II. LES PROPOSITIONS DE VOS RAPPORTEURS POUR RÉUSSIR UN REDIMENSIONNEMENT INDISPENSABLE

Aussi fermement poursuivi que puisse être à l'avenir, comme le souhaitent vos rapporteurs, le projet d'un véritable développement de la réserve militaire, inscrit dans le plan « Réserve 2019 », qui semble aujourd'hui prendre corps, la réforme ainsi promue ne pourra produire d'effets que dans un temps relativement long, au regard de l'immédiateté de la menace qui en a déclenché la mise en oeuvre . Car il convient de garder à l'esprit que, non seulement le recrutement et la formation de réservistes opérationnels réclament des délais dont certains sont incompressibles - il ne s'agit bien sûr pas, pour économiser du temps, de réduire les exigences attachées à la qualification de réservistes qui sont appelés à servir en renfort des militaires d'active dans les même missions qu'eux -, mais encore la capacité d'absorption des armées, en la matière, reste limitée. Comme le présent rapport l'a déjà relevé, une réserve de masse n'est pas gérable, pour nos forces en leur état, compte tenu notamment des besoins de formation des réservistes, de ceux qui tiennent à leur équipement et des infrastructures militaires existantes. En outre, parallèlement à la montée de la réserve, les armées doivent à présent gérer la remontée en puissance de l'active, conformément à la trajectoire d'emplois révisée au titre de l'actualisation de la programmation militaire par la loi précitée du 28 juillet 2015 et aux décisions prises par le Président de la République à la suite des attentats du 13 novembre.

Néanmoins, un mouvement paraît désormais véritablement lancé ; la courbe amorcée, tant pour le nombre qu'en ce qui concerne l'emploi des réservistes, est ascendante. Pour le plus court terme, l'enjeu n'est donc pas tant quantitatif que d'ordre qualitatif : il s'agit de définir au mieux un modèle de réserve militaire qui, permettant dans une proportion croissante avec le temps d'appuyer les forces d'active dans les missions qui le requièrent, contribue d'une façon optimale à la défense nationale , en mobilisant les volontaires dans un cadre adapté aux besoins de protection de nos concitoyens - face aux menaces d'aujourd'hui et à celles qui, demain, peuvent survenir.

C'est à cette tâche fondamentale de redimensionnement de l'outil « réserve » que le groupe de travail de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a souhaité prendre part. À ce titre, vos rapporteurs exposent ci-après une série de propositions, conçues comme autant de leviers de revivification de la réserve des armées, qui touchent à l'organisation de cette réserve, aux efforts à conduire envers ses viviers de recrutement, ainsi qu'aux conditions même de l'emploi des réservistes. D'une manière générale, ils estiment essentiel de s'attacher au respect des quatre principes cardinaux suivants :

- un principe de « militarité » : la future réserve « rénovée » des armées devra conserver un statut et une vocation pleinement militaires , de manière à assurer un appui efficace pour les forces d'active, qu'il s'agisse de la réserve opérationnelle ou de la réserve citoyenne, ou encore des réservistes « spécialistes » relevant de l'une ou l'autre de ces composantes ;

- un principe de « territorialisation » : la réserve devra être ancrée dans le territoire national et structurée en fonction de cette base territoriale , de manière à y renforcer la présence militaire tout en bénéficiant des effets positifs induits par la proximité géographique entre le lieu de vie des réservistes et celui de leur activité à titre militaire ;

- un principe d' unité : l'organisation de la future réserve devra assurer la capacité de celle-ci à exercer la pluralité des missions qu'impliquent les différents besoins militaires, mais sous la forte coordination interarmées que suppose sa montée en puissance attendue. Soulignons que ce principe exclut, par nature, tant la création d'une armée « bis » que la constitution de réserves de « seconde zone » ;

- enfin, un principe de cohésion nationale : la réserve devra être rendue attractive afin d' accueillir en priorité la jeunesse française , laquelle non seulement représente le coeur de ses besoins pour renforcer les unités d'active dans leurs missions de protection mais, dans le même temps, contribuera à consolider des liens intra-nationaux menaçant aujourd'hui de se distendre.

Les préconisations générales de vos rapporteurs pour la réserve :

1) conserver à la réserve des armées un statut et une vocation militaires ;

2) structurer cette réserve en fonction d'une territorialisation ;

3) assurer une coordination interarmées renforcée ;

4) recruter en priorité des jeunes dans la réserve opérationnelle.

C'est modernisée sur ces bases que la réserve militaire, grâce à une nouvelle organisation dont la territorialisation représente le maître-mot, un nombre accru de membres et une meilleure employabilité, pourrait constituer de façon efficiente, au jugement de vos rapporteurs, la « garde nationale » évoquée par l'Exécutif depuis novembre 2015 - quelle que soit, au demeurant, l'appellation que le dispositif devrait recevoir à la fin d'un processus qui, aujourd'hui, se trouve seulement amorcé.

A. LES VECTEURS DE REVIVIFICATION DE LA RÉSERVE DES ARMÉES

1. En ce qui concerne l'organisation

À un nouveau programme d'emploi de la réserve militaire doit répondre une nouvelle organisation de celle-ci. Vos rapporteurs appellent en conséquence à concevoir et mettre en place un maillage territorial qui apparaît, en effet, déterminant afin de pouvoir, à l'avenir, répondre efficacement aux menaces de tous ordres susceptibles de frapper le sol national ; à repenser la gouvernance de la réserve, en vue de doter celle-ci de la lisibilité et de la visibilité qui lui fait, en l'état actuel des institutions, quelque peu défaut ; à bâtir en ce domaine une véritable gestion des ressources humaines, aujourd'hui défaillante ; enfin, à simplifier les procédures administratives afférentes, pour permettre un emploi optimal des réservistes. Bien sûr, rien de tout cela ne sera possible si les promesses budgétaires qui ont été faites à la réserve ne sont pas tenues.

a) Tenir les promesses budgétaires

L'exigence de respecter et maintenir dans la durée la valorisation budgétaire récemment mise en oeuvre en faveur de la réserve militaire est presque mentionnée, ici, pour mémoire, tant elle relève de l'évidence. Toutefois, il est des évidences qu'il importe de souligner : pas de guerre possible sans « nerf de la guerre » qui la soutienne ; pas de renforcement crédible de la réserve sans accentuation de l'effort financier qui lui est consacré.

Vos rapporteurs donnent acte au Gouvernement en place d'avoir accru, comme on l'a rappelé 81 ( * ) , la dotation budgétaire annuellement inscrite dans le budget du ministère de la défense pour financer les besoins de la réserve. Ils notent avec satisfaction qu'au vu des estimations de dépenses pour l'exercice en cours d'exécution, pour la première fois depuis une quinzaine d'années, les crédits alloués à la réserve devraient être intégralement consommés comme prévu par la loi de finances , c'est-à-dire au bénéfice réel de l'objet pour lequel ils ont été votés par le Parlement.

À cet égard, vos rapporteurs ont été relativement rassurés par les orientations données lors de la réunion du comité directeur de la réserve militaire (CODIR Réserve) qui s'est tenue au mois de juin dernier, et à laquelle votre rapporteure Gisèle Jourda a participé 82 ( * ) . En effet, dans l'hypothèse d'un dépassement des 96,3 millions d'euros de crédits prévus au titre de la réserve par la loi de finances pour 2016, que pourrait susciter une montée en puissance particulièrement rapide, d'ici la fin de l'année, du recrutement et de l'emploi des réservistes opérationnels, le recours à la fongibilité interne des crédits de titre 2 de la mission « Défense » devrait permettre de couvrir les besoins de financement excédant la prévision initiale - sous réserve de la marge de manoeuvre qu'autoriseront effectivement les arbitrages interministériels liés aux habituelles régulations budgétaires de fin d'année.

En somme, le temps où la réserve constituait une variable d'ajustement courante pour le budget de la défense semble pouvoir être considéré comme révolu, à la condition du moins que la ligne nouvellement tracée soit bien conservée, dans la pratique, par le Gouvernement, et que le Parlement exerce, à cet égard, toute la vigilance requise. Vos rapporteurs y prendront naturellement leur part, et la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour s'assurer de la fermeté de la politique de « relance » de la réserve, pourra faire usage de l'ensemble de ses pouvoirs de contrôle .

Du reste, si cette politique porte ses fruits, à court et moyen termes, dans le cadre du plan « Réserve 2019 », la nécessité de poursuivre la tendance ainsi dégagée, au-delà des premières cibles, pour l'augmentation des effectifs de réservistes opérationnels et l'accroissement de leur activité au sein des armées, devra conduire à amplifier, à nouveau, l'effort financier de l'État en ce domaine.

Les préconisations de vos rapporteurs concernant le budget de la réserve :

1) maintenir l'effort financier récemment dégagé en faveur de la réserve militaire ;

2) amplifier cet effort pour accompagner la montée en puissance attendue en ce domaine.

b) Concevoir un maillage territorial

En supposant le budget nécessaire acquis, la première mesure à mettre en oeuvre pour renforcer la réserve militaire tient à la conception d'un nouveau maillage territorial, qui lui permettra un ancrage sur le territoire national ; vos rapporteurs ont souligné, ci-dessus, le caractère principiel de cette orientation, à leurs yeux, pour assurer le succès de la réforme en cours. En vue de répondre efficacement aux menaces de tous ordres susceptibles de frapper sur notre le sol - le terrorisme, les catastrophes naturelles, technologiques ou industrielles, mais aussi des troubles sociaux évidemment plus probables en certains points du territoire qu'en d'autres - l'idée est de tirer parti d'une « territorialisation » de la réserve opérationnelle dans une double ambition :

- d'un côté, renforcer la présence militaire sur l'ensemble du territoire national , y compris dans les zones devenues des « déserts militaires » à la suite des réorganisations de l'armée active et dans les secteurs identifiés comme présentant un risque particulier de crise ou de troubles importants ;

- de l'autre côté, faire jouer à plein les effets positifs induits par la proximité entre bassin de vie et lieu d'activité militaire , à la fois en termes de facilitation du recrutement de volontaires sous ESR et d'optimisation de l'emploi de ces réservistes dans des missions de protection.

La répartition géographique des réservistes de la RO1 en 2015

(en nombre de réservistes, gendarmerie incluse)

Source : Conseil supérieur de la réserve militaire

Sous l'un et l'autre de ces aspects, mutatis mutandis , le modèle à suivre est celui de la réserve opérationnelle de la gendarmerie 83 ( * ) . Conçue ainsi, la territorialisation de la RO1 des armées semble pouvoir permettre, d'un même mouvement, d'améliorer la capacité opérationnelle des forces d'active à assurer la défense de notre sol et de notre population en cas de crise ou de troubles graves, et de resserrer le lien armée-nation en réinvestissant l'espace territorial par le biais de la réserve.

Les préconisations de vos rapporteurs concernant l'organisation territoriale de la réserve :

1) concevoir un maillage territorial qui ancre la réserve, et à travers elle les armées, sur l'ensemble du territoire national, notamment dans les « déserts militaires » et les secteurs identifiés comme présentant un risque de crise ou de troubles importants ;

2) tirer parti, pour le recrutement de réservistes et leur emploi dans des missions de protection, de la proximité induite par cette réorganisation entre bassin de vie et lieu d'activité militaire.

À cet égard, vos rapporteurs ont pris connaissance avec le plus grand intérêt des réflexions actuellement menées au niveau de l'état-major des armées et, notamment, de celui de l'armée de terre . Il en ressort que la territorialisation en projet - lequel, à ce stade, n'est pas finalisé - pourrait se matérialiser de deux manières complémentaires :

- en premier lieu, le déploiement planifié et ciblé d'unités d'active ou de réserve pour des activités militaires dans des zones de « désert militaire », comme le prévoit l'armée de terre dans le cadre de la nouvelle « posture de protection terrestre » en préparation, telle qu'elle a été annoncée en mars 2016 84 ( * ) , avec le concept de « préparation opérationnelle dérivée » ;

- en second lieu, l'implantation d'unités de réserve au sein de ces « déserts », adossées à des unités d'active, ce qui nécessiterait bien évidemment un dialogue avec les élus locaux concernés.

Les zones où la présence militaire serait recherchée en priorité pourraient être déterminées à partir de critères tenant, d'une part, à la présence de risques industriels ou naturels avérés, d'atteintes à la sûreté du territoire national eu égard, par exemple, à des points d'intérêts vitaux, ou encore de troubles liés à un contexte social spécifique et, d'autre part, à l'existence d'un bassin de recrutement potentiel pour les armées .

L'armée de terre, par nature la plus concernée des forces par les enjeux de cette territorialisation, envisage une manoeuvre qui reposerait sur les principes suivants, d'ailleurs susceptibles de s'échelonner dans le temps et dans l'espace :

- l'attribution à toutes les unités d'active et de réserve de « zones d'intérêt », dans lesquelles ces unités pourront manoeuvrer, ce qui favoriserait les conditions d'un dialogue avec les élus locaux, et permettrait une meilleure connaissance mutuelle, comme la recherche de lieux d'implantation possible ;

- la création d'unités nouvelles, adossées à des structures existantes pour des raisons logistiques mais ayant vocation à agir dans des « déserts militaires » situés à proximité ;

- la création de « harpons » de réservistes au sein de « déserts militaires », dont la vocation serait d'instaurer les conditions d'accueil d'unités en préparation opérationnelles ou de préparer l'implantation d'une unité de réserve. Il pourrait s'agir de réservistes citoyens ;

- enfin, la « sédentarisation » et la densification d'unités de réserve dans des « déserts militaires ».

Pour l'heure, 11 états-majors tactiques de réserve ont déjà été créés par l'armée de terre en 2015 et, suivant les annonces du ministre de la défense en mars dernier 85 ( * ) , comme on l'a signalé, 17 compagnies de réserve supplémentaires seront installées d'ici 2019 .

Comme on l'a noté aussi, 4 sections de réserve et d'appui (SRA) pour l'armée de l'air et 21 compagnies ROMEO pour la marine ont été prévues , ces unités de réservistes conduisant de fait à engager également l'armée de l'air et la marine dans la voie d'une territorialisation de leurs réserves.

Ces démarches reçoivent l'entier soutien de vos rapporteurs, qui invitent à les poursuivre dans l'optique ci-dessus exposée d'assurer la réponse de défense nécessaire aux menaces potentielles visant notre territoire.

Le projet d'extension du maillage territorial de la RO1 de l'armée de terre

Source : armée de terre

c) Repenser la gouvernance

L'organisation actuelle de la gouvernance de la réserve militaire, telle que les principes en ont été rappelés ici 86 ( * ) , n'est satisfaisante, aux yeux de vos rapporteurs, qu'à demi. Certes, comme on l'a noté, elle traduit le caractère interministériel et interarmées de la réserve, et l'intégration de celle-ci aux forces. Toutefois, en distribuant les compétences entre plusieurs instances et responsables - pour l'essentiel, le Conseil supérieur de la réserve militaire (CSRM), le comité directeur de la réserve militaire (CODIR Réserve), le délégué interarmées aux réserves (DIAR), les délégués aux réserves de chaque armée et service concerné, sans oublier la direction récemment créée pour le projet « Réserve 2019 » -, cette gouvernance « multipolaire » manque de lisibilité et nuit, par conséquent, à la visibilité de la réserve . La situation s'avère quelque peu paradoxale, à un moment où le Gouvernement entend promouvoir un renouveau en la matière.

Pour accompagner la montée en puissance de la réserve militaire souhaitée par l'Exécutif et également appelés de leurs voeux par vos rapporteurs, il est ici proposé de renouer avec une proposition formulée, dans son principe, dès 2008 par votre rapporteur Jean-Marie Bockel , dans ses fonctions de secrétaire d'État auprès du ministre de la défense, chargé de la défense et des anciens combattants. Cette proposition s'exprimait alors dans les termes suivants : « La gouvernance de la réserve peut être améliorée. Le conseil supérieur de la réserve ne peut seul répondre à ce besoin même si son personnel et son secrétariat font preuve de beaucoup de qualités et de motivation. Il serait intéressant de créer une sorte d'inspection générale de la réserve, avec à sa tête une personnalité ayant une véritable autorité, qui serait un référent permanent et qui pourrait peut-être se voir épaulé par un réserviste 87 ( * ) . »

Alors que la réserve se trouve aujourd'hui appelée à un nouvel essor, il apparaît primordial de disposer d'« un organe décisionnel clair et identifié par l'ensemble des réservistes », comme votre rapporteur encore, en 2009 cette fois 88 ( * ) , en indiquait, déjà, la nécessité. Aussi, vos rapporteurs préconisent la création d'une Inspection générale de la réserve militaire, commandée par un officier général placé sous l'autorité directe du chef d'état-major des armées et assisté de deux officiers en qualité d'adjoints, dont un réserviste au moins et un gendarme , afin de refléter toutes les composantes de la réserve militaire.

D'une certaine façon, il s'agirait de recréer, mais à l'échelon interarmées, la fonction d'« inspecteur général de la mobilisation et des réserves » qui, dans chaque armée, préexistait à la loi du 22 octobre 1999 qui a réorganisé la réserve après la suspension du service national. Cette fonction s'est vue supprimée en l'an 2000, lorsque la loi précitée de 1999 a trouvé ses mesures d'application concrètes, mais, puisqu'une politique de plus grande mobilisation des réserves s'avère en train de se faire jour, la référence ne paraît pas inadéquate à vos rapporteurs.

Le futur inspecteur général et ses adjoints assumeraient en propre le pilotage de cette rénovation de la réserve militaire, en assurant une coordination renforcée entre les autres instances de gouvernance de la réserve, les armées et les différents services concernés du ministère de la défense. Ayant vocation à incarner la réserve, à la fois au sein de l'appareil militaire, dans l'organisation administrative et, entre autres, sur le terrain médiatique et auprès du plus grand public, l'inspecteur général ainsi proposé est appelé à jouer un rôle facilitateur important pour la montée en puissance de la réserve .

Les préconisations de vos rapporteurs concernant la gouvernance de la réserve :

1) créer une Inspection générale de la réserve militaire, commandée par un officier général sous l'autorité du chef d'état-major des armées ;

2) adjoindre deux officiers, dont un réserviste au moins et un gendarme, à l'inspecteur général ainsi proposé.

d) Bâtir une véritable gestion des ressources humaines

L'essor attendu de la réserve opérationnelle des armées ne pourra s'effectuer sans la mise en place, par les armées, d'une véritable gestion des ressources humaines, qui fait actuellement largement défaut.

Le premier besoin, en ce domaine, tient au système de pilotage et de suivi qui, comme vos rapporteurs l'ont exposé 89 ( * ) , s'avère insuffisant pour la réserve d'engagement (RO1) et encore inexistant pour la réserve de disponibilité statutaire (RO2). Et, dans ce cadre, le plus pressant tient à la mise en place d'un système d'information modernisé qui, à l'instar de celui dont dispose la gendarmerie, offrirait aux armées les moyens d'administration et de programmation nécessaires au bon emploi de leurs réservistes , et permettrait à ces derniers d'optimiser leur disponibilité au profit de la défense en pouvant recourir à une interface, avec leur employeur militaire, simple et souple d'usage.

Le projet « Réserve 2019 », comme on l'a signalé, comporte un axe en ce sens. Vos rapporteurs recommandent la plus grande vigilance sur la conception du programme informatique dont il s'agit, tant ce futur outil, une fois installé, sera crucial pour le fonctionnement quotidien de la réserve opérationnelle. Néanmoins, ils appellent aussi à son rapide développement , car celui-ci, structurant pas nature, devrait constituer un levier essentiel pour la montée en puissance de la réserve.

Il faut notamment souhaiter de ce nouveau système d'information qu'il favorise une meilleure utilisation par les armées des aptitudes et savoir-faire individuels dont disposent leurs réservistes , cette optimisation du profil pour l'emploi se trouvant bien sûr au coeur d'une bonne gestion des ressources humaines. Le sondage déjà mentionné que la DICoD a réalisé, en 2015, auprès de réservistes de l'armée de terre, fait apparaître que 40 % des réservistes estiment que leurs compétences restent insuffisamment exploitées pour leur activité dans la réserve.

Cette amélioration, à laquelle vos rapporteurs convient les armées à s'efforcer en soulignant son caractère impératif pour le succès de la montée en puissance de la réserve, devra être conçue par cohérence avec une doctrine d'emploi qu'ils appellent, par ailleurs, à voir le jour 90 ( * ) . En tout état de cause, elle semble de nature à permettre de résorber la proportion de volontaires ayant conclu un engagement à servir dans la réserve et qui pourtant, chaque année, n'exercent aucune activité à ce titre - soit, comme on l'a indiqué, 18,5 % du total de la RO1 des armées en 2015.

Le sondage précité confirme que l'amélioration de la rétribution ne constitue pas un sujet de premier plan pour les réservistes : au jugement de 73 % d'entre eux, leur engagement dans la réserve est « suffisamment rémunéré », même s'ils ne sont que 60 % des officiers et 61 % des sous-officiers à le penser, contre 76 % des militaires du rang. En revanche, la gratification sociale et symbolique qu'ils peuvent légitimement attendre de leur engagement ne doit pas être négligée , et vos rapporteurs recommandent, dans cette perspective, de bien veiller à assurer :

- d'une part, une évolution des réservistes dans les différents grades de la hiérarchie militaire qui soit conforme à leurs mérites dans le service et à leur fidélité aux armées, suivant les dispositions règlementaires applicables 91 ( * ) ;

- d'autre part, une politique active de proposition aux distinctions, tant militaires que civiles , prévus par notre droit, en particulier l'attribution de la croix de la valeur militaire et la promotion dans l'ordre national du mérite. Pour reprendre les termes mêmes dans lesquels s'est déjà exprimé votre rapporteur Jean-Marie Bockel, « nous devons continuer à faire connaître ces femmes et ces hommes qui donnent tant pour notre pays. Nous leur devons bien cela 92 ( * ) . »

Les préconisations de vos rapporteurs concernant la gestion de la réserve :

1) doter les armées d'un système de pilotage et de suivi de la réserve, notamment quant à la programmation de l'emploi des réservistes opérationnels. À cet effet, mettre en place rapidement un système d'information moderne, comparable à celui dont dispose la gendarmerie, en veillant à la bonne conception de cet outil structurant ;

2) s'efforcer de mieux exploiter les compétences individuelles des réservistes ;

3) assurer une évolution des réservistes dans les grades de la hiérarchie militaire conformément à leurs mérites dans le service et à leur fidélité aux armées ;

4) mener en leur faveur une politique de proposition aux distinctions, militaires et civiles, que justifie leur engagement.

e) Simplifier les procédures administratives

La lourdeur des procédures administratives pour recruter et surtout pour employer effectivement un réserviste opérationnel, comme on l'a relevé 93 ( * ) , constitue, de façon manifeste, une charge de gestion substantielle pour l'autorité militaire et, pour le réserviste lui-même, un risque réel de démotivation. Une simplification des procédures en cause s'impose donc. Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013 avait déjà identifié ce besoin en prescrivant, dans la perspective de « donner à la réserve opérationnelle les moyens d'atteindre le niveau nécessaire à l'accomplissement de ses missions », « d'alléger toutes les procédures, en particulier administratives, autorisant ces engagements ».

Il s'agit de pouvoir tirer le meilleur parti des réservistes en évitant de faire peser, sur eux comme sur les gestionnaires - c'est-à-dire sur l'armée active -, les contraintes excessives d'une gestion trop rigide. Le plan « Réserve 2019 » du Gouvernement, on l'a noté plus haut ici, prend en compte cette exigence ; un groupe de travail de la direction du projet s'en trouve spécifiquement chargé. Vos rapporteurs ne sauraient trop encourager, en ce domaine, à rationaliser l'existant, notamment en standardisant les procédures et en privilégiant l'idée d'un formulaire unique pour toutes les dimensions de l'emploi des volontaires sous ESR. Le recours à la dématérialisation , à chaque fois qu'elle est possible, apparaît, également, comme une piste à suivre ; le « bon unique de transport » (BUT) délivré aux réservistes, en particulier, pourrait opportunément en faire l'objet.

Un domaine particulier à expertiser dans une optique de simplification tient aux visites médicales d'aptitude , source de délais trop longs pour le recrutement de réservistes, voire obstacle injustifié à celui-ci. D'une part, vos rapporteurs recommandent de mettre en place une organisation qui permette aux candidats à la réserve de franchir rapidement cette étape de leur recrutement - sans « bâcler », bien sûr, ce contrôle nécessaire. D'autre part, ils invitent à réexaminer la pertinence de la grille d'évaluation en vigueur , en fonction des cibles de recrutement . Par exemple, cette grille est aujourd'hui la même pour un ingénieur de l'armement retraité, candidat à la réserve de la DGA, que pour les jeunes gens souhaitant souscrire un ESR auprès de l'armée de terre ; les aptitudes recherchées sont pourtant suffisamment différentes pour justifier des critères d'examen médical adaptés à chaque catégorie d'emploi.

Les préconisations de vos rapporteurs concernant les procédures administratives de la réserve :

1) pour toutes les dimensions de l'emploi des réservistes opérationnels, rationaliser les procédures en les standardisant et en promouvant un formulaire unique ;

2) recourir à la dématérialisation à chaque fois qu'elle est possible, par exemple pour le « bon unique de transport » (BUT) délivré aux réservistes ;

3) mettre en place une organisation des visites médicales d'aptitude qui permette aux volontaires pour servir dans la réserve de franchir rapidement cette étape, sans la négliger, et réexaminer la pertinence de la grille d'évaluation en vigueur en la matière, en fonction des cibles de recrutement.

2. En ce qui concerne l'effort vers les viviers

La réorganisation de la réserve opérationnelle des armées doit être accompagnée d'un nouvel effort en direction des viviers de recrutement de celle-ci. Sur ce plan, vos rapporteurs appellent à développer l'attractivité de la réserve, diversifier les recrutements et renforcer la communication en la matière.

a) Développer l'attractivité

Ne pas dissuader les candidatures à la réserve, en simplifiant le processus administratif qui permet d'y servir, ne suffit pas ; encore faut-il accroître l'attractivité de cette réserve. Différentes mesures d'incitation peuvent y contribuer.

Le sondage de la DICoD réalisé en 2015, ici plusieurs fois cité déjà, fait apparaître comme une priorité, parmi les suggestions des réservistes eux-mêmes sur la réserve, de « faciliter les relations avec l'employeur [civil] ». Le présent rapport a déjà rappelé 94 ( * ) les dispositifs en place en ce domaine, notamment la possibilité de mesures contractuelles permettant d'aménager des dispositions plus favorables à la réserve opérationnelle que le régime de base prévu par le code de la défense, et en particulier le droit de l'employeur d'intégrer, dans sa participation obligatoire au financement de la formation professionnelle continue, la rémunération qu'il déciderait de maintenir à ses employés réservistes pendant leur absence pour une formation militaire. Sans doute est-il possible d'aller plus loin en ce sens.

Dans cette perspective, en premier lieu, vos rapporteurs soutiennent, dans son principe, un dispositif qui permettrait la conversion en droits à des heures supplémentaires de formation des activités effectuées au titre de la réserve militaire , semblable sur ce point au « compte d'engagement citoyen » (CEC) inscrit dans le projet de loi dit « travail » 95 ( * ) - mais sous la condition d'une évaluation préalable plus aboutie, en termes de coût notamment, que celle qui accompagnait ce projet de loi 96 ( * ) . En second lieu, ils invitent à considérer la possibilité de rétablir un crédit d'impôt pour les entreprises employant des salariés par ailleurs réservistes opérationnels , mesure qui a existé entre 2006 et 2011 97 ( * ) , en conservant le principe d'un plafonnement mais aussi en veillant à la simplicité d'utilisation de cette disposition pour les entreprises susceptibles d'en bénéficier.

En revanche, avec une approche réaliste du sujet, vos rapporteurs restent circonspects quant à l'idée, souvent émise par les acteurs du monde de la réserve, d'imposer aux entreprises dans leur ensemble, par la loi, des obligations plus contraignantes qu'elles ne le sont aujourd'hui, en particulier en augmentant le nombre de jours de congé qu'un salarié est en situation d'opposer à son employeur au titre de ses activités de réserviste opérationnel, indépendamment de tout accord plus favorable. En effet, la règle du code de la défense en vigueur en ce domaine - un congé opposable de droit à l'employeur, par le salarié réserviste, à hauteur de cinq jours, hors activation des régimes spéciaux prévus en cas de crise grave - paraît constituer, d'ores et déjà, le maximum de la contrainte acceptable pour la majorité des entreprises, eu égard à toutes celles que leur impose par ailleurs la législation. Chercher à aller, par la force, à l'encontre de l'équilibre aujourd'hui acquis, serait sans doute voué à rester lettre morte en pratique et, en somme, desservirait probablement les intérêts de la réserve militaire.

Un même souci de réalisme conduit cependant vos rapporteurs à souhaiter que soit organisée une concertation, avec le MEDEF et les plus grands groupes et sociétés, en vue d'aboutir, pour ces entreprises, à un relèvement du congé légal opposable par le salarié-réserviste à son employeur . Ce congé, par exemple, pourrait être porté à dix ou, au moins, huit jours, contre cinq actuellement, hors arrangement conventionnel toujours loisible dans un sens profitable à l'activité militaire des réservistes. Il s'agirait ainsi de tenir compte de la moindre difficulté que rencontrent les groupes et grandes entreprises, en général, par rapport aux PME et TPE, pour assumer les absences de leurs salariés réservistes requis par leur engagement auprès des armées. Cette démarche, bien sûr, ne serait pas exclusive d'une concertation parallèle avec les PME, à mener notamment par le canal de leur Confédération générale (CGPME), en vue d'envisager tous les progrès possibles.

Néanmoins, vos rapporteurs recommandent surtout de poursuivre le développement des conventions de soutien à la politique de la réserve militaire entre les entreprises et le ministère de la défense - partenariats qui, comme exposé plus haut dans le présent rapport 98 ( * ) , ont pour objet de faciliter l'emploi militaire des salariés ayant souscrit un ESR, grâce aux aménagements que leurs employeurs consentent par rapport au régime minimum prévu par la loi en la matière. À cette fin, doivent être mobilisées toutes les ressources du réseau des correspondants « réserve entreprises-défense » (CRED 99 ( * ) ), mis en place sur l'ensemble du territoire national par le Conseil supérieur de la réserve militaire.

Ainsi qu'on l'a déjà indiqué ici, plus de 360 employeurs privés ou publics, à ce jour, ont signé une convention de ce type. Si l'on considère qu'il existe plus de trois millions d'entreprises en France, la marge de manoeuvre paraît réelle.

À la vérité, le changement à impulser dans ce domaine semble, avant tout, une affaire de mentalités , et le travail à mener celui d'une sensibilisation accrue aux enjeux de la réserve militaire. En particulier, il importe de faire comprendre aux employeurs, tous secteurs confondus et administrations publiques incluses, que l'activité au sein de la réserve opérationnelle ouvre un processus triplement gagnant : pour les armées évidemment, qui bénéficient de cet appui ; pour le réserviste bien sûr, qui trouve là un épanouissement personnel ; mais aussi pour les employeurs, compte tenu de l'enrichissement des qualités, compétences et savoir-faire que les réservistes acquièrent dans leurs missions. En effet, le renforcement des capacités d'endurance, d'audace, de ressource, de travail en équipe des intéressés, le développement de leur sens des responsabilités, l'actualisation de leurs connaissances et les formations qualifiantes dont leur participation à la réserve est l'occasion, peuvent être directement bénéfiques à l'entreprise ; cette « valeur immatérielle » des réservistes mérite d'être mieux reconnue - sans compter que certaines formations dispensées aux réservistes par les armées sont parfois autant d'économisé pour les entreprises 100 ( * ) .

Les préconisations de vos rapporteurs pour développer l'attractivité de la réserve envers les salariés :

1) instaurer un dispositif permettant la conversion en droits à des heures supplémentaires de formation des activités effectuées au titre de la réserve militaire ;

2) rétablir un crédit d'impôt pour les entreprises employant des salariés par ailleurs réservistes opérationnels ;

3) organiser une concertation en vue d'aboutir, pour les plus grands groupes et sociétés, à un relèvement du congé légal opposable par le salarié-réserviste à son employeur - au moins à huit jours, contre cinq actuellement, hors meilleur arrangement toujours possible sur une base conventionnelle. Cette démarche n'est pas exclusive d'une concertation avec les PME en vue d'envisager tous les progrès possibles sur ce plan ;

4) poursuivre le développement des conventions de partenariat entre les entreprises et le ministère de la défense, en sensibilisant les employeurs à la « valeur immatérielle » que représentent les réservistes pour leur entreprise.

De plus grands efforts peuvent également être portés en direction de l' enseignement supérieur , c'est-à-dire à la fois envers les étudiants - population jeune et souvent plus disponible que les actifs, constituant à ce double titre une ressource précieuse pour la réserve militaire - et envers les établissements d'enseignement concernés.

Le rapport annexé à la LPM pour les années 2014 à 2019, dans sa version actualisée par la loi du 28 juillet 2015 et déjà citée, appelle expressément, pour rénover la réserve opérationnelle, à « un effort prioritaire en direction de l'enseignement supérieur. » Ce texte indique à cet effet que « des partenariats devront être conclus avec les grandes écoles et les universités afin d'encourager les étudiants à souscrire un engagement à servir dans la réserve et de leur faire effectuer leur formation militaire à l'occasion d'un semestre ou d'une année de césure. Cet engagement sera valorisé dans les parcours de formation des étudiants et des accès privilégiés aux bourses et aux logements étudiants seront mis en place. Une attention particulière sera portée aux écoles dont les élèves ont le statut de fonctionnaire, où la question de sa généralisation sera étudiée. »

Ces orientations - auxquelles souscrivent pleinement vos rapporteurs - tiennent compte, en particulier, des faiblesses du dispositif actuel. En effet, certains établissements d'enseignement supérieur méconnaissent les activités qu'exercent certains de leurs étudiants dans la réserve militaire, alors même qu'ils valorisent couramment d'autres formes d'engagement , en particulier les activités associatives ou le volontariat de service civique.

En 2015, la direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle (DGESIP) a incité ces établissements, par voie de circulaire, à mettre en oeuvre une reconnaissance de l'implication de leurs étudiants dans la réserve opérationnelle, au moyen notamment de l'attribution de crédits d'étude 101 ( * ) aux intéressés. Néanmoins, comme pour toute forme d'engagement civique, les établissements déterminent de manière autonome les modalités de reconnaissance des participations à la réserve 102 ( * ) .

Par ailleurs, une politique de partenariats, conclus entre des universités et grandes écoles et le ministère de la défense pour assurer le soutien de ces établissements à l'activité de leurs étudiants dans la réserve militaire, a été engagée ; les établissements signataires s'engagent ainsi à accorder des crédits d'étude aux réservistes, à proportion de leur activité à ce titre. Cependant, à l'heure actuelle, seuls quatre établissements ont signé une convention tendant à promouvoir la réserve . Vos rapporteurs souhaitent une intensification des démarches visant à étendre ces partenariats entre le monde de la défense et celui de l'enseignement supérieur.

De nouvelles avancées s'avèrent toutefois en cours, en ce domaine, sur le terrain législatif : le projet de loi « Égalité et citoyenneté » tend à permettre la validation au sein des formations supérieures , selon des modalités qui resteraient à fixer par décret, des compétences, connaissances et aptitudes acquises par les étudiants à l'occasion d'activités extra-académiques, en particulier dans le cadre de la réserve militaire 103 ( * ) . En outre, une disposition de ce texte 104 ( * ) ouvrirait le statut universitaire dont bénéficient actuellement les sportifs de haut niveau à d'autres étudiants dont l'activité rend nécessaire l' aménagement de la scolarité , afin de pouvoir concilier celle-ci et celle-là, notamment les étudiants servant dans la réserve opérationnelle.

Cette dernière mesure rejoint la proposition de loi récemment déposée par notre collègue député Édouard Courtial , « visant à valoriser l'engagement des réservistes dans l'enseignement supérieur 105 ( * ) ». Celle-ci, notamment, a prévu en termes exprès le développement de l'enseignement à distance et le recours à des moyens de télécommunication audiovisuelle pour réaliser les aménagements de cursus requis afin de faciliter l'accomplissement de leur engagement militaire par les étudiants ayant conclu un ESR ; elle vise également à permettre, le cas échéant, d'assimiler à un stage obligatoire dans le cadre de la formation suivie par ces étudiants leur période d'activité dans la réserve.

Toutes ces initiatives juridiques peuvent être utiles, assurément, à la promotion de la réserve militaire ; vos rapporteurs les soutiennent, dans leur principe, et invitent à leur promotion, sous réserve de l'examen que le Sénat serait amené à faire porter sur elles, s'il en était saisi. Toutefois, il leur semble que la clé du succès, en la matière, réside surtout dans un travail à mener sur les esprits , à l'instar de celui qui a été décrit, ci-dessus, pour ce qui concerne les employeurs.

Il s'agit donc avant tout de mieux sensibiliser les chefs d'établissement à la dimension formatrice extraordinaire, et donc au potentiel d'intégration professionnelle, que comporte, pour un jeune homme ou une jeune femme, l'accomplissement d'un engagement à servir dans la réserve opérationnelle. Comme le note pertinemment le protocole signé, le 20 mai dernier, entre le ministère de la défense, le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche et le ministère chargé de l'agriculture (au titre de sa tutelle sur les établissement d'enseignement agricole), « en complément des savoirs scolaires qui leur sont dispensés, la réserve militaire, opérationnelle et citoyenne, offre aux jeunes des possibilités concrètes d'acquérir des compétences techniques et de développer des qualités comportementales utiles pour eux-mêmes et pour l'approfondissement du lien entre la société et la défense ».

Actuellement, plus de cent référents pour l'enseignement de défense sont chargé de promouvoir ces thèmes ; leur coordination a été confiée à un délégué national, rattaché à la fois à la direction générale de l'enseignement scolaire et à la direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle 106 ( * ) . Parmi leurs tâches figure celle d'informer, sur les possibilités d'engagement au profit de la défense et au premier chef dans la réserve militaire, les étudiants, mais aussi les lycéens.

De fait, compte tenu de la nature même des missions que requiert à présent la protection du territoire national, les cibles du recrutement dans la réserve opérationnelle paraissent devoir être désormais, en plus des étudiants, vivier « classique », les lycéens, qu'ils soient en formation générale ou professionnelle. Vos rapporteurs préconisent donc de développer aussi envers les établissements de l'enseignement secondaire la politique de conclusion de partenariats avec le ministère de la défense tournée vers les établissements d'enseignement supérieur.

Les préconisations de vos rapporteurs pour développer l'attractivité de la réserve envers les étudiants :

1) promouvoir des dispositifs de validation au sein des formations supérieures des compétences et connaissances acquises par les étudiants à l'occasion d'activités dans la réserve, ainsi que la possibilité d'aménagements de scolarité au bénéfice de ces étudiants-réservistes ;

2) intensifier le développement des conventions de partenariat entre les établissements d'enseignement supérieur et le ministère de la défense, en sensibilisant les chefs d'établissement à la dimension formatrice et au potentiel d'intégration professionnelle que comporte, pour un étudiant, sa participation à la réserve ;

3) étendre cette politique partenariale aux établissements de l'enseignement secondaire, en vue du recrutement de lycéens dans la réserve.

Enfin, au titre du renforcement de l'attractivité de la réserve, vos rapporteurs recommandent de chercher les voies permettant d'améliorer autant que possible, malgré la contrainte budgétaire, la condition sociale et financière des réservistes opérationnels .

Ainsi, par exemple, le Haut Comité d'évaluation de la condition militaire (HCECM) a identifié, récemment 107 ( * ) , l'opportunité d' ouvrir aux réservistes, pour les jours où ils sont rappelés, le droit à la prestation de soutien en cas d'absence prolongée du domicile ( PSAD ). Ce dispositif, qui a remplacé en 2015, au sein du ministère de la défense, le chèque emploi service universel (CESU), vise à soutenir le conjoint ou les personnes fiscalement à charge du militaire absent du foyer, notamment pour des raisons opérationnelles (OPEX, renfort temporaire à l'étranger, mission de courte durée, mission intérieure y compris outre-mer, mais aussi manoeuvre, exercice...). Le HCECM propose de réduire la durée minimale de l'absence continue à partir de laquelle le bénéfice de cette prestation est possible, qui, de la sorte, pourrait être fixée à 14 ou même 7 jours, contre 22 jours actuellement ; cet ajustement répondrait bien, en effet, à la situation des réservistes, en général sollicités pour accomplir leur ESR par périodes de relativement courte durée.

Vos rapporteurs invitent donc le Gouvernement à mettre en oeuvre cette proposition d'une mesure qui ne peut que favoriser la montée en puissance attendue de la réserve opérationnelle.

Dans le même dessein, ils appellent à mettre à l'étude l'instauration d'une prime de fidélité pour les réservistes opérationnels décidant de renouveler leur engagement auprès des armées, ainsi qu'à prendre en compte le critère de la participation à la réserve militaire pour l'attribution des bourses d'études .

Les préconisations de vos rapporteurs pour améliorer la condition sociale et financière des réservistes :

1) ouvrir aux réservistes opérationnels, pour leurs période d'activité dans les armées, le droit à la prestation de soutien en cas d'absence prolongée du domicile (PSAD) ;

2) mettre à l'étude l'instauration d'une prime de fidélité pour les réservistes décidant de renouveler leur engagement auprès des armées ;

3) prendre en compte le critère de la participation à la réserve militaire pour l'attribution des bourses d'études.

b) Diversifier les recrutements

Dès sa version initiale de 2013, le rapport annexé à la LPM pour 2014-2019 énonçait que « la diversité des réservistes constitue un vecteur majeur pour favoriser l'étroitesse du lien entre la Nation et son armée sur l'ensemble du territoire ». Aujourd'hui, compte tenu des nouvelles nécessités d'emploi de réservistes opérationnels pour la défense du territoire national, c'est aussi une diversification des recrutements de volontaires à souscrire un ESR qui s'impose : pour étoffer rapidement les effectifs, et atteindre les objectifs en la matière fixés à court terme, mais aussi pour répondre à la nature même des besoins actuels des armées, les viviers traditionnels - anciens militaires, étudiants, jeunes actifs salariés ou fonctionnaires - ne suffiront pas.

Comme on a déjà eu l'occasion de le noter plus haut dans le cours du présent rapport, 42 % des effectifs de la RO1 des armées (DGA incluse, mais hors gendarmerie) sont actuellement d'anciens militaires d'active. Cependant, l'objectif de recruter davantage de volontaires directement issus de la société civile s'avère, d'ores et déjà, en bonne voie d'être atteint. En effet, en 2015, près des deux tiers (64,8 %) des nouveaux ESR conclus dans l'année l'avaient été par des personnes issues de la société civile, soit une progression de 7,8 % par rapport à 2014.

Ce résultat traduit aussi une tendance bienvenue au rajeunissement de la réserve.

L'accentuation de l'effort de recrutement de jeunes gens dans la RO1 des armées représente un enjeu crucial . Vos rapporteurs ont souligné, plus haut, l'importance qu'ils y attachent. Rappelons ici que le code de la défense autorise la participation à la réserve opérationnelle à partir de l'âge de 17 ans.

L'appel à la jeunesse, d'une part, doit permettre de contribuer de façon sensible au renforcement du lien armée-nation et, au-delà, représente une « pierre d'angle » pour le renforcement de la cohésion nationale ; la tranche d'âge des 15-20 ans constitue sans nul doute l'un des plus précieux atouts pour la réalisation de ces entreprises, et doit donc être ciblée prioritairement. Il s'agit, d'autre part, de satisfaire les besoins opérationnels , liés à la défense du territoire national : ces besoins sont aujourd'hui pour les armées de pouvoir disposer des « bras » à l'appui de la fonction stratégique de protection.

Dans cette double perspective, vos rapporteurs ont déjà indiqué, ci-dessus, leur souhait de voir étendue aux établissements d'enseignement secondaire la politique de partenariats avec le ministère de la défense qui a été lancée, au profit de la réserve opérationnelle, envers les établissements d'enseignement supérieur. Une communication adéquate doit également être menée envers la jeunesse, comme le présent rapport y revient ci-après.

Actuellement, sur l'ensemble de la réserve militaire, 59 % des officiers sous ESR et 45% des sous-officiers ont 50 ans et plus ; parmi les militaires du rang, en revanche, 72 % des volontaires ont moins de 30 ans.

La répartition des réservistes sous ESR en 2015 en fonction de l'âge

(en nombre de réservistes, gendarmerie incluse)

Source : Conseil supérieur de la réserve militaire

Un autre axe d'élargissement des viviers de recrutement de la réserve opérationnelle des armées concerne les demandeurs d'emploi . Ces derniers, pour l'heure, ne représentent que 1,8 % à peine de la RO1 des armées (500 volontaires). Or, par définition, ils sont relativement disponibles malgré leur recherche d'emploi. Ils sont aussi, hélas, nombreux - à la fin mai 2016, Pôle Emploi en recensait 3,5 millions en France métropolitaine 108 ( * ) ; et, pour une part d'entre eux, ils sont jeunes, voire très jeunes - sur le total précité, plus de 500 demandeurs avaient moins de 25 ans, 2,1 millions se situant entre 25 et 49 ans.

La participation d'un demandeur d'emploi à la réserve, à l'instar de celle des salariés et des étudiants évoquée ci-dessus, constitue un partenariat de « mutuel bénéfice » : pour les armées bien sûr, d'un côté, mais aussi, de l'autre, pour le réserviste à la recherche d'un emploi, dans la mesure où les périodes d'activité militaire de l'intéressé contribuent à enrichir ses compétences et savoir-faire. Elles offrent en effet l'occasion d'acquérir, au-delà même d'aptitudes et connaissances techniques, des qualités qui valorisent un parcours et sont généralement appréciées des employeurs - sens des responsabilités, habitude du travail en équipe, discipline, endurance... -, de nature à permettre de mieux s'insérer ou réinsérer sur le marché du travail.

La coopération entre Pôle Emploi et les armées doit donc pouvoir être fructueuse pour le recrutement dans la réserve ; vos rapporteurs préconisent son développement, en levant les éventuels obstacles administratifs 109 ( * ) . Du reste, le cas des sapeurs-pompiers témoigne que les demandeurs d'emploi, en effet, peuvent constituer un vivier important de recrutement de réservistes : actuellement, 21 000 pompiers volontaires sont, par ailleurs, à la recherche d'un emploi.

Se trouvant dans une situation comparable à celui des demandeurs d'emploi sous les aspects de la disponibilité et, souvent, du besoin de formation, le vivier des travailleurs intérimaires - soit, actuellement, plus de 600 000 personnes en France - mérite lui aussi d'être mieux exploité au profit de la réserve opérationnelle. Une expérimentation est envisagée, à cet égard, sur le fondement d'une convention entre le ministère de la défense et la société de placement en intérim Adecco ; vos rapporteurs soutiennent cette initiative, comme toutes celles du même ordre qui pourront être mises en oeuvre.

Les préconisations de vos rapporteurs pour diversifier le recrutement dans la réserve :

1) promouvoir le recrutement dans la réserve opérationnelle de volontaires directement issus de la société civile, en priorité celui de jeunes gens grâce à une politique de partenariat renforcée entre le ministère de la défense et les établissements d'enseignement concernés et au moyen d'une communication adaptée ;

2) accroître le recrutement dans la réserve opérationnelle de demandeurs d'emploi, en développant à cet effet une coopération entre les armées et Pôle Emploi ;

3) exploiter également, pour ce recrutement, le vivier des travailleurs intérimaires.

c) Améliorer la communication

Le sondage réalisé la DICoD en 2015, dont plusieurs résultats ont déjà été mentionnés ci-dessus, est porteur d'un assez cruel enseignement sur la notoriété dont jouit la réserve militaire au sein de la société civile. Les réservistes sondés, en effet, ont estimé à 46 % que leur niveau d'information sur la réserve, avant leur engagement, était insatisfaisant ; ils s'avèrent même 66 % à le penser parmi les officiers et 53 % parmi les sous-officiers, contre 42 % pour les militaires du rang. Un déficit manifeste de communication semble donc à combler en la matière.

Le même sondage indique qu'à 52 %, c'est par le canal informel des parents, amis ou proches que les volontaires qui devaient finalement souscrire un ESR ont eu connaissance, d'abord, de la réserve. Plusieurs dispositifs institutionnels d'information sur celle-ci, pourtant, existent, y compris des dispositifs tournés vers la jeunesse et supposément obligatoires.

Ainsi, au collège et au lycée, dans le cadre de l'enseignement de l'esprit de défense 110 ( * ) , l'organisation générale de la réserve doit normalement faire l'objet d'un enseignement spécifique, conformément au principe énoncé par l'article L. 4211-3 du code de la défense. Il est à craindre, cependant, que cette règle soit trop souvent méconnue.

La même disposition prévoit en outre qu'« un rappel de cet enseignement est effectué à l'occasion de l'appel de préparation à la défense ». Or, selon le sondage précité de la DICoD, seuls 24 % des réservistes ont eu connaissance de la réserve lors de leur propre appel de préparation à la défense (JDC ou JAPD). Vos rapporteurs ne peuvent qu'inviter le ministère de la défense à renforcer la thématique « réserve » des JDC - lesquelles représentent environ 4 500 sessions par an, dont plus de la moitié se trouve confiée à l'organisation de l'armée de terre. Dans ce cadre, en principe, toute une classe d'âge, chaque année, devrait être sensibilisée à la possibilité de s'engager, pour la défense de notre pays, auprès des armées, notamment au sein de la réserve opérationnelle. Les JDC sont en particulier l'occasion d'attirer les jeunes gens vers les préparations militaires offertes par les armées.

Au demeurant, vos rapporteurs relèvent avec satisfaction que, pour la première fois, la réserve militaire a été représentée, aux côtés du ministère de la défense et du ministère de l'intérieur, au salon de l'éducation qui s'est tenu, à Paris, en mars 2016 ; les visiteurs ont ainsi pu venir échanger avec des réservistes, occasion privilégiée de découvrir cet engagement particulier. D'une manière générale, ils appellent bien sûr à saisir toutes les occasions de rendre visible la réserve militaire, notamment auprès de la jeunesse.

Sur ce dernier plan, les initiatives pilotées par la Commission « armées jeunesse » (CAJ), organisme dont la mission, auprès du ministre de la défense, est précisément de favoriser la connaissance entre les armées et la jeunesse 111 ( * ) , ont une partie importante à jouer. Stages, journées de découverte, évènements autour de thèmes à caractère éducatif ou mémoriel, etc., sont autant de moyens opportuns pour faire connaître la réserve et faire naître, le moment venu, des engagements à y servir.

Cependant, le principal dispositif de mise en valeur de la réserve reste, par nature, la « Journée nationale du réserviste » (JNR), instaurée par la loi du 22 octobre 1999 qui a organisé la réserve militaire sous sa forme actuelle 112 ( * ) . Cette manifestation se déroule chaque année, à des dates variables 113 ( * ) ; son succès, selon les régions, paraît inégal, mais l'armée de terre estime qu'elle s'adresse par ce canal, chaque année depuis 2014, à quelque 50 000 jeunes gens. Deux prix, destinés à promouvoir la réserve, sont désormais associés à la JNR : le « Prix de la réserve militaire » et le Prix « réserve jeunesse ».

Les prix décernés à l'occasion de la « Journée nationale du réserviste »

Deux prix ont vocation à être décernés, chaque année, par le ministre de la défense, au cours de la JNR, en vue de promouvoir la réserve.

Le « Prix de la réserve militaire », institué en 2011 par le Conseil supérieur de la réserve militaire, est attribué par un jury constitué de l'ensemble des délégués aux réserves militaires ; il vise à encourager les entreprises partenaires de la défense qui s'impliquent en faveur de la réserve, notamment en mettant en place des conditions plus favorables à la disponibilité des salariés réservistes que les seules obligations légales des employeurs. Ce prix comporte deux catégories : d'une part, « entreprises, organismes ou établissements de moins de 1 000 salariés » ; d'autre part, « entreprises, organismes ou établissements de 1 001 salariés au moins ».

Le Prix « réserve jeunesse », créé en 2015 à l'initiative du correspondant national de la réserve pour les actions « jeunesse et égalité des chances », est attribué par un jury composé de l'ensemble des délégués aux réserves, du secrétaire général du CSRM et du délégué ministériel à la jeunesse et à l'égalité des chances ; son but est de mettre à l'honneur les actions menées par des réservistes au profit de la jeunesse, dans le cadre de l'enseignement de défense. Les réservistes intéressés sont invités à déposer un dossier de candidature dans lequel ils présentent leurs actions. Là encore, deux catégories sont prévues, pour récompenser, d'une part, une action individuelle et, d'autre part, une action collective.

Source : ministère de la défense

Chaque JNR fait l'objet d'une grande implication des associations de réservistes 114 ( * ) , relais naturels de la communication du ministère de la défense sur le sujet ; vos rapporteurs ne sauraient trop recommander de faire appel à elles , aussi souvent que possible, pour appuyer cette communication. Ces associations, de fait, organisent de leur propre initiative de nombreux évènements, notamment au plan local, visant à faire découvrir ou mieux connaître le monde militaire et la réserve, et à susciter des vocations pour s'y engager. La réserve citoyenne des armées, en outre, doit pouvoir être mieux employée à cet effet ; le présent rapport revient plus loin sur le rôle qu'elle doit jouer.

Pour le reste, vos rapporteurs préconisent que la communication institutionnelle relative à la réserve poursuivent deux axes de renforcement :

Tout d'abord, la diversification des vecteurs de cette communication ne peut que profiter à la diffusion des messages.

Les canaux classiques de communication - diffusion d'infographies et autres éléments de langage par l'intermédiaire des CIRFA et des associations de réservistes, envoi de prospectus par la poste ou sur des messageries électroniques (« mailing »), campagnes dans la presse écrite et audiovisuelle... - demeurent des instruments essentiels. De même, Internet représente aujourd'hui un outil assez fortement mobilisé par le ministère de la défense pour promouvoir la réserve : un « site interarmées des réserves militaires » (SIREM) existe, récemment modernisé ; sur le site du ministère lui-même, une information abondante et de qualité se trouve disponible. Ces sites constituent désormais les supports naturels des campagnes de publicité conçues en faveur de la réserve. Toutefois, il semble demeurer d'amples marges d'initiatives nouvelles pour mobiliser toutes les ressources de ce média, à commencer par un recours amplifié aux réseaux sociaux .

La production de formats innovants d'information est également à accentuer. Vos rapporteurs ont ainsi noté avec beaucoup d'intérêt la mise en ligne par le ministère de la défense, au début du mois de juillet 2016, d'un « clip » vidéo intitulé « une nouvelle réserve pour de nouvelles menaces » ; en deux minutes de temps et exclusivement en images, celui-ci présente les nouveaux objectifs de recrutement et d'activité de la réserve opérationnelle des armées, ainsi que les différents type de mission susceptibles d'être accomplies par des réservistes. Vos rapporteurs suggèrent de prospecter la possibilité d'en assurer une campagne de diffusion plus large, par exemple dans les cinémas.

Parallèlement, un travail semble à mener en direction d'une amélioration de la qualité de l'information ainsi délivrée .

En premier lieu, il paraît indispensable d' élaborer une « pédagogie » de l'organisation des réserves , et de fournir sur ce plan toute la précision d'information nécessaire, compte tenu de la relative complexité de cette organisation. Rappelons ici que celle-ci, aujourd'hui, fait en effet cohabiter dans le paysage institutionnel, à la fois, les réserves opérationnelles des armées et de la gendarmerie, la réserve citoyenne de chacune de ces forces, et les réserves civiles ; en outre, parmi ces dernières, la « réserve citoyenne » créée en 2015 par l'éduction nationale 115 ( * ) a introduit, en retenant cette appellation, un risque réel de confusion avec les réserves citoyennes militaires . Naturellement, l'information en la matière ne sera claire, pour ses destinataires, qu'à la condition que les rôles, entre les différentes réserves, se trouvent eux-mêmes clairement définis au préalable ; le présent rapport revient sur cette exigence un peu plus avant.

En second lieu, vos rapporteurs recommandent de mettre l'accent, dans la communication concernant la réserve, sur le sens de cet engagement , en mettant toujours mieux en relief les valeurs qui lui sont intrinsèquement attachées. Les angles d'approche possibles ne manquent guère : don de son temps et de sa personne pour l'intérêt général et la défense du pays ; dépassement de l'individu par lui-même, cohésion propre au groupe militaire, contribution à la résilience de la nation ; occasion sans pareille de mettre en pratique le « vivre ensemble » républicain en travaillant au sein d'une communauté professionnelle et humaine unique en son genre ; chance, pour un étudiant ou un lycéen comme pour un salarié, de « vivre deux fois plus de choses » - l'expérience de la réserve en sus de l'activité professionnelle civile ou des études ; source peu commune d'acquisition de savoir-faire et de savoir-être utiles à la collectivité et valorisant, en même temps, le réserviste, sur le marché du travail notamment...

Cette communication doit bien sûr être adaptée en fonction des différentes cibles visées , qu'il s'agisse des réservistes potentiels : jeunes, étudiants, actifs employés ou demandeurs d'emploi... ; ou de ceux dont la sensibilisation au sujet représente un facteur de réussite de l'essor de la réserve : employeurs, établissements d'enseignement, etc.

Les préconisations de vos rapporteurs pour améliorer la communication sur la réserve :

1) renforcer la thématique « réserve » dans le déroulement de chaque « Journée nationale du réserviste » (JNR) ;

2) faire appel à l'appui offert par les associations de réservistes et par les réservistes citoyens des armées ;

3) diversifier les vecteurs de communication sur la réserve, en mobilisant davantage les ressources d'Internet et, en particulier, les réseaux sociaux, ainsi qu'en développant de nouveaux formats d'information ;

4) délivrer un contenu d'information qui comporte une dimension pédagogique forte sur l'organisation de la réserve militaire et mette l'accent sur les valeurs attachées à cet engagement ;

5) adapter cette communication en fonction des destinataires ciblés.

3. En ce qui concerne l'emploi des réservistes

La rénovation des conditions d'emploi de la réserve des armées apparaît comme une tâche cardinale , en vue de permettre à celle-ci de remplir le nouveau rôle auquel elle est appelée pour la défense de notre pays et, en premier lieu, celle du territoire national et des populations qui s'y trouvent. Pour vos rapporteurs, cinq directions méritent d'être suivies : la définition d'une doctrine d'emploi qui fait aujourd'hui défaut pour les volontaires de la RO1 ; l'exploitation de la ressource stratégique que constituent les réservistes soumis à l'obligation de disponibilité de la RO2, aujourd'hui inemployée ; le développement des exercices et missions en coopération avec les forces de gendarmerie ; l'optimisation d'utilisation de ce relai majeur que représente, pour l'entretien du lien armée-nation, la réserve citoyenne ; enfin, une clarification devenue nécessaire de la relation qui unit la réserve militaire et les réserves civiles.

a) Définir une doctrine d'emploi de la RO1

En dépit, notamment, des importantes réformes législatives de juillet 2011 et juillet 2015 qui ont permis, respectivement, de créer le dispositif de « réserve de sécurité nationale » incluant la réserve opérationnelle des armées et d'assouplir les conditions de recours à la réserve militaire opérationnelle en cas de crise menaçant la sécurité nationale ; nonobstant, par ailleurs, les objectifs chiffrés d'emploi de réservistes opérationnels, tels qu'ils ont été fixés par l'Exécutif, pour la protection du territoire national - à hauteur de 1 000 réservistes déployés chaque jour -, la réserve opérationnelle de 1 er niveau des armées reste pour l'heure, comme on l'a souligné plus haut ici 116 ( * ) , dépourvue d'une claire doctrine d'emploi.

Celle-ci, pourtant, est désormais indispensable si l'on veut effectivement donner corps à la nouvelle stratégie de défense du territoire qu'exige le nouveau contexte sécuritaire . Vos rapporteurs invitent donc les armées à la définition de cette doctrine, en déclinant dans leurs différents contrats opérationnels et scénarios de crise les cas et volumes de recours aux volontaires sous ESR . Très rapidement, il devrait être possible de mieux dessiner ce schéma d'emploi opérationnel des réservistes, au profit des forces d'active qui pourraient ainsi concentrer leurs moyens sur le haut du « spectre » des missions de défense.

En ce qui concerne spécifiquement l'armée de terre, il conviendra notamment que la réserve opérationnelle soit prise en compte au sein de la nouvelle « posture de protection terrestre » en préparation, déjà mentionnée 117 ( * ) . En effet, les missions de sécurité envisagées à ce titre semblent parfaitement adéquates aux aptitudes d'emploi des réservistes : surveillance ou contrôle d'une zone ou d'une frontière ; protection de sites sensibles ou stratégiques, d'axes de communication, de points d'importance vitale ; contribution, en complément des forces et services de sécurité intérieure, à la surveillance d'activités susceptibles de constituer une menace ; escorte des convois ou de détachements militaires et civils sensibles ; collecte d'informations « d'ambiance » sur le terrain, au contact des différents acteurs présents sur le territoire (autorités locales, population, forces de sécurité intérieure) ; intervention en appui des forces de sécurité intérieure face à une agression terroriste caractérisée...

Cet aggiornamento militaire serait à l'évidence de nature à favoriser l'emploi en opération de réservistes qui, précisément, sont motivés pour accomplir sous cette forme leur engagement auprès des armées. Le sondage précité qu'a effectué la DICoD en 2015 révèle en effet que 40 % des volontaires sous ESR, lorsqu'on leur demande leur suggestions concernant la réserve, formulent spontanément celle d'« exploiter davantage » celle-ci ; qu'à 64 % d'entre eux, « l'envie d'action, d'être sur le terrain » a constitué une motivation « très importante » de leur engagement ; qu'ils sont attirés, à titre personnel, à 47 % par les OPEX et à 39 % par les opérations et missions intérieures, contre seulement 7 % qui le sont par les missions de soutien et 2 % par les tâches administratives.

En revanche, pour finaliser cette doctrine, vos rapporteurs n'estiment pas nécessaire une modification préalable des dispositions légales existantes en ce qui concerne les délais de convocation de la RO1 et la durée maximale d'emploi des réservistes concernés opposable à leur employeur civil 118 ( * ) - même si, sur ce dernier plan, ils recommandent, comme indiqué ci-dessus, une concertation avec les entreprises en vue d'améliorer le droit en vigueur.

D'une part, certes, les délais de convocation sont en principe de trente jours en temps ordinaire, hors accord plus favorable avec l'employeur - notamment en cas d'ESR assorti d'une clause de réactivité permettant de réduire de la moitié au moins ce délai. Mais il faut à nouveau souligner ici que les pouvoirs publics, en cas de crise majeure, disposent désormais de la faculté de recourir au régime d'assouplissement des conditions de recours à la réserve opérationnelle introduit en 2015, voire à la « réserve de sécurité nationale » créée en 2011 119 ( * ) . Ceux-ci permettent de ramener ce délai, le premier, à 15 jours voire 5 jours en cas de clause de réactivité et, le second, à un jour franc seulement.

D'autre part, il est vrai que la durée maximale d'emploi de 5 jours en principe opposable à l'employeur civil est très limitée. Mais les régimes précités, pour les besoins de la sécurité nationale, permettent d'étendre cette durée, respectivement, à 10 jours et à 30 jours renouvelables. Hors ces hypothèses, c'est pour vos rapporteurs sur le terrain des incitations à mieux faire qu'il convient de s'avancer avec les employeurs ; le présent rapport a développé ci-dessus les moyens d'y parvenir.

Les préconisations de vos rapporteurs concernant la réserve opérationnelle de 1 er niveau (RO1) :

1) définir une doctrine qui décline, dans les contrats opérationnels des armées et leurs scénarios de crise, les cas et volumes d'emploi de réservistes ;

2) prendre en compte la RO1 dans la nouvelle « posture de protection terrestre ».

b) Exploiter la ressource de la RO2

La réserve opérationnelle de 2 e niveau des armées - et, plus largement, l'ensemble de la RO2, gendarmerie incluse -, constitue une réserve stratégique pour le cas de menace majeure ou de crise grave. Cette réserve de disponibilité obligatoire attachée, pendant cinq ans, au statut d'ancien militaire, comme on l'a signalé déjà, n'a jamais été sollicitée par les pouvoirs publics depuis la ré-architecture de la réserve militaire opérée par la loi du 22 octobre 1999, et l'exercice « Vortex » de rappel des réservistes supposément disponibles, conduit par l'armée de terre au printemps 2016, a traduit, avec ses résultats médiocres, l'état de relative déshérence dans lequel cette composante de la réserve a été laissée 120 ( * ) . Un nouvel exercice de ce type est d'ores et déjà programmé par l'armée de terre pour le printemps 2017 mais, sans la mise en place rapide de moyens de suivi administratif des anciens militaires, doublée d'un rattrapage d'actualisation de fichiers qui, jusqu'à présent, n'ont pas été maintenus actifs, il est douteux qu'il puisse conduire à une meilleure mobilisation.

Le Livre blanc sur la défense de 2013, de fait, a recommandé de rénover la RO2 , afin qu'elle soit « plus rapidement mobilisable et mieux identifiée ». Il est temps de mettre en pratique cette orientation.

La ressource de la RO2 apparaît en effet comme présentant de puissants atouts. D'une part, le vivier est vaste : plus de 98 000 anciens militaires sont concernés, 127 000 en prenant en compte les anciens gendarmes ; et, pour beaucoup, ces réservistes sont encore jeunes. D'autre part, tous ceux dont la date de sortie de l'état militaire est encore récente peuvent être considérés comme suffisamment formés et entraînés déjà, et ils disposent d'un savoir-faire quasi-immédiatement opérationnel. En outre, sur le plan médical, leur aptitude est règlementairement acquise pendant les deux années de validité que conserve leur dernier examen au sein des armées. Du reste, plusieurs interlocuteurs du groupe de travail animé par vos rapporteurs ont fait observer que, pour garantir un niveau professionnel et un état de santé compatibles avec les exigences de l'engagement, il est plus réaliste de n'avoir recours qu'aux anciens militaires ayant quitté l'institution depuis moins de deux ans , plutôt qu'à l'ensemble des assujettis à l'obligation de disponibilité de cinq années prévue par la loi.

En tout cas, aux yeux de vos rapporteurs, la possibilité réellement garantie de recourir en cas de besoin à la RO2 s'impose , comme une pièce maîtresse du dispositif de protection à construire face aux nouvelles menaces qui pèsent sur notre pays. À cet effet, ils préconisent, outre la mise en place déjà évoquée des outils de gestion adéquats, la pleine intégration de cette RO2 aux schémas opérationnels de mobilisation des armées pour le cas de crise, en prévoyant les mesures d'équipement, de logistique et d'infrastructure correspondantes.

Les préconisations de vos rapporteurs concernant la réserve opérationnelle de 2 e niveau (RO2) :

1) rendre possible de faire effectivement appel à la RO2, en identifiant mieux les réservistes soumis à l'obligation statutaire de disponibilité dont elle se compose, grâce à la mise en place des outils de gestion adéquats, et le cas échéant en ciblant les seuls anciens militaires ayant quitté l'institution depuis moins de deux ans ;

2) intégrer la RO2 aux schémas opérationnels de mobilisation des armées.

c) Cultiver les coopérations avec la gendarmerie

Une réponse militaire adéquate aux menaces de tous ordres susceptibles de frapper le territoire national - terrorisme, troubles sociaux, catastrophes naturelles ou industrielles, etc. - ne peut s'élaborer, d'une façon générale, sans prendre en compte la gendarmerie. En particulier, une doctrine d'emploi complète de la réserve opérationnelle des armées implique d'intégrer la coordination avec la gendarmerie et, le cas échéant, la réserve de celle-ci ; en conséquence, vos rapporteurs appellent à multiplier les exercices et opérations qui les associent .

Il convient ici de noter que, d'ores et déjà, suivant un mode collaboratif comparable à celui de l'opération « Harpie » conduite en permanence, en Guyane, contre l'orpaillage clandestin, l' expérimentation « Minerve », menée à la fin du mois d'avril 2016 dans l'Isère, a fait travailler ensemble l'armée de terre et la gendarmerie, dans le cadre d'une réquisition préfectorale, pour une mission contribuant à la protection du territoire et de la population. Cette expérimentation a permis de roder des procédures d'engagement communes et de tirer des enseignements tactiques, en vue d'améliorer, pour l'avenir, la capacité des unités militaires à intervenir sur le sol national, sous faible préavis, en appui des forces de sécurité intérieure. La rédaction d'un mémento de procédures conjoint entre l'armée de terre et la gendarmerie est en cours. Vos rapporteurs recommandent d'y prendre en compte la réserve opérationnelle de chaque force.

Les préconisations de vos rapporteurs concernant la coopération entre la réserve opérationnelle des armées et celle de la gendarmerie :

1) intégrer la coordination avec la gendarmerie dans la doctrine d'emploi de la réserve opérationnelle des armées ;

2) multiplier les exercices et opérations faisant collaborer ces forces.

d) Optimiser la réserve citoyenne

La réserve citoyenne, partie intégrante, en droit, de la réserve militaire, et de fait véritablement utile, au jugement de vos rapporteurs, pour le « rayonnement » de l'esprit de défense et l'indispensable entretien du lien qui unit la Nation et son armée, pourrait sans doute se trouver encore mieux exploitée dans ce double dessein. L'optimisation de son emploi semble à vos rapporteurs devoir passer par deux types d'ajustements, destinés à mieux cerner la mission des réservistes citoyens.

En premier lieu, il conviendrait de mettre en place une coordination de l'activité de ces réservistes citoyens , aujourd'hui peu ou prou inexistante . Les initiatives multiples qui peuvent être prises ici et là sont généralement excellentes, en elles-mêmes, mais elles ne seraient que plus efficaces en étant mieux cadrées, au moyen d'une définition centralisée et préalable de leurs objectifs, ainsi que de l'identification a priori des leviers pouvant être actionnés pour les atteindre.

Dans cette perspective, vos rapporteurs préconisent que l'état-major des armées élabore, chaque année, un plan global de mobilisation de la réserve citoyenne, et que les armées et services du ministère de la défense, localement, décline ce plan en « feuilles de route » individualisées , données pour mission à chaque réserviste citoyen. Il reviendrait aux réservistes de rendre compte à leur autorité militaire de rattachement des objectifs qu'ils ont pu atteindre, ou non, à l'issue de chaque semestre par exemple ; un retour d'expérience pourrait ainsi être établi à intervalles réguliers, permettant aux états-majors de décider des réorientations nécessaires. Dans un premier temps, des régions ou départements pilotes pourraient être retenus en vue d'une expérimentation en la matière, généralisable si elle s'avère concluante.

Afin d'aider les réservistes dans leur tâche, vos rapporteurs proposent en outre que l'état-major des armées mette au point, à leur attention, des « kits » d'information sur les enjeux de défense - éléments de langage, documents de réflexion et matériel pédagogique sur la situation sécuritaire, les opérations militaires en cours, les possibilités d'engagement auprès des armées, etc. -, grâce auxquels chacun d'entre eux pourra préparer ses différentes interventions dans la société civile, en étant mieux assuré de relayer, collectivement, un message cohérent et validé, en amont, par le ministère de la défense. Cette documentation, dans l'esprit de vos rapporteurs, aurait vocation à être actualisée une à deux fois par an.

En second lieu, vos rapporteurs appellent à recentrer la réserve citoyenne sur sa vocation militaire .

Certes, pour ne prendre qu'un exemple, les interventions qu'il est demandé de réaliser, dans les quartiers dits « sensibles », aux « réservistes locaux à la jeunesse et à la citoyenneté » (RLJC) prévus par le Livre blanc sur la défense de 2013, traduisent, en elles-mêmes, un souci de servir l'intérêt général dont la légitimité est peu contestable - même si cette légitimité ne préjuge pas d'une utilité réelle, dont la preuve semble rester à apporter. Néanmoins, vos rapporteurs partagent, en la matière, le sentiment d'un grand nombre de leurs interlocuteurs : si la réserve citoyenne doit être considérée comme une composante à part entière de la réserve militaire, ainsi que le dispose en effet le code de la défense, alors il convient d' éviter la confusion entre le rôle militaire et le rôle social .

Il n'est bien sûr pas question, ce faisant, de méconnaître la dimension sociale naturellement attachée aux armées ; mais leur métier est la défense, et il doit en aller de même pour leurs réservistes, que ces derniers soient opérationnels ou citoyens. À cet égard, vos rapporteurs s'avouent dubitatifs sur l'opportunité qu'il y avait à prescrire à la réserve militaire citoyenne d'apporter son concours au développement de la réserve citoyenne de l'éducation nationale, comme l'a fait la loi précitée du 28 juillet 2015 en modifiant à cet effet le rapport annexé à la LPM pour 2014-2019. Il est vrai qu'on ne saurait non plus faire l'économie d'une clarification de la relation de la réserve militaire opérationnelle avec les réserves civiles ; le présent rapport y revient ci-après.

Aussi, rejoignant une proposition d'ailleurs formulée par nos collègues députés Mariane Dubois et Joaquim Puey dans leur rapport d'information précité sur les dispositifs citoyens du ministère de la défense 121 ( * ) , vos rapporteurs prônent une révision des orientations actuelles, et une réécriture des textes qui les cristallisent, afin de réserver l'emploi des réservistes citoyens de la défense au bénéfice du « rayonnement » militaire et des besoins d'enseignement de défense dans la société civile . Le reste viendra par surcroît, ou doit être assigné à la tâche d'autres acteurs.

En revanche, pour approfondir la vocation militaire de la réserve citoyenne, vos rapporteurs recommandent de favoriser toutes les passerelles et synergies possibles entre la réserve opérationnelle des armées et leur réserve citoyenne . Le cas, plus haut évoqué ici déjà 122 ( * ) , de la double réserve de cyberdéfense aujourd'hui existante - réseau citoyen d'une part, embryon de réserve opérationnelle en cours de développement d'autre part -, illustre bien les pistes d'évolution envisageable du système actuel. En particulier, la capacité de « bascule » rapide, en cas de besoin, du statut de réserviste citoyen à celui de réserviste opérationnel, faisant en partie de la réserve citoyenne une nouvelle « réserve de la réserve opérationnelle », représente une perspective particulièrement intéressante, adaptable à de nombreux domaines de l'activité militaire : renseignement, santé, soutien logistique, etc.

Les préconisations de vos rapporteurs concernant la réserve citoyenne des armées :

1) mettre en place une coordination des activités de la réserve citoyenne, au moyen d'un plan annuel de mobilisation de celle-ci que l'état-major des armées élaborerait et que les armées, localement, déclineraient en « feuilles de route » individualisées. Sur cette base, les réservistes citoyens rendraient compte à l'autorité militaire des objectifs qu'ils auraient pu atteindre. Des régions ou départements pilotes pourraient être retenus en vue d'une expérimentation en la matière ;

2) dans le même but, élaborer à destination des réservistes citoyens, sous la responsabilité de l'état-major des armées, des « kits » d'information sur les enjeux de défense, régulièrement actualisés ;

3) recentrer la réserve citoyenne sur sa vocation militaire, en l'employant exclusivement au bénéfice du « rayonnement » des armées et des besoins d'enseignement de défense dans la société civile ;

4) dans le même but, favoriser toutes les passerelles et synergies possibles entre la réserve opérationnelle des armées et leur réserve citoyenne, à l'image du processus en cours dans le domaine de la cyberdéfense.

Par ailleurs, des précisions et clarifications seraient sans doute utiles en ce qui concerne le statut des réservistes citoyens, s'agissant notamment de la tenue vestimentaire et des grades, mais il faut veiller à maintenir, en la matière, les souplesses nécessaires.

e) Clarifier la relation avec les réserves civiles

Le caractère disparate des réserves civiles, telles qu'on en a rappelé plus haut les dispositifs en vigueur - réserve civile et service volontaire citoyen de la police nationale, réserve judiciaire, réserve civile pénitentiaire, réserve sanitaire, réserves communales de sécurité civile, réserve citoyenne de l'éducation nationale 123 ( * ) -, et le système peu lisible que composent ainsi ces régimes existants, constituent une difficulté en soi, qu'il n'entre toutefois pas directement dans l'objet du présent rapport de traiter. Observons néanmoins que ce problème a été bien identifié par notre ancien collègue Marcel-Pierre Cléach, dans son rapport établi en 2014 124 ( * ) sur l'application de la loi précitée du 28 juillet 2011 qui a créé la « réserve de sécurité nationale » ; celui-ci appelait en effet, expressément, à envisager une simplification et une homogénéisation des différents statuts en la matière.

Un début de solution réside peut-être dans les dispositions du projet de loi « Égalité et citoyenneté » qui tendent à instaurer un socle commun de règles pour les réserves « citoyennes » 125 ( * ) . Ces réserves sont définies par le texte, notamment, comme l'« offre à toute personne volontaire [de] la possibilité de servir les valeurs de la République en s'engageant, à titre bénévole et occasionnel, sur des projets d'intérêt général ». Parmi elles, la réserve militaire citoyenne prendrait à cette occasion le nom de « réserve citoyenne de défense et de sécurité ».

Il convient également de relever ici que la multiplication récente de ces réserves civiles thématiques - dont la réserve de l'éducation nationale créée en mai 2015 n'est sans doute que le dernier exemple en date tant, comme on l'a relevé déjà, ces créations paraissent traduire un mouvement de fond en faveur de l'engagement civique -, induit ipso facto un certain brouillage de l'information pour le public . Elle appelle en conséquence une communication particulièrement pédagogique , en direction des personnes susceptibles d'être volontaires pour rejoindre ces dispositifs, de la part des différents ministères concernés ; cette remarque, pour ce qui concerne les forces armées, ne fait qu'appuyer la préconisation ci-dessus présentée par vos rapporteurs en vue d'affiner le contenu de la communication sur la réserve.

Surtout, cet effort d'éclaircissement « sur le papier », aux plans juridique et médiatique, doit être complété par une clarification de la relation qu'il appartient à la réserve militaire d'entretenir avec les réserves civiles sur le terrain . Cette clarification concrète n'a pas été favorisée, il est vrai, par l'absence de mise en pratique, jusqu'à présent, du dispositif de réserve de sécurité nationale ; en conséquence, les contours de l'action conjointe que pourraient mener, le cas échéant, la réserve militaire opérationnelle et les réserve civile de la police nationale, réserve sanitaire, réserve civile pénitentiaire et réserves communales de sécurité civile, restent, pour l'heure, théoriques. Ils seraient toutefois plus nets qu'ils n'apparaissent encore dans le code de la défense, nonobstant la publication en 2015 du décret d'application de la loi 28 juillet 2011, si la doctrine d'emploi de la RO1 que vos rapporteurs appellent de leurs voeux 126 ( * ) s'efforçait, comme il serait souhaitable, de leur donner une traduction, pour le cas de recours opérationnel.

Or, posée au sujet d'un dispositif conçu pour faire face, suivant les termes de la loi de 2011, au « cas de survenance, sur tout ou partie du territoire national, d'une crise majeure dont l'ampleur met en péril la continuité de l'action de l'État, la sécurité de la population ou la capacité de survie de la Nation », cette question de la répartition des rôles entre réserve militaire et réserves civiles se trouve au coeur de celles que soulèvent, aujourd'hui, l'hypothèse de la constitution d'une « garde nationale ».

Les préconisations de vos rapporteurs concernant la relation entre la réserve militaire les réserves civiles :

1) développer une communication distinguant nettement les réserves militaires et les réserves civiles ;

2)  clarifier l'articulation opérationnelle entre réserves militaires et réserves civiles.


* 81 Cf. ci-dessus le point I, B, 1.

* 82 Réunion déjà mentionnée du CODIR Réserve, le 16 juin 2016, au ministère de la défense, sous la présidence de M. Jean-Claude Mallet, conseiller spécial du ministre.

* 83 Cf. supra , 1 e partie (point I, C , 1).

* 84 Cf. le rapport « Conditions d'emploi des armées lorsqu'elles interviennent sur le territoire national pour protéger la population », remis au Parlement par le Gouvernement en mars 2016.

* 85 M. Jean-Yves Le Drian, discours précité pour les « Assises de la réserve » du 10 mars 2016.

* 86 Cf. supra , 1 e partie (point I, A, 4).

* 87 Audition par la commission de la défense nationale et des forces armées de l'Assemblée nationale, le 30 septembre 2008, sur le projet de loi de finances pour 2009.

* 88 Déclaration déjà mentionnée sur les efforts en faveur de la réserve militaire, prononcée par votre rapporteur, dans ses fonctions de secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants, le 9 juin 2009, devant l'assemblée plénière du CSRM.

* 89 Cf. 1 e partie, point II, C, 2.

* 90 Cf. infra , point 3, a

* 91 Cf. les dispositions relatives à la nomination et à l'avancement des volontaires de la RO1 prévues aux articles R. 4221-20 et suivants du code de la défense.

* 92 Déclaration susmentionnée de votre rapporteur, dans ses fonctions de secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants, le 9 juin 2009, devant l'assemblée plénière du CSRM.

* 93 Cf. 1 e partie (point II, C, 1).

* 94 Cf. 1 e partie (point II, C, 1).

* 95 Article 21 du projet de loi « visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s », en cours d'examen par le Parlement lors de la rédaction du présent rapport.

* 96 En première lecture du projet de loi, les insuffisances de l'évaluation préalable du CEC ont justifié la suppression cette disposition par la commission des affaires sociales du Sénat.

* 97 Article 244 quater N du code général des impôts, créé par loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005, puis modifié. Ce crédit d'impôt était égal à 25 % de la différence entre, d'une part, le montant du salaire brut journalier du salarié versé par l'employeur lors des opérations de réserve se déroulant hors congé, repos hebdomadaire et jours chômés, dont le préavis était inférieur à un mois ou entraînait une absence cumulée du salarié supérieure à 5 jours et, d'autre part, la rémunération brute journalière du réserviste, c'est-à-dire la solde et les indemnités ou compléments, perçue au titre des opérations de réserve susmentionnées. Il était plafonné, pour chaque entreprise bénéficiaire, à 30 000 euros par an.

* 98 Cf. 1 e partie (point II, C, 1).

* 99 Les CRED sont en pratique des réservistes militaires, opérationnels ou citoyens, spécialement chargés d'assurer, au niveau local, la médiation de premier niveau entre les employeurs, les réservistes et les forces armées, et d'obtenir, par la signature de conventions de partenariat avec le ministère de la défense, le soutien des acteurs socio-économiques en faveur de la réserve.

* 100 À titre d'exemple, la formation d'un secouriste en entreprise coûte en moyenne 300 euros pour deux jours de formation.

* 101 Crédits ECTS (système européen de transfert et d'accumulation de crédits).

* 102 Les pratiques en la matière peuvent aller de la valorisation simple (certification, inscription à l'annexe descriptive au diplôme, délivrance d'une attestation, inscription dans un portefeuille de compétences...) à une validation concourant à l'obtention du diplôme en cause (attribution de crédits d'études ou validation d'une unité d'enseignement, qui sont d'ordinaire les modes retenus).

* 103 Article 14 du projet de loi « Égalité et citoyenneté », en cours d'examen par le Parlement lors de la rédaction du présent rapport, créant un article L. 611-9 dans le code de l'éducation.

* 104 Article 14 quinquies du projet de loi, créant un article L. 611-11 dans le code de l'éducation, introduit à l'initiative de la commission spéciale de l'Assemblée nationale chargée d'examiner ce projet de loi, dans la rédaction modifiée par un amendement du Gouvernement adopté par nos collègues députés.

* 105 Proposition de loi n° 3836 (AN, XIV e législature), déposée le 14 juin 2016.

* 106 M. Éric Barrault, auditionné par le groupe de travail animé par vos rapporteurs.

* 107 HCECM, 10 e Rapport et rapport thématique sur « La condition des militaires engagés dans les missions de protection du territoire national et de la population », mai 2016.

* 108 Demandeurs d'emploi tenus de rechercher un emploi et sans activité (« catégorie A »).

* 109 Par exemple, les procédures de Pôle Emploi demandent la production d'une déclaration de revenus dans un délai d'un mois, alors que les armées, actuellement, ne peuvent fournir les bulletins de solde que sous trois mois.

* 110 Cf. l'article L. 312-12 du code de l'éducation, déjà cité.

* 111 La CAJ assure réunit des représentants des armées et autres organismes du ministère de la défense, de plusieurs autres ministères et délégations interministérielles, des associations professionnelles et familiales, syndicats et mouvements de jeunesse ou d'étudiants.

* 112 Cf. l'article L. 4211-8 du code de la défense. Il revient au Conseil supérieur de la réserve militaire de proposer au ministre de la défense le thème de chaque JNR (article D. 4261-17, 4°, du même code).

* 113 La JNR 2016 s'est tenue sur une période allant du 6 mars au 2 avril, avec pour thème : « Une nouvelle réserve militaire pour de nouvelles menaces ».

* 114 La liste de ces associations a été donnée plus haut ici, en note (cf. 1 e partie, point I, A ,4).

* 115 Cf. supra , 1 e partie (point I, C, 2).

* 116 Cf. supra , 1 e partie (point II, B).

* 117 Cf. le rapport précité, « Conditions d'emploi des armées lorsqu'elles interviennent sur le territoire national pour protéger la population », remis au Parlement par le Gouvernement en mars 2016.

* 118 Nos collègues députés Mariane Dubois et Joaquim Puey ont exprimé un avis semblable dans leur rapport d'information précité n° 3322 (AN, XIV e législature), « Le service national universel », décembre 2015.

* 119 Cf. supra , 1 e partie (point I, B).

* 120 Cf. supra , 1 e partie (points I, A, 2 et II, C, 2).

* 121 Rapport d'information n° 3322 (AN, XIV e législature), « Le service national universel », décembre 2015.

* 122 Cf. 1 e partie (point I, C, 1, a).

* 123 Cf supra , 1 e partie (point I, C, 2).

* 124 Rapport d'information n° 725 (2013-2014), déjà mentionné.

* 125 Cf. les articles 1 er et suivants du projet de loi, en cours d'examen par le Parlement lors de la rédaction du présent rapport. Ce texte tend ainsi à la création d'un cadre interministériel de la réserve citoyenne, prenant en compte les réserves existantes, fondée sur les propositions du rapport remis au Président de la République par MM. Claude Onesta et Jean Marc Sauvé, en juillet 2015, « Pour que vive la fraternité - propositions pour une réserve citoyenne ».

* 126 Cf. supra , point a.

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