LE DÉMARRAGE DU PLAN D'INVESTISSEMENT

Le démarrage du plan d'investissement se fait avec une rapidité indéniable . Alors que l'ambitieux calendrier pouvait laisser craindre quelques retards, le travail accompli depuis moins d'un an mérite d'être souligné. Comme le montre le tableau ci-dessous, il convient rappeler que les grandes lignes du plan d'investissement n'ont été annoncées que le 26 novembre 2014.

Calendrier du plan d'investissement pour l'Europe

15 juillet 2014 : annonce du plan d'investissement par le Président Juncker

26 novembre 2014 : présentation des grandes lignes du plan d'investissement

13 janvier 2015 : présentation de la proposition de règlement instituant le FEIS

10 mars 2015 : accord au Conseil sur le FEIS

20 avril 2015 : accord en commission du Parlement européen sur le FEIS

28 mai 2015 : accord politique sur le FEIS

24 juin 2015 : adoption du règlement relatif au FEIS par le Parlement européen

4 juillet 2015 : entrée en vigueur du règlement FEIS

22 juillet 2015 : signature de l'accord entre la Commission européenne et la BEI sur les méthodes de travail du FEIS ; communication de la Commission sur la contribution des banques nationales de développement au plan d'investissement ; nomination des membres du comité de pilotage du FEIS

1 er octobre 2015 : mise en place des premières plateformes d'investissement

Si l'on considère l'ampleur du plan, sa complexité financière et la pluralité des acteurs qui doivent intervenir, la rapidité avec laquelle l'ensemble du dispositif se met en place mérite d'être soulignée. Et si les plateformes d'investissement sont un peu plus difficiles à structurer, les personnes auditionnées ont garanti à vos rapporteurs qu'elles seront bientôt opérationnelles.

Enfin et surtout, la méthode retenue a permis que des décisions soient prises avant même l'installation complète du dispositif. Sur ce point, l'évolution dans son approche et la mobilisation de la BEI doivent être mises en avant. C'était nécessaire pour la réussite du plan. Il est appréciable que cela ait été fait.

Pour faciliter sa diffusion, le financement du FEIS ne s'appuiera pas uniquement sur la BEI, mais également sur un ensemble de banques nationales de développement.

LE FINANCEMENT ET LE RÔLE DES BANQUES NATIONALES DE DÉVELOPPEMENT

LE FINANCEMENT
Un financement européen précisé

Le Fonds européen d'investissement stratégique a parmi ses objectifs principaux de permettre au groupe BEI d'investir sur des secteurs de marché ou des projets particuliers qui peuvent rencontrer des difficultés à trouver des financements. Pour cela, il apporte une protection à la BEI et au Fonds européen d'investissement (FEI) contre les pertes susceptibles de découler des investissements qu'ils mettront en oeuvre dans le cadre du « Plan Juncker » . Il s'agit donc d'une garantie mobilisable pour couvrir les premières pertes des projets menés par le groupe BEI. Les ressources mobilisées dans le cadre de la garantie du FEIS permettent ainsi à la BEI de mener plus de projets innovants ou plus risqués, sans remettre en cause la solidité financière du groupe.

Les ressources mobilisables pour couvrir les premières pertes des projets menés par le groupe BEI ou permettre des opérations en fonds propres dans le cadre du « Plan Juncker » pourront aller jusqu'à 21 milliards d'euros, dont 5 milliards d'euros fournis par la BEI elle-même et 16 milliards d'euros de garantie accordés par le budget de l'Union européenne.

Afin de faire face aux appels en garantie, un fonds de garantie a été créé, doté de 50 % du montant des garanties appelables auprès des budgets de l'Union européenne . Ce fonds de garantie devra donc être abondé d'au moins 8 milliards d'euros d'ici 2023 au plus tard mais les pertes théoriques qu'il pourrait couvrir sont d'un maximum de 16 millions d'euros. En crédits de paiement, sur les 8 milliards d'euros dont le fonds de garantie doit être doté d'ici 2023, 500 millions d'euros ont été intégrés au projet de budget de l'Union pour 2016.

Une participation indirecte des États

Le 28 septembre dernier, la Chine a annoncé son intention de contribuer au plan d'investissement pour l'Europe. D'aucun y ont vu une « mondialisation du « Plan Juncker » », puisqu'elle était le premier pays tiers à faire une telle annonce. La Chine n'a toutefois pas encore précisé le montant de cette participation. Il s'agit d'un engagement de principe et un groupe de travail doit permettre la réalisation concrète de cet engagement pour la fin de l'année 2015.

En Europe, c'est dès le mois de février 2015, soit avant que le FEIS ne soit opérationnel, que neuf États membres ont annoncé qu'ils contribueraient au financement de projets supportés par le Fonds, pour un montant total de 42,58 milliards d'euros :

- le Royaume-Uni, pour 8,5 milliards d'euros ;

- l'Allemagne, la France , l'Italie et la Pologne, pour 8 milliards d'euros chacune ;

- l'Espagne, pour 1,5 milliard d'euros ;

- la Slovaquie, pour 400 millions d'euros ;

- la Bulgarie, pour 100 millions d'euros ;

- le Luxembourg, pour 80 millions d'euros.

La contribution du Royaume-Uni est spécifique à double titre : d'une part, elle prendra la forme de garanties pour le cofinancement de projets d'infrastructures soutenus par le FEIS sur le seul territoire britannique, et, d'autre part, elle ne passera pas par l'intermédiaire d'une banque nationale de développement, contrairement aux autres contributions nationales jusqu'à présent annoncées.

En effet, à ce stade, il n'est pas envisagé de contribution directe des États membres au FEIS . C'est par le biais de co-investissements de leurs institutions financières publiques de développement que les États précités participeront au financement des projets.

L'inconnue des investissements privés

Il est encore trop tôt pour mesurer la part prise par les investisseurs privés dans le plan d'investissement pour l'Europe. Cela est logique : l'objectif même du plan est de favoriser leur participation à des projets de long terme qui n'ont pas encore intégralement vu le jour.

En outre, le troisième volet du plan qui vise à créer un environnement normatif favorable aux investissements en est encore à un stade prospectif. Or, c'est ce volet qui pourrait s'avérer le plus pertinent pour permettre d'amener les investisseurs privés sur les projets éligibles au FEIS.

Les investissements de long terme, et notamment dans les infrastructures, comportent des exigences inhérentes. Le projet d'Union des marchés de capitaux pour mobiliser davantage le capital en Europe doit en tenir compte dans le cadre des évolutions à venir des règles prudentielles en matière bancaire et assurantielle. Toutefois, il importe de ne pas atténuer l'impact des réformes adoptées depuis 2009 pour renforcer la stabilité financière en Europe.

LES BANQUES NATIONALES DE DÉVELOPPEMENT, INTERVENANTS DÉTERMINANTS DANS LA RÉUSSITE DU « PLAN JUNCKER »

La conception du plan d'investissement accorde un rôle important aux banques nationales de développement, qui permettent de catalyser le financement de l'économie à long terme . Ces banques détiennent une expertise précieuse et une connaissance fine du contexte, des stratégies nationales, des entreprises et des investisseurs locaux. Elles participent au financement de secteurs stratégiques et investissent dans des projets d'avenir, palliant ainsi les défaillances du marché . La mise en commun de leurs ressources avec celles de la BEI et du secteur privé au sein de plateformes d'investissement doit contribuer au succès du plan.

En France, ce rôle est assuré par la Caisse des dépôts et par BPI France. Certains partenaires disposent aussi d'acteurs équivalents comme l'Allemagne avec la KfW ( Kreditanstalt für Wiederaufbau ), l'Italie avec la Cassa Depositi e Prestiti , la Pologne avec la BGK ( Bank Gospodarstwa Krajowego ) ou encore l'Espagne avec l' ICO ( Instituto de Credito Oficial ).

En outre, certains États membres se sont dotés récemment d'une telle banque, comme la Grèce, l'Irlande, la Lettonie ou le Portugal, tandis que d'autres, qui n'en disposent pas, envisagent d'en instituer une.

Afin de préciser le rôle de ces banques dans la mise en oeuvre du plan d'investissement, la Commission, le 22 juillet dernier, a présenté une communication 10 ( * ) poursuivant trois objectifs :

- fournir des orientations aux États membres qui entendent mettre en place une nouvelle banque nationale de développement en s'inspirant des meilleures pratiques ;

- définir un certain nombre de principes clefs pour la coopération de ces banques avec la BEI et la Commission, d'une part, et entre elles, d'autre part, dans le cadre du plan d'investissement, par l'intermédiaire des plateformes d'investissement notamment ;

- clarifier la façon dont il conviendra de prendre en compte les contributions de ces banques aux plateformes d'investissement et l'application de la procédure des aides d'État à ce cofinancement.

Il est probable que les banques nationales de développement ne versent pas des contributions directes, même si le règlement instituant le FEIS ne le leur interdit pas, mais interviennent plutôt au niveau des plateformes d'investissement, en coopérant avec la BEI.

Les plateformes d'investissement

Les plateformes d'investissement sont définies par le règlement instituant le FEIS 11 ( * ) comme « des entités ad hoc , des comptes gérés, des accords contractuels de cofinancement ou de partage des risques ou des accords conclus par tout autre moyen par l'intermédiaire desquels des entités apportent une contribution financière en vue de financer une série de projets d'investissement, et qui peuvent inclure : a) des plateformes nationales ou infranationales, qui regroupent plusieurs projets d'investissement sur le territoire d'un État membre donné ; b) des plateformes multi-pays ou régionales, qui regroupent des partenaires établis dans divers États membres ou pays tiers et ayant un intérêt dans des projets qui concernent une zone géographique donnée ; c) des plateformes thématiques, qui regroupent des projets d'investissement en lien avec un secteur en particulier ».

Il s'agit donc d'un mécanisme de co-investissement structuré en vue de canaliser les investissements vers un ensemble de projets plutôt que vers un seul projet, qui permet aussi de réduire les coûts de transaction et d'information et de répartir les risques entre les différents investisseurs.

Ces plateformes peuvent, le cas échéant, réunir des co-investisseurs, des pouvoirs publics, des experts, des institutions d'enseignement, de formation et de recherche, des partenaires sociaux concernés et des représentants de la société civile, ainsi que d'autres acteurs pertinents aux niveaux de l'Union, national et régional.

Elles figurent parmi les bénéficiaires éligibles de la garantie de l'Union.

Il est prévu que les premières plateformes d'investissement soient mises en place au 1 er octobre 2015. Il existe toutefois déjà des plateformes multilatérales, par exemple dans le domaine énergétique ou dans celui des infrastructures comme le fonds Marguerite institué en partenariat avec la Caisse des dépôts et consignations.

Par ailleurs, les banques nationales de développement interviendraient plus avant à la fois dans la mobilisation des financements requérant des instruments présentant un fort effet de levier des fonds publics auprès d'investisseurs privés et, en partenariat avec les administrations nationales et régionales, dans l'attribution des fonds structurels et d'investissement européens de la politique de cohésion.

En France , la Caisse des dépôts et consignations et BPI France ont chacune dans leur domaine identifié un vivier de projets potentiellement éligibles aux financements du FEIS. La première se concentre sur les infrastructures économiques ou sociales et la seconde sur les entreprises. Elles ont ainsi entamé depuis plusieurs mois déjà des discussions avec la BEI et le FEI pour étudier les modalités de financement les plus adaptées aux projets présentés.

En outre, les échanges de la Caisse des dépôts avec la BEI sont aujourd'hui facilités par l'accord de partenariat bilatéral signé en 2013 et visant un financement optimisé des projets de territoire. Pour sa part, BPI France a signé l'un des tout premiers prêts en Europe engagés au titre du plan d'investissement pour un montant de 450 millions d'euros.


* 10 Communication intitulée « Travailler ensemble pour l'emploi et la croissance : la contribution des banques nationales de développement (BND) au plan d'investissement pour l'Europe » (texte COM (2015) 361 final).

* 11 Article 2 du règlement.

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