B. IMPACT SUR LA QUALITÉ

Dans le domaine de l'eau, approche quantitative et approche qualitative sont résolument indissociables. Il apparaît comme une évidence que le réchauffement climatique aura des conséquences dont il faudra tenir compte pour le respect des objectifs de qualité assignés au niveau européen.

1. La température moyenne de l'eau s'élève
a) Des responsabilités partagées

• Dans le cadre du projet Explore 2070, une étude sur la thermie des cours d'eau a été engagée. Une démarche de simulation multi-modèle visant à évaluer l'évolution possible de la température de l'eau en trente et un points répartis en France métropolitaine anticipe des augmentations moyennes de température de l'eau comprises entre 1,1°C et 2,2°C, soit une moyenne de 1,6°C .

• Le réchauffement climatique n'est cependant pas seul à devoir être mis en cause. Les rejets d'eau des industries, des stations d'épuration ou des centrales nucléaires, de même que les prises d'eau en période d'étiage, contribuent également au réchauffement des rivières.

b) Des effets tangibles sur la biodiversité

• La hausse de la température de l'eau produit un stress thermique pour les populations de poissons 59 ( * ) . La canicule de 2003 avait entraîné la mort d'un nombre notable d'anguilles alors que cette espèce présente une tolérance à la température parmi les plus élevées de la faune piscicole française. Le stress thermique peut rendre l'organisme plus sensible à d'autres facteurs, pollution et pathogène notamment, et donc le fragiliser.

L'augmentation de la température de l'eau accélère également les phénomènes d'eutrophisation, le développement de cyanobactéries, qui affectent la ressource utilisée pour produire de l'eau potable.

L'eutrophisation, qu'est-ce que c'est ?

L'eutrophisation est une forme de pollution de l'eau qui se caractérise par un enrichissement excessif en substances nutritives comme l'azote, le phosphore, les oligo-éléments. Ces éléments agissent comme un engrais pour les plantes et les algues, qui se développent alors de manière excessive.

Leur prolifération provoque une chute de la quantité d'oxygène présente dans l'eau, qui entraîne la mort par asphyxie des autres espèces vivantes, poissons et insectes aquatiques notamment.

Source : agence de l'eau Seine-Normandie

Une hausse de la température de l'eau est bien souvent corrélée à une diminution des concentrations d'oxygène dissous (jusqu'à l'anoxie parfois), paramètre clé de nombreux processus biologiques et de la survie des organismes vivants.

Le réchauffement climatique et la hausse de la température de l'eau provoquent un changement, déjà observé, des aires de répartition pour les poissons. Explore 2070 a mis en évidence la forte vulnérabilité de plusieurs espèces inféodées aux têtes de bassin versant, comme la truite commune, le chabot, le saumon atlantique ou encore la lamproie de Planer. Les espèces situées en domaine intermédiaire et amont seront les plus vulnérables, soit du fait de la seule augmentation des températures, qui fait reculer les espèces d'eau froide, soit du fait des interactions entre les pressions anthropiques et le changement climatique. À l'échelle de la métropole, les zones amont pourraient connaître des communautés piscicoles plus diverses mais au détriment d'une partie de leur biodiversité spécifique 60 ( * ) .

• Signalons le cas particulier des aquifères côtiers, qui seront touchés par l'élévation du niveau de la mer, lequel risque d'entraîner une intrusion des eaux salées dans les aquifères et, donc, une forte dégradation de la qualité de l'eau.

2. Les pollutions peuvent se concentrer

• Créée en juin 2005, l'Université virtuelle Environnement et développement durable est l'une des sept universités numériques thématiques soutenues par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. Elle a établi la typologie des polluants suivante .

a) Les matières organiques

Elles sont naturellement émises par les végétaux et animaux mais peuvent également être déversées par des élevages ou des industries. Leur surplus dans le milieu entraîne alors son asphyxie du fait de leur minéralisation qui absorbe l'oxygène.

b) L'azote

Responsable de fréquents dépassements de normes en Europe, il provient des eaux usées domestiques, des effluents industriels et principalement du lessivage des engrais et effluents d'élevage dans les zones agricoles. Présent sous forme organique ou ammoniacale dans les effluents, il se transforme en nitrate dans le milieu naturel. Les nitrates sont fortement soupçonnés d'avoir des effets cancérigènes sur les organes digestifs de l'homme et ils déséquilibrent les écosystèmes aquatiques.

c) Le phosphore

Il provient des eaux usées domestiques, des effluents industriels, de l'érosion des sols enrichis en phosphore par les engrais et les effluents d'élevage. Il ne représente pas de risque direct pour la santé humaine mais, encore plus que l'azote, il menace les milieux aquatiques continentaux d'eutrophisation. Le traitement des eaux riches en algues entraîne des surcoûts pour les stations de traitement d'eau potable. Les résidus organiques peuvent s'associer à du chlore dans les réseaux de distribution pour former des composés organo-chlorés cancérigènes.

d) Les métaux lourds

Les métaux lourds (cadmium, plomb, chrome, mercure, zinc...) sont contenus dans les effluents de certaines industries (métallurgie, traitement de surface, automobile, industrie du chlore, plasturgie...). À des concentrations même très faibles, ils présentent des risques cancérigènes, tératogènes (malformation du foetus), d'atteinte du système nerveux ou respiratoire. Ils s'accumulent dans la chaîne alimentaire en étant stockés dans les organismes qui les ingèrent (bioaccumulation).

e) Les hydrocarbures

Ils sont contenus dans certains effluents industriels et produits par le lessivage des sols urbains, des routes, par les fuites de stockages ou lors d'accidents. Ils sont toxiques à très faible concentration pour la santé humaine (cancérigènes et tératogènes) et dégradent les écosystèmes aquatiques.

f) Les produits phytosanitaires

Les pesticides - désherbants, insecticides et fongicides - sont composés de molécules fortement actives sur les organismes. Ils sont utilisés en agriculture, mais aussi pour le désherbage des voiries, le traitement des espaces verts et les jardins privés. Les risques sur la santé et les milieux naturels sont importants puisque nombre de ces produits sont cancérigènes, ou entraînent, pour le moins, une perturbation des fonctions digestives, respiratoires, endocriniennes ou nerveuses, des malformations génitales, une baisse de la fertilité masculine et des problèmes immunitaires.

• On n'oubliera pas de mentionner également les pollutions issues des médicaments et des produits chimiques d'usage domestique dont on retrouve désormais des traces, voire des concentrations, dans les eaux usées et qui appellent des traitements de plus en plus ciblés.

• Pour surveiller la qualité des eaux de lacs et de rivières, on utilise, entre autres, des balises permettant le suivi en continu de plusieurs paramètres physico-chimiques de l'eau, à l'image de celles qui sont installées par Veolia sur la Marne dans le cadre du projet européen Swarm - Smart Water Active Resource Management 61 ( * ) .

Une question :

Les méthodes d'investigation sur les pollutions s'affinant et se perfectionnant toujours davantage, le thermomètre utilisé pour mesurer la qualité d'une eau devient de plus en plus performant, à tel point qu'on pourrait presque aller jusqu'à dire qu' on trouve dans l'eau tout ce que l'on y cherche.

Parviendra-t-on à fixer de manière incontestable le seuil de dangerosité des différentes sources de pollution ?


* 59 Onema, L'impact de la chaleur sur l'eau et les milieux aquatiques - 30 juillet 2015.

* 60 Synthèse du projet Explore 2070. - Vulnérabilité des écosystèmes aquatiques.

* 61 Auditions du 7 décembre 2015 dans le cadre du déplacement au Centre de recherche et d'innovation de Veolia.

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