D. COMMENT FONT LES AUTRES ?

Alors que la DCE pose un cadre unique de gestion des eaux en Europe, on constate que chaque État membre est confronté à des difficultés spécifiques, variables, par nature, selon sa situation géographique, son capital hydrographique et ses particularismes économiques, sociologiques et culturels 66 ( * ) .

1. La sécheresse en Espagne

L'Espagne est le pays le plus aride de l'Union européenne. Elle connaît des périodes chroniques de sécheresse, d'aridité et de pénurie d'eau. La désertification touche 67 % du territoire, le taux de précipitation ne se situant qu'à 85 % de la moyenne européenne. De ce fait, la plupart des bassins hydrographiques n'atteignent pas 60 % de la capacité totale de leur réserve hydraulique. Cependant, la Péninsule ibérique est aussi un grand consommateur d'eau (2 700 mètres cubes d'eau par habitant et par an en 2009) et l'un des quatre pays qui comptent, avec 1 300 ouvrages, le plus de barrages au monde. Les régions du Sud et du Sud-Est font notamment usage de cette ressource pour l'irrigation.

Le Livre blanc sur l'eau en Espagne , publié en décembre 1998, a défini les principaux enjeux auxquels la loi sur l'eau, adoptée quelques années plus tard, a tenté d'apporter des solutions. Il table sur une diminution de la population espagnole à moyen terme, donc sur une moindre croissance de ses besoins hydriques, ceux qui résultent de l'amélioration du niveau de vie et de l'évolution des comportements se trouvant compensés par une gestion plus efficace des approvisionnements, notamment l'état des réseaux.

Le problème de la gestion de l'eau en Espagne procède également de la concentration de la population dans les régions méridionales et côtières, notamment sur le littoral méditerranéen.

a) La pénurie de la ressource attise les conflits entre les régions

• L'incidence du changement climatique

Du fait du changement climatique, l'Espagne est confrontée à une diminution du débit des cours d'eau.

Les prélèvements importants opérés sur les eaux souterraines, notamment pour l'irrigation agricole, pourraient affecter sa capacité à atteindre les objectifs de qualité fixés par la DCE. Ils ont aussi parfois des effets sur l'environnement (salinisation des eaux souterraines ou réduction des zones humides).

• Les conflits d'usages entre les régions

Certaines régions du pays sont plus touchées par la sécheresse que d'autres car l'environnement se caractérise aussi bien par sa diversité que par la distribution inégale de la ressource. Deux zones se dessinent : l'Espagne sèche, au Sud-Est, et l'Espagne humide, au Nord-Ouest.

L'inégale répartition des ressources alimente des rivalités entre les communautés autonomes, notamment au sujet du gaspillage, entre celles qui sont situées en amont et en aval d'un même fleuve.

Nombre de régions déficitaires en eau avancent l'argument de la solidarité pour dénoncer l'« égoïsme » des régions excédentaires et demander que, à l'instar des ressources financières, les ressources en eau soient réparties équitablement, ce que les communautés autonomes disposant de ressources abondantes contestent en affirmant n'avoir pas de quoi répondre aux besoins en eau de leur propre population.

b) Une gestion complexe de l'eau

Les principales règles applicables en matière de politique de l'eau résultent de la loi du 2 août 1985 sur l'eau.

• La répartition des compétences

L'Espagne est le premier pays à avoir utilisé le concept de bassin hydrographique comme unité de gestion de l'eau. Toutefois, lorsque les bassins hydrographiques chevauchent plusieurs communautés autonomes, ils relèvent de la compétence exclusive de l'État et sont gérés par des confédérations hydrographiques, établissements publics placés sous la tutelle du ministère de l'environnement. Neuf entités sont dotées d'une telle structure.

Six administrations intracommunautaires existent de surcroît en Andalousie, Catalogne, aux Canaries, en Galice, aux Îles Baléares et au Pays Basque.

Le Conseil national de l'eau est l'organisme consultatif compétent au niveau national. Il réunit des représentants de l'administration nationale et locale, des agences de bassin, des organisations professionnelles et syndicales ainsi que des associations de protection de l'environnement. Le conseil est consulté sur les projets de plan hydrologique national et de textes généraux relatifs à la protection de l'eau et au domaine public hydraulique.

• La pluralité des acteurs

Tous les usages privatifs de l'eau supposent l'obtention d'une autorisation administrative, accordée pour au plus soixante-quinze ans compte tenu des prévisions des plans hydrologiques, en prenant en compte l'exploitation rationnelle des ressources superficielles et des ressources souterraines. Une pluralité d'acteurs sont concernés par la gestion hydrique puisque :

- la captation des eaux relève des confédérations hydrographiques ou des communautés autonomes ;

- les communautés autonomes exercent également des compétences en matière d'environnement, de gestion du domaine public hydraulique dans les bassins qui ne relèvent que d'une seule communauté, de l'aménagement du territoire et de la protection des écosystèmes ;

- les communes sont responsables de l'approvisionnement en eau (traitement et distribution), des égouts et du traitement des eaux usées urbaines ;

- enfin, l'État intervient en matière de planification des approvisionnements, de traitement des eaux, de soutien technique aux communes et de gestion des bassins dont le périmètre concerne plusieurs communautés autonomes.

Il résulte de cette division des compétences entre trois niveaux de collectivités publiques une certaine complexité tarifaire.

• La planification hydrologique

Répondant à des objectifs généraux fixés par la loi, la planification hydrologique est formalisée dans le plan hydrologique national .

Compte tenu des potentiels conflits d'usage, la loi sur l'eau dispose que, pour l'attribution des autorisations d'exploitation, on respecte l'ordre de priorité établi par le plan hydrologique de bassin eu égard aux nécessités qui ont trait à la conservation des ressources et de l'environnement.

À défaut, l'ordre de préférence décroissant est le suivant :

- l'approvisionnement de la population, y compris les besoins nécessaires aux industries faiblement consommatrices situées dans les zones peuplées et connectées aux réseaux de distribution de l'eau ;

- l'irrigation et les usages agricoles ;

- les usages industriels pour la production d'électricité ;

- les autres usages industriels ;

- l'aquaculture ;

- les loisirs ;

- la navigation et le transport aquatique ;

- et enfin les autres usages.

c) Les politiques mises en oeuvre

• La lutte contre la pénurie d'eau mise sur le dessalement

La plupart des bassins touchés par le risque de pénurie connaissent une utilisation intense de l'eau destinée à l'irrigation, alors même que les nouvelles techniques pourraient en limiter l'usage et l'évaporation.

Le dessalement de l'eau a été proposé comme une alternative lors de la révision du plan national hydrologique. Neuf cent usines de ce type existent déjà dans le pays. Toutefois cette solution coûteuse ne pourrait contribuer que de façon limitée aux besoins futurs. Le traitement de l'eau offrirait davantage de perspectives, tout en nécessitant une hausse du prix de vente de l'eau traitée afin de faire face à la pénurie.

• Le financement et le prix de l'eau n'incitent pas à l'économie

Le financement de l'eau est complexe en Espagne, où chaque étape du cycle de l'eau (captation, distribution, traitement, planification) est gérée par une entité distincte. Les tarifs peuvent varier du simple au triple. En 2013, le coût unitaire du mètre cube d'eau s'élevait, en moyenne, à 1,83 euro, pour une consommation journalière supérieure à 200 litres par personne, certes en baisse de 3,7 % par rapport à 2012 mais qui reste l'une des plus élevées en Europe .

L'effort demandé aux Espagnols pour financer le service de l'eau ne représenterait que 56 % de la moyenne européenne et le coût du traitement des eaux usées pour les ménages est l'un des plus faibles. De même, dans l'agriculture, la facturation se fait à la surface cultivée et non en fonction de la consommation. D'un point de vue général, il serait donc utile que les prix reflètent les coûts, qu'il s'agisse de ceux afférents au prélèvement, à la consommation, au traitement ou aux services qui leurs sont associés.

• Un réseau pour assurer la sécurité et la qualité de l'eau

Les stations du réseau officiel d'évaluation du débit contrôlent depuis 1912 la quantité d'eau. Ce réseau est complété par des systèmes automatiques d'information hydrologique pour prévenir et gérer les crues, car il arrive que le pays souffre de graves inondations, ainsi que pour anticiper les périodes de sécheresse et connaître plus précisément la qualité de l'eau et, de manière générale, la situation de chaque bassin.

Enfin, des systèmes automatiques d'information sur la qualité des eaux continentales superficielles sont situés dans des zones considérées comme sensibles, servant à approvisionner la population, ou protégées et susceptibles d'être exposées à la pollution urbaine ou industrielle.

2. La qualité des eaux aux Pays-Bas

Comme le rappelle l'introduction de l'accord conclu entre les différents acteurs de la politique de l'eau néerlandais, « Nederlands is waterland », les Pays-Bas sont le pays de l'eau. L'eau y revêt, en effet, une importance capitale : 60 % des activités économiques sont situées en zone inondable, qu'elles soient au-dessous du niveau de la mer (26 % du territoire) ou purement et simplement inondables (29 % du territoire), sans compter le fait que 100 000 personnes, sur les 17 millions d'habitants, vivent dans des zones situées hors du périmètre protégé contre les inondations 67 ( * ) .

a) Une volonté de simplification de la politique de l'eau

• Les acteurs demeurent nombreux

Six types d'entités publiques contribuent, à des degrés divers, à la mise en oeuvre de la politique de l'eau.

Le ministère des infrastructures et de l'environnement assure la coordination et la planification de la politique de l'eau et sa coordination avec les autres politiques (environnement, infrastructures...).

Rijkswaterstaat est l'agence publique qui réalise, sous le contrôle de ce ministère, les travaux d'infrastructures (écluses, entretien des digues et des canaux...) que nécessitent la politique de l'eau et celle des transports routiers (autoroutes...).

Les douze provinces néerlandaises sont chargées de la planification de l'espace, de la gestion des eaux souterraines, de la création et du contrôle des agences de l'eau ainsi que de la surveillance des dispositifs de protection contre les crues et de la délivrance d'autorisations de pompage des eaux souterraines.

Les vingt-trois agences de l'eau gèrent les systèmes aquatiques et assurent la défense contre les inondations, ainsi que l'approvisionnement en eau et la préservation de sa qualité, outre le transport et le traitement des eaux usées. Elles entretiennent 3 400 kilomètres de digues principales et 14 000 kilomètres d'autres digues.

Les trois cent quatre-vingt-dix communes des Pays-Bas sont chargées de la planification spatiale sur leur territoire, de la collecte des eaux usées et de leur transport, de l'assainissement urbain et de la collecte des eaux pluviales.

Le « commissaire du Delta » est chargé, sous l'autorité directe du ministre, d'une mission stratégique de suivi de l'ensemble de la politique de mise en valeur du pays. La seconde phase de ce programme, en cours de réalisation, tend notamment à améliorer la sécurité, à mettre en place une stratégie soutenable pour la fourniture d'eau douce et à mettre au point un cadre pour la (ré)allocation des zones construites, eu égard au risque d'inondations.

Outre les lois et règlements en vigueur, les relations des pouvoirs publics font l'objet d'un accord administratif sur l'eau qui précise leurs engagements respectifs dans la mise en oeuvre et le financement de la politique de l'eau aux Pays-Bas. La plus récente version de ce document, mis à jour de façon périodique, date d'avril 2011.

• Les instruments s'attachent à simplifier la gestion de l'eau

Le principal texte en la matière est la loi sur l'eau modifiée en 2011 pour réduire le nombre de législations spécifiques . Ce texte vise trois objectifs :

- prévenir et, si nécessaire, limiter les inondations, les dommages qu'elles occasionnent et la pénurie d'eau ;

- protéger et améliorer la qualité chimique et écologique des systèmes aquatiques ;

- et contribuer à l'accomplissement des fonctions sociales de ces systèmes.

Par ailleurs, plusieurs documents de planification sont élaborés périodiquement : un plan national de l'eau détermine les objectifs généraux à mettre en oeuvre pour six ans et les douze provinces établissent également leur propre document de planification en matière de politique de l'eau et participent, de même que les agences de l'eau, à la préparation des plans municipaux applicables aux eaux usées.

La préparation d'une loi sur la planification environnementale, susceptible d'être votée en 2018, pourrait offrir, selon l'OCDE, l'occasion de parachever les progrès déjà accomplis grâce à la loi sur l'eau et de remplacer tous ces plans stratégiques par un seul document intégré.

• Le coût de la politique de l'eau devrait s'alourdir

Le coût total annuel de la politique de l'eau, qui s'élevait à 7 milliards d'euros en 2010, pourrait atteindre 8 à 9 milliards d'euros en 2020. Notamment en raison des changements climatiques, l'OCDE observe que des charges supplémentaires pourraient en alourdir le coût dans les années à venir, au titre de la potabilité, de la qualité des eaux, de la gestion des crues et de la lutte contre les inondations.

La loi sur l'eau a prévu la création d'un fonds particulier, le « fonds delta », afin d'identifier les ressources affectées à la politique concernant l'ensemble du pays.

Le coût total de la politique de l'eau aux Pays-Bas s'élevait, en 2012, à 6,67 milliards d'euros, répartis entre les agences de l'eau (42 %), les compagnies de distribution d'eau potable (21 %), les communes (20 %), l'État (15 %) et les provinces (2 %). Le maintien de la qualité de l'eau absorbait les deux tiers des dépenses totales, tandis que la gestion de la qualité et du risque d'inondations n'en représentait respectivement que 17 % et 14 %. 94 % des dépenses relatives à la qualité de l'eau et à la lutte contre la pénurie (gestion des quantités) seraient payées par les consommateurs, tandis que l'essentiel du coût de la protection contre les inondations est financé par l'État.

Pour le coût de la fourniture d'eau potable, les prix variaient, en 2012, entre 1,09 et 2,07 euros par mètre cube.

b) Gestion des risques et qualité des eaux

• Inondations et sécheresse

Selon les zones, le risque encouru varierait entre une inondation tous les dix mille ans et tous les deux cent cinquante ans. Les mesures de mise en sécurité prises depuis la catastrophe de 1953, au cours de laquelle plus de 1 800 personnes avaient péri du fait d'une inondation, ont fait en sorte que, désormais, la population « ressent le risque d'inondation comme relativement faible ».

Le risque de manque d'eau pourrait se faire sentir « de façon significative » dans les années à venir à cause des changements climatiques (accroissement de la salinité due à l'entrée d'eau de mer, hausse des précipitations en hiver, sécheresse en été...).

• La qualité des eaux reste perfectible

Selon l'OCDE, les objectifs fixés par la DCE n'ont pas été atteints en 2015 , même si la qualité des eaux de surface est suffisante, exception faite de celles de la Meuse. Même après la mise en oeuvre des mesures prévues par cette directive, on estime qu'au plus 40 % des systèmes aquatiques atteindront les objectifs fixés par ce texte. Le Gouvernement n'a d'ailleurs fixé sa date limite pour améliorer la qualité de l'eau qu'à 2027.

Exception faite de la Meuse, si la qualité des eaux des rivières qui traversent le pays est suffisante, celle des surfaces gérées au niveau régional est insuffisante, plusieurs indicateurs tels que ceux issus de l'observation de la diversité des oiseaux ou de la quantité de nitrates constituant des motifs de préoccupation. En dépit d'une surface agricole réduite, les Pays-Bas sont en effet parmi les premiers exportateurs mondiaux de légumes, fruits, fleurs et viande, ce qui a une conséquence sur les quantités de nitrates et de phosphore dans l'eau. De fait, seulement 3 % des 723 masses d'eau identifiées aux Pays-Bas sont considérées comme « naturelles » tandis que 55 % sont « artificielles » et 42 % « fortement modifiées ».

Il s'ensuit que, selon l'OCDE, « on ne peut ignorer le relativement faible niveau d'ambition pour atteindre les objectifs de bon état des eaux prévus par la directive, dans la mesure où 86 % des masses d'eau font l'objet de dérogations actuellement. Dans le futur, cela pourrait être contesté par la Commission européenne ».

À l'inverse en matière de traitement des eaux urbaines résiduaires, les Pays-Bas font figure d'exemple en Europe.

3. La gestion privée au Royaume-Uni
a) Une ressource abondante

Les ressources en zones humides au Royaume-Uni sont importantes, avec notamment 400 000 kilomètres de rivières, près de 6 000 lacs d'une superficie de 2 000 kilomètres carrés, près de 1 000 kilomètres carrés de plaines inondables et environ 400 000 hectares d'autres zones humides telles que des marais, marécages ou des lagunages 68 ( * ) .

Publié en 2009, le premier plan de répartition par bassins du pays a été révisé en 2015. Il existe onze bassins en Angleterre et au Pays de Galles.

Le Royaume-Uni connaît un déséquilibre entre le Sud et l'Est, plus peuplés, où les pluies sont relativement moins abondantes que dans le Nord et l'Ouest, moins densément peuplés, d'autant que se poursuit un mouvement d'urbanisation et de concentration de la population qui touche spécialement le grand Londres et le Sud-Ouest et pourrait nécessiter de nouveaux investissements.

En 2008, l'utilisation moyenne d'eau par jour et par personne, en Angleterre et au Pays de Galles, s'élevait à 150 litres. La consommation destinée à l'irrigation est globalement faible (2 %), sauf dans certaines régions et à certaines périodes où elle peut égaler la distribution d'eau.

b) Une gestion aussi complexe que la nôtre

• Les acteurs

Plusieurs types d'entités, publiques et privées, participent à la mise en oeuvre de la politique de l'eau au Royaume-Uni.

Le ministère de l'environnement, de l'alimentation et de l'agriculture définit le cadre général de la politique de l'eau et de l'assainissement, soit l'édiction des normes, la préparation de la réglementation et la délivrance d'autorisations.

Créée en 1996, l' Agence de l'environnement est chargée de la réglementation des industries et des déchets de grande importance, du traitement des terres contaminées, de la qualité des ressources en eau, de la pêche, de la navigation sur les rivières intérieures, dans les estuaires et dans les ports, ainsi que de l'écologie et de la gestion du risque de crue.

L' Autorité de régulation des services de l'eau (Water Services Regulation Authority, Ofwat ), entité gouvernementale non ministérielle, a été créée par la loi sur l'industrie de l'eau de 1991. Elle a pour mission de protéger les intérêts des consommateurs, de veiller à la distribution de l'eau et à l'assainissement satisfaisant, dans le respect des licences attribuées aux distributeurs d'eau, et d'atteindre l'objectif de résilience entendue comme la « capacité à faire face à et à se remettre d'une perturbation, et à anticiper les tendances et les variations afin de maintenir les services pour les personnes et protéger l'environnement naturel aujourd'hui et dans le futur ».

La fourniture des services d'eau et d'assainissement a été privatisée au Royaume-Uni en 1989 . À cette occasion, les fonctions de distribution et celles de régulation ont été séparées, les premières étant confiées à des entreprises du secteur de l'eau titulaires d'une licence délivrée par les pouvoirs publics, les secondes à trois entités indépendantes créées à cette occasion : l'Autorité des rivières nationales devenue aujourd'hui l'Agence pour l'environnement, l'Inspection de l'eau potable et le Bureau des services de l'eau.

Trente-deux compagnies privées sont titulaires d'une licence , à durée limitée, dans le domaine de l'eau , dont dix-huit constituent des monopoles régionaux fournissant des services d'eau et/ou d'assainissement.

Il existe enfin des acteurs à l'échelle locale , qu'il s'agisse des collectivités territoriales ou de structures spécifiques à l'instar de celles qui sont chargées de la gestion des inondations.

• Les textes

La législation anglaise comporte plusieurs lois relatives à l'eau, qu'il s'agisse de la fourniture des services ou de la gestion des risques liés à l'eau, notamment celle sur l'industrie de l'eau de 1991 et celle sur l'eau de 2014.

La première a créé l'Autorité de régulation de l'eau et encadré les services de distribution d'eau et d'assainissement.

La seconde a pour objectifs essentiels de réformer le marché de l'eau, afin de le rendre plus innovant et plus sensible aux besoins des consommateurs, et d'améliorer les conditions de la fourniture d'eau en cas d'aléas naturels (sécheresse, crues...). Elle a attribué à l'Ofwat un nouveau rôle, transversal, pour mieux garantir le service à long terme et anticiper les changements nécessaires à l'amélioration de la régulation de l'industrie de l'eau.

L'Ofwat est notamment chargée de la régulation des prix et de la protection des consommateurs. Elle détermine périodiquement le tarif maximal qu'une entreprise du secteur de l'eau peut facturer aux consommateurs.

Le captage est facturé en fonction de la consommation dans l'agriculture, la distribution domestique et publique, et la production industrielle et énergétique. Le prix de vente au consommateur tient compte de la rareté, de la variation des coûts par rapport à l'importance de la licence, de la façon dont l'eau est consommée, de la source de distribution et de la périodicité de la licence.

Pour la période 2014-2015, la facture moyenne nationale était de 396 livres, soit environ 490 euros. À l'horizon 2019-2020, l'objectif serait d'obtenir une baisse de 2 %, pour la ramener à 376 livres, soit environ 465 euros. L'Ofwat estime à 54,9 milliards d'euros l'investissement en matière d'amélioration des services, d'amélioration de la « résilience » et de protection de l'environnement pour les cinq années de l'étude.

c) La politique de sécurité et la qualité des eaux

• Le risque inondation

En Angleterre, près d'une propriété sur six court le risque d'être inondée . Au niveau local, des autorités compétentes en matière de lutte contre les inondations sont chargées de la mise en oeuvre de la stratégie relative à la gestion des risques pour leur zone géographique. À l'échelle régionale, des comités régionaux compétents en matière d'inondations et de questions touchant aux côtes s'assurent de la cohérence des projets mis en oeuvre pour gérer les risques d'inondation et d'érosion côtière et encourager la réalisation d'investissements efficaces.

• Le risque sécheresse

L'Agence pour l'environnement a publié, en 2015, un rapport sur le risque de sécheresse en Angleterre où trois types de pénurie sont susceptibles de survenir , ensemble ou séparément : la sécheresse environnementale, la sécheresse agricole et la sécheresse par manque de fourniture d'eau.

La sécheresse est considérée comme une « urgence civile » qui mobilise à la fois l'Agence pour l'environnement, pour assurer la surveillance stratégique et prendre en charge les mesures destinées à réduire l'impact d'une sécheresse sur l'environnement, les utilisateurs d'eau, les entreprises du secteur de l'eau, qui gèrent la fourniture d'eau pour leurs clients, et le Gouvernement, qui met en oeuvre des politiques liées aux ressources en eau.

Toutes les entreprises du secteur de l'eau sont tenues de disposer d'un « plan sécheresse » décrivant les actions qu'elles mettront en oeuvre pour réduire le risque et assurer la continuité de l'approvisionnement. Des procédures organisent une meilleure flexibilité dans la gestion des ressources aquatiques en cas de pénurie exceptionnelle d'eau. Tel est le cas des « permis de sécheresse », qui autorisent les entreprises à capter de l'eau dans certaines sources ou à modifier ou suspendre les obligations contenues dans la licence de prélèvement d'eau qui leur a été attribuée, et des « ordres de sécheresse », qui portent sur les rejets d'eau ainsi que sur les autres prélèvements et autorisent également les entreprises à interdire ou limiter l'utilisation de l'eau par les consommateurs.

• La qualité des eaux s'améliore

La Royal Geographical Society notait, en 2012, dans une étude qu'elle consacrait aux défis de la politique de l'eau, une détérioration de la qualité de la ressource tirée des nappes phréatiques pour la consommation humaine au Royaume-Uni, tandis qu'en Ecosse 64 % des eaux de surface et 76 % des eaux souterraines étaient considérées comme de bonne qualité.

L'eau est testée au quotidien par les entreprises qui la distribuent. Des inspecteurs de l'eau potable vérifient, quant à eux, ces tests de façon indépendante et évaluent les performances des laboratoires des entreprises concernées.

En 2014, les entreprises de distribution d'eau ont réalisé plus de 3,8 millions de tests en Angleterre, que l'eau arrive à son point de distribution ou qu'elle quitte le système de traitement ou un réservoir de stockage. Il en est résulté que seulement 0,04 % des échantillons ne respectaient pas les normes en vigueur, ce qui correspond à une nette amélioration par rapport à la fin du XX e siècle, où le même indicateur variait entre 1,5 % et 2 %.

Deux questions :

On constate que l'appréhension des problèmes de l'eau par la réglementation européenne se fait plutôt sous le prisme anglo-saxon d'une ressource abondante.

Ne faudrait-il pas désormais changer cette vision et en avoir une approche plus méditerranéenne ?

Dans un contexte d'eau contingentée et de multiplication des pics de chaleur, utiliser l'eau disponible pour assurer l'irrigation ou le maintien d'étiage permet aussi de favoriser l'évapotranspiration et de réduire le niveau des températures en milieu rural comme en milieu urbain.

Si l'on veut réduire le fossé qui a pu se creuser entre la ville et la campagne, ne serait-il pas opportun de songer à le remplir d'eau en hiver pour l'utiliser en été afin d'avoir moins chaud et de mieux vivre ensemble 69 ( * ) ?


* 66 Cette section a été établie à partir de la note n° 268 rédigée par la division de législation comparée du Sénat, qui figure en annexe.

* 67 L'essentiel des informations provient du rapport OCDE, Water Governance in the Netherlands. Fit for the future?, 2014, commandé par le président des agences de l'eau des Pays-Bas .

* 68 Royal Geographical Society, Water policy in the UK. The challenges, Londres, 2012.

* 69 D'après la formule astucieuse de Jean-François Berthoumieu, président du Cluster Eau & Adaptation au changement climatique.

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