CONCLUSION

Pour conclure, il ne fait aucun doute que le contrôle des conditions de maintien des droits des boursiers doit être amélioré et corrigé , afin de garantir une meilleure efficacité de la dépense publique et surtout une plus grande égalité de traitement entre les étudiants.

Au-delà, le présent rapport met également en évidence l'important défi de l'orientation des jeunes bacheliers , en particulier à l'université .

En effet, de nombreux étudiants s'inscrivent dans des formations qui ne les satisfont pas , soit parce que, mal renseignés ou encore indécis, ils se sont inscrits sans connaître réellement la teneur du cursus, soit parce que cette formation constitue un pis-aller, n'ayant pas été retenus dans leur premier choix d'orientation.

La bonne orientation des étudiants , bien en amont de leur inscription dans l'enseignement supérieur, doit donc constituer un axe prioritaire de l'action du ministère .

Recommandation n° 12 : Faire de l'orientation des étudiants un axe réellement prioritaire de l'action du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche .

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 29 juin 2016, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a entendu une communication de M. Philippe Adnot, rapporteur spécial, sur le contrôle des conditions de maintien des droits des étudiants boursiers .

M. Philippe Adnot , rapporteur spécial de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». - Les aides sociales directes dont bénéficient les étudiants issus des milieux les plus modestes sont destinées à favoriser l'égal accès à l'enseignement supérieur en réduisant les inégalités sociales. Les bourses sur critères sociaux constituent le coeur du dispositif.

Les aides sociales directes bénéficient ainsi à plus du tiers des étudiants inscrits dans une formation y ouvrant droit (35,8 %), ce qui est considérable. Le nombre de boursiers sur critères sociaux a considérablement augmenté, pour atteindre 660 000 étudiants au cours de l'année universitaire 2014-2015 et cette tendance devrait se poursuivre compte tenu de l'augmentation permanente du nombre d'étudiants.

Parallèlement, en moins de dix ans, les bourses sur critères sociaux ont été renforcées, avec notamment le versement d'un dixième mois, la création de nouveaux échelons ainsi que le relèvement des montants de bourses et des plafonds de ressources.

Sous l'effet de l'ensemble de ces éléments, la dépense publique afférente aux aides sociales directes des étudiants a atteint plus de deux milliards d'euros en 2014.

En contrepartie de cette aide financière, l'étudiant boursier doit suivre la formation pour laquelle il bénéficie de cette aide. Ainsi, un décret du 16 avril 1951, codifié à l'article D. 821-1 du code de l'éducation, précise que « si l'étudiant ne remplit pas les conditions générales de scolarité et d'assiduité auxquelles est subordonné son droit à la bourse, il est tenu au reversement des sommes indûment perçues ». Selon la circulaire annuelle qui fixe les modalités d'attribution des bourses sur critères sociaux, l'étudiant doit ainsi être assidu aux cours et présent aux examens.

L'étudiant est donc soumis à une obligation de moyen - suivre les cours, passer les examens - mais n'a pas d'obligation de résultat, à tout le moins dans un premier temps. En effet, c'est seulement à compter de son troisième droit à bourse que l'étudiant devra tout de même justifier de sa progression avec la validation d'un nombre minimal de crédits ECTS ( European Credit Transfer and Accumulation System ), de semestres ou d'années.

Ces aides doivent profiter à des étudiants qui suivent réellement les enseignements pour lesquels ils se sont inscrits. Pourtant, j'ai pu constater que cela n'allait pas de soi en pratique.

Ce contrôle budgétaire ne vise pas à rechercher des économies sur le budget de l'enseignement supérieur ...

M. Michel Bouvard . - Dommage !

M. Philippe Adnot . - ...ni à réduire les aides sociales versées aux étudiants. Au contraire, l'objectif est d'améliorer la qualité et l'efficacité de la dépense publique, afin de préserver les bourses sur critères sociaux qui permettent aux étudiants issus des milieux les plus modestes d'étudier dans de bonnes conditions.

Pour ce contrôle, j'ai réalisé plusieurs déplacements, à Toulouse, à Rennes, entendu de nombreuses personnes en audition et envoyé un questionnaire à l'ensemble des universités. 80 % d'entre elles m'ont répondu.

Plusieurs constats s'imposent à la suite de ce travail de contrôle.

Premier constat, le nombre actuel d'étudiants boursiers déclarés non assidus serait, selon le ministère de l'enseignement supérieur, très faible.

Si l'on suit les résultats de l'enquête annuelle menée par la direction générale de l'enseignement supérieure et de l'insertion professionnelle (DGESIP), seuls 3 % des étudiants boursiers seraient déclarés non assidus, soit un peu moins de 14 000 étudiants pour l'année 2013-2014. Nous sommes, à mon sens, loin de la vérité.

Le défaut d'assiduité serait ainsi principalement constaté à l'université (avec 86 % des non-assidus pour 79 % des boursiers), avec une forte concentration sur la première année de licence. Les ordres de reversement ne représenteraient que 12,72 millions d'euros.

Si la direction générale des finances publiques (DGFiP) n'a pas été en mesure de m'indiquer le taux de recouvrement global des sommes indûment perçues, les directions régionales des finances publiques (DRFiP) que j'ai eu l'occasion de rencontrer ont estimé qu'environ 30 % étaient effectivement recouvrés.

Le nombre réduit d'étudiants déclarés non assidus peut s'expliquer par le fait qu'un certain nombre d'établissements ne contrôlent que très partiellement cette assiduité.

Deuxième constat, le contrôle est réalisé selon des pratiques très hétérogènes par les établissements d'enseignement supérieur et, à l'intérieur même de ces établissements, par les différentes unités de formations et de recherche.

Le contrôle d'assiduité aux cours et de présence aux examens relève de la responsabilité des présidents d'universités, des chefs d'établissements, pour les lycées ayant des classes préparatoires aux grandes écoles ou des sections de techniciens supérieur, et des directeurs d'école.

J'ai été frappé par l'absence d'harmonisation et la grande hétérogénéité des pratiques, entre les établissements mais également au sein même de certaines universités.

Ainsi, dans les lycées, les écoles et les instituts universitaires de technologie (IUT), le contrôle est particulièrement poussé puisque les absences, qui se mesurent en demi-journées, y sont en général faiblement tolérées. En outre, la présence des élèves est vérifiée à chaque heure de cours.

En revanche, au sein des universités, le contrôle de l'assiduité des étudiants est bien plus limité et peut s'avérer quasi inexistant.

Tout d'abord, l'assiduité aux cours des étudiants boursiers n'est vérifiée que de façon très aléatoire. Cela se comprend aisément pour les cours magistraux, en particulier dans les amphithéâtres, encore que certains établissements pratiquent des contrôles. Certains n'y sont, en revanche, pas favorables par principe.

En revanche, il est beaucoup moins compréhensible que, s'agissant des travaux dirigés et des travaux pratiques, où le nombre d'étudiants s'avère beaucoup plus limité. Moins de la moitié des universités ont indiqué s'appuyer sur l'assiduité aux travaux dirigés car les contrôles n'y seraient, soit par réalisés, soit peu fiables. Certains enseignants seraient même hostiles à l'idée de faire l'appel, considérant qu'ils travaillent avec de jeunes adultes responsables !

Dans de nombreux cas, le contrôle de l'assiduité des étudiants boursiers se limite donc uniquement à leur présence aux examens. Si cela peut paraître trop peu, il faut savoir que, dans plusieurs universités, il suffit même d'être présent à une seule épreuve pour justifier du versement de dix mois de bourse, ce qui paraît déjà très contestable. Or, à ceci s'ajoute le fait que, dans le cadre de l'épreuve, le boursier peut se contenter de rendre une « copie blanche » pour que sa présence soit validée. Je ferai de ce scandale des « copies blanches » le titre de mon rapport.

Les établissements justifient cette pratique, qui n'est pas exceptionnelle, en indiquant que la circulaire prévoit bien une « présence aux examens » et non l'obligation pour l'étudiant de rendre une « vraie » copie ni d'obtenir une note minimale.

Certaines épreuves peuvent ainsi enregistrer entre 30 % et 50 % de copies blanches. Ces étudiants sont clairement identifiés puisqu'ils s'installent dans l'amphithéâtre sans réaliser un seul effort pour faire l'examen et attendent que la durée de présence minimale exigée soit écoulée. Cela peut perturber ceux qui sont venus pour passer réellement leur examen.

Bien entendu, ces « faux étudiants » ne sont pas nécessairement des boursiers sur critères sociaux et peuvent être là pour bénéficier plus simplement du statut d'étudiant. Certaines unités de formations et de recherche (UFR) sont apparemment connues pour être plus légères dans la réalisation de leur contrôle d'assiduité.

Enfin, cas le plus extrême, il arrive également que certaines universités ou UFR ne déclarent aucun étudiant comme non assidu au cours d'une année. Ces situations s'expliquent, soit par la défaillance de l'organisation administrative, soit par une volonté délibérée des enseignants ou de l'université.

Cette situation conduit donc à ce que des étudiants non assidus bénéficient, sans difficulté, de dix mois de bourses, tout en créant une importante différence de traitement entre boursiers.

Certaines universités tentent de renforcer leurs modalités de contrôle d'assiduité et à harmoniser les pratiques. Elles se heurtent toutefois à la définition imprécise de l'assiduité dans la circulaire mais aussi aux réticences de certains enseignants et étudiants.

Troisième constat, à la faiblesse du contrôle réalisé s'ajoute le fait que l'information remonte généralement bien trop lentement vers les centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS).

Les universités attendent généralement la fin du premier semestre pour leur signaler les étudiants non assidus, après que les CROUS leur ont fait parvenir la liste des étudiants boursiers.

Au mieux, les retours se font, pour le premier semestre, en mars ou avril. L'information de la non-assiduité de l'étudiant parvient au CROUS bien trop tard, les universités ne renvoyant parfois ces listes qu'en juillet ! Cela rend, de fait, impossible la suspension de la bourse et difficile le recouvrement des indus.

Quatrième constat, du point de vue de la procédure, la multiplicité des acteurs crée, par ailleurs, dilution des responsabilités et lenteur de mise en oeuvre.

Quatre acteurs différents interviennent pour la gestion des bourses et, plus spécifiquement, dans le cadre du contrôle d'assiduité : les rectorats, les CROUS, les présidents d'universités, directeurs d'école ou chefs d'établissement et les DRFiP.

Comme le dit la Cour des comptes, le circuit d'instruction et de paiement est complexe. En conséquence, aucun de ces quatre protagonistes ne se sent réellement responsable de l'effectivité du contrôle d'assiduité. Les CROUS ont, toutefois, manifesté leur intérêt pour que les pratiques évoluent. Je n'ai pas senti la même volonté des rectorats qui auraient pourtant dû, en principe, jouer un rôle d'impulsion dans l'harmonisation et la qualité des pratiques.

En outre, l'interaction de ces multiples acteurs conduit à allonger considérablement les délais de traitement des dossiers des boursiers déclarés non assidus. Les ordres de reversement sont émis très tardivement, rendant difficile le travail des DRFiP. Celles-ci se retrouvent ainsi à envoyer des titres de perception pour demander le recouvrement de sommes plusieurs mois, voire plusieurs années après la fin de l'année universitaire en cause.

En tout état de cause, on comprend que le recouvrement des bourses ne peut constituer une priorité pour les DRFiP, compte tenu des faibles montants généralement en jeu, avec 2 300 euros en moyenne par titre. Ce travail peut également s'avérer très difficile car la population étudiante est très mobile et généralement peu solvable.

À partir de ces constats, il apparaît qu'une réforme du contrôle des conditions de maintien des droits à bourses s'avère indispensable, avec un réel suivi de l'assiduité de l'étudiant boursier. Il convient, à tout le moins, de s'assurer que l'étudiant boursier a bien procédé à son inscription pédagogique, et non seulement à son inscription administrative.

En outre, l'hétérogénéité des pratiques actuelles crée une inégalité de traitement entre les étudiants qui ne peut être acceptée. Cela vaut non seulement entre étudiants boursiers mais également vis-à-vis de ceux qui ne le sont pas et qui, pour réussir leurs études, doivent travailler, sans aucune aide de l'État. Il convient de s'assurer que le versement de la bourse a bien sa contrepartie, à savoir suivre des études.

Il convient avant tout de garantir une plus grande équité entre les étudiants et l'attestation du « service fait ». Pour cela, sans remettre en cause l'autonomie des universités, les modalités du contrôle d'assiduité attendues des établissements d'enseignement supérieur doivent être plus précisément définies au niveau national.

Ensuite, et je rejoins sur ce point l'analyse de la Cour des comptes, il convient, soit de développer un véritable contrôle d'assiduité des étudiants, soit d'instaurer, en complément ou en substitution, une obligation de réussite. Si la Conférence des présidents d'universités m'a indiqué que le développement du contrôle continu permettrait un meilleur suivi de l'assiduité, il convient aussi d'adapter nos procédures aux nouveaux modes d'enseignement, notamment avec le développement de l'enseignement à distance, pour lesquels l'obtention d'un résultat minimal pourrait être la solution.

Pour renforcer le contrôle d'assiduité, la présence aux cours devrait se concentrer sur les travaux dirigés et les travaux pratiques où l'appel ou l'émargement devrait être systématique.

Parallèlement, il conviendrait d'imposer la présence à tous les examens. L'émargement à une seule épreuve, pour laquelle une simple copie blanche serait rendue, ne saurait suffire.

Dans l'hypothèse où les universités seraient réticentes ou dans l'incapacité de réaliser un tel contrôle, une obligation de réussite pourrait également être instaurée dès la première année.

Ainsi, en l'absence de contrôle d'assiduité aux cours, les universités pourraient coupler l'exigence de présence aux examens à l'obtention d'un nombre minimal de crédits ECTS ou d'une moyenne plancher sur l'ensemble des épreuves. L'obligation d'obtenir un résultat minimal pourrait même se substituer intégralement à l'obligation d'assiduité dans certains cas.

Ensuite, alors que le recouvrement des sommes indûment perçues s'avère difficile, il convient de suspendre au plus vite les bourses d'étudiants non assidus et de réduire les délais actuellement constatés.

Tout d'abord, les étudiants boursiers qui ne souhaiteraient pas réellement suivre les cours doivent être repérés le plus rapidement possible.

À cet effet, il convient de rendre effectif le contrôle de l'inscription pédagogique de l'étudiant à compter d'une certaine date. Dans l'idéal, lorsque le calendrier de la formation universitaire le permet, le premier versement de la bourse devrait même être conditionné par l'inscription pédagogique de l'étudiant.

Les systèmes d'information et leur interfaçage devraient également être améliorés afin de faciliter le travail des personnels concernés et d'automatiser les contrôles. Actuellement, les interventions humaines sont trop nombreuses et il paraît incroyable que des fichiers Excel continuent d'être échangés entre les CROUS et les établissements d'enseignement supérieur. Les universités devraient, en outre, être en mesure de suspendre elles-mêmes l'aide versée en cas d'identification d'un boursier non assidu, comme c'est déjà le cas pour les lycées ou les écoles. Cela aurait également pour mérite de les responsabiliser davantage.

Enfin, afin de simplifier les procédures avec l'intervention de quatre acteurs, le transfert de la gestion complète des bourses au réseau des oeuvres universitaires et scolaires pourrait être étudié. Il pourrait également être envisagé de confier cette compétence aux universités.

Pour que le contrôle d'assiduité des étudiants boursiers soit effectivement réalisé, l'ensemble des acteurs doit se sentir investi. Les établissements d'enseignement supérieur ont, en tout état de cause, tout intérêt à s'assurer de l'assiduité de leurs étudiants. La présence de « faux » étudiants nuit à l'image des établissements universitaires qui les accueillent, notamment en faisant chuter leur taux de réussite. En outre, l'affluence d'un nombre important d'étudiants à la rentrée universitaire crée ainsi des difficultés aux universités en termes de prévision des moyens, comme le soulignent certains présidents d'établissements.

Afin d'inciter davantage les universités à réaliser ces contrôles, ceux-ci pourraient constituer un indicateur de leur performance pour déterminer leur dotation annuelle.

Enfin, il convient d'éviter que d'éventuels abus ne se prolongent trop longtemps. À l'heure actuelle, un étudiant pour lequel un ordre de reversement a été émis en raison d'un défaut d'assiduité peut bénéficier d'un nouveau droit à bourse dès l'année universitaire suivante, sans avoir procédé au remboursement requis. Cela ne me paraît pas normal. Aussi, je vous propose de revenir sur ce principe, en prévoyant que, tant que le remboursement n'a pas été opéré, le CROUS ne peut accorder un nouveau droit à bourse.

En conclusion, tous les étudiants ne sont, naturellement, pas des fraudeurs et les étudiants « fantômes » ne sont pas tous boursiers. Surtout, un des principaux défis de l'enseignement supérieur concerne l'orientation des étudiants. En effet, parmi les non-assidus, ne figurent pas nécessairement que des étudiants « fantômes » qui viennent profiter d'un système, mais bien de nombreux jeunes qui se sont inscrits dans une formation qui, soit ne leur convient pas car ils étaient mal renseignés ou indécis, soit ne constituait pas leur premier choix. Lorsqu'un dispositif efficace aura été mis en place pour l'orientation des étudiants, le suivi de leur assiduité pourra réellement être assuré.

J'ai eu beaucoup de surprises avec ce contrôle et j'ai pu constater à la fois des personnes très engagées et d'autres, au contraire, très désinvestis. Le nombre de boursiers non assidus est probablement bien plus élevé que le pourcentage de 3 % qui ressort actuellement de l'enquête annuelle du ministère. Certains ont avancé le chiffre de 30 %, cela me paraît excessif mais si atteignait 15 % à 20 %, les sommes en jeu seraient bien plus conséquentes et doivent servir à aider les étudiants qui, travaillant pour réussir leurs études, le méritent.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Il est utile que la question du contrôle des conditions de maintien des droits des étudiants boursiers, généralement peu examinée, ait pu faire l'objet d'un travail approfondi de Philippe Adnot. Il ne fait aucun doute, comme il l'a souligné, que les moyens consacrés aux étudiants boursiers gagneraient à être mieux utilisés.

Je souhaiterais insister sur les difficultés inhérentes à la gestion des indus et à leur recouvrement, ainsi que sur les coûts administratifs qui en découlent. Il faudrait impérativement s'attacher à limiter l'apparition des indus et, pour ce faire, faciliter les contrôles. Ceci pourrait, notamment, être permis par le développement des systèmes d'information. Y a-t-il, aujourd'hui, un manque de volonté ou encore une insuffisance des moyens informatiques qui seraient susceptibles de faire obstacle à un renforcement des contrôles ?

M. Michel Bouvard . - Dans le cadre de mes activités à la Cour des comptes, j'avais également eu à connaître du problème identifié par Philippe Adnot. Ainsi, il m'était apparu que plusieurs « leviers » pouvaient être mobilisés en vue de le résoudre. En premier lieu, les recteurs d'académie, qui sont également chanceliers des universités, devraient davantage être mis à contribution dans le pilotage du contrôle de l'usage des bourses. En second lieu, les dotations versées aux universités pourraient être mobilisées afin d'inciter les établissements à mieux contrôler l'assiduité des étudiants boursiers. Auparavant, ces dotations n'intégraient pas la compensation de l'exonération des frais d'inscription de ces derniers ; or, tel n'est plus le cas aujourd'hui ! Par conséquent, l'on pourrait envisager une minoration de l'enveloppe compensatoire dès lors que le système de contrôle d'un établissement se révèle défaillant.

En outre, un affermissement des contrôles permettrait de mieux appréhender le coût réel des « faux étudiants », qui perçoivent non seulement des bourses d'étude, mais aussi des aides personnelles au logement... Il s'agit probablement d'un autre gisement d'indus.

Enfin, s'agissant du recouvrement des bourses indues, il pourrait être utile, à mon sens, d'examiner la situation fiscale des étudiants concernés. Dans l'hypothèse où un bénéficiaire abusif serait rattaché au foyer fiscal de ses parents, il ne serait pas illégitime que ces derniers puissent être appelés à reverser les sommes indûment perçues.

M. André Gattolin . - Méfions-nous des approches strictement comptables pour davantage examiner la réalité des choses. Mes fonctions d'enseignement m'ont permis de constater que le contrôle de l'assiduité se faisait sans difficulté dans le cadre des masters, où les effectifs sont généralement réduits. Mais comment effectuer un contrôle de la présence des étudiants lors des cours d'amphithéâtre donnés en licence, qui peuvent réunir plusieurs centaines de personnes ? Les moyens administratifs dont disposent les universités ne le permettent certainement pas. Par ailleurs, le contrôle de l'assiduité peut se révéler fortement chronophage pour les enseignants eux-mêmes ; à l'occasion d'interventions dans des formations continues, j'ai pu être amené, pour chaque cours donné, à consacrer une vingtaine de minutes au contrôle de la présence des participants ainsi qu'aux démarches administratives y afférent ! S'il faut sans doute renforcer les contrôles en la matière, il convient toutefois de rester réaliste quant à leur mise en oeuvre...

M. Maurice Vincent . - Le travail réalisé par Philippe Adnot soulève un véritable problème. Toutefois, ce dernier concerne essentiellement les premières années des filières généralistes. Une fois le « cap » de la première année de licence franchi, les étudiants se montrent généralement assidus. Concernant le contrôle de la présence des étudiants, je tiens à souligner que celui-ci n'est possible que dans le cadre des travaux dirigés, mais pas dans celui des cours magistraux, dont les effectifs sont trop importants. Par ailleurs, un renforcement des contrôles peut se heurter, d'une part, à la « culture » des professeurs des universités et des maîtres de conférences et, d'autre part, à la diversité des acteurs intervenant en première année de licence, qui comprennent des vacataires, des personnes issues du secteur privé, etc.

Certaines préconisations que vous faites me paraissent intéressantes, notamment pour réduire le nombre d'intervenants dans la procédure. En revanche, j'estime injuste l'idée que l'attribution d'une bourse universitaire puisse être conditionnée à la réussite aux examens. Un étudiant peut parfaitement se montrer assidu mais échouer aux examens...

Pour finir, si l'on souhaite améliorer l'équité et l'efficacité de la dépense publique et améliorer le système de financement de l'enseignement supérieur, il convient de considérer le cloisonnement entre les filières sélectives, où la dépense publique est considérable, et les autres. Compte tenu de l'origine sociale de la majorité des étudiants inscrits dans des formations sélectives et de leur bonne intégration au marché du travail, les droits d'inscription dans ces dernières pourraient être significativement accrus.

M. Roger Karoutchi . - Je considère que la remise en question des bourses au mérite a constitué une grave erreur. Le système actuel d'attribution des bourses, fondé sur des critères généraux, est injuste, dans la mesure où il ne permet pas un examen personnalisé et donc adapté au dossier de chaque étudiant.

Contrairement à André Gattolin, je ne pense pas que les moyens administratifs à la disposition des universités pour procéder au contrôle de la présence des étudiants boursiers soient insuffisants. Le problème réside, en réalité, dans le refus des dirigeants universitaires de s'occuper de telles questions.

Rétablir des critères de réussite conditionnant le maintien des bourses ne me paraîtrait pas inopportun ; certes, il ne s'agirait pas d'exiger la réussite à tous les examens, mais, selon moi, à tout le moins, l'obtention d'une moyenne générale minimale.

M. Marc Laménie . - Le problème identifié par le rapporteur recouvre certainement des situations hétérogènes selon les établissements universitaires. Pour autant, serait-il possible à Philippe Adnot de m'indiquer s'il a été observé, au cours des dernières années, une augmentation du montant des bourses indûment perçues ? Est-il parvenu à recueillir des données chiffrées sur ce point ?

M. François Marc . - Deux exigences me semblent devoir effectivement guider une meilleure gestion des bourses étudiantes. Tout d'abord, il est essentiel d'assurer la cohérence des pratiques entre les universités. Ensuite, les systèmes d'information devraient être mieux utilisés à des fins de contrôle, comme le préconise d'ailleurs le rapporteur.

Je constate que les problèmes d'assiduité concernent avant tout les premières années universitaires. Aussi, selon moi, cette situation n'est pas sans lien avec les difficultés relatives à l'orientation des étudiants, qui produit indubitablement des effets pervers.

Je souhaiterais formuler deux remarques concernant les recommandations avancées par Philippe Adnot. Premièrement, les enseignants-chercheurs n'ont pas vocation à être des « contrôleurs », en particulier dans des amphithéâtres réunissant quelques centaines d'étudiants. Je ne suis pas convaincu que ce soit aux universités de suspendre les bourses. Deuxièmement, conditionner le maintien des bourses à la réussite aux examens pourrait s'avérer problématique dès lors que l'on sait que, pour financer leurs études, beaucoup d'étudiants sont contraints de travailler...

M. André Gattolin . - Près de 45 % d'entre eux !

M. François Marc . - ...ce qui peut conduire à des échecs. Je ne suis pas certain qu'un tel critère doive être retenu.

M. Éric Doligé . - Je remercie Philippe Adnot pour ce rapport extrêmement concret et intéressant. J'ai entendu Maurice Vincent qui a indiqué qu'il fallait optimiser les dépenses de l'État mais je constate, au fil des interventions, qu'il y a toujours des arguments pour éviter d'aller jusqu'au bout. Cela me rappelle les arguments entendus lors de l'examen d'une proposition de loi sur le revenu de solidarité active (RSA) que j'avais déposée : dès que l'on souhaite contrôler, cela pose un certain nombre de problèmes. Ceci étant, j'aimerais savoir s'il existe une réflexion analytique sur le coût global des phénomènes décrits, au-delà des indus. Si 1 % à 2 % des étudiants inscrits ne suivent pas les cours, cela pose des problèmes de fonctionnement général, d'ordre administratif ou encore de mise à disposition de locaux. Le rapporteur s'est-il penché sur la question de la course à l'inscription dans les universités ? Certaines universités mettent en effet en avant le nombre d'étudiants inscrits et leur progression pour demander des moyens supplémentaires. On s'aperçoit ensuite qu'un certain nombre de ces étudiants sont peu assidus. Y a-t-il une durée maximale pour l'attribution de bourses sur critères sociaux ? Dans certaines universités, on trouve en effet des étudiants inscrits depuis plus de dix ans.

M. Daniel Raoul . - Je pense que le problème se situe essentiellement en première année universitaire. Certains étudiants sont affectés dans des disciplines ou des filières qui ne correspondent pas à leurs souhaits initiaux ou à leurs aptitudes, ce qui peut advenir après avoir inscrit ses voeux dans le système informatisé « Admission post-bac ». Le deuxième groupe d'étudiants absents en première année correspond à ceux qu'on appelle les « faux étudiants », qui s'inscrivent pour accéder aux services du CROUS ou à certaines prestations comme les aides personnelles au logement.

Je ne suis pas d'accord avec la proposition de rendre obligatoire le critère de réussite à l'examen pour bénéficier d'une bourse. Il faut laisser un droit au redoublement. De plus, avec le système de crédits ECTS, dans lequel on peut passer dans une année supérieure sans avoir validé la totalité des crédits, comment définit-on la réussite ? En revanche, une obligation de présence aux épreuves d'examen me paraît être le minimum. Quant à la présence physique aux travaux dirigés et aux cours, elle me semble moins nécessaire avec les moyens technologiques actuels et l'accès aux enseignements en ligne.

M. Jean-Claude Boulard . - Dès lors qu'une obligation d'assiduité au Sénat a été instaurée, il ne me paraît pas contestable d'étendre une telle obligation aux étudiants dans les universités. Personnellement, je n'avais jamais été rémunéré pour ma présence mais pour la qualité de mon travail. J'ai appris à pointer, je l'ai accepté. Deuxièmement, je suis consterné d'entendre que ce ne serait pas le rôle des professeurs de rappeler les règles d'assiduité et de contrepartie due à la collectivité. Dans mon école, au village, une règle de morale était écrite chaque jour au tableau et commentée. Une connaissance ne sert à rien si elle n'est pas intégrée dans des règles de comportements. Cette carence est grave. Toutes les excuses et tous les laxismes sont possibles mais la solidarité ne peut être durablement mise en oeuvre que si elle s'accompagne de rigueur. Bien sûr, il faut des critères clairs et objectifs. Bien sûr, le contrôle est plus difficile dans les amphithéâtres, mais je crois qu'il en va de l'honneur de l'ensemble des étudiants de sanctionner un certain nombre de comportements, tel que celui des « copies blanches » que je découvre, afin de redonner du crédit collectif à l'ensemble de l'université.

M. Philippe Adnot , rapporteur spécial de la mission « Recherche et enseignement supérieur » . - Pour répondre au rapporteur général, je confirme que le rapport coût-efficacité peut être jugé trop faible pour lancer des procédures permettant de récupérer les indus de bourse. Le plus simple serait donc d'appliquer le principe selon lequel une personne qui présente des indus non recouvrés ne peut recevoir une nouvelle bourse.

Comme Michel Bouvard, je considère que le recteur devrait jouer un rôle essentiel en tant que responsable de la gestion des bourses. Pour les universités, jouer sur la compensation boursière serait en effet plus simple. Le coût réel est une question importante car, aujourd'hui, un étudiant peut être déclaré non assidu tout en continuant à bénéficier de l'ensemble des avantages du système.

André Gattolin a souligné qu'il était difficile de contrôler dans les amphithéâtres mais mon propos sur l'assiduité portait surtout sur les travaux dirigés. Par ailleurs, il est vrai que l'essentiel des difficultés se concentre sur la licence.

Il n'était pas du tout dans mon intention d'exiger le critère de réussite totale à l'examen. Mais il faut un minimum de notation ou de travail justifiant que la personne a bien étudié. Certains étudiants m'ont fait observer, comme Daniel Raoul, qu'il existe aujourd'hui des moyens pour étudier sans être présent aux cours et tout de même réussir. Mais il faut faire la preuve d'un effort pour étudier. Je suis d'accord avec Maurice Vincent sur l'augmentation des droits d'inscription que, pour ma part, j'appliquerais toutefois à toutes les filières. Cette augmentation donnerait en effet des marges de manoeuvre aux universités, d'autant plus que les étudiants boursiers sont dispensés de droit d'inscription.

En réponse à Éric Doligé, je souhaitais indiquer que l'on ne peut obtenir les sept droits à bourse sans progression dans ses résultats à compter de la troisième année.

Roger Karoutchi a raison de souligner que le système d'attribution n'est pas efficace. Le bon fonctionnement du système dépend en grand partie des personnes responsables. Nous avons constaté que, dans des universités comptant un très grand nombre d'étudiants, le contrôle d'assiduité existe, tandis qu'il n'existe pas nécessairement dans certaines universités plus petites.

Je souhaitais préciser à Marc Laménie que le problème est que les statistiques sont très récentes et que les administrations responsables ne disposaient pas nécessairement des modalités de contrôle pratiquées, celles qui vous ont été présentées provenant du questionnaire que j'ai adressé.

Je suis assez d'accord avec François Marc concernant l'amélioration de la pratique de l'orientation. Cela éviterait d'avoir des décrocheurs et des gens qui ne suivent pas les cours, tout simplement parce qu'ils se sont trompés d'orientation. Vous indiquez que le rôle des enseignants n'est pas de faire office de « contrôleur » mais, à l'instar de Jean-Claude Boulard, je considère qu'il est normal de s'intéresser aux résultats de ses étudiants. Plus on s'y intéresse, plus vite l'on peut identifier les « décrocheurs » et les réorienter.

Comme l'a souligné Éric Doligé, la question du coût global est en effet essentielle. La course au nombre d'inscrits a bien existé mais le nombre d'étudiants n'est plus aussi déterminant pour l'attribution des dotations budgétaires.

Je suis tout à fait d'accord avec les propos de Daniel Raoul : il convient d'entendre obligation de réussite comme une obligation de résultat minimal, c'est-à-dire qu'il y ait au moins la démonstration d'un effort d'étudier.

M. François Marc . - La question n'est pas celle du suivi des étudiants. Il est évident que chaque professeur a envie que ses étudiants réussissent mais doit-il être le poinçonneur à l'entrée de l'amphithéâtre pour s'assurer que tous les élèves sont présents ?

M. Philippe Adnot , rapporteur spécial de la mission « Recherche et enseignement supérieur » . - Dans les recommandations qui vous ont été distribuées, vous constaterez que je propose de concentrer l'obligation d'assiduité sur la présence aux travaux dirigés. J'ai bien dit que cela ne concernait pas nécessairement les cours en amphithéâtre.

La commission a donné acte de sa communication à M. Philippe Adnot, rapporteur spécial, et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.

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