II. LA SOLUTION DES CRISES DOIT ÊTRE RECHERCHÉE DANS UNE APPROCHE GLOBALE OU INTÉGRÉE, QUI PRÉCÈDE, ACCOMPAGNE ET PROLONGE L'ACTION MILITAIRE

Cette approche globale a deux objectifs : la prévention des conflits, d'une part, la reconstruction post-conflit, d'autre part, qui permettra à partir du levier militaire de réduire l'impact social du conflit et de traiter les causes à l'origine de la crise.

L'un et l'autre des volets impliquent souvent les mêmes acteurs de l'aide au développement, de la coopération civile et de la coopération structurelle militaire. Il s'agit par le développement économique, l'amélioration de la gouvernance politique, le déploiement d'administrations et de services publics efficaces d'apporter des solutions pour prévenir la crise ou pour reconstruire.

Ils supposent pour être efficaces une fonction de veille et d'anticipation permettant de détecter les signes avant-coureurs de la crise, afin de les traiter et de pouvoir, si une intervention militaire est décidée, planifier et mettre en oeuvre une action coordonnée de stabilisation aux moyens de capacités civiles en accompagnement et dans la foulée de l'opération militaire.

Ces volets ressortent à la fois de l'action diplomatique pour conseiller et convaincre les dirigeants de prendre les mesures appropriées pour éviter de s'enfoncer dans la crise et d'autres partenaires, États ou organisations internationales de mener une action concertée et des opérateurs de l'aide au développement.

Les difficultés relèvent de la mobilisation souvent insuffisante et tardive des acteurs pour la mise en oeuvre des actions préventives et de la coordination d'intervenants nombreux dans la phase de stabilisation post--crise sur un même théâtre d'opérations. Ces acteurs ont, en effet, chacun développé des approches différentes de l'approche globale qui devront être coordonnées de façon efficace.

A. UN CONCEPT ONUSIEN D'UNE EFFICACITÉ VARIABLE

Les OMP de l'ONU sont déployées sur la base de mandats définis par le Conseil de sécurité.

La gamme de tâches confiées à ces opérations s'est élargie considérablement sous l'effet de la nature changeante des conflits, ainsi que pour mieux faire face aux menaces à la paix et à la sécurité internationales. S'est développé le concept de missions multidimensionnelles intégrées.

En toute logique, la prééminence de l'Organisation des Nations unies sur les théâtres où elles ont déployé une mission devrait être la règle, mais ce postulat se concrétise rarement par une action coordonnée de toutes les parties prenantes, tant locales qu'étrangères. Les principales limites de l'approche globale des Nations unies, qui est sans doute la plus légitime, réside dans les difficultés de coordination entre les différentes entités intervenantes, dans la capacité des équipes constituées à travailler efficacement ensemble et avec les partenaires locaux et extérieurs et enfin dans le fait que la mission n'est de fait active et constituée qu'après que le CSNU l'ait créée et que lorsqu'elle est déployée sur le terrain. Il n'y pas véritablement, en dehors des réflexions au sein des « Equipes pays », de stratégie globale abordant l'ensemble des problématiques de la crise et susceptible d'une mobilisation forte des acteurs, indépendante d'une intervention résolue d'un Etat membre. En outre, les actions des missions des Nations unies sont tributaires de l'accord du Conseil de sécurité qui définit leur mandat et leur durée.

1. La mission multidimensionnelle

Si variées soient-elles, les OMP comportent une similitude de tâches à réaliser qui sont reprises assez systématiquement dans le mandat confié par le Conseil de sécurité. Ainsi, les opérations de maintien de la paix peuvent être appelées à :

- prévenir le déclenchement des conflits ou empêcher qu'un conflit ne s'étende au-delà des frontières ;

- stabiliser des situations de conflit après un cessez-le-feu afin de créer un environnement tel que les parties puissent parvenir à un accord de paix durable ;

- aider à mettre en oeuvre des accords globaux de paix ;

- accompagner des États ou des territoires pendant la transition vers un gouvernement stable fondé sur des principes démocratiques, une bonne gouvernance et le développement économique.

Aujourd'hui, les opérations polyvalentes de maintien de la paix de l'ONU facilitent le processus politique, le rétablissement et l'extension de l'autorité de l'Etat, protègent des civils, aident au désarmement, à la démobilisation et à la réintégration des anciens combattants, appuient l'organisation d'élections, défendent et protègent les droits de l'homme et aident au rétablissement de l'Etat de droit et contribuent au redressement et au développement dans les domaines sociaux et économiques.

2. Une mission intégrée

À côté d'une force militaire, incluant de plus en plus fréquemment des membres des forces de sécurité intérieure (police, gendarmerie), sous casque bleu, les missions des Nations unies vont comprendre de plus en plus des personnels civils dont la mission principale sera avec les acteurs locaux et les autres partenaires présents de concevoir et d'accompagner les processus de consolidation de la paix, pour la mise en oeuvre desquels la force militaire constituera, en tant que de besoin, un appui.

Selon le mandat et selon les domaines, la mission disposera en son sein ou sous l'autorité du représentant spécial des experts compétents dans les différents domaines et notamment de « l'Equipe-pays » qui relèvent d'autres directions des Nations unies. Son rôle dans certains domaines (action humanitaire, développement économique) se limitera à une fonction d'impulsion et de coordination des différents partenaires de la sphère des Nations unies, mais relevant d'une autre organisation (PNUD, HCR, PAM, OCHA...) ou de partenaires extérieurs. Une attention particulière est portée à la coordination dans les suites du Rapport Capstone de 2008 242 ( * ) qui mettait en garde contre les risques des défauts de coordination entre les différents acteurs.

Le rôle du Représentant spécial du SGNU est important. Il est assisté dans les grandes missions d'un adjoint en charge des affaires politique et d'un adjoint coordonnateur humanitaire et coordonnateur du « système des Nations unies » dans le pays hôte (cas du Mali), du commandant militaire de la force et d'un chef de la composante « police ».

3. Un système lourd, souvent bureaucratique, et addictogène

Si nécessaire soit-il, le système mis en place par les Nations unies dans les missions multidimensionnelles intégrées reste un système lourd et consommateur d'effectifs civils et militaires, et donc d'un coût élevé.

Effectifs et budgets des missions de maintien de la paix sur les théâtres où la France intervient ou auxquelles elle participe

Effectifs déployés

Budget**

Total

Personnel en uniforme

Personnel civil

Volont.

Militaire

Observat.

Policier

Internat.

local

MINUSMA*

12 569

9638

140

1 866

518

242

165

969

MINUSCA

13 071

10 601

37

1 055

585

661

132

854

FINUL

10 501

257

591

531

* en janvier 2016

**approuvé 1 er juillet 2015-30 juin 2016 y compris le budget soutien en millions de dollars

Au total, en 2015, 124 517 personnes (106 280 militaires et 18 237 civils) ont été déployées par les Nations unies dans les missions de maintien de la paix pour un budget de 8,25 milliards d'euros.

Comme il a été rappelé (v. supra p. 136), les Nations unies sont de plus en plus sollicitées pour intervenir, mais le type d'opération à conduire et la difficulté à trouver des partenaires disposant d'unités opérationnelles et équipées, conduit souvent sur le plan militaire à privilégier la logique du nombre.

Le système lui-même dans son organisation génère une tendance bureaucratique, les fonctionnaires des Nations unies se montrant souvent rigides pour étudier les demandes extérieures et relativement peu présents sur le terrain, cantonnés pour des raisons de sécurité, dans les résidences hôtelières qui leur sont dévolues.

Enfin, par sa masse financière (masse salariale et dépenses de fonctionnement locales) et les emplois qu'il génère, il crée un écosystème qui certes est immédiatement profitable à l'économie locale, mais dont la population locale devient finalement très dépendante surtout lorsque les missions s'installent dans la durée.

La France participe au financement des OMP selon une clef de répartition complexe à hauteur de 464 millions d'euros à 7,469 milliards d'euros du coût global des missions. Son taux de contribution a été récemment réduit de 7,21 % (3 ème contributeur après les Etats-Unis 28,36 % et le Japon 10,83 %) et devrait être réduit à l'avenir en raison d'une plus importante participation de la Chine.

4. Dont le succès repose sur la capacité à mobiliser des partenaires impliqués et efficaces y compris sur le plan militaire

De fait, l'efficacité de l'approche globale développée par les Nations unies repose sur sa capacité à fédérer les différents acteurs sur le terrain et notamment l'ensemble des partenaires de la sphère des Nations unies. Elle est aussi tributaire du soutien que lui apporte in fine sur chacun des théâtres le Conseil de sécurité qui définit le mandat et la durée des missions et du processus du renouvellement et d'évolution de ce mandat qui obéit à un rythme bien particulier (rapport du Secrétaire général - décision du CSNU) et peut donner lieu à des interférences politiques fortes. Le maintien du consensus est souvent la voie privilégiée, mais elle n'est parfois pas à la mesure des enjeux.


* 242 Principes et directives des opérations de maintien de la paix de l'ONU: « la Doctrine Capstone » http://www.un.org/fr/peacekeeping/documents/capstone_doctrine_fr.pdf

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