions qui ont été adoptées par l'Union européenne et les États-Unis en raison du programme nucléaire iranien, visant les secteurs des finances, de l'énergie (pétrole, gaz, pétrochimie) et du transport, seront levées . Les sanctions fondées sur le contre-terrorisme ou la protection des droits de l'Homme, en revanche, seront maintenues.

b) Le maintien des mesures de non-prolifération

Le coeur des mesures de non-prolifération nucléaire visant l'Iran sera maintenu comme suit :

- pendant dix ans, l'acquisition par l'Iran de biens nucléaires sensibles sera étroitement contrôlée par un mécanisme de « canal d'acquisition » et des mesures d'inspection du fret. À ce titre, chaque État concerné devra soumettre tout projet de transfert de biens sensibles vers l'Iran à l'autorisation préalable de la commission conjointe instituée par l'accord de Vienne (cf. supra ). Dans ce cadre, la commission devra statuer à l'unanimité, ce qui permettra à chacun des États du groupe « P5+1 » de s'opposer à un transfert ;

- pendant huit ans, le gel des avoirs et, pendant cinq ans, l'interdiction de voyager seront maintenus à l'encontre de la plupart des individus et entités ayant participé à la prolifération nucléaire liée au programme iranien. Les désignations de l'Organisation de l'énergie atomique d'Iran (OEAI) et de ses démembrements seront toutefois levées, afin de permettre l'exécution des projets conclus dans l'accord de Vienne, notamment l'adaptation des sites d'Arak et de Fordo.

Ces durées pourront néanmoins être réduites si l'AIEA atteste du caractère exclusivement pacifique du programme nucléaire iranien.

Les mesures européennes et américaines autonomes de non-prolifération doivent également être maintenues « jusqu'au retour de la confiance dans le caractère exclusivement pacifique du programme nucléaire iranien ».

De même, les sanctions relatives aux activités balistiques et au commerce des armes de l'Iran seront maintenues . Ainsi, sauf autorisation expresse du conseil de sécurité des Nations Unies :

- le transfert de biens sensibles pouvant contribuer au programme balistique iranien sera interdit pendant huit ans ;

- les ventes ou transferts d'armes depuis l'Iran et de certaines armes lourdes vers l'Iran seront interdits pendant cinq ans.

Comme dans le domaine des mesures de non-prolifération précitées, ces durées pourront être réduites si l'AIEA atteste du caractère exclusivement pacifique du programme nucléaire iranien et l'Union européenne et les États-Unis maintiendront leurs mesures restrictives autonomes.

c) Un processus réversible en cas de manquement de l'Iran à ses obligations

En cas de violation par l'Iran de ses engagements en matière nucléaire, l'accord de Vienne prévoit un retour automatique à toutes les sanctions décidées par le conseil de sécurité des Nations Unies (mécanisme dit de « snap-back »). La procédure mise en place permet à chaque État du groupe « P5+1 » de saisir la commission conjointe créée par l'accord dans l'hypothèse de difficulté dans la mise en oeuvre de celui-ci ; en cas de réponse insatisfaisante de l'Iran dans un délai maximum de 35 jours, chacun des « P5+1 » pourra saisir le conseil de sécurité des Nations Unies et, le cas échéant, opposer son veto au maintien de la levée des sanctions. Les résolutions du conseil de sécurité précédemment abrogées seront alors automatiquement réintroduites, dans le délai maximum de 30 jours après la saisine du conseil.

Cette procédure est prévue pour une période initiale de dix ans. Les États du groupe « P5+1 » se sont engagés à prolonger la prolonger de cinq ans au-delà de ces dix ans.

L'Union européenne et les Etats-Unis réintroduiront également leurs sanctions en cas de violation de l'accord de Vienne par l'Iran.

2. La mise en oeuvre escomptée

Comme on l'a indiqué plus haut, la mise en oeuvre plénière de l'accord de Vienne interviendra au premier semestre 2016 . C'est alors que, l'Iran devant exécuter l'ensemble des obligations auxquelles il s'est engagé le 14 juillet dernier, pour autant que l'AIEA en ait attesté - dans un rapport désormais prévu pour la mi-décembre 2015 -, le régime actuel de sanctions issu des résolutions du conseil de sécurité des Nations Unies deviendra le régime, décrit ci-dessus, de restrictions adaptées aux activités nucléaires autorisées par l'accord. L'Union européenne et États-Unis procèderont dans le même temps à la levée des sanctions économiques prononcées par chacun d'eux au titre du programme nucléaire du pays iranien.

Les effets qu'on peut raisonnablement attendre de cette levée de sanctions pesant sur l'Iran depuis près d'une dizaine d'années sont majeurs en termes de redémarrage économique du pays. À l'évidence, ils n'iront pas sans d'importantes incidences sur la société iranienne dans son ensemble. Le présent rapport y reviendra plus avant 11 ( * ) .

Cependant, le processus n'est pas exclusif de certaines tentatives plus ou moins claires de demandes "reconventionnelles" adressées par l'Iran à la communauté internationale . C'est ainsi qu'à l'occasion de l'endossement de l'accord de Vienne par la résolution 2231 susmentionnée du conseil de sécurité des Nations Unies, puis au cours de l'été dernier, les autorités iraniennes ont amorcé une série de déclarations officielles critiquant le maintien des dispositifs d'embargo sur les armes, qui vise en particulier le programme balistique national. À ce stade, cet élément ne remet pas en cause l'exécution de l'accord de Vienne, mais il paraît symptomatique d'un trait iranien identifié par de nombreux experts auditionnés par le groupe de travail, consistant dans la négociation permanente et, par conséquent, la relativisation des engagements signés.


* 11 Cf. chapitre II.

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