B. L'EXONÉRATION DES VENTES D'OCCASION : UN PRINCIPE CLAIR MAIS UNE APPLICATION DÉLICATE ET DIFFICILE À CONTRÔLER

En matière fiscale, les ventes d'occasion sont exonérées d'impôt sur le revenu . Aux termes de l'article 150 UA du code général des impôts, « les plus-values réalisées lors de la cession à titre onéreux de biens meubles ou de droits relatifs à ces biens » sont exonérés dès lors que leur prix de cession n'excède pas 5 000 euros 16 ( * ) . Les meubles meublants, les appareils ménagers et les automobiles sont exonérés quel que soit leur prix de cession.

Cette exonération découle en creux de l'article L. 110-1 du code de commerce précité, qui définit notamment un acte de commerce comme « tout achat de biens meubles pour les revendre , soit en nature, soit après les avoir travaillés et mis en oeuvre » : la vente d'occasion correspond donc au cas où le particulier vend un bien qu'il avait acquis ou reçu pour son propre usage, et non dans le but de le revendre.

La distinction entre ventes d'occasion et ventes commerciales revêt une grande importance compte tenu des nombreux « faux particuliers » présents sur certaines places de marché en ligne ( marketplaces ) , et notamment sur celles qui demandent peu d'informations à leurs vendeurs et/ou qui ne sont pas intermédiaires dans la transaction. Il y a là d'importantes pertes de recettes fiscales, non seulement en matière d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés, mais aussi en matière de TVA 17 ( * ) , ainsi que des distorsions de concurrence manifestes.

Cependant, pour le simple particulier de bonne foi, il n'est pas toujours évident de déterminer si une vente revêt un caractère occasionnel ou professionnel. Au-delà de la limite de 5 000 euros, et dès lors que l'activité est exercée de manière habituelle , le particulier est en effet soumis à l'impôt sur le revenu, et doit en principe s'affilier au régime social des indépendants (RSI) en tant que commerçant, le cas échéant en tant que micro-entrepreneur. La question de la détermination du caractère habituel de l'activité se pose alors avec la même complexité que pour les autres revenus (cf. supra ).

Lors des auditions du groupe de travail, les administrations ont fait valoir que la règle de droit était claire, et qu'il n'y avait pas lieu de la modifier : dès lors qu'une vente ne constitue pas une vente d'occasion, elle est imposable . C'est une lapalissade : la question ne porte pas sur le principe mais sur les critères de la distinction - et sur leur application effective, dans un contexte où il est impossible de contrôler le respect par les contribuables de leurs obligations déclaratives (cf. infra ).

En outre, les ventes entre particuliers sur des plateformes en ligne comme Leboncoin , eBay ou Vide-Dressing se trouvent soumises aux dispositions régissant les vide-greniers et les brocantes , conçues à une époque où ces échanges étaient occasionnels et exclusivement physiques. L'article L. 310-2 du code de commerce dispose ainsi que « les particuliers non inscrits au registre du commerce et des sociétés sont autorisés à participer aux ventes au déballage en vue de vendre exclusivement des objets personnels et usagés deux fois par an au plus ». L'article R. 321-9 du code pénal précise en outre que l'organisateur - donc en théorie la plateforme en ligne - doit tenir un registre qui mentionne les nom, prénoms, qualité et domicile de chaque participant, ainsi que la nature, le numéro et la date de délivrance de la pièce d'identité produite par celle-ci avec l'indication de l'autorité qui l'a établie et, pour les participants non professionnels, la mention de la remise d'une attestation sur l'honneur de non-participation à deux autres manifestations de même nature au cours de l'année civile.

Dans son rapport de mai 2016 sur les plateformes collaboratives, l'emploi et la protection sociale (cf. infra ), l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) estime à juste titre que « ce formalisme et la limitation à deux ventes par an ne semblent plus correspondre à l'état des pratiques de la société numérique , l'usage des plateformes collaboratives s'étant désormais largement répandu chez les particuliers ».


* 16 Sauf s'il s'agit de métaux précieux.

* 17 Voir à ce sujet le rapport n° 691 (2014-2015), « Le e-commerce : propositions pour une TVA payée à la source », 17 septembre 2015, fait par Michel Bouvard, Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Philippe Dallier, Jacques Genest, Bernard Lalande et Albéric de Montgolfier, rapporteur général.