EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le jeudi 23 février 2017, sous la présidence de Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, vice-présidente, la commission a entendu une communication de MM. Alain Houpert et Yannick Botrel, rapporteurs spéciaux, sur les moyens de la politique de sécurité sanitaire des aliments .

M. Alain Houpert , rapporteur spécial . - Un contrôle budgétaire exhaustif sur les crédits publics consacrés à la politique de sécurité sanitaire des aliments relève presque de la mission impossible, mais il n'en est pas moins nécessaire.

Nous nous sommes rangés derrière la conception très large de la sécurité sanitaire des aliments qui prévaut en France mais aussi en Europe, celle d'une politique qui va du champ à l'assiette.

Cette conception n'est pas arbitraire dans la mesure où les problèmes sanitaires sont susceptibles de se rencontrer à tous les stades de la chaîne alimentaire. En effet, un problème portant sur une matière première peut dégénérer en un problème de sécurité pour le consommateur. Cependant, cette conception implique un élargissement de la perspective : l'objectif de préservation des matières premières englobe mais aussi dépasse celui d'assurer une alimentation sûre.

Cet avertissement liminaire n'empêche pas un diagnostic sur les actions conduites pour assurer la sécurité sanitaire des aliments, à partir de données qui parfois ne font que tangenter la question ; partant, nous recommandons une meilleure spécification de notre appareil de maîtrise du risque sanitaire des aliments et une organisation davantage centrée sur l'assiette.

La mission, disons-nous, est presque impossible du fait de la complexité du problème, qui présente au moins deux visages. Il faut d'abord compter avec la technicité des questions à traiter, en particulier la difficulté de dégager un référentiel à même de proposer un point de vue sur chacun des très nombreux points à envisager. C'est l'un des obstacles majeurs auxquels les responsables de la politique de sécurité sanitaire des aliments sont confrontés. Il les conduit à suivre une voie parfois décevante par rapport à des objectifs absolus et énoncés comme tels dans les instruments juridiques et de communication de cette politique : la voie moyenne de l'analyse de risques, fondée sur la reconnaissance qu'il n'existe pas de risque zéro.

Second problème, l'opacité des données budgétaires éclatées entre plusieurs ministères, ainsi que l'impossibilité de cerner l'effort privé des entreprises, et par conséquent, l'articulation entre crédits publics et dépenses privées, qui gênent toute évaluation satisfaisante de la politique publique de sécurité sanitaire des aliments. Nous recommandons à tout le moins l'élaboration d'un document de politique transversale pour y remédier. Comme il est hélas de règle, la mesure de l'effort public total en matière de sécurité sanitaire des aliments rencontre encore l'obstacle d'un manque de recensement des moyens, importants, que lui consacrent les collectivités territoriales.

Ce constat étant fait, nous recommandons l'élaboration de documents budgétaires récapitulant l'effort de la Nation en faveur de la sécurité de l'alimentation.

Mission quasi-impossible, mais mission très nécessaire.

Les enjeux sont majeurs : le niveau de risque reste élevé et les coûts peuvent être considérables.

En matière de coûts, de la qualité sanitaire des produits agroalimentaires, appréciée de la fourche à la fourchette, dépend le niveau d'un certain nombre de charges publiques : le collectif de fin d'année qui a ouvert quelques dizaines de millions d'euros au titre de la crise de l'influenza aviaire en est l'illustration.

C'est aussi la santé économique de l'agriculture française qui est en jeu. La matérialisation d'un risque sanitaire peut tout simplement ruiner une filière, et en tout cas lui interdire d'exporter. La reconnaissance du statut officiel « indemne » est cruciale. Or sur ce point, certaines situations suscitent des inquiétudes légitimes : en témoigne la très récente actualité dans les élevages de canards du Sud-Ouest. Nous avons également recueilli quelques témoignages inquiétants relatifs à la tuberculose bovine.

Au-delà de la santé économique, il faut avant tout tenir compte de la santé humaine. Notre appareil de mesure en la matière est très incomplet, malgré des progrès récents, et les enseignements qui se dégagent demeurent inquiétants. D'après des données d'épidémiologie, plus de 200 décès sont enregistrés chaque année du fait d'affections liées à l'alimentation. Même si certains de ces décès peuvent être imputables aux pratiques des particuliers, les plus de 900 000 infections bactériennes par an et 500 000 atteintes virales montrent l'ampleur des enjeux de santé publique.

Ces données sont à relier à la dégradation apparente de l'état sanitaire de certaines productions primaires. C'est un symptôme inquiétant pour la qualité du système de sécurité sanitaire français, qui suscite des interrogations sur les liens de ce dernier avec les services en charge de cette politique.

Les coûts de la crise de l'influenza aviaire se chiffrent probablement en centaines de millions d'euros. Or, malgré l'identification précoce de plusieurs souches virales, le fait que le virus en soit à sa troisième mutation suggère soit une certaine négligence dans le traitement du problème, soit une incapacité de nos infrastructures sanitaires à réagir en temps utile. Cette dernière hypothèse n'est pas à exclure, d'après les auditions que nous avons conduites et le récent rapport consacré aux visites sanitaires par le Conseil général de l'alimentation de l'agriculture et des affaires rurales, qui relève un déficit de présence vétérinaire et de capacités locales d'analyse.

Il conviendra de suivre de très près les ressorts de cette crise, qui méritent d'être élucidés. Une partie du problème semble venir de pratiques contestables dans certains pays européens qui auraient pu faillir à leur devoir de signalement.

Incidemment, si l'évaluation que nous avons entreprise sur le cas français est inspirée d'une exigence forte de zéro défaut, les données comparatives montrent que la France occupe souvent une position avantageuse par rapport à ses voisins européens. Notre tradition agricole y est sans doute pour beaucoup ; un grand pays voisin réputé pour sa rigueur peut paraître appliquer des standards assez éloignés des nôtres si l'on en juge certaines données épidémiologiques. Nous recommandons des comparaisons plus systématiques et mieux diffusées, pour offrir aux Européens et au reste du monde une image fiable de la situation sanitaire des différents pays qui comptent dans le domaine agricole.

Quelques mots sur l'architecture du système. D'abord, la sécurité sanitaire de l'alimentation est très encadrée par la législation européenne qui détermine largement les modes d'action des États membres ; mais l'Europe n'est pas allée au bout de cette logique, et l'intégration européenne manque de force. Ce constat est préoccupant au vu de la liberté des échanges, mais aussi au regard de la cohérence des pratiques suivies en Europe.

Ensuite, la sécurité sanitaire repose sur une responsabilité principielle des entreprises, mais aussi sur des contrôles des autorités publiques qui doivent respecter certains standards définis par la législation européenne. L'implication première des entreprises les oblige à respecter des normes nombreuses et parfois très techniques, généralement bien acceptées -à condition qu'elles participent à la définition et à la déclinaison de ces normes, et que celles-ci soient appliquées de façon homogène. Nous énonçons des recommandations en ce sens.

Notons aussi que la sécurité sanitaire est un investissement dépendant des capacités économiques des entreprises, malgré l'existence d'organisations collectives - groupements de défense sanitaire et fédérations régionales de lutte contre les organismes nuisibles - qui interviennent principalement au stade de la production primaire. C'est pourquoi les entreprises du secteur sont susceptibles de satisfaire de manière inégale à leurs obligations d'autocontrôle. Plus généralement, préoccupations sanitaires et conditions économiques peuvent entrer en contradiction. Nous l'avons constaté lors de notre déplacement dans des abattoirs, où les moyens de contrôle mis en oeuvre sont divers et où la pression des cadences peut entraîner un certain relâchement dans la vigilance des opérateurs.

Ce constat justifie à soi seul l'existence d'un appareil public de supervision - il y en a d'autres, comme nous le montrons dans le rapport. Sur ce point, il faut considérer que du statut précis de certaines interventions publiques dans le domaine de la sécurité sanitaire des aliments devrait dépendre leurs conditions de financement et d'organisation. Si on les considère comme des prestations de service, il serait normal que les bénéficiaires des interventions publiques les rémunèrent et qu'elles puissent être mises en concurrence par les entreprises ; si on les considère comme des interventions régaliennes ou à portée collective, il faut en tirer d'autres conclusions. Ce point n'est pas réellement tranché, le système oscillant entre les deux logiques, tout en reposant sur la reconnaissance d'une implication opérationnelle de la supervision publique.

M. Yannick Botrel , rapporteur spécial . - Le système de sécurité sanitaire nous semble présenter plusieurs points de vulnérabilité, dont certains seulement sont dus à l'étiolement des moyens observé ces dernières années. La réduction des moyens peut être illustrée par la baisse des crédits du programme 206 de la mission budgétaire agriculture, alimentation et affaires rurales précisément consacré à la sécurité sanitaire des aliments. De 2010 à 2015, les dépenses ont reculé de 75 millions d'euros, soit une baisse de 13 %. Si les dépenses de personnel ont été à peu près stabilisées, c'est en raison de la progression du coût par emploi, le nombre des emplois ayant diminué de 9,3 % de 2009 à 2016.

Les dépenses liées au contrôle des maladies animales, qui incluent les zoonoses, c'est-à-dire les maladies transmissibles à l'homme, financent des opérations aussi nécessaires que les visites sanitaires, les prélèvements et leur analyse et les contrôles sur l'alimentation animale et les médicaments vétérinaires ; elles ont subi une amputation de plus d'un quart.

Ces réductions élargissent les mailles du filet et obèrent un peu plus la situation déjà préoccupante du réseau de laboratoires publics, en particulier les laboratoires départementaux dont la survie est souvent en cause, et qui devront faire l'objet de restructurations.

La diminution des crédits s'accompagne d'une diminution des activités de contrôle, les taux de couverture déjà faibles se réduisant, et d'une raréfaction des prélèvements et des analyses, avec les conséquences que l'on imagine sur la réactivité de la veille sanitaire mais aussi sur sa complétude.

Ce qui a été dit des moyens de la direction générale de l'alimentation, la DGAL, se vérifie aussi pour ceux de la direction générale de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et du ministère de la santé.

Sur un plan plus qualitatif, l'organisation en mille-feuilles des services concourant à la maîtrise sanitaire de l'alimentation crée plusieurs points de friction propices à des pertes d'efficience. Elle peut nuire à l'optimisation des moyens en réduisant leur mutualisation, au détriment de la coordination et de la cohérence des contrôles et des mesures de gestion. Là encore, la problématique de la vision d'ensemble ressurgit. Quant à la tendance à déléguer de plus en plus les missions de veille sanitaire, qui peut se justifier, elle ne doit pas pour autant être guidée par un simple accommodement avec la contrainte budgétaire : on risquerait de reporter la charge de la supervision sur les entreprises dans la plus grande improvisation, dégradant ainsi la qualité de la supervision. Enfin, la coexistence entre les objectifs de sécurité sanitaire et d'autres missions confiées aux administrations en charge de la définition et de la mise en oeuvre de la politique publique de sécurité sanitaire des aliments peut poser des problèmes de priorité, voire de conflits.

Dans ces conditions, une réforme de l'organisation administrative de cette politique devrait être envisagée. Le projet de création d'une agence regroupant les différents moyens opérationnels nécessaires va dans ce sens ; il améliorerait la lisibilité de l'action publique en ce domaine.

Une certaine discordance demeure entre la répartition territoriale des effectifs et les enjeux de contrôle, témoignant des difficultés traditionnelles d'appariement entre la répartition territoriale des risques et celle des moyens de maîtrise.

Ces problèmes se retrouvent au niveau des choix de priorité, certains risques étant très mal couverts par le système. Ainsi du déficit de surveillance des abattoirs de volailles, que les créations de 180 ETPT au cours de ces trois dernières années contribueront à combler ; mais la permanence du contrôle en abattoir, obligation européenne, devrait être mieux garantie.

Le végétal est lui aussi très peu couvert par le système de contrôle, alors qu'il s'agit d'une préoccupation émergente très forte, alimentée par la problématique des produits phytopharmaceutiques et par le niveau considérable des non-conformités détectées lors des contrôles. C'est peut-être une conséquence de la sociologie des contrôleurs du ministère de l'agriculture, essentiellement des vétérinaires.

Il faut en tout cas s'interroger sur les moyens et les instruments du contrôle. À cet égard, la pertinence des programmes de veille sanitaire - dont la vocation est double : correction des situations critiques et analyse de risques - est problématique. Les prélèvements auxquels donnent lieu ces programmes sont en diminution constante ; de plus, leur caractère quelque peu répétitif et les modalités du choix de contaminants et du choix d'échantillons nous font douter de leur capacité à atteindre pleinement leurs objectifs. Ainsi, l'analyse de risques réalisée à partir d'échantillons non aléatoires et présentant une très faible représentativité ne semble pas présenter les garanties nécessaires à une veille sanitaire efficace. C'est pourquoi nous demandons un audit sur cette question essentielle dans la mesure où une grande partie du système de maîtrise des risques sanitaires repose sur l'analyse de ces risques.

En matière de conduite des contrôles en abattoirs, les audits révèlent des dysfonctionnements. Les techniciens vétérinaires présents sur les chaînes d'abattage paraissent parfois accepter une forme de coproduction du contrôle ; de plus, les conditions de production, avec des cadences très soutenues et des pressions de toutes sortes, ne favorisent pas l'exercice d'un contrôle qui reste essentiellement visuel.

Enfin, les nombreuses non-conformités inventoriées n'ont que peu de prolongements. La DGAL semble avoir pris conscience de ce problème, et instruction a été transmise aux services de corriger le tir. Nous en attendons les effets et recommandons que cette instruction soit appliquée dans toutes ses composantes.

Une partie importante de la sécurité sanitaire des aliments repose sur les visites vétérinaires sanitaires, dont les régimes varient selon les animaux concernés. Cet instrument qui est essentiellement à visée d'épidémiosurveillance a fait l'objet d'un audit complet qui en a démontré les limites. Il est essentiel de les surmonter et d'identifier les déserts vétérinaires qui gagnent le pays, avec des conséquences très lourdes.

Pour conclure cette liste des points de préoccupation, les études de santé publique sont singulièrement déficientes. Nous nous réjouissons que l'INVS (Institut national de veille sanitaire), intégré dans France Santé publique, ait comblé une lacune déplorable, la dernière étude de prévalence des affections alimentaires datant du début des années 2000. Il convient de systématiser cet effort et de faire progresser la connaissance des problèmes de santé liés à des dangers en apparence nouveaux mais soupçonnés depuis longtemps.

Pour sortir de l'effet-lampadaire, il est notamment indispensable de mieux déterminer les effets au long cours, et ce que l'on appelle l'effet cocktail des produits phytosanitaires ; de s'interroger sur l'impact des nanomatériaux de plus en plus utilisés dans l'industrie alimentaire ; et enfin d'évaluer la contribution possible des biotechnologies à l'amélioration des propriétés sanitaires des biens que nous consommons, et celle de circuits et de modes de production plus courts et écologiquement intensifs.

Voilà nos conclusions sur un sujet dont l'importance nous a paru justifier un décloisonnement de notre cadre d'étude.

M. Marc Laménie . - Je salue le travail des deux rapporteurs sur un sujet très compliqué, qui touche en ce moment même les éleveurs de plusieurs de nos départements. Les abattages représentent un coût financier, psychologique et moral pour les éleveurs mais aussi pour les préfets, qui sont parfois contraints de décider l'abattage d'un troupeau entier. Combien d'organismes sont chargés du suivi de cette question ?

Mme Marie-France Beaufils . - Les laboratoires départementaux d'analyses, auxquels je suis très attachée en raison de leur importance pour les collectivités territoriales, sont fragilisés par la concurrence de grosses structures privées : ces dernières remportent des appels d'offres dans des conditions qui mériteraient une attention plus poussée des agences régionales de santé. Le laboratoire de mon département, l'Indre-et-Loire, est ainsi confronté à l'un de ces laboratoires privés, pourtant récemment mis en cause pour des manquements à la rigueur.

Vous avez mentionné les effets au long cours des produits phytosanitaires et « ce que l'on appelle l'effet cocktail ». Qu'entendez-vous par là exactement ?

M. André Gattolin . - De 2010 à 2015, dites-vous, les dépenses liées aux crédits du programme 206, consacré à la sécurité sanitaire des aliments, ont baissé de 13 %. Faut-il y voir un effort de réorganisation, de rationalisation, une baisse des besoins ou plutôt - et je suis enclin à l'imaginer - un effet de la logique de Bercy, qui préfère la réparation à la prévention ?

Il serait intéressant d'établir une cartographie de la profession vétérinaire. Vous avez indiqué que le contrôle de la sécurité sanitaire et alimentaire était surtout assuré par ces derniers, or les vétérinaires libéraux préfèrent s'installer en ville, ce qui provoque un déficit dans les campagnes et donc pour le contrôle.

M. Daniel Raoul . - Je suis surpris d'entendre que les nanoparticules seraient utilisées dans l'alimentation du bétail. Il est déjà assez difficile d'en fabriquer ; je ne vois pas l'intérêt qu'elles présenteraient pour l'alimentation des animaux.

Enfin, je n'ai jamais entendu parler de l'effet cocktail.

M. Thierry Carcenac . - Votre rapport a le mérite d'apporter une vision d'ensemble sur un sujet généralement traité de manière parcellaire. Pouvez-vous préciser les restructurations nécessaires que vous évoquez pour le réseau des laboratoires publics ?

Depuis l'entrée en vigueur de la loi NOTRe, les départements ont des difficultés à assumer certaines de leurs missions. Ils sont relayés par les groupements de défense sanitaire, au niveau départemental et désormais régional ; les maisons départementales de l'élevage faisaient aussi le lien entre les vétérinaires et les exploitations. Qu'envisagez-vous pour aller plus loin dans ce sens ?

M. Michel Canevet . - La sécurité sanitaire est particulièrement importante pour l'élu de Bretagne que je suis, au vu du rôle de l'agro-alimentaire dans notre région et dans le développement économique de notre pays.

Le déficit de présence vétérinaire que vous avez identifié touche-t-il la France seule ou l'Europe ? Les vétérinaires sont-ils assez nombreux, ou y a-t-il des besoins de formation complémentaires dans ce domaine ?

Enfin, estimez-vous que les conditions de la sécurité alimentaire sont remplies en France ? Pouvons-nous maintenir un modèle reposant sur la puissance publique, ou faudra-t-il recourir davantage au privé ?

M. Yannick Botrel , rapporteur spécial . - Les organismes chargés de la sécurité sanitaire sont multiples : à grands traits on peut mentionner la DGAL, pour les productions animales et l'amont, la DGCCRF, pour les productions végétales et l'aval, et enfin l'Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail). Ce dernier organisme, qui a aussi à connaître de questions comme l'électrosensibilité, fait figure de référence au niveau européen. Les services de l'Inserm et du ministère de la santé sont eux aussi impliqués dans la sécurité sanitaire, mais le rôle le plus important revient aux trois premiers organismes cités qui, m'a-t-on dit, travaillent en bonne intelligence.

Les nanoparticules sont apparemment utilisées plutôt dans l'industrie agro-alimentaire que dans l'alimentation animale. Elles sont mentionnées comme un risque émergent.

M. Alain Houpert . - L'effet cocktail désigne un risque lié à l'association de différentes substances, phytosanitaires notamment.

La France, monsieur Canevet, fait figure de chevalier blanc, de leader européen dans la protection du consommateur. L'affaire de la viande de cheval l'a montré. Il y a pourtant des trous dans le filet. Par exemple, les contrôles sur les produits importés pourraient être améliorés.

Les laboratoires départementaux, qui ont en effet un rôle important à jouer en assurant la sécurité sanitaire dans la proximité et par la complétude de leur offre, sont mis en péril par certaines formes de concurrence peu loyale de certains laboratoires privés qui risque de favoriser le moins-disant. Il convient d'alerter l'autorité de la concurrence sur ce point.

M. Yannick Botrel , rapporteur spécial . - Vous faites référence, madame Beaufils, au marché des analyses d'eau, qui est un sujet à part entière.

Il faut distinguer les laboratoires situés dans un bassin d'élevage, qui sont bien dotés et attractifs pour les vétérinaires, et les autres, moins actifs qui sont soutenus par les collectivités territoriales dans une démarche d'intérêt local. C'est pourquoi une reconfiguration du réseau est envisagée. En Bretagne, les quatre laboratoires de Brest-métropole, du Finistère, de l'Ille-et-Vilaine et des Côtes d'Armor ont été fusionnés en un grand laboratoire régional, dont les capacités techniques et le potentiel humain sont très importants. Certaines techniques d'analyse ne peuvent être mises en oeuvre qu'avec des moyens significatifs ; une spécialisation des laboratoires s'opère sous ce critère.

Les conseils départementaux versent une subvention d'équilibre substantielle aux laboratoires en difficulté qu'il faut mieux prendre en compte dans l'estimation de l'effort public consacré à la sécurité alimentaire. Dans les grandes régions d'élevage, leur implication participe du soutien à l'activité économique de la région.

Il est donc vrai que le réseau des laboratoires départementaux est très inégal ; vrai également que les conditions de réponse à certains appels d'offre méritent un examen, qui dépasse le cadre de notre mission.

M. Alain Houpert , rapporteur spécial . - Il faut sans doute aller plus loin dans la sécurité sanitaire, mais sans mettre à mal la compétitivité du secteur agro-alimentaire français. La baisse des crédits du programme 206 reflète la recherche d'économies au détriment de la prévention. C'est regrettable. Dans la crise de l'influenza aviaire, le virus a semble-t-il eu le temps de connaître trois mutations.

M. Yannick Botrel , rapporteur spécial . - La question du déficit de présence vétérinaire rejoint celle des déserts médicaux. Le dispositif de surveillance repose sur les vétérinaires du service public, mais aussi sur le réseau d'alerte constitué par les vétérinaires libéraux. La raréfaction de ces derniers met à mal le système.

On constate la même disparité dans les groupements de défense sanitaire, constitués par les agriculteurs dans les années cinquante pour lutter - avec succès - contre la tuberculose bovine. En Bretagne, les quatre groupements départementaux ont été fusionnés au niveau régional. Les régions où ces groupements sont actifs sont épargnées par un grand nombre de pathologies animales. De fait, l'émergence de certaines maladies ne relève pas tout à fait du hasard : dans certains territoires, les services vétérinaires sont moins rapidement alertés.

Il est plus facile de déplacer un individu à travers l'Europe qu'un animal d'une région française à l'autre ; mais cette rigueur est comprise par les agriculteurs, qui tiennent à la sécurité sanitaire et sont conscients des enjeux économiques.

Le contrôle sanitaire dans les abattoirs privés est partiellement assuré par des organismes privés, dans le cadre du paquet Hygiène européen. Nous avons visité les abattoirs de Kermené, qui emploient 3 500 salariés. Trente fonctionnaires des services vétérinaires travaillent in situ . Des contrôles sont également assurés par un laboratoire interne à l'entreprise mais opérant de manière totalement indépendante nous a-t-on dit. Au regard des enjeux économiques, l'entreprise n'a aucun intérêt, nous a-t-on fait valoir, à négliger la sécurité alimentaire. Les vingt agents du laboratoire traquent notamment la listeria et les salmonelles ; leur travail est complémentaire de celui des trente fonctionnaires qui procèdent, de leur côté, à des saisies visuelles si nécessaire. Les saisies totales sont rares : 1 % environ des volumes. Ce système n'est pas parfait mais il fonctionne.

La baisse des moyens interroge, même s'ils ont été complétés pour la DGAL et les services vétérinaires.

La commission a donné acte de leur communication à MM. Alain Houpert et Yannick Botrel, rapporteurs spéciaux, et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.

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