II. DES MARGES DE PROGRÈS À CONCRÉTISER

A. MAXIMISER L'INTÉRÊT OPÉRATIONNEL D'ANTARES

1. Achever les efforts en cours visant à optimiser le réseau et la maintenance

L'extension du réseau existant de la police nationale, qui a représenté un coût de 90 millions d'euros pour l'État, a été achevée dès 2010.

Toutefois, compte tenu de la persistance de nombreuses « zones blanches », l'État réalise depuis 2012 des travaux visant à améliorer la couverture d'ANTARES.

Entre 2012 et 2016, le montant des travaux programmés s'élève à 28,85 million d'euros, financés par le programme « Sécurité civile ».

Crédits consacrés à l'optimisation de la couverture d'ANTARES

(en millions d'euros)

Programmés

Consommés

Prévus

2012

4

3,3

2013

4

2,21

2014

5,4

7,475

2015

8,35

2016

7,1

8,045

Total

28,85

5,51

23,34

Source : commission des finances du Sénat (d'après les réponses de la DGSCGC au questionnaire)

Ces efforts visant à optimiser la couverture d'ANTARES doivent être soulignés, dans un contexte budgétaire contraint. Conformément aux prévisions initiales, le réseau ANTARES devrait être achevé en métropole en 2017, pour un coût total de 118,85 millions.

Votre rapporteur spécial restera toutefois vigilant concernant le rythme de consommation des crédits, le programme 161 « Sécurité civile » étant marqué depuis plusieurs années par une sous-exécution chronique des dépenses d'investissement à l'origine de multiples retards pour les grands projets du ministère 31 ( * ) .

S'agissant de l'optimisation de la couverture du réseau ANTARES, la surconsommation enregistrée au titre de l'exercice 2014 (2,075 millions d'euros) a néanmoins permis de compenser 83 % de la sous-consommation observée en 2012 et 2013 (2,49 millions d'euros).

Recommandation n° 1 : poursuivre les investissements en cours visant à optimiser la couverture du réseau ANTARES afin de limiter le phénomène des « zones blanches » et de faciliter l'achèvement de la migration des SDIS.

S'agissant de la maintenance, un système de conventionnement entre les utilisateurs de l'INPT et les SGAMI-DSIC est en cours de mise en place. Une convention type a été élaborée à la suite des expérimentations menées dans cinq départements et validée par le comité de pilotage de l'INPT.

Votre rapporteur spécial regrette la mise en oeuvre très tardive de ces conventions, qui doivent notamment permettre de définir les sites à rétablir en priorité en cas de coupure.

Afin de sensibiliser le ministère au caractère prioritaire du rétablissement du réseau ANTARES en cas de coupure, la généralisation des conventions avec les SGAMI-DSIC pourrait s'accompagner de la mise en place d'un nouvel indicateur de performance relatif à la maintenance , associé à deux indicateurs mesurant le taux de pannes et le délai médian de rétablissement.

Une telle évolution semble d'autant plus souhaitable qu'un indicateur a d'ores et déjà été défini en interne par le ministère pour traduire le taux de disponibilité du réseau, par département et par zone 32 ( * ) .

Recommandation n° 2 : généraliser les conventions de maintenance entre les SDIS et les SGAMI-DSIC afin d'assurer le secours des relais dans les meilleurs délais.

Recommandation n° 3 : mettre en place un nouvel indicateur de performance relatif à la maintenance, associé à deux indicateurs mesurant le taux de pannes et le délai médian de rétablissement, afin de sensibiliser le ministère au caractère prioritaire du rétablissement du réseau ANTARES en cas de coupure.

Enfin, il faut se réjouir qu'une solution technique ait été trouvée pour l'équipement de la flotte aérienne en terminaux ANTARES, problématique qui a fait l'objet d'un groupe de travail conjoint entre le ST(SI)², la DGSCGC et la Gendarmerie nationale en 2014. Le projet de loi de finances pour 2016 prévoit ainsi 0,65 million d'euros en crédits de paiement et 1,1 million d'euros en autorisations d'engagement pour l'équipement de la flotte en radios compatibles avec le système ANTARES.

L'achèvement des efforts en cours pour optimiser la couverture et la maintenance doit toutefois s'accompagner d'une réflexion sur la sous-utilisation du réseau par les services.

2. Inciter les services utilisateurs à exploiter au mieux les possibilités offertes par ANTARES

Votre rapporteur spécial tient à souligner le paradoxe qui consiste à s'équiper de radios numériques interopérables tout en ne mobilisant pas les possibilités offertes par cette technologie.

Deux exemples sont à cet égard particulièrement surprenants.

Tout d'abord, votre rapporteur spécial a pu constater lors de ses auditions et de ses déplacements que la conférence interservices n'est pas ou peu utilisée.

Ce point a fait l'objet d'une question spécifique dans le cadre de l'enquête menée par l'ANDSIS.

Utilisation de la conférence interservices depuis la migration vers ANTARES

Source : commission des finances (d'après les réponses à l'enquête menée par l'ANDSIS)

Ainsi, plus d'un SDIS sur deux n'a jamais utilisé la conférence interservices depuis la migration vers ANTARES, soulignant l'importance de sensibiliser l'autorité préfectorale aux avantages opérationnels liés à cette fonction.

Recommandation n° 4 : sensibiliser l'autorité préfectorale à la nécessité d'encourager l'utilisation de la conférence interservices afin de tirer parti des possibilités offertes par ANTARES en matière d'interopérabilité.

Par ailleurs, votre rapporteur spécial tient à souligner la nécessité de renforcer les liens entre les SDIS et les SAMU.

En effet, comme l'a rappelé un rapport récent de l'IGAS et de l'IGA, les calendriers de migration des SDIS et SAMU restent insuffisamment coordonnés 33 ( * ) .

Surtout, certains SAMU qui sont déjà raccordés à ANTARES ne souhaitent pas transmettre des bilans concernant les patients par ce biais et préfèrent continuer à utiliser le téléphone portable.

D'après les informations transmises à votre rapporteur spécial, cette difficulté s'explique notamment par la faiblesse des effectifs dédiés au traitement des bilans. En cas d'utilisation systématique d'ANTARES, tous les bilans sont transmis à l'opérateur du SAMU. À l'inverse, lorsque le téléphone portable est mobilisé, les SDIS sont contraints d'effectuer un tri et de transmettre prioritairement les cas les plus graves.

Là encore, des solutions doivent être trouvées pour permettre aux utilisateurs de mobiliser les fonctions offertes par la technologie numérique. Un premier pas a été réalisé en juin 2015 avec la publication d'une circulaire commune pour améliorer la coordination entre sapeurs-pompiers et SAMU 34 ( * ) , qui précise notamment que « la transmission du bilan des sapeurs-pompiers utilise préférentiellement le réseau SSU via ANTARES ou le téléphone par des lignes dédiées ».

Afin d'éviter une dégradation de la qualité de réponse, une première étape pourrait consister à transmettre tous les bilans simples par radio, tout en continuant à utiliser le téléphone pour les prises en charge complexes et les urgences vitales.

À terme, l'objectif doit toutefois être de transmettre systématiquement la totalité des bilans par le biais des terminaux ANTARES.

Recommandation n° 5 : coordonner les calendriers de migration des SDIS et des SAMU.

Recommandation n° 6 : sensibiliser les ARS à la nécessité de renforcer les effectifs dédiés au traitement des bilans afin de rendre possible leur transmission systématique par le biais d'ANTARES.

3. Adapter la gouvernance pour mieux prendre en compte les besoins des services utilisateurs

La somme des difficultés rencontrées par les utilisateurs témoigne d'un pilotage défaillant .

La gouvernance du réseau repose actuellement au plan décisionnel sur le comité de pilotage prévu par l'article 11 du décret n° 2006-106 du 3 février 2006, qui intègre les représentants des utilisateurs et est chargé de déterminer « les orientations relatives au déploiement des réseaux, à leur fonctionnement et à leurs évolutions ».

L'article 11 dispose néanmoins que « le ministre de l'intérieur est le coordonnateur national de l'INPT et est garant de sa cohérence d'ensemble ».

Les membres du comité de pilotage

La composition du comité de pilotage de l'infrastructure nationale partageable des transmissions est déterminée par l'article 2 de l'arrêté du 24 février 2009 précité.

Les membres du comité de pilotage représentant les ministères concernés sont :

- le secrétaire général du ministère de l'intérieur ;

- le directeur général de l'offre de soins ;

- le directeur général des systèmes d'information et de communication.

Les membres du comité de pilotage représentant les services utilisateurs sont :

- un élu représentant les conseils départementaux ;

- un élu représentant les services départementaux d'incendie et de secours ;

- le directeur général de la police nationale ;

- le directeur général de la gendarmerie nationale ;

- le directeur général de la sécurité civile et de la gestion des crises ;

- le préfet de police, préfet de la zone de défense de Paris ;

- le directeur de l'administration pénitentiaire ;

- le délégué général à l'outre-mer ;

Le président du comité de pilotage est le secrétaire général du ministère de l'intérieur.

Cette gouvernance présente deux principales limites :

- le comité de pilotage se contente souvent d'avaliser ce qui a été décidé par les services techniques , alors même que les utilisateurs qui ne relèvent pas du ministère de l'intérieur sont peu associés aux travaux réalisés en amont, ce qui génère des frustrations ;

- l'administration centrale est « coupée » des utilisateurs finaux du programme : aucun mécanisme n'est actuellement prévu pour recueillir les besoins, les difficultés et les pistes d'amélioration des utilisateurs finaux, contrairement à ce que souhaiteraient les sapeurs-pompiers rencontrés.

Aussi, la maximisation de l'intérêt opérationnel d'ANTARES suppose la mise en oeuvre d'une réforme de la gouvernance du programme visant à renforcer la place des autres ministères et des utilisateurs finaux.

Recommandation n° 7 : adapter la gouvernance de l'INPT afin de mieux associer les représentants des utilisateurs aux travaux techniques réalisés en amont du comité de pilotage.

Recommandation n° 8 : mettre en place un comité des utilisateurs de l'INPT afin de faire état des besoins, des attentes et des propositions d'amélioration des utilisateurs au comité de pilotage.

Recommandation n° 9 : mettre en place un outil participatif numérique permettant le recueil des commentaires et des pistes d'amélioration des utilisateurs finaux de l'INPT afin d'alimenter le comité des utilisateurs.

Dans une situation où le moindre intérêt opérationnel du basculement vers ANTARES se conjugue à des surcoûts non anticipés, il apparaît également déterminant de concrétiser les marges de progrès qui demeurent sur le plan budgétaire.


* 31 Voir sur ce point les remarques de votre rapporteur spécial dans le rapport n° 604 fait au nom de la commission des finances du Sénat sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2014, p. 424.

* 32 Source : réponses de la DGSCGC au questionnaire.

* 33 Rapport IGAS-IGA sur l'évaluation de l'application du référentiel d'organisation du secours à personne et de l'aide médicale d'urgence, juin 2014, p. 35.

* 34 Circulaire interministérielle n° DGOS/R2/DGSCGC/2015/190 du 5 juin 2015 relative à l'application de l'arrêté du 24 avril 2009 relatif à la mise en oeuvre du référentiel portant sur l'organisation du secours à personne et de l'aide médicale urgente.

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