C. DEMAIN, QUELLE CONTRIBUTION DES USAGERS AU FINANCEMENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT ?

Compte tenu des besoins de financement liés au renouvellement des réseaux d'infrastructure routière et ferroviaire, des engagements pris par l'État à financer de nouveaux projets d'infrastructure et du taux de prélèvements obligatoires se situant à 44,7 % en 2015, la question de l'affectation de nouvelles ressources au financement des infrastructures de transport ne peut être éludée.

Après l'abandon de l'écotaxe poids lourds, un arbitrage fut rendu en faveur de l'affectation d'une fraction supplémentaire de TICPE à l'AFITF - notamment grâce aux recettes supplémentaires dégagées de l'alignement de l'accise sur le gazole et à la montée en puissance de la composante carbone au sein de la TICPE. La TICPE sur le gazole professionnel fut également relevé de 4 centimes par litre. Cette solution fut d'autant mieux acceptée qu'elle s'inscrivait dans un contexte de baisse des prix des produits pétroliers.

Cependant, à moyen et long termes, un rééquilibrage entre les contributions respectives des usagers et des contribuables apparaît incontournable . À l'issue de ses travaux, le groupe de travail considère que deux pistes méritent plus particulièrement d'être considérées : l'introduction d'une nouvelle forme de contribution sur la circulation des véhicules routiers, que ce soit sur le modèle de l'écotaxe ou bien d'un « droit d'usage », et la hausse modérée de la participation de l'usager au transport ferroviaire de proximité.

Depuis fin 2014, les demandes récurrentes concernant la mise en place d' écotaxes poids lourds au niveau régional , en dernier lieu par la présidente du conseil régional d'Île-de-France, confirment que le débat n'est pas clos. En outre, la Commission européenne a annoncé, dans une communication du 20 juillet 2016 95 ( * ) , son intention de :

- réviser la directive Eurovignette afin de permettre une différenciation fondée sur les émissions de dioxyde de carbone (CO 2 ) et d'étendre certains de ses principes aux autobus, autocars, voitures particulières et camionnettes ;

- proposer de nouvelles normes harmonisées 96 ( * ) en vue de créer des systèmes de péage électronique interopérables dans l'UE , « de manière à faciliter l'accès aux marchés pour les nouveaux prestataires de services de péage et à réduire les coûts globaux des systèmes » 97 ( * ) .

La Commission européenne a également indiqué aux membres de votre groupe de travail qu'elle étudiait la possibilité d'étendre, au-delà des seules zones de montagne, la possibilité d'appliquer une surcharge de péage sur l'utilisation d'une infrastructure routière dans une zone congestionnée et sensible pour l'environnement en vue de l'affecter à un projet de transport alternatif. L'application d'une majoration de péage permettant de prendre en compte les externalités négatives peut, en effet, constituer une source de financement pertinente pour certains projets, en particulier la liaison ferroviaire Lyon-Turin, comme l'ont démontré nos collègues Michel Bouvard et Michel Destot 98 ( * ) .

Si une nouvelle forme de contribution poids lourds devait être introduite en France, sur l'ensemble du territoire , deux options seraient envisageables.

La première serait une redevance kilométrique sur tout ou partie du réseau non concédé sur le modèle de l'écotaxe adoptée à l'unanimité par le Sénat en février 2013 99 ( * ) , en tenant compte des propositions d'aménagement concernant la taille du réseau assujetti et la modulation des taux présentées à l'automne 2014 100 ( * ) . Cette redevance pourrait s'appliquer dans un premier temps aux poids lourds de plus de 12 tonnes, puis à ceux d'un tonnage inférieur. La fixation d'une redevance en fonction du kilométrage réellement parcouru a pour principal avantage de tenir compte au mieux des externalités liées à la circulation des poids lourds sur le réseau concédé (coûts de congestion, pollution, usage de la route). Par ailleurs, des dispositifs techniques alternatifs aux portiques semblent envisageables , comme par exemple un système d'autodéclaration reposant sur un contrôle par GPS ex post .

L'introduction d'une vignette sur les véhicules poids lourds, assimilable à un droit d'usage du réseau routier non concédé , a également été avancée en janvier 2015 par le CGEDD 101 ( * ) .

Selon ce dernier, l'instauration d'une vignette sur tout ou partie du réseau routier français non concédé est juridiquement possible au regard du droit de l'UE, à condition qu'il n'y ait aucune discrimination des poids lourds étrangers. Les coûts de gestion seraient de l'ordre de 40 à 50 millions d'euros pour une recette brute totale de 345 millions d'euros si une vignette annuelle de 500 euros venait à s'appliquer aux poids lourds circulant sur l'ensemble du réseau routier national et départemental non concédé.

Cette piste présente néanmoins des contraintes techniques et juridiques . Compte tenu du principe de non cumul d'un péage et d'un droit d'usage pour l'utilisation d'un même tronçon de route fixé par la directive Eurovignette, la mise en place de la vignette devrait s'accompagner de la suppression des péages autoroutiers pour les poids lourds. Une compensation de la perte de recettes pour les sociétés concessionnaires d'autoroutes devrait ainsi très vraisemblablement être introduite. Cet inconvénient avait conduit, en 2014, la mission d'information de l'Assemblée nationale sur l'écotaxe poids lourds à écarter cette option 102 ( * ) .

La seule hausse de la TICPE présente quant à elle l'inconvénient de s'appliquer aux véhicules circulant sur le réseau concédé et non concédé et de mettre peu à contribution les poids lourds étrangers en transit.

Dans tous les cas, la redevance ou le droit d'usage devraient être affectés en priorité à l'AFITF, en vue de financer la modernisation des réseaux d'infrastructure de transport existants.

Enfin, la proposition de la Cour des comptes d'accroître la part du coût des transports collectifs financée par les voyageurs en Île-de-France , déjà formulée en 2010 103 ( * ) et réitérée en 2016 104 ( * ) , si elle ne peut être exclue, doit être envisagée avec précaution . Une hausse du prix des billets permettrait de rééquilibrer la charge entre le contribuable et l'usager, toutefois celle-ci devrait rester modérée pour éviter un report modal important vers l'automobile. De plus, la propension des usagers à payer davantage dépendant de la qualité du service, toute hausse devrait, en théorie, s'accompagner d'une amélioration perceptible de la qualité de l'infrastructure. Ce point est particulièrement sensible au regard de l'ampleur des travaux de mise à niveau nécessaires en Île-de-France.

Proposition n° 14 : Concevoir une nouvelle forme d'écotaxe , que ce soit sous la forme d'une redevance kilométrique ou d'une vignette , en vue de l'affecter en priorité au renouvellement des infrastructures de transport et de renforcer le principe utilisateur-payeur , notamment pour les poids lourds .

Proposition n° 15 : Rééquilibrer la participation de l'usager au financement du transport ferroviaire de proximité , en particulier en Île-de-France, sous réserve d'une amélioration perceptible de la qualité de l'infrastructure.


* 95 Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au comité des régions, « Une stratégie européenne pour une mobilité à faible taux d'émissions », COM(2016) 501 final.

* 96 Révision de la directive 2004/52/CE et de la décision n° 2009/750/CE de la Commission sur le service européen de télépéage (SET).

* 97 COM(2016) 501 final.

* 98 Michel Destot et Michel Bouvard, Rapport au Premier ministre sur la liaison ferroviaire Lyon-Turin - Examen de nouvelles sources de financement pour les travaux de la section transfrontalière , juillet 2015.

* 99 Loi n° 2013-431 du 28 mai 2013 portant diverses dispositions en matière d'infrastructures et de services de transports

* 100 Décret n° 2014-1099 du 29 septembre 2014 relatif à la consistance du réseau routier national soumis à la taxe nationale sur les véhicules de transport de marchandises et arrêté du 16 septembre 2014 relatif au taux kilométrique et aux modulations qui lui sont appliquées de la taxe nationale sur les véhicules de transport de marchandises pour 2015.

* 101 CGEDD, Financement des infrastructures et transport routier , op. cit .

* 102 Cf. Rapport d'information n° 1937 (XIVème législature) par la mission d'information sur l'écotaxe poids lourds, présenté par le député Jean-Paul Chanteguet.

* 103 Cour des comptes, Rapport public thématique : Les transports ferroviaires régionaux en Île-de-France , novembre 2010.

* 104 Cour des comptes, rapport public annuel 2016.

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