III. LES VOIES DU REDRESSEMENT DE LA JUSTICE : PROPOSITIONS DE RÉFORME ET D'AMÉLIORATION DE L'ORGANISATION ET DU FONCTIONNEMENT DE LA JUSTICE

A. RENFORCER LES CAPACITÉS DE PILOTAGE DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE

Des nombreux déplacements et auditions qu'elle a effectués, votre mission a conclu que le redressement de la justice suppose, au préalable, de disposer, au niveau de l'administration centrale, d'une organisation robuste permettant un pilotage global et reposant sur une stratégie claire. Cette stratégie, que le ministère de la justice a vocation à piloter, doit permettre d'assurer les conditions de la bonne exécution du service public de la justice et de répondre aux attentes légitimes des justiciables et des pouvoirs publics.

Votre mission a identifié cinq axes de réforme en ce sens, qu'elle juge prioritaires : la sanctuarisation du budget de l'autorité judiciaire, l'amélioration de la gestion des ressources humaines, l'amplification de l'effort en faveur de l'immobilier judiciaire, l'adaptation de l'organisation du ministère de la justice et enfin, la mise à niveau de la fonction d'évaluation.

Il s'agit d'engager la Nation dans un effort pluriannuel en faveur de la justice, sous réserve de la mise en oeuvre de nouveaux principes d'organisation et de fonctionnement. Le redressement et l'adaptation au changement de la justice supposent également, selon votre mission, de garantir la pérennité du budget de l'autorité judiciaire, qui s'accommode mal de l'instabilité et du manque de prévisibilité budgétaires.

1. Sanctuariser le budget de l'autorité judiciaire

Institués afin de garantir l'exécution de l'autorisation parlementaire et de prévenir une détérioration de l'équilibre budgétaire, les instruments de la régulation budgétaire, fruit d'une pratique ancienne, ont été encadrés par la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances. Parmi ces instruments, la mise en réserve, ou gel de crédits 50 ( * ) , consiste à rendre indisponible, dès le début de l'exercice budgétaire, une fraction des crédits ouverts en loi de finances . Tous les programmes du budget de l'État dotés de crédits limitatifs 51 ( * ) y sont soumis. Le dégel de crédits mis en réserve, possible sur décision du ministre du budget, doit revêtir un caractère exceptionnel et être dûment justifié. Cette contrainte, si elle n'est pas nouvelle, s'accentue depuis plusieurs années.

Évolution des taux de mise en réserve du budget de l'État depuis 2006

2006/2007

2008

2009/2011

2012/2013

2014

2015/2017

Taux de mise en réserve des crédits votés en loi de finances initiale

Crédits de personnel

0,1 %

0,5 %

0,5 %

0,5 %

0,5 %

0,5 %

Autres crédits

5 %

6 %

5 %

6 %

7 %

8 %

Source : commission des lois du Sénat à partir des projets de loi de finances.

En 2017, le budget que pilote le ministère de la justice, traité à l'identique des autres ministères, a été amputé de près de 284 millions d'euros dès le début de sa gestion, au titre du gel de crédits de la mission « Justice », et ce pour l'ensemble des programmes qu'elle regroupe : les juridictions judiciaires, l'administration pénitentiaire, la protection judiciaire de la jeunesse, l'accès au droit et à la justice, la conduite et le pilotage de la politique de la justice et le Conseil supérieur de la magistrature.

La réserve de précaution appliquée à l'autorité judiciaire depuis 2012
(en crédits de paiement)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Loi de finances initiale

Mission « Justice »

(en millions d'euros)

7 392

7 699

7 814

7 900

8 193

8 542

Montant de la mise en réserve

196,18

204,75

237,1

268,4

274,9

284,2

Dont programme 166 consacré aux juridictions judiciaires

(en millions d'euros)

62,32

65,70

75,81

86,67

89,63

92,49

Dont programme 335 consacré au Conseil supérieur de la magistrature

(en milliers d'euros)

72,5

127,5

112,0

141,5

157,0

165,5

Source : commission des lois du Sénat à partir des rapports annuels de performances
pour 2012 à 2015 et des projets annuels de performance pour 2016 et 2017 de la mission « Justice ».

Les crédits consacrés à la justice, fonction régalienne et grand service public placé au tout premier rang dans la hiérarchie des fonctions de l'État, ne sont pas exemptés de ces gels de crédits.

Les crédits alloués à l'autorité judiciaire sont regroupés au sein des programmes consacrés aux juridictions judiciaires 52 ( * ) et au Conseil supérieur de la magistrature 53 ( * ) , qui représentent respectivement 38,87 % (3,321 milliards d'euros) et 0,05 % (4,55 millions d'euros) des crédits de la mission « Justice » votés en loi de finances initiale pour 2017.

Le constat est unanime des difficultés de gestion résultant de ces gels de crédits , tant chez les chefs de cour, de juridiction, que chez les directeurs de greffe : tous en ont fait part à votre mission, en particulier lors de ses déplacements. Ainsi, à l'occasion de sa visite dans le ressort de la cour d'appel de Metz, il lui a été confirmé que les crédits étaient débloqués sans anticipation et nécessitaient des engagements de dépenses trop rapides, méconnaissant l'exigence de bonne gestion des deniers publics et pénalisant les juridictions dans leur fonctionnement quotidien.

Ce constat converge d'ailleurs avec les analyses respectives de la Cour des comptes et des inspections générales de la justice et des finances . La Cour des comptes relève en effet dans ses travaux que « la réserve de précaution explique la sous-exécution du budget de la mission » 54 ( * ) , et peut créer des tensions en fin de gestion, pouvant conduire à faire de « l'immobilier ou de l'informatique des variables d'ajustement de l'exécution du budget, alors que ces dépenses sont par ailleurs prioritaires dans la démarche de modernisation » 55 ( * ) de la justice. Quant aux deux inspections générales, dans leur récent rapport de janvier 2017 sur les dépenses de fonctionnement courant des juridictions, elles rapportent que les cours d'appel rencontrées « ont toutes dénoncé l'insuffisance des crédits disponibles en début d'année et le caractère erratique du processus de la dépense en fin d'année » 56 ( * ) . En effet, les dégels de crédits de la mission « Justice » sont relativement tardifs et interviennent habituellement vers le mois de novembre, ne permettant pas de réaliser la dépense dans de bonnes conditions, et impliquant souvent une annulation au moment de la loi de règlement. Votre mission relève toutefois qu'entre 2010 et 2016, les crédits ont été entièrement dégelés chaque année, sauf en 2014 57 ( * ) , et que des efforts ont été consentis par la Chancellerie depuis 2016 pour que ces dégels aient lieu plus tôt dans l'année 58 ( * ) .

Les conséquences de cette gestion budgétaire selon des modalités qui pourraient être qualifiées de « stop and go », selon les termes employés par l'une des personnes entendues par votre mission, et qui illustrent parfaitement le système actuel, sont indéniablement de nature à désorganiser et altérer le fonctionnement normal de la justice.

Votre mission souhaite y remédier en permettant à l'autorité judiciaire de disposer dès le début d'année d'une visibilité sur les crédits qui lui sont affectés. Ainsi, votre mission préconise de sanctuariser le budget de l'autorité judiciaire, en exonérant les programmes respectivement consacrés aux juridictions judiciaires et au Conseil supérieur de la magistrature des mesures de mise en réserve des crédits . Elle propose, à cet effet, de mentionner expressément dans la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, l'existence de deux programmes spécifiques regroupant les crédits alloués à l'autorité judiciaire, qui pourront être exemptés de gel des crédits.

Les exceptions à la mise en réserve de crédits, si elles sont rares, existent néanmoins dans des cas particuliers. La mission « Pouvoirs publics » dont l'existence est expressément consacrée dans la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, et qui comprend notamment les dotations attribuées aux assemblées parlementaires, à la Présidence de la République et au Conseil constitutionnel, est, compte tenu de son caractère spécifique, exclue des modalités de régulation budgétaire infra-annuelle et notamment de la mise en réserve des crédits . Comme les autorités relevant de cette mission budgétaire, l'autorité judiciaire a rang constitutionnel, de sorte qu'elle devrait bénéficier d'un traitement équivalent.

Cet impératif de sanctuarisation du budget de l'autorité judiciaire n'impose pas, cependant, d'exonérer de mise en réserve les autres programmes de la mission « Justice ». En revanche, la pleine disponibilité des moyens alloués à l'autorité judiciaire, dès le début de l'année, est bien de nature à permettre un pilotage réellement autonome et efficient du budget voté par le Parlement.

Proposition n° 1 :

Consacrer l'existence du budget de l'autorité judiciaire dans la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, et l'exonérer des mesures de gel budgétaire.

2. Améliorer la gestion des ressources humaines, pour une réelle gestion prévisionnelle des emplois et des compétences

Les ressources humaines constituent le coeur du ministère de la justice : plus de 80 000 personnes, magistrats, personnels de greffe, surveillants pénitentiaires, conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation, professionnels de la protection judiciaire de la jeunesse et agents administratifs des corps communs, oeuvrent au service du bon fonctionnement de la justice. La gestion des personnels, enjeu d'autant plus important que la masse salariale représente en 2017 plus de 62,3 % du budget de la mission « Justice », semble pourtant manquer d'un pilotage global et d'une visibilité à moyen et long termes. En effet, les compétences et les statuts des personnels du ministère de la justice sont multiples, ce qui constitue un défi de gestion, dont l'enjeu principal est celui de la gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences, dont toute institution doit aujourd'hui se doter.

Sans prétendre proposer un schéma de gestion complet, qui ne relève d'ailleurs pas de sa compétence, votre mission préconise la mise en place d'une stratégie volontariste par la chancellerie, ainsi que plusieurs pistes d'actions prioritaires.

a) Résoudre le phénomène récurrent des vacances de postes de magistrats et de fonctionnaires, qui ralentit et altère le cours de la justice

Au cours de ses auditions et déplacements, votre mission a pu constater que les vacances de postes constituaient l'un des principaux sujets de préoccupation des chefs de cour et de juridiction , qui lui ont fait part d'un sous-effectif chronique, objectivé depuis plusieurs années par le calcul d'un taux de vacance de postes, indicateur correspondant à la différence entre le nombre de postes théoriquement prévu par la circulaire de localisation des emplois 59 ( * ) dans chaque cour et tribunal, et le nombre de postes qui y sont réellement pourvus. Au 1 er janvier 2016, étaient ainsi vacants près de 6 % des postes de magistrats en juridictions, soit 479 postes sur les 7 992 prévus par la circulaire de localisation des emplois. La situation s'est, en outre, aggravée chaque année depuis 2010.

Comparaison entre les effectifs réels et théoriques des magistrats
affectés en juridictions, hors Cour de cassation
(au 1 er janvier de l'année concernée)

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

Effectifs théoriques

7 844

7 740

7 740

7 687

7 687

7 829

7 853

7 887

7 992

Effectifs réels

7 630

7 710

7 708

7 594

7 521

7 489

7 458

7 483

7 513

Solde

- 214

- 30

- 32

- 93

- 166

- 340

- 395

- 404

- 479

Taux de vacance de postes

2,73 %

0,39 %

0,41 %

1,21 %

2,16 %

4,34 %

5,03 %

5,12 %

5,99 %

Source : ministère de la justice et commission des lois du Sénat.

À la même date, le taux de vacance de postes est encore plus élevé pour les greffiers , à hauteur de 9,1 % en 2016 , soit 881 postes vacants pour un effectif localisé de 9 640 emplois (hors autres personnels de greffe). Quant à l'ensemble des personnels affectés en juridictions, hors magistrats, le taux de vacance s'élève à 7,6 %.

Comparaison entre les effectifs réels et théoriques des fonctionnaires affectés
en juridictions ou en service administratif régional, hors Cour de cassation
(au 1 er janvier de l'année concernée)

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

Effectifs théoriques

21 274

21 189

20 902

20 778

20 929

21 025

21 105

21 174

21 197

Effectifs réels

20 247

20 076

19 997

19 837

19 509

19 419

19 502

19 680

19 585

Solde

- 1 027

- 1 113

- 905

- 941

- 1 420

- 1 606

- 1 603

- 1 494

- 1 612

Taux de vacance de postes

4,83 %

5,25 %

4,33 %

4,53 %

6,78 %

7,64 %

7,60 %

7,06 %

7,60%

Source : ministère de la justice et commission des lois du Sénat.

Ces vacances de postes ont des conséquences variables selon la taille et les contentieux des juridictions, mais peuvent ralentir et altérer le cours de la justice, engendrant un fonctionnement régulier en « mode dégradé », selon l'un des syndicats de magistrats entendu par votre mission.

La Conférence nationale des procureurs de la République a toutefois attiré l'attention de votre mission sur la potentielle inégale répartition des vacances d'emplois selon les fonctions . Interrogée par votre mission, la chancellerie a bien confirmé ce fait, puisque le taux de vacance de postes de magistrats est en moyenne bien supérieur pour le parquet que pour le siège : au 1 er septembre 2016, le taux de vacance de postes était de 5,5 % pour les magistrats du siège et de 8 % pour ceux du parquet. Selon les années, la circulaire de localisation des emplois s'attache toutefois à affecter les postes en fonction des priorités politiques nationales et des besoins spécifiques des juridictions. À titre d'exemple, la centaine de postes de magistrats créés en 2016 a été affectée en priorité à la mise en oeuvre des plans de lutte contre le terrorisme (49 postes), au renforcement des fonctions de juge des libertés et de la détention (18 postes) et à la prise en compte de contextes locaux particuliers (21 emplois), comme par exemple au tribunal de grande instance de Bobigny, où votre mission s'est rendue.

Selon le professeur Jean Danet, membre du Conseil supérieur de la magistrature entendu par votre mission, la chancellerie tenterait de limiter la durée des vacances de postes à un an maximum par juridiction, de manière à ne pas concentrer le sous-effectif dans une même juridiction pendant plusieurs années. La mise en oeuvre de ce principe est toutefois difficilement vérifiable puisque l'outil informatique de gestion des ressources humaines ne permet pas de connaître l'évolution du taux de vacance de postes sur plusieurs années, par tribunal et cour d'appel.

De plus, le phénomène apparaît plus important dans certaines juridictions qualifiées de peu attractives , comme l'ont montré les déplacements de votre mission.

Des magistrats « placés » peuvent être ponctuellement affectés dans certaines juridictions en souffrance, en lieu et place de la résorption de leurs postes vacants.

Les magistrats « placés »

Le dispositif des magistrats dits « placés » a été créé par la loi organique n° 80-844 du 29 octobre 1980 relative au statut de la magistrature. L'objectif était de donner aux chefs de cour une plus grande latitude dans la gestion des effectifs de magistrats, en leur attachant le service de magistrats « placés » auprès d'eux, qu'ils pouvaient librement affecter au remplacement de magistrats en congé ou sur un poste vacant.

Le régime juridique applicable à ces magistrats est défini à l'article 3-1 de l'ordonnance statutaire du 22 décembre 1958. Il fixe en particulier un plafond d'emplois des magistrats « placés » dans le ressort d'une même cour d'appel (un quinzième des emplois de magistrats de la cour) ainsi qu'une durée maximale d'exercice de cette fonction de six ans.

Il existe aussi des greffiers « placés », entrant dans les effectifs des services administratifs régionaux auprès des chefs de cour.

Au final, il apparaît que les vacances de poste se sont principalement développées faute d'une anticipation suffisante des départs en retraite , et ce malgré des créations nettes d'emplois budgétaires intervenues depuis 2010 dans les services judiciaires, à l'exception de l'année 2015.

Évolution du nombre d'emplois du programme « Justice judiciaire »
(en équivalents temps plein travaillé 60 ( * ) )

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Effectifs réels de magistrats et fonctionnaires en juridictions

29 467

29 567

30 525

30 575

30 671

31 036

30 787

Écart par rapport à l'année N-1

-

+ 100

+ 958

+ 50

+ 96

+ 365

- 249

Source : commission des lois du Sénat
à partir des rapports annuels de performances
« Justice judiciaire » .

Pour les magistrats, les créations de postes n'ont pas compensé les départs 61 ( * ) puisqu'entre 2011 et 2017, le nombre total de magistrats du corps judiciaire est passé de 8 560 à 8 427, soit une perte de 133 magistrats. Par ailleurs, votre mission a noté que le nombre de magistrats détachés 62 ( * ) représentait en nombre environ la moitié des vacances de postes, sans pour autant qu'elle ne souhaite préconiser de restreindre les détachements, qui constituent une source d'enrichissement extérieur pour la magistrature.

Évolution du nombre total de magistrats du corps judiciaire
(au 1 er janvier de l'année concernée)

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Magistrats affectés en juridiction 63 ( * )

7 907

7 783

7 763

7 703

7 665

7 752

7 809

Magistrats affectés au ministère de la justice

290

280

294

297

289

263

274

Magistrats en détachement

247

268

246

238

219

210

231

Magistrats en congé longue maladie

12

14

13

16

17

18

18

Magistrat en congé parental

14

18

18

17

14

12

13

Magistrats en disponibilité

83

78

73

84

96

84

82

Autres positions

7

1

0

0

0

3

0

Nombre total de magistrats du corps judiciaire

8 560

8 442

8407

8 355

8 300

8 342

8 427

Source : ministère de la justice.

Le ministère de la justice a toutefois pris conscience de cette problématique dans le recrutement des magistrats, puisque les effectifs des promotions formées à l'École nationale de la magistrature (ENM) sont croissants depuis plusieurs années.

Évolution des promotions de l'École nationale de la magistrature
(en nombre d'élèves)

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Auditeurs de justice

125

138

212

252

275

263

366

342

Source : commission des lois du Sénat à partir des rapports du jury
de l'École nationale de la magistrature.

La durée de la formation est toutefois de nature à reporter dans le temps la création des postes en juridictions . Elle est en effet de 31 mois 64 ( * ) pour les magistrats à l'École nationale de la magistrature, et de 18 mois pour les fonctionnaires de greffe, greffiers (catégorie B) ou directeurs des services de greffe judiciaires 65 ( * ) (catégorie A), à l'École nationale des greffes. Les autres fonctionnaires suivent également une formation à l'École nationale des greffes d'une durée plus courte : 5 semaines pour les secrétaires administratifs (catégorie B), et une semaine pour les adjoints administratifs et techniques (catégorie C).

Évolution des promotions de l'École nationale des greffes
(en nombre d'élèves)

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Directeur des services de greffe judiciaires (A)

46

86

118

169

84

133

Greffiers (B)

470

813

654

569

538

596

ecrétaires administratifs (B)

62

7

52

56

116

74

Adjoints administratifs et techniques (C)

147

308

153

348

436

459

Total

725

1 214

977

1 142

1 174

1 262

Source : commission des lois du Sénat
à partir de données indiquées par le ministère de la justice.

À la lumière de ces éléments, votre mission préconise de poursuivre et de renforcer la politique de résorption des vacances de postes , en prenant l'engagement devant le Parlement d'un plan pluriannuel de création de postes de magistrats et de fonctionnaires sur une période de cinq années. Cette programmation doit également inclure le remplacement des départs en retraite, toujours importants dans les prochaines années. En effet, comme le relevait notre collègue Antoine Lefèvre dans son rapport spécial au nom de la commission des finances sur la mission « Justice » du projet de loi de finances pour 2017 66 ( * ) : « la gestion prévisionnelle des effectifs et des compétences devient un véritable défi pour la direction des services judiciaires, en raison du nombre important des départs en retraite dans les cinq prochaines années, qu'il s'agisse des magistrats ou des fonctionnaires ».

Proposition n° 2 :

Poursuivre dans la durée l'effort de recrutement de magistrats et de personnels de greffe, pour au minimum résorber, en cinq ans, les vacances de postes dans les juridictions.

L'estimation du nombre de postes à créer devra également tenir compte des capacités matérielles d'accueil et de formation de l'École nationale de la magistrature, à Bordeaux, et de l'École nationale des greffes, à Dijon, dans lesquelles votre mission s'est rendue et qui ont indiqué avoir atteint leurs capacités maximales d'accueil. Le ciblage du nombre de postes à créer dépend également de l'évolution du volume d'affaires soumises aux tribunaux et, partant, de celle de la charge de travail des juridictions. Votre mission souligne à cet égard l'importance de disposer d'outils de suivi et de pilotage de ces créations de postes, permettant la comparaison des données selon les fonctions exercées, les catégories de contentieux, les juridictions et les modalités de comptabilisation des emplois.

b) Améliorer l'évaluation qualitative et quantitative des magistrats et des fonctionnaires

Connaître finement la charge de travail des magistrats et des fonctionnaires des juridictions, selon leurs fonctions et les catégories de contentieux, constitue, selon votre mission, un enjeu majeur pour l'avenir des services judiciaires, dans la double perspective d'une remise à niveau des moyens et d'une réflexion sur l'organisation et l'activité du service public de la justice. Il s'agit en outre d'un préalable indispensable à l'engagement d'une réelle politique de gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences.

Les outils actuels d'évaluation de l'activité des magistrats semblent largement perfectibles au niveau national . À l'exception des magistrats hors hiérarchie de la Cour de cassation et des chefs de cour, tous les magistrats font l'objet depuis 1992 67 ( * ) d'une évaluation tous les deux ans, ainsi qu'à chaque présentation à l'avancement. La loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature a précisé le contenu de cette évaluation, en prévoyant la présentation par le magistrat d'un bilan de son activité.

Il n'existe toutefois aucun référentiel d'activité qui permette de déterminer la charge de travail normale d'un magistrat, et qui serait le socle, par exemple, des circulaires de localisation des emplois. Lors de son audition par votre mission, la direction des services judiciaires a bien fait mention d'un groupe de travail sur le sujet, mais dont les conclusions se font apparemment attendre. En effet, les représentants des Conférences nationales, de même que les syndicats de magistrats, ont indiqué à votre mission que ces travaux, débutés en 2013, venaient de reprendre. Les réflexions d'un groupe de travail avaient bien donné lieu à la publication d'un rapport qui a été mentionné lors des auditions de votre mission, mais dont les conclusions n'ont jamais été mises en oeuvre. Il en résulte la multiplication des barèmes locaux, l'ensemble des juridictions ne quantifiant pas de la même manière la charge de travail, qui pourtant conditionne les moyens attribués chaque année, ce qui peut interroger sur leur bonne allocation .

Il s'agit pourtant d'un enjeu central pour le corps de la magistrature judiciaire, dont la gestion ne peut plus se résumer à affecter des magistrats en fonction des postes à pourvoir, sans mener de réflexion globale sur les parcours de carrière. Certaines expériences menées à l'initiative de chefs de cour ou de juridiction que votre mission a rencontrés peuvent d'ailleurs tracer des pistes à suivre dans la mise en oeuvre de ce projet. À titre d'illustration, le tribunal de grande instance de Paris, préalablement à la fusion des vingt tribunaux d'instance, a mené une évaluation, validée par l'inspection générale des services judiciaires 68 ( * ) , de la charge de travail possible d'un juge d'instance et, partant, du nombre de juges nécessaire par type de contentieux. Peut également être citée la cour d'appel de Riom, dans laquelle votre mission s'est déplacée, ces illustrations n'étant évidemment pas exhaustives de l'ensemble des initiatives prises par les juridictions. Les chefs de la cour d'appel de Rennes ont également présenté leur projet de référentiel d'activité des magistrats pour l'ensemble des juridictions de leur ressort. Votre mission préconise en conséquence la création d'un référentiel national d'activité des magistrats, fruit d'une construction de l'ensemble des parties prenantes, puis d'un arbitrage par la chancellerie et d'une validation par l'inspection générale de la justice, garante de l'objectivité du référentiel.

Dans la mise en oeuvre de ce projet, votre mission préconise de retenir plusieurs principes :

- la spécialisation : évaluer la charge de travail raisonnable d'un magistrat via un nombre de dossiers et d'affaires à traiter par catégorie de contentieux et par fonction ;

- la complexité : définir des indicateurs de complexité des affaires en matière civile et pénale ;

- la qualité : intégrer le principe de qualité des décisions rendues, via le taux d'appel ou de confirmation des décisions de la juridiction ;

- la collégialité : veiller à respecter ce principe lorsqu'il est prévu par la procédure ;

- le consensus : valider le référentiel en association avec l'ensemble des acteurs judiciaires concernés.

Ce référentiel d'activité devrait en outre s'appuyer sur une définition objective de la durée du temps de travail des magistrats et également, à terme, servir de cadre au versement de la prime modulable, dont le taux, qui peut représenter entre 12 et 18 % du traitement indiciaire brut, resterait fixé par le chef de cour ou de juridiction.

Proposition n° 3 :

Créer un référentiel national d'activité et de carrière des magistrats, pour connaître les besoins réels des juridictions.

En parallèle, votre mission souhaite qu' Outilgref , l'outil de gestion et de répartition des emplois de fonctionnaires créé en 1992, puisse faire l'objet d'une meilleure adaptation. Cet outil évalue la charge de travail d'une juridiction à partir d'indicateurs mesurant le flux d'affaires nouvelles enregistrées dans l'année, chaque type d'affaire étant ensuite découpé en tâches successives auxquelles est appliqué un coefficient correspondant au temps nécessaire pour les accomplir par les fonctionnaires. Votre mission préconise que l'adaptation de l'outil soit réalisée en concertation avec l'ensemble des parties prenantes, et en étroite collaboration avec la démarche du référentiel national d'activité et de carrière des magistrats.

Elle préconise également de veiller au respect de trois critères :

- l'adaptation à la taille des juridictions : tant aux juridictions de taille importante, qui ont des contraintes spécifiques d'organisation, qu'aux juridictions de taille plus modeste, qui n'ont pas la même capacité de mutualisation des tâches ;

- l'adaptation aux évolutions législatives et réglementaires : les trames de l'outil doivent être facilement modifiables, de nouvelles procédures doivent pouvoir être créées dans des délais raisonnables permettant la bonne application des textes ;

- la prise en compte de la complexité des tâches : les indicateurs doivent intégrer une dimension qualitative.

Proposition n° 4 :

Mener un bilan concerté d' Outilgref pour aboutir à son adaptation en fonction de critères qualitatifs pertinents.

c) Mettre en oeuvre une politique de mobilité plus harmonieuse pour les magistrats et les fonctionnaires

Dans son rapport annuel d'activité pour l'année 2015 69 ( * ) , le Conseil supérieur de la magistrature constatait que près de 31 % des magistrats du corps judiciaire (soit 2 483 magistrats) avaient effectué une mobilité cette année-là. Or, à titre de comparaison, ce taux n'est que de 4,2 % pour les cadres de catégorie A + de la fonction publique en 2014 70 ( * ) . À titre d'exemple, le dernier mouvement de magistrats du ministère de la justice du 28 février 2017, prévoyait la nomination de 869 magistrats, soit, en un seul mouvement, la mobilité de plus de 10 % du corps de la magistrature.

Comme l'expliquait le professeur Jean Danet, membre du Conseil supérieur de la magistrature, lors de son audition par votre mission, cette mobilité apparaît « excessive » et contribue à désorganiser les juridictions. Elle permet ainsi chaque année à tout magistrat de présenter sa candidature à tous les postes, même s'ils sont déjà occupés. Aucune règle ne régit les candidatures et un magistrat nouvellement nommé sur un poste peut candidater sur un autre quelques mois après. Le nombre de mobilités est donc très important, en particulier chez les jeunes magistrats, désireux de trouver au plus tôt un poste correspondant à leurs souhaits de mutation géographique et professionnelle. Lors de ses auditions et déplacements, votre mission a pu en effet constater que la mobilité des magistrats constituait un sujet important de préoccupation des chefs de cour et de juridiction, en lien étroit avec celui des vacances de postes, susceptible de nuire à la qualité des décisions de justice rendues ou au suivi efficace des dossiers. Ce phénomène est d'autant plus prégnant dans certaines juridictions moins attractives, dont les magistrats cherchent à partir et qui ne suscitent que peu de candidatures, de sorte qu'y sont affectés prioritairement les magistrats sortants de l'École nationale de la magistrature.

Le Conseil supérieur de la magistrature note d'ailleurs, dans son rapport annuel pour l'année 2015, que l'institution judiciaire est confrontée à un double écueil : d'une part, « une mobilité croissante de ses acteurs » mais aussi, d'autre part, des « magistrats qui ne bougent pas, ou très peu », phénomène que le Conseil supérieur de la magistrature qualifie de « chiffre noir », en raison des difficultés manifestes à le quantifier.

Cette situation s'explique également par le cadre juridique actuel, qui fait de la mobilité une condition essentielle de l'avancement de carrière des magistrats. L'accès des magistrats au premier grade, à l'exercice de certaines fonctions et à la nomination aux emplois placés hors hiérarchie est conditionné statutairement à une certaine mobilité, géographique ou fonctionnelle.

La hiérarchie du corps judiciaire

L'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature prévoit deux grades, auxquels s'ajoute la catégorie hors hiérarchie :

- le second grade : prévu à l'article 2 de l'ordonnance statutaire, il comporte cinq échelons dont la progression est fixée par décret 71 ( * ) . Le second grade est accessible directement à la sortie de l'École nationale de la magistrature. Les élèves auditeurs de justice deviennent alors magistrats du second grade et débutent leur parcours indiciaire. En revanche, les magistrats intégrés ou issus d'un concours complémentaire débutent leur parcours indiciaire dès le début de leur formation ;

- le premier grade : prévu à l'article 2 de l'ordonnance statutaire, il est accessible aux magistrats du second grade inscrits sur un tableau d'avancement, disposant de sept années d'ancienneté dont cinq ans de services effectifs, et ayant effectué une mobilité géographique au terme de sept années d'exercice dans une même juridiction, à l'exception de la Cour de cassation. Le premier grade comporte huit échelons, le huitième échelon n'étant accessible qu'à certains magistrats dont la liste est fixée par arrêté 72 ( * ) ;

- les fonctions placées hors hiérarchie : il s'agit d'emplois fonctionnels dont la liste est fixée par l'article 3 de l'ordonnance statutaire : magistrats de la Cour de cassation, à l'exception des conseillers référendaires et des avocats référendaires ; chefs de cours d'appel, présidents de chambre de cour d'appel et avocats généraux près lesdites cours, certaines fonctions de chefs de juridiction ou d'adjoint aux chefs de juridiction. Les conditions d'accès à la hors hiérarchie ne dépendent pas, contrairement au premier grade, de l'inscription sur un tableau d'avancement, mais sont fixées aux articles 37 et suivants de la même ordonnance. La nomination hors hiérarchie est subordonnée à l'exercice d'au moins deux fonctions au premier grade et dans deux juridictions différentes, ainsi qu'à une mobilité statutaire de deux années.

Ainsi, les magistrats souhaitant accéder au premier grade et disposant de l'ancienneté requise, sont astreints à une obligation de mobilité géographique au terme de sept années d'exercice dans une même juridiction, à l'exception de la Cour de cassation. De même, l'accès aux emplois de chefs de juridiction est également subordonné à un changement de juridiction.

Enfin, la nomination aux emplois placés hors hiérarchie, dont relèvent notamment les premiers présidents des cours d'appel et les procureurs généraux, est subordonnée à l'exercice d'au moins deux fonctions au premier grade et dans deux juridictions différentes, ainsi qu'à une mobilité statutaire de deux années 73 ( * ) , au cours de laquelle ils exercent des fonctions différentes de celles dévolues aux membres du corps judiciaire. Ce principe de la mobilité se justifie, selon le Conseil supérieur de la magistrature, par l'impératif qu'un magistrat « doit éviter de se fixer de longues années dans une même juridiction et ainsi, de s'exposer au risque de la routine, ou de compromettre son indépendance et son impartialité par une insertion devenue trop confortable dans son environnement » 74 ( * ) .

L'exercice de certaines fonctions est toutefois soumis à une durée limitée :

- sept ans pour les chefs de cour et de juridiction ;

- dix ans pour les juges spécialisés, au sein d'une même juridiction : sont concernés le juge d'instruction, le juge des enfants, le juge de l'application des peines, le juge des libertés et de la détention et le juge chargé du service d'un tribunal d'instance.

Toutefois, les textes ne prévoient aucune autre durée maximale d'exercice ni de durée minimale d'exercice des fonctions . Le Conseil supérieur de la magistrature a en conséquence institué une doctrine concernant la durée d'exercice des fonctions. Il applique, d'une part, la règle dite des deux ans, qui prévoit qu'un magistrat doit se soumettre à cette période minimale d'exercice des fonctions dans une même juridiction, avant de pouvoir obtenir une mutation ou un avancement. La règle est portée à trois ans pour les chefs de cour et de juridiction et pour les magistrats sortis d'école, mais avec de nombreuses dérogations possibles, qui tendent à en réduire la portée. D'autre part, le Conseil supérieur de la magistrature applique la règle dite des dix ans, qui tend à éviter qu'un magistrat exerce ses fonctions plus de dix ans dans une même juridiction. Le respect de cette règle est, là encore, une condition pour obtenir un avancement ou une mutation. En outre, nul ne peut être nommé à la tête d'une juridiction où il a exercé au cours des cinq dernières années.

Votre mission souhaiterait mieux encadrer ce régime de mobilité , en prévoyant des règles de durée minimale et maximale d'exercice des fonctions pour tous les magistrats, et, afin de garantir leur application efficace, les inscrire dans le statut de la magistrature. La durée minimale de droit commun pourrait être fixée à trois ans, portés à quatre ans pour les fonctions spécialisées exercées en cabinet, en raison du nécessaire investissement plus lourd dans les dossiers qu'exigent ces fonctions. La durée maximale pourrait être fixée à dix ans comme c'est d'ores et déjà le cas pour les fonctions spécialisées. L'obligation de mobilité pourrait être de nature fonctionnelle ou géographique, de façon à en faciliter la gestion et la prévisibilité, tant pour les magistrats qui y seraient soumis, que pour la chancellerie qui supervise la grande majorité des nominations.

Selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, l'instauration d'une nouvelle obligation de mobilité par le législateur organique, tout comme celle d'une durée minimale d'exercice des fonctions, serait conforme à la Constitution et au principe d'inamovibilité des magistrats du siège 75 ( * ) . En effet, suivant une jurisprudence constante 76 ( * ) , le Conseil constitutionnel a estimé, dans sa décision n° 2016-732 DC du 28 juillet 2016 sur la dernière réforme du statut de la magistrature, que les dispositions « qui subordonnent l'avancement des magistrats à des conditions de mobilité géographique, n'ont ni pour objet ni pour effet de porter atteinte au principe de l'inamovibilité des magistrats du siège ou à aucun autre principe ou exigence de valeur constitutionnelle » 77 ( * ) , tout en ayant préalablement indiqué, dans sa décision n° 2001-445 DC du 19 juin 2001 que, « Si le législateur peut organiser la mobilité des magistrats en limitant la durée d'exercice de certaines fonctions judiciaires, il doit déterminer les garanties de nature à concilier les conséquences qui en résultent avec le principe de l'inamovibilité des magistrats du siège » 78 ( * ) . Cette proposition implique des dispositions transitoires pour les magistrats déjà en poste au moment de l'entrée en vigueur de nouvelles règles.

Proposition n° 5 :

Prévoir des durées minimale et maximale d'exercice des fonctions pour tous les magistrats.

Sur la base de ce nouvel encadrement du régime de la mobilité, votre mission préconise aussi de revoir le rythme des mouvements annuels, soit les projets de « transparence » qui formalisent les nominations des magistrats, et de limiter leur fréquence à un nombre maximal défini préalablement selon un calendrier.

Les modalités de nomination des magistrats

Les magistrats du siège

Le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), dans sa formation compétente à l'égard des magistrats du siège, dispose du pouvoir de proposition pour quelques 400 postes. Sont concernées les fonctions du siège de la Cour de cassation ainsi que celles de premier président de cour d'appel et de président de tribunal de grande instance.

Les autres magistrats du siège sont nommés sur l'avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature, le pouvoir de proposition appartenant au garde des sceaux.

Les magistrats du parquet

Ils sont nommés sur l'avis simple du CSM, qui ne lie pas le garde des sceaux, auquel le pouvoir de proposition appartient.

La procédure dite de la « transparence »

Prévue par le statut de la magistrature, elle dispose que le projet de nomination à une fonction du premier ou du second grade, ainsi que la liste des magistrats ayant présenté leur candidature sur chaque fonction, sont communiqués, tant pour le siège que le parquet, à la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature.

Le projet de nomination est également communiqué aux chefs de la Cour de cassation, aux chefs de cours d'appel, à l'inspection générale de la justice, ainsi qu'aux directeurs et chefs de service de l'administration centrale, qui en assurent la diffusion auprès des magistrats dans le ressort de leur juridiction ou de leur service. Ce document est également adressé aux syndicats représentatifs des magistrats.

Tout candidat peut effectuer des observations sur les projets de nomination, qui sont adressées au garde des sceaux et au Conseil supérieur de la magistrature.

La fréquence actuelle de ces « transparences », qu'elles émanent du Conseil supérieur de la magistrature 79 ( * ) ou du garde des sceaux 80 ( * ) , s'est particulièrement accrue ces dernières années. D'après les éléments que la chancellerie a fournis à votre mission, leur nombre est passé de 14 en 2010 81 ( * ) à 22 pour 2016 82 ( * ) , après un pic à 38 en 2015 83 ( * ) . Cette fréquence des mouvements, dont le nombre de postes concernés n'est certes pas aussi important à chaque fois, est liée aux règles de mobilité mais aussi aux départs à l'extérieur des juridictions, ainsi qu'aux vacances de postes. Elle est très complexe à gérer pour la chancellerie, qui ne dispose que d'une équipe de six personnes affectées à cette mission au sein de la direction des services judiciaires. Interrogé par votre mission, le ministère de la justice a précisé que tout départ était remplacé dans les délais, les seuls postes non pourvus étant les moins attractifs, pour lesquels il n'y a pas de candidats. Cet objectif, auquel votre mission adhère, semble toutefois loin d'être atteint, en raison du phénomène global et récurrent des vacances de postes, mais aussi de pratiques rapportées à votre mission selon lesquelles un appel à candidatures n'était lancé qu'une fois le poste devenu vacant, ce qui complique largement la transition...

La fréquence des « transparences » pourrait être fixée par voie réglementaire , de manière à en assurer le respect. Votre mission préconise d'en fixer trois par an au maximum, dont une à la sortie des promotions de l'École nationale de la magistrature, comme actuellement, et deux ensuite dans le courant de l'année afin de réguler les mobilités.

Proposition n° 6 :

Revoir le rythme des « transparences » et en fixer un nombre maximal chaque année, selon un calendrier défini préalablement.

Votre mission préconise également, afin de compléter cette nouvelle politique de mobilité, de renforcer l'attractivité de certaines juridictions, afin d'y encourager les candidatures de magistrats et de fonctionnaires. Cette politique incitative pourrait s'appuyer sur l'élaboration d'une série de critères permettant la définition d'une ou plusieurs catégories de juridictions jugées peu attractives , qui pourrait comprendre des éléments quantitatifs, tels que la taille de la juridiction, sa localisation géographique en zone rurale ou dans un quartier éligible à la politique de la ville, le nombre de candidatures de magistrats et de fonctionnaires intervenues au cours des dernières années, et des critères qualitatifs, tels que le type des contentieux traités et les facteurs exogènes pouvant accroître le nombre d'affaires (présence d'un centre de rétention administrative, d'un hôpital psychiatrique ou d'un établissement pénitentiaire situé dans le ressort de la juridiction par exemple). Ce travail devrait nécessairement s'articuler à terme avec la création du référentiel national d'activité et de carrière des magistrats et l'adaptation d' Outilgref, déjà proposés par votre mission.

Plusieurs options sont envisageables pour inciter les candidatures au sein de ces juridictions qui auront été définies comme peu attractives. Pour les magistrats, votre mission préconise un mécanisme de majoration de l'avancement de carrière , en s'inspirant du régime existant pour les magistrats affectés outre-mer 84 ( * ) . Il s'agirait de prévoir, par voie réglementaire, un avancement de carrière plus rapide pour les magistrats affectés dans ces juridictions, avec la moitié du temps passé sur place intégrée en plus à l'ancienneté, éventuellement assorti d'une revalorisation indemnitaire, sur le modèle des affectations en Corse. Pour les fonctionnaires, votre mission préconise de prévoir une incitation financière , grâce à un régime indemnitaire plus attractif, qui pourrait correspondre à une part forfaitaire du traitement brut indiciaire.

Proposition n° 7 :

Renforcer l'attractivité de certaines juridictions pour les magistrats et les fonctionnaires, par la mise en place d'incitations en termes de régime indemnitaire et d'ancienneté.

Enfin, votre mission préconise d'engager le chantier de l'harmonisation de la gestion des corps communs du ministère de la justice 85 ( * ) , dont les régimes sont actuellement très divers en matière indemnitaire, d'évaluation, de temps de travail ou de mobilité. Selon le secrétariat général du ministère de la justice, entendu par votre mission, près de 22 000 agents du ministère appartiennent aux corps communs, dont 18 000 sont affectés dans l'un des trois réseaux du ministère : services judiciaires, pénitentiaires, ou de la protection judiciaire de la jeunesse. Le régime est ainsi bien plus attractif dans l'administration pénitentiaire ou la protection judiciaire de la jeunesse que dans les services judiciaires, ce qui n'est pas sans créer des difficultés de recrutement dans les juridictions et en particulier dans les services administratifs régionaux (SAR) 86 ( * ) , qui nécessitent pourtant des compétences techniques et administratives fortes.

Proposition n° 8 :

Engager le chantier de l'harmonisation des régimes de gestion des corps communs du ministère de la justice, en vue de renforcer l'équité entre les différentes directions et l'attractivité des fonctions proposées dans les services judiciaires.

d) Mieux garantir la réussite d'une politique de diversification du recrutement du corps de la magistrature

La loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature, a modifié plusieurs dispositions du statut de la magistrature dans l'objectif d'en diversifier davantage le recrutement.

Le tableau ci-après présente les différentes voies d'accès au corps de la magistrature, dont les voies dites « latérales ».

Les voies d'entrée dans la magistrature
(ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958

portant loi organique relative au statut de la magistrature)

Mode de recrutement

Conditions d'accès

Formation

Les auditeurs de justice

1 er concours
(art. 17)

- Moins de 31 ans

- Bac +4

Scolarité de 31 mois dont 30 semaines à l'École nationale de la magistrature et 39 semaines en juridiction.

À la sortie de l'ENM, toutes les fonctions peuvent être exercées y compris les fonctions spécialisées.

2 ème concours
(art. 17)

- Moins de 46 ans

- Agent de la fonction publique d'État, territoriale et hospitalière justifiant de 4 années de services effectifs

- 3 ème concours
(art. 17)

- Moins de 40 ans

- 8 ans de mandat électif ou d'activité professionnelle hors fonction publique

- Recrutement
sur titres
(art. 18-1)

- Entre 31 et 40 ans

- Bac + 4 en droit et 4 ans d'exercice professionnel dans les domaines juridique, économique ou des sciences humaines et sociales « qualifiant pour l'exercice de fonctions judiciaires »

- Ou docteurs en droit titulaires d'un autre diplôme d'études supérieures ;

- Ou docteurs en droit ayant exercé 3 ans en tant que juriste assistant

- Ou bac + 5 en droit et 3 ans d'exercice en tant que juriste assistant

- Les recrutements latéraux

Concours complémentaire (art. 21-1)

- 35 ans minimum pour le second grade et 50 ans pour le premier grade

- 7 ans d'activité professionnelle pour le second grade ou 15 ans pour le premier grade dans le secteur privé ou public, dans le domaine juridique, administratif, économique ou social « qualifiant pour l'exercice de fonctions judiciaires »

Stage probatoire rémunéré de 6 mois dont 1 mois à l'ENM et 5 mois en juridiction.

À la sortie de l'ENM, les fonctions spécialisées ne peuvent être exercées.

Intégration directe sur titres aux premier et second grades (art. 22 et 23)

- 35 ans minimum

- Bac + 4 et 7 ans pour le second grade et 15 ans pour le premier grade d'exercice professionnel « qualifiant particulièrement pour l'exercice de fonctions judiciaires »

- Ou 7 ans de services effectifs comme directeur des services de greffe judiciaires

Stage probatoire non rémunéré de 6 mois dont 1 semaine à l'ENM.

À la sortie de l'ENM, les fonctions spécialisées ne peuvent être exercées.

Intégration directe sur titres à la hors hiérarchie

(art. 40)

- Conseiller d'État en service ordinaire ou maître des requêtes du Conseil d'État avec 10 ans d'ancienneté

- Professeur des facultés de droit avec 10 ans d'ancienneté

- Avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation

- Avocat inscrit au barreau avec 25 ans d'expérience

Source : commission des lois du Sénat.

Les voies d'accès dites « latérales », créées depuis 1992, ont été assouplies : les conditions de candidature à l'intégration directe aux premier et second grades, ainsi qu'aux concours complémentaires ayant été harmonisées. De plus, les domaines d'activité permettant le recrutement sur titres comme auditeur de justice ont été élargies.

Entendus par votre mission, des représentants de magistrats issus de ces voies d'accès 87 ( * ) , qui sont une source de richesse et de diversification pour le corps de la magistrature judiciaire, et forment près de 22 % de ce corps en 2017, contre 18 % en 2011, ont fait part à votre mission d'un taux d'échec à l'intégration définitive dans le corps de la magistrature qu'ils estiment à 30 % pour le concours complémentaire et 50 % pour les candidatures à l'intégration directe.

Votre mission, favorable à la politique d'ouverture du corps de la magistrature et de diversification de son recrutement, souhaite néanmoins concilier ce principe avec le maintien d'un haut niveau de recrutement. À cet égard, et afin de réduire le taux d'échec à l'intégration et de renforcer le niveau de formation de ces magistrats, votre mission suggère de fixer à deux mois au moins la durée de formation initiale à l'École nationale de la magistrature, pour les candidats issus des concours complémentaires et les candidats à une intégration directe. Ces derniers ne bénéficient dans le cadre actuel que d'une semaine de formation, quand les premiers suivent un mois de formation, ce qui semble encore très largement insuffisant. En outre, cette mesure permettrait d'harmoniser le temps de formation des candidats à l'intégration directe et de ceux issus des concours complémentaires.

Proposition n° 9 :

Poursuivre l'ouverture du corps de la magistrature tout en maintenant un haut niveau juridique de recrutement.

e) Mettre à niveau les effectifs des services pénitentiaires pour un véritable suivi des détenus

Acteur essentiel de la réinsertion des personnes placées sous main de justice et de la prévention de la récidive, les agents de l'administration pénitentiaire participent directement à l'exécution des décisions pénales.

En dépit de leur rôle crucial pour l'efficacité des politiques pénales, l'administration pénitentiaire souffre d'un manque d'effectifs et d'un fort taux de vacances de postes, à l'instar des juridictions. Tant les personnels de surveillance que les personnels des services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) sont concernés par ces vacances.

Au 1 er janvier 2016, le taux de vacance chez les personnels de surveillance de catégorie C était de 5,1 %.

Comparaison entre les effectifs réels et théoriques
des surveillants pénitentiaires

2011

2012

2013

2014

2015

2016

Effectifs théoriques

25 525

26 003

26 247

26 150

26 647

27 534

Effectifs réels

23 728,79

24 946,9

25 402,2

25 368,9

25 509,2

26 123,6

Solde

-1 796,21

-1 056,1

-844,8

-781,1

-1 137,8

-1 410,4

Taux de vacance d'emploi

7,0 %

4,1 %

3,2%

3,0%

4,3%

5,1%

Source : ministère de la justice et commission des lois du Sénat.

De même, les services pénitentiaires d'insertion et de probation sont sous-dimensionnés au regard des procédures actuelles d'application des peines, en particulier l'entrée en vigueur de la libération sous contrainte. Avec plus de 100 dossiers en moyenne par conseiller, il leur est impossible d'exercer un véritable suivi.

Il apparaît indispensable de poursuivre la politique active de recrutement des surveillants pénitentiaires et de mettre les effectifs des services pénitentiaires d'insertion et de probation au niveau des ambitions d'accompagnement des détenus en vue de leur réinsertion dans la société.

3. Améliorer la programmation et le financement de l'immobilier judiciaire

La dégradation d'une partie de l'immobilier judiciaire justifie un travail de long terme et un investissement accru, dans l'objectif d'améliorer les conditions de travail des personnels et auxiliaires de justice, tout comme les conditions d'accueil des justiciables.

a) Un paysage très contrasté qui exige la poursuite de l'effort de remise à niveau de l'immobilier judiciaire

Les lieux où la justice est rendue sont particulièrement symboliques : ils doivent inspirer le respect, mais aussi offrir un accueil serein et sécurisé des différentes parties appelées à se rendre dans les tribunaux. Les bâtiments judiciaires sont également le lieu de travail quotidien des magistrats et fonctionnaires du service public de la justice, ainsi que des auxiliaires de justice. Lors de ses déplacements, votre mission a pu constater l'hétérogénéité de l'immobilier judiciaire, qui possède en outre la particularité d'être parfois installé dans des locaux n'appartenant pas à l'État, mais aux collectivités territoriales.

Entendue par votre mission, la direction des services judiciaires a dressé un paysage très contrasté de l'immobilier judiciaire , qui compte 732 sites à ce jour. Il se compose de trois principales catégories de bâtiments.

La première comprend les bâtiments judiciaires datant de moins de dix ans qui ont, soit fait l'objet de travaux de restructuration , soit été acquis ou construits dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire de 2008 88 ( * ) .

La deuxième catégorie de bâtiments judiciaires est composée des palais de justice datant des années 1960 à 1990 , et dont le niveau de dégradation est très important , faute d'un entretien régulier. La chancellerie a fait part à votre mission de ses inquiétudes sur ces bâtiments, et de l'hypothèse de leur reconstruction, tant leur état est dégradé, en lieu et place d'une simple réhabilitation. La direction des services judiciaires a indiqué à votre mission qu'un audit « bâtimentaire » était prévu pour 2017 pour les tribunaux de grande instance de Meaux et d'Évry, ainsi que celui de Bobigny, dont votre mission a pu constater l'état dégradé lors de son déplacement. Des travaux d'aménagement sont également prévus dans la cité judiciaire de Nancy, que votre mission a aussi visitée. Dans ces enceintes judiciaires, nul besoin de préciser que les conditions de travail des personnels judiciaires et d'accueil des justiciables sont loin d'être satisfaisantes et dignes des attentes légitimes vis-à-vis du service public de la justice. Votre mission constate que résulte de ce manque d'investissement dans la maintenance et l'entretien une gestion très peu efficiente, comme à Lille où, en raison du non-respect des normes de sécurité incendie de l'actuel bâtiment, la construction d'un nouveau palais de justice est indispensable, pour un coût d'au moins 104 millions d'euros.

Enfin, la troisième et dernière catégorie compte l'ensemble des bâtiments historiques , les plus nombreux dans le parc judiciaire, et qui sont, selon la direction des services judiciaires, inadaptés à l'activité juridictionnelle moderne et exigent de lourds travaux de mise aux normes. À titre d'illustration, le chantier de restructuration du palais de justice de Strasbourg, livré en 2016, a nécessité un financement de l'ordre de 60 millions d'euros, d'un montant équivalent à la construction d'un nouveau palais de justice.

Dans son avis budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2017, notre collègue Yves Détraigne 89 ( * ) notait les efforts budgétaires accomplis pour 2017, les dépenses d'investissement 90 ( * ) augmentant de 13 % en crédits de paiement (155,43 millions d'euros) et de 111 % en autorisations d'engagement (244,20 millions d'euros). Notre collègue relevait que ces crédits de paiement revenaient à leur niveau de 2015, après avoir diminué de près d'un tiers par rapport à la loi de finances initiale pour 2016. L'écart entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement s'explique par ailleurs par la programmation de différentes opérations de long terme, qui reflète la prise en compte par la chancellerie des besoins divers des juridictions.

Les priorités immobilières pour l'année 2017

Les autorisations d'engagement de la loi de finances initiale pour 2017 sont affectées aux priorités suivantes :

- la poursuite de la mise à niveau du parc immobilier au regard de la sécurité des personnes, des mises aux normes réglementaires, de la mise en sûreté des palais de justice et des opérations de gros entretien indispensables à la pérennité du patrimoine, et l'engagement d'études préalables à la restructuration de palais de justice historiques (79,67 millions d'euros) ;

- la mise en oeuvre du volet immobilier de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 relative à la modernisation de la justice du XXI e siècle, dont la fusion et l'intégration des tribunaux des affaires de sécurité sociale et des tribunaux du contentieux de l'incapacité, ainsi que la mise en place des services d'accueil unique du justiciable (SAUJ) et le transfert des tribunaux de police (59,10 millions d'euros) ;

- la réhabilitation de palais de justice (Perpignan, programmé pour 52,5 millions d'euros, Quimper et Aix-en-Provence, pour un total de 18,2 millions d'euros) ;

- la poursuite de la mise en oeuvre des mesures de lutte antiterroriste (10 millions d'euros) ;

- la poursuite du financement par versements successifs des nouveaux palais de justice construits selon les modalités de partenariat public-privé (12,7 millions d'euros pour le nouveau palais de justice de Paris 91 ( * ) et 2 millions pour le palais de justice de Caen).

Source : projet annuel de performances de la mission « Justice » pour 2017.

Votre mission estime qu'il faut poursuivre et accroître les efforts engagés de redressement de l'immobilier judiciaire. De l'aveu même de la chancellerie, les dépenses d'investissement immobilier ont souvent servi de « variable d'ajustement ». Or, votre mission craint un effet de ciseaux très brutal sur ces dépenses . D'un côté, les besoins de financement sont criants dans certains tribunaux dont l'état est extrêmement dégradé, de l'autre, les ressources budgétaires sont en voie de raréfaction, dans le contexte de l'accroissement prévisionnel des dépenses contraintes relatives au financement des bâtiments construits dans le cadre de partenariats public-privé. À titre d'illustration, d'après les informations transmises à votre mission dans le cadre de son déplacement sur le chantier du nouveau palais de justice de Paris, le montant à verser chaque année au co-contractant privé s'élèvera à près de 85 millions d'euros de loyer, pendant les 27 ans de la durée du contrat 92 ( * ) , soit l'équivalent de plus de la moitié des crédits de paiement consacré à l'investissement judiciaire pour 2017. Lors de son audition par votre mission, la direction des services judiciaires a confirmé cette analyse et fait part de ses craintes que ces dépenses issues des contrats de partenariat public-privé soient à financer à budget constant , et grèvent ainsi près de la moitié, voire davantage, de l'enveloppe de crédits alloués à l'investissement judiciaire, ce qui amoindrirait considérablement les efforts d'investissement possibles sur le reste du territoire.

Proposition n° 10 :

Assurer un financement régulier et suffisant de la programmation de l'immobilier judiciaire.

Votre mission préconise également de porter une attention et un effort particuliers à la sanctuarisation de crédits dédiés à l'entretien immobilier 93 ( * ) , en intégrant obligatoirement ce volet dans la programmation de tous les projets de construction ou réhabilitation, ainsi qu'en prévoyant un effort particulier pour les bâtiments ayant accumulé un retard d'entretien notable. Lors de ses visites des tribunaux de grande instance de Bobigny et de Nancy, votre mission a pu constater combien les conséquences du défaut d'entretien immobilier pouvaient être importantes et, in fine , engendrer des surcoûts à moyen et long termes.

Proposition n° 11 :

Définir et mettre un oeuvre un programme pluriannuel de maintenance et d'entretien adapté aux spécificités de l'immobilier judiciaire.

Enfin, votre mission recommande d'engager une véritable réflexion sur la modularité des bâtiments judiciaires et leurs capacités d'adaptation aux évolutions de l'activité juridictionnelle. Lors de son audition par votre mission, la direction des services judiciaires a évoqué ces enjeux cruciaux de réflexion sur les évolutions des effectifs à cinq ans et à dix ans et sur l'adaptation des palais de justice aux réformes structurelles et à l'évolution des contentieux. Elle a également évoqué une absence de prise en compte par le ministère de l'économie et des finances, dont la direction de l'immobilier de l'État fixe les normes d'occupation de locaux de l'État, des spécificités de l'activité juridictionnelle et de l'exercice des fonctions des personnels et auxiliaires de justice, dans le calcul du ratio moyen d'occupation par personne. Également entendue par votre mission, la direction de l'immobilier de l'État a évoqué les particularités de l'immobilier judiciaire , dont une part beaucoup plus faible que les autres ministères correspond à des locaux de bureaux classiques, ce qui réduit, de son point de vue, les possibilités de rationalisation d'occupation des lieux ou de mutualisation avec d'autres services de l'État.

Votre mission estime qu'un travail interministériel sur les enjeux spécifiques de l'immobilier judiciaire, qui représente près de 20 % des immobilisations corporelles de l'État 94 ( * ) selon les informations transmises à votre mission par la Cour des comptes, apparaît indispensable. Cette réflexion commune pourrait être formalisée par un contrat d'objectifs entre la chancellerie et le ministère de l'économie et des finances, sur des axes et objectifs de travail partagés.

Proposition n° 12 :

Engager un travail interministériel de diagnostic des enjeux et objectifs en matière d'immobilier judiciaire, qui pourrait être formalisé par un contrat d'objectifs entre les ministères de l'économie et des finances et de la justice.

b) Renforcer l'organisation et le pilotage de la fonction immobilière pour faire face aux enjeux de moyen et long termes

En matière d'immobilier, le secrétariat général du ministère de la justice assure la maîtrise d'ouvrage des projets de réhabilitation et de construction d'un montant inférieurs à sept millions d'euros . Les directions gestionnaires, telles que la direction des services judiciaires ou la direction de l'administration pénitentiaire, décident de l'attribution des budgets aux opérations qui relèvent de leur secteur de compétence, et délèguent ensuite les crédits nécessaires au secrétariat général afin qu'il assure la mise en oeuvre des opérations.

Pour les projets d'un montant supérieur à 7 millions d'euros, la maîtrise d'ouvrage est déléguée à l'agence publique pour l'immobilier de la justice , établissement public administratif du ministère de la justice dont le secrétariat général assure la tutelle.

Les dépenses courantes d'entretien et de maintenance des bâtiments ou les projets plus modestes, d'un montant inférieur à 60 000 euros , s'agissant des services judiciaires, sont supervisés par les services déconcentrés de la direction des services judiciaires, les services administratifs régionaux , placés auprès des chefs de cour.

La fonction de pilotage du secrétariat général semble ici clairement délimitée, ce que votre mission juge cohérent et rationnel. Il semble toutefois, qu'il n'exerce pas pleinement sa fonction de « stratège » immobilier. En effet, l'organisation des délégations de crédits entre les directions gestionnaires et le secrétariat général laisse penser à votre mission que l'effort de rationalisation n'est pas encore allé à son terme. Il convient d'attribuer au secrétariat général la compétence d'arbitrage des projets de moyenne ampleur (entre 60 000 et 7 millions d'euros), les projets d'un montant supérieurs à 7 millions d'euros étant délégués à l'agence publique pour l'immobilier de la justice dont la compétence semble reconnue. Il importe en revanche que la définition des besoins immobiliers revienne toujours à la direction gestionnaire, la direction des services judiciaires pour l'immobilier judiciaire et la direction de l'administration pénitentiaire pour l'immobilier pénitentiaire, qui doivent également être étroitement associées à la réalisation des projets, ceux-ci devant correspondre aux attentes du service public de la justice.

Proposition n° 13 :

Renforcer le pilotage de la fonction immobilière du ministère de la justice.

Compte tenu des enjeux actuels et, notamment, du suivi du partenariat public-privé du nouveau palais de justice de Paris, l'expertise des équipes dédiées au pilotage de la fonction immobilière revêt une importance cruciale.

Lors de son audition par votre mission, l'agence publique pour l'immobilier de la justice a indiqué que cette catégorie de contrat, qui prévoyait la maintenance et l'exploitation du site sur une durée très longue, impliquait que la personne publique s'organise pour vérifier que les investissements en maintenance sont bien respectés , ce qui pourrait être difficile à ce jour. Votre mission propose, en conséquence, de renforcer les compétences des équipes en charge de la fonction immobilière.

Proposition n° 14 :

Renforcer les compétences et l'expertise du ministère de la justice et de l'agence publique pour l'immobilier de la justice, afin d'assurer un suivi performant des partenariats public-privé.

4. Adapter l'organisation du ministère de la justice, pour en faire une administration plus moderne et efficace

La justice semble également sous-administrée, faute d'un pilotage suffisamment efficace par le ministère de la justice.

a) Renforcer le rôle de coordination stratégique du secrétariat général

L'organisation actuelle de l'administration centrale du ministère de la justice semble favoriser un fonctionnement « en silos », selon les termes mêmes de plusieurs personnes entendues par votre mission.

Ce déficit d'organisation de l'administration centrale serait la conséquence du manque d'échanges de deux grandes catégories de directions : les directions normatives, chargées d'élaborer les textes législatifs et réglementaires en matière civile et pénale, et les directions gestionnaires, qui pilotent les services judiciaires, l'administration pénitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse. Chaque direction privilégie logiquement ses propres enjeux et intérêts, mais n'a pas nécessairement connaissance de ceux des autres directions, qui peuvent d'ailleurs parfois entrer en contradiction avec les siens. Les fonctions de coordination sont en conséquence indispensables, dans la mesure où elles permettent d'assurer le lien entre les différentes entités, la cohérence de l'action du ministère, et sa conformité avec le cadre général défini par l'autorité politique.

L'organigramme ci-après présente les différentes directions du ministère de la justice.

Ce rôle stratégique de coordination doit en principe être tenu par le secrétariat général, dont le positionnement et les missions au sein des ministères ont été redéfinis en 2014 95 ( * ) . Conformément à ce nouveau cadre, le secrétaire général reçoit sa légitimité d'une lettre de mission du Premier ministre lui fixant des objectifs, contresignée par le ministre sous l'autorité duquel il est placé. Il assure une mission de « coordination des services et de modernisation du ministère », est le garant de la « bonne insertion du ministère dans le travail interministériel », propose des évolutions dans l'organisation et le fonctionnement du ministère, et veille à la « qualité des relations qu'entretiennent l'administration centrale et les services déconcentrés ».

En avril 2017, soit presque trois ans après l'entrée en vigueur de ce nouveau cadre réglementaire, le ministère de la justice n'avait toujours pas mis en application le contenu de ce décret. En conséquence, le secrétariat général du ministère de la justice ne semble pas, au regard des auditions qu'a conduites votre mission, disposer complètement des différentes compétences qu'il devrait assumer, constat corroboré par le secrétaire général lui-même, entendu par votre mission.

Le secrétariat général à la modernisation de l'action publique (SGMAP) a d'ailleurs rendu compte à votre mission des conclusions d'une étude menée en 2014 sur les fragilités et les priorités de renforcement du secrétariat général de la chancellerie , qui mettait en lumière plusieurs points convergents avec l'analyse de votre mission et qui ne sont, à sa connaissance, toujours pas résolus :

- la capacité de vision stratégique du secrétariat général était jugée insuffisante ;

- le périmètre de son champ de compétences demeurait beaucoup plus restreint que celui prévu par le décret de 2014 ;

- et enfin, son positionnement comme prestataire de services en matière de fonctions support n'était pas reconnu.

La Cour des comptes , dont les représentants ont été entendus par votre mission, avait d'ailleurs relevé, dans un référé de 2014, que dans certains ministères dont celui de la justice, « la légitimité du secrétariat général pour coordonner l'action des services et la modernisation des administrations n'est ni complètement assise, ni pleinement reconnue par les directions chargées des politiques publiques » 96 ( * ) .

Dans ces conditions, votre mission préconise tout d'abord de mettre le secrétariat général de la chancellerie au niveau des missions fondamentales de tout secrétariat général, telles qu'elles ont été redéfinies en 2014.

Proposition n° 15 :

Mettre en conformité le cadre juridique du ministère de la justice avec le décret du 24 juillet 2014 relatif aux secrétaires généraux des ministères.

Entendu par votre mission, le secrétaire général du ministère de la justice a présenté les grandes lignes d'une réforme en cours de l'organisation du secrétariat général, dont les décrets devraient être publiés prochainement. Elle souhaite, dans la perspective de la réorganisation du secrétariat général qui lui semble découler de la mise en conformité avec le décret de 2014, avancer plusieurs propositions qu'elle juge prioritaires.

En premier lieu, le secrétariat général du ministère de la justice devrait jouer un rôle essentiel dans le pilotage des réformes, et donc assurer la coordination de l'évaluation ex ante des moyens nécessaires et des conditions de la réussite d'une réforme, ou de la bonne application d'une disposition législative ou réglementaire nouvelle. Or, il manque manifestement d'un cadre juridique suffisamment clair et d'une légitimité face aux directions normatives et gestionnaires. Entendu par votre mission, le secrétariat général a confirmé ce constat. Les moyens dédiés à cette mission de coordination semblent par ailleurs dérisoires puisque, selon les années, seulement un emploi, voire un temps partiel, est dédié à cette fonction.

En second lieu, la fonction d'impulsion et de pilotage des grands projets transverses du secrétariat général apparaît manifestement défaillante. À titre d'illustration, la mise en place de la signature électronique, projet initié il y a déjà plusieurs années, est toujours en cours, sans que votre mission soit en mesure d'en connaître le calendrier opérationnel de réalisation alors qu'il s'agit pourtant d'un enjeu majeur de simplification des procédures qui suscite beaucoup d'attentes, ainsi qu'en ont témoigné les personnels rencontrés par votre mission lors de ses déplacements.

Si le cadre juridique en vigueur 97 ( * ) prévoit bien que le secrétariat général « assure la coordination des actions intéressant plusieurs directions [et] la synthèse des dossiers et documents stratégiques transversaux », son organisation et son fonctionnement actuels, tels qu'ils ont été décrits à votre mission par ses différents interlocuteurs, ne semblent pas permettre d'atteindre cet objectif.

À l'instar de l'organisation générale de la chancellerie, celle du secrétariat général semble également constituée en « silos ». L'absence de structure réellement transverse et thématique au sein du secrétariat général sur les politiques publiques conduites par le ministère, ne peut que conduire à une absence de coordination sur les dossiers stratégiques, et ce quelle qu'en soit la nature. Votre mission préconise d'y remédier en assignant au secrétaire général une priorité : celle de jouer un rôle plus stratégique, avec une capacité d'impulsion et de coordination.

Cette instance devrait ainsi pouvoir assumer ses deux missions stratégiques naturelles :

- la coordination des réformes , des dossiers stratégiques transversaux et de l'évaluation des textes législatifs et réglementaires ;

- ainsi que le pilotage des grands projets transverses que ne peuvent assumer seules les directions.

Concernant le premier rôle qui serait assigné au secrétariat général, votre mission ne préconise pas qu'il se substitue au pouvoir interne d'arbitrage des directions mais qu'il soit à l'initiative, sous l'autorité du ministre, de la coordination entre les directions normatives et gestionnaires. Cette évolution permettrait également au secrétariat général d'assurer une meilleure interface dans la négociation interministérielle, en ayant la connaissance et la capacité de défendre l'ensemble des aspects d'un dossier et d'ainsi apporter une valeur ajoutée aux directions. Le deuxième rôle qui serait assigné au secrétariat général serait différent, puisqu'il s'agit, selon votre mission, de piloter, avec un pouvoir d'arbitrage, des grands projets qui concernent plusieurs directions.

Proposition n° 16 :

Faire du secrétariat général une instance stratégique de coordination et de pilotage du ministère de la justice.

La définition des missions du secrétariat général par le ministre de la justice , chef de son administration, constitue la condition indispensable de la reconnaissance de la légitimité de ce nouveau positionnement du secrétariat général . Toute tentative de renforcement des pouvoirs du secrétariat général, sans le soutien politique du garde des sceaux et du Premier ministre, serait selon votre mission vouée à l'échec. La formalisation des missions du secrétaire général relève en outre d'une obligation réglementaire fixée par le décret du 24 juillet 2014 relatif aux secrétaires généraux des ministères.

Proposition n° 17 :

Renforcer la formalisation des missions ministérielles et interministérielles confiées personnellement au secrétaire général du ministère de la justice, dans une lettre de mission pluriannuelle co-signée par le Premier ministre et le garde des sceaux.

Afin de garantir les conditions de mise en oeuvre du nouveau positionnement du secrétariat général, votre mission préconise d'intégrer au secrétariat général un nouveau service spécifiquement chargé de la coordination stratégique et du pilotage des grands projets , composé de chargés de mission de catégorie A ou A+ selon les domaines, et présentant des profils plutôt généralistes et polyvalents. Chaque chargé de mission serait responsable du suivi d'un portefeuille cohérent de politiques publiques, et deviendrait ainsi le référent pour les directions concernées. Il serait en charge de la coordination des dossiers et réformes transverses, ainsi que de l'ensemble des études d'impact de son champ de compétences.

Votre mission préconise également d'institutionnaliser des rendez-vous réguliers via des comités de pilotage présidés par ces chargés de mission, avec les responsables des directions gestionnaires et normatives concernées, afin d'assurer un suivi régulier. Cette structuration permettrait d'impliquer les directions dans une collaboration concrète et institutionnalisée avec le secrétariat général. Votre mission préconise également d'assurer, au sein de ce nouveau service, la conduite de projets déterminés et de constituer des équipes projet en fonction des besoins. Enfin, pour être efficace, ce service devrait être directement rattaché au secrétaire général et constituer une entité distincte et autonome des autres services, ayant autorité pour coordonner l'ensemble des directions.

Proposition n° 18 :

Adapter l'organisation du secrétariat général du ministère de la justice à son nouveau rôle stratégique, notamment en matière de coordination des réformes et des grands projets.

Votre mission préconise également, au regard des besoins du ministère, d'engager le secrétariat général dans la conduite de deux grands projets prioritaires que sont :

- d'une part, la dématérialisation des procédures, qui inclue la mise en place de la signature électronique 98 ( * ) ;

- d'autre part, la conduite d'une politique d'archivage et de gestion des scellés dans les juridictions.

Proposition n° 19 :

Parmi les grands projets à conduire, confier en priorité au secrétariat général du ministère de la justice : la mise en oeuvre de la dématérialisation des procédures, d'une part, et la conduite d'une politique d'archivage et de gestion des scellés, d'autre part.

b) Réaffirmer le rôle du secrétariat général dans le pilotage transversal des fonctions support

Si le secrétariat général est bien plus avancé dans le pilotage des fonctions support que dans la coordination stratégique, des marges d'amélioration demeurent. Le décret du 24 juillet 2014 relatif aux secrétaires généraux des ministères affirme en effet clairement la responsabilité du secrétaire général, sauf dérogation, dans le pilotage des fonctions support et leur mutualisation et fixait au 31 décembre 2014 l'échéance pour mutualiser les fonctions suivantes au sein du ministère :

- la fonction financière ;

- le contrôle de gestion et le pilotage des dispositifs de contrôle interne ;

- la politique ministérielle de gestion des ressources humaines ;

- les achats ;

- l'immobilier ;

- la politique de développement des systèmes d'information.

Le pilotage des fonctions transverses au niveau de l'administration centrale, tel que prévu par le décret de 2014, exige une coordination étroite avec les directions gestionnaires 99 ( * ) qui possèdent les compétences métier, or force est de constater que tel n'est pas le cas.

En matière budgétaire, tandis que les directions gestionnaires sont chargées du dialogue budgétaire avec leurs services déconcentrés, et donc de l'arbitrage des besoins, le secrétariat général est chargé des négociations budgétaires avec la direction du budget. À titre d'exemple, selon le rapport de l'inspection générale de la justice et de l'inspection générale des finances de janvier 2017 sur les dépenses de fonctionnement des juridictions 100 ( * ) , cette coordination ne semble pas effective avec la direction des services judiciaires. Le secrétariat général n'assiste pas aux dialogues de gestion avec les juridictions et ne dispose pas d'autres outils d'analyse que ceux de la direction des services judiciaires. Il semble en conséquence difficile qu'il puisse, d'une part, avoir un regard critique sur les besoins exprimés par les juridictions et, d'autre part, s'approprier les demandes des juridictions pour les faire valoir dans les négociations budgétaires.

En matière de ressources humaines, les textes prévoient que le secrétariat général élabore la gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences, et assure la gestion des corps communs interministériels. Or, d'après les différents acteurs entendus par votre mission lors des déplacements et auditions, de nombreux axes d'améliorations demeurent dans la gestion stratégique des ressources humaines du ministère de la justice 101 ( * ) . Par ailleurs, la mission de pilotage de la masse salariale n'est pas expressément mentionnée dans les textes, alors que le montant budgétaire qui y est consacré est en croissance constante et représente pour 2017 près de 62 % du budget de la mission « Justice », soit près de 5,3 milliards d'euros.

À ce titre, l'inspection générale des services judiciaires mentionnait, dans un audit de 2015 sur la masse salariale du ministère de la justice 102 ( * ) , l'absence d'outils de pilotage communs de la masse salariale entre les programmes de la mission, lacune qui pourrait d'ailleurs en partie expliquer la sous-consommation fréquente du plafond d'emplois du ministère, en particulier pour les services judiciaires 103 ( * ) . En outre, concernant le pilotage du dialogue social et des questions d'hygiène, de sécurité, de conditions de travail et de prévention des risques professionnels, les chefs de cour et de juridiction ont notamment fait valoir à votre mission l'absence de référentiels et d'outils communs en la matière.

Concernant le pilotage des projets informatiques, il semble qu'il s'agisse du domaine de compétences où le secrétariat général ait rencontré le plus de difficultés, d'où la préconisation de votre mission de créer une direction des systèmes d'information (DSI) 104 ( * ) . Quant à l'immobilier, ses enjeux dépassent la question de l'organisation du ministère. Aussi votre mission a-t-elle souhaité traiter ce sujet distinctement dans le présent rapport 105 ( * ) .

L'organisation des services du secrétariat général dédiés aux fonctions support semble perfectible. Là encore, il s'agit d'une organisation « en silos », sans logique métier. Il semble indispensable que le ministère de la justice dispose d'une vision globale de l'ensemble des fonctions support dans la mesure où aucune structure du ministère n'est en situation de l'assumer. Votre mission a exclu l'hypothèse de recréer une direction spécifique dédiée à l'administration générale du ministère, comme cela était le cas jusqu'en 2008, puisque cette logique supposerait de regrouper à terme l'ensemble des fonctions support du ministère. Votre mission préconise en conséquence de réaffirmer et préciser le rôle du secrétariat général dans le pilotage transversal des fonctions support du ministère de la justice.

Sur le plan budgétaire et comptable, compte tenu de la nécessité de renforcer la vision d'ensemble de la préparation et de l'exécution budgétaire, le secrétariat général devrait :

- être mieux associé aux procédures d'attribution des moyens par les directions gestionnaires aux services déconcentrés ;

- développer une capacité d'analyse propre ;

- proposer des outils de gestion budgétaire communs aux directions, en vue de la préparation des dialogues de gestion et de l'exécution budgétaire notamment ;

- être force de proposition en matière de modernisation de l'action publique, dans la recherche d'économies et de rationalisation du fonctionnement.

En matière de gestion des ressources humaines, il apparaît indispensable de confier les responsabilités suivantes au secrétariat général :

- la maîtrise de la masse salariale du ministère, notamment dans l'objectif de contrôler le strict respect du plafond d'emplois ministériels ;

- le développement d'outils de gestion communs ;

- la conduite d'une réflexion collective visant à mettre en place une véritable gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences, en s'appuyant sur l'ensemble des ressources du ministère ;

- la gestion des corps communs, en engageant notamment une démarche de rapprochement des différents régimes interministériels afin de résoudre les problèmes d'attractivité ou de fidélisation de personnels 106 ( * ) ;

- l'appui aux directions et aux services déconcentrés dans le champ du dialogue social et pour les questions d'hygiène, de sécurité et de conditions de travail, ainsi que de prévention des risques professionnels.

Dans cette perspective, votre mission préconise aussi de créer des instances de dialogue à l'initiative du secrétariat général pour renforcer son positionnement et sa légitimité. À titre d'exemple, la présidence par le secrétariat général d'un comité réunissant les directeurs de l'administration centrale, et permettant d'aborder l'ensemble de ces chantiers transversaux, semblerait tout à fait adaptée dans l'objectif d'un pilotage renforcé. Votre mission suggère également de renforcer les fonctions d'encadrement du secrétariat général en recrutant des personnels permettant au ministère d'acquérir des compétences de long terme, à la fois des profils administratifs généralistes (attachés ou administrateurs civils), mais aussi des experts dans certaines compétences plus pointues, en fonction des projets, et des personnels issus des métiers de la justice. La création de 50 emplois votée dans le cadre de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 pourrait permettre d'engager cette réorganisation. Votre mission préconise également de revoir la structuration des services consacrés aux fonctions supports, en les réorganisant par famille de métiers (ressources humaines, budget, etc.) compétents tant pour les services déconcentrés et délocalisés que pour l'administration centrale.

Proposition n° 20 :

Réaffirmer le rôle du secrétariat général dans le pilotage transversal des fonctions support du ministère de la justice et réorganiser ses services en ce sens.

c) Mieux articuler l'action des services judiciaires du ministère sur le territoire

L'organisation dans les territoires des services délocalisés du secrétariat général, et leur articulation avec les services déconcentrés 107 ( * ) des autres directions, est apparue relativement complexe à votre mission. Le panorama ci-dessous tente de retracer, à titre d'illustration, la répartition des missions selon les différents services et niveaux, pour les services judiciaires.

Répartition de l'exercice des fonctions support entre les services judiciaires et le secrétariat général

Services judiciaires

Secrétariat général

Organisation
actuelle

Administration centrale : direction des services judiciaires (DSI)

Juridictions : services administratifs régionaux (36)

Pôles Chorus (18)

Services centraux : service synthèse, stratégie et performance
& service support et moyens
du ministère

Services délocalisés : plates-formes interrégionales de service (9)

Opérateur : agence publique pour l'immobilier de la justice

Autorité hiérarchique

Directeur
des services judiciaires

Directeur délégué à l'administration régionale judiciaire (DDARJ), sous l'autorité des chefs de cour

Directeur délégué à l'administration régionale judiciaire (DDARJ), sous l'autorité des chefs de cour

Secrétaire général

Directeur général, sous l'autorité du conseil d'administration (tutelle exercée par le secrétariat général)

Compétence territoriale

Toutes juridictions

Ressort d'une cour d'appel donnée

6 pôles interviennent sur un seul ressort de cour d'appel et 12 interviennent sur plusieurs ressorts

Toutes juridictions

9 interrégions

Toutes juridictions

Répartition par catégorie de fonction support

Budget

Pilotage des dialogues de gestion avec les juridictions et arbitrage des besoins

Préparation et contrôle de l'exécution des budgets opérationnels de programme (BOP) et passation des marchés publics

Exécution comptable des dépenses et recettes de fonctionnement courant, de frais de justice et d'aide juridictionnelle

Coordination de la préparation
du budget, représentation interministérielle et contrôle de l'exécution
du budget

Exécution des dépenses et recettes de l'immobilier judiciaire (toutes dépenses et recettes hors RH pour l'administration pénitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse)

-

Ressources humaines

Arbitrage des besoins exprimés par les juridictions, affectation des magistrats et fonctionnaires, formation de magistrats (ENM) et fonctionnaires (ENG)

Gestion administrative de l'ensemble du personnel : traitements, indemnités, recrutement vacataires, délégation de greffiers

-

Action sociale, hygiène, santé, sécurité
et conditions de travail. Médecine
de prévention. Insertion des personnes en situation de handicap.
Formation continue généraliste

-

Formation du personnel à l'exception des magistrats

Immobilier

Prospective immobilière des juridictions, supervision, entretien et exploitation maintenance

Gestion du patrimoine immobilier, entretien, maintenance et opérations d'investissement inférieurs à 60 K€

-

Maîtrise d'ouvrage, réhabilitation et construction nouveaux palais de justice inférieurs à 7 M€

Maîtrise d'ouvrage, réhabilitation et construction nouveaux palais de justice supérieurs à 7 M€

-

Exécution dépenses et recettes immobilier judiciaire

Informatique

Co-pilotage projets ( Cassiopée , Portalis par exemple) et co-gestion assistance utilisateurs (plate-forme d'appels)

Gestion de proximité des équipements relatifs aux systèmes d'information

-

Co-pilotage projets ( Cassiopée , Portalis par exemple) et co-gestion assistance utilisateurs (plate-forme d'appels)

Administration technique des systèmes d'information, maintenance à distance

Source : commission des lois du Sénat.

Sur le territoire, les juridictions ont plusieurs interlocuteurs : les services administratifs régionaux et les pôles Chorus, services déconcentrés de la direction des services judiciaires, rattachés aux cours d'appel, ainsi que les neuf plates-formes interrégionales du ministère de la justice, qui sont des services délocalisés du secrétariat général. Pour l'exécution de la dépense publique, les directions de l'administration pénitentiaire et de la protection judiciaire la jeunesse recourent aux plates-formes interrégionales, tandis que les juridictions judiciaires recourent aux pôles chorus et aux services administratifs régionaux.

Sur les 1 500 emplois que compte le secrétariat général, près de 750 sont affectés sur les plates-formes interrégionales, où les missions relèvent à la fois de tâches d'exécution budgétaire et comptable, d'administration et d'assistance technique informatique de proximité, ainsi que de maîtrise d'ouvrage déléguée des projets immobiliers entre 60 000 et sept millions d'euros. L'action en matière de ressources humaines semble, quant à elle, relativement limitée.

L'organisation des services judiciaires dans les territoires

Les services administratifs régionaux (SAR)

Le statut juridique du service administratif régional a été défini par le décret n° 2007-352 du 14 mars 2007, dont les dispositions figurent dans le code de l'organisation judiciaire.

Les services administratifs régionaux sont placés, dans chaque cour d'appel, sous l'autorité directe des chefs de cour. Ils sont dirigés par un directeur délégué à l'administration régionale judiciaire et ont pour vocation de préparer, mettre en oeuvre et contrôler les actes et décisions de nature administrative nécessaires à la bonne administration des juridictions du ressort. Le service administratif régional bénéficie d'une véritable autonomie budgétaire, disposant d'un personnel dédié (experts principalement fonctionnaires de catégorie A, dans chacun des domaines de gestion : gestion budgétaire, informatique, ressources humaines, formation et patrimoine immobilier), placé sous l'autorité du directeur délégué à l'administration régionale judiciaire.

Le service administratif régional assiste les chefs de cour dans l'élaboration de la politique de gestion du ressort :

- gestion administrative de l'ensemble des personnels (traitement et indemnités, frais de déplacement et ordres de mission, recrutement des vacataires, délégation des greffiers ou aux fonctionnaires de catégorie C placés, accidents de service, organisation du dialogue local),

- gestion des moyens (gestions budgétaire, informatique et des marchés publics),

- gestion de la formation et des concours,

- gestion du patrimoine immobilier et du suivi des opérations d'investissement dans le ressort dans la limite de 60 000 euros.

Les pôles Chorus

L'outil Chorus a été déployé, en métropole, sur 18 pôles mis en place au sein des cours d'appel. Ainsi, 6 cours ont été dotées d'un pôle autonome et 12 autres ont vu l'exécution de leurs dépenses rattachée à des pôles placés auprès de 12 autres cours. Dans ces dernières, le pôle Chorus assure donc l'exécution, d'une part, des crédits de sa cour d'appel d'implantation, et, d'autre part, en tant que prestataire de services, l'exécution des crédits des autres cours de sa zone.

Dans cette nouvelle organisation, le pilotage et l'appréciation de l'opportunité de la dépense continuent de relever des attributions exclusives des chefs de cour, qui conservent leurs prérogatives d'ordonnateur secondaire, même s'ils ne sont pas situés dans une cour d'appel siège de pôle Chorus .


• Les plates-formes de service interrégionales

Au nombre de neuf, elles sont communes aux trois administrations de la justice : services judiciaires, administration pénitentiaire et protection judiciaire de la jeunesse. L'objectif du ministère de la justice était la mutualisation de certaines fonctions supports. La cartographie de ces neuf plates-formes a été calquée sur celle des directions interrégionales de l'administration pénitentiaire, sans lien avec celle des cours d'appel.

Ces plates-formes se sont vues confier la gestion de cinq types de dépenses :

- l'informatique et les télécommunications ;

- l'action sociale ;

- l'immobilier ;

- la formation continue ;

- les marchés publics.

Source : commission des lois du Sénat.

Entendue par votre mission, la Cour des comptes regrette la dualité de gestion entre les services judiciaires et les autres directions, qu'elle analyse comme l'une des causes de la sous-exécution du budget des services judiciaires. Elle souligne néanmoins les efforts réalisés, notamment concernant le regroupement des pôles Chorus . Si une organisation plus simple et plus rationnelle est sans doute souhaitable, elle ne doit pas pour autant méconnaître les spécificités de chaque métier de la justice, ni perdre en proximité, en qualité et en efficacité. Elle doit aussi respecter les exigences propres à l'activité particulière des juridictions, comme le propose votre mission en confiant la responsabilité d'un budget opérationnel de programme et d'un pôle Chorus à chaque cour d'appel, dans le cadre d'une carte renouvelée des cours d'appel 108 ( * ) .

À court terme, il semble néanmoins nécessaire de mieux coordonner l'action de ces différents services.

Proposition n° 21 :

Mieux coordonner l'action des services délocalisés et déconcentrés du ministère de la justice.

Le secrétariat général du ministère, entendu par votre mission, a indiqué que la gestion des juridictions ne relevait pas des règles habituelles, et que le dialogue avec les chefs de cour était d'une autre nature que les échanges avec les services déconcentrés des deux autres réseaux de l'administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse. Ainsi, il semble indispensable à votre mission que les juridictions puissent bénéficier de la prise en compte de leurs besoins spécifiques par les plates-formes interrégionales.

Proposition n° 22 :

Mieux prendre en compte les spécificités des services judiciaires au sein de l'organisation et des procédures des plates-formes interrégionales de service du ministère de la justice.

d) Renforcer le niveau d'encadrement et diversifier les compétences présentes au sein de la direction des services judiciaires

La direction des services judiciaires exerce des missions de pilotage et de gestion des juridictions. L'encadrement de ce service est majoritairement composé des magistrats de l'administration centrale de la justice (MACJ), fonction valorisante puisque réservée en priorité par le statut de la magistrature aux auditeurs de justice sortant dans le premier tiers de la liste d'aptitude de l'École nationale de la magistrature.

Il semble néanmoins que la direction des services judiciaires, entendue par votre mission, juge pertinent de renforcer ses compétences généralistes et techniques, pour mener à bien des chantiers dans des domaines aussi variés que les ressources humaines, le budget, l'informatique ou l'immobilier.

Votre mission indique toutefois que ce renforcement des effectifs de cadres et d'experts ne peut être envisagé sans une réflexion sur une meilleure organisation de la direction des services judiciaires, notamment concernant ses services informatiques 109 ( * ) , et ses services transverses dit de performance ou de méthode. La réorganisation de ses fonctions doit être pensée en lien avec la nouvelle coordination à mettre en place avec le secrétariat général et la nouvelle direction des systèmes d'information.

Proposition n° 23 :

Renforcer les effectifs de la direction des services judiciaires et recruter des compétences diversifiées et adaptées aux enjeux de la direction en termes de gestion budgétaire, de ressources humaines, d'informatique et d'immobilier.

5. Mettre à niveau la fonction de suivi statistique et d'évaluation, pour améliorer la préparation des réformes judiciaires

En sus d'être sous-administrée, la justice apparaît sous-évaluée et souffre d'un appareil statistique certes en progrès mais encore insuffisant.

a) Les nouvelles perspectives offertes par la création récente de l'inspection générale de la justice

Instituée par le décret n° 2016-1675 du 5 décembre 2016 portant création de l'inspection générale de la justice, cette dernière est issue de la fusion de trois structures distinctes auparavant rattachées aux directions gestionnaires 110 ( * ) :

- l'inspection générale des services judiciaires, compétente pour les juridictions judiciaires (hors Cour de cassation), ainsi que pour les services et organismes relevant du ministère ;

- l'inspection des services pénitentiaires, directement rattachée au directeur de l'administration pénitentiaire ;

- l'inspection des services de la protection judiciaire de la jeunesse, directement rattachée au directeur de cette administration.

Cette réforme d'organisation est intervenue à la suite de la récente consécration dans le statut de la magistrature 111 ( * ) de l'appartenance au corps judiciaire des magistrats exerçant les fonctions d'inspecteur général, chef de l'inspection générale de la justice, d'inspecteur général de la justice et d'inspecteur de la justice, afin de consolider leur assise statutaire et de formaliser les modalités de leur nomination, identiques à celles des magistrats du parquet 112 ( * ) . Dans son rapport sur le projet de loi organique relatif à l'indépendance et l'impartialité des magistrats et à l'ouverture de la magistrature sur la société 113 ( * ) , notre collègue François Pillet indiquait que « l'intégration de l'ensemble des missions d'inspection du ministère de la justice au sein d'une inspection unifiée, reconnue comme telle au plan administratif [ constituait ] un corollaire indispensable de l'évolution statutaire ». Cette réforme était en outre recommandée par la Cour des comptes, qui, dans un référé 114 ( * ) publié en 2015, préconisait la création d'une inspection générale unique pour le ministère de la justice, évoquant notamment à l'appui de cette recommandation « le décloisonnement de l'inspection générale [qui] en serait facilité », de même que « la transversalité au sein de l'administration centrale, dont le ministère a un impérieux besoin 115 ( * ) , [s'en] trouverait singulièrement renforcée, ainsi que l'indépendance de l'inspection générale ».

Les missions de l'inspection générale de la justice
créée par le décret n° 2016-1675 du 5 décembre 2016

L'inspection générale de la justice exerce une « mission permanente d'inspection, de contrôle, d'étude, de conseil et d'évaluation sur l'ensemble des organismes, des directions, établissements et services du ministère de la justice et des juridictions de l'ordre judiciaire ».

À l'occasion de ses missions d'inspection, qui peuvent désormais, à la lecture du décret, concerner la Cour de cassation, elle « apprécie l'activité, le fonctionnement et la performance des juridictions » ou services concernés ainsi que, dans le cadre d'une mission d'enquête, « la manière de servir des personnels », a compétence pour proposer « toutes recommandations et observations utiles » et participe à la politique ministérielle de l'audit interne.

Le garde des sceaux, tout comme le Premier ministre, peuvent également lui confier une mission d'inspection, d'expertise ou de conseil.

L'inspection générale assure la coordination des missions d'inspection ordonnées par les chefs de cour, qui doivent, conformément au code de l'organisation judiciaire 116 ( * ) , s'assurer de la « bonne administration des services judiciaires et de l'expédition normale des affaires » dans leur ressort.

Enfin, l'inspection générale présente chaque année au garde des sceaux un rapport sur l'ensemble de son activité et sur l'état des juridictions, directions et autres services soumis à son contrôle.

La seule réserve de votre mission concerne l'extension des compétences de cette nouvelle inspection à la Cour de cassation , alors que celles de l'ancienne inspection générale des services judiciaires se limitaient aux juridictions de première instance et d'appel 117 ( * ) . Votre mission analyse cette soumission de la plus haute juridiction de l'ordre judiciaire à l'inspection générale de la justice comme une possibilité offerte au pouvoir exécutif de contrôler la façon dont elle accomplit ses missions, ce qui semble contraire à l'idée même de l'indépendance de l'autorité judiciaire, affirmée par l'article 64 de la Constitution. Votre mission estime donc nécessaire de revoir le décret portant création de l'inspection générale de la justice pour exclure la Cour de cassation de son contrôle.

En revanche, votre mission , qui adhère pleinement à l'analyse de la Cour des comptes, est très favorable à une inspection générale de la justice unique , dans la mesure où, comme le souhaitait la Cour, elle permettra de mener des inspections sur « toute l'étendue de la chaîne judiciaire », dans le cadre d'une « approche globale » qui associera l'ensemble des acteurs concernés, qu'ils soient issus de la direction des services judiciaires ou de celle de l'administration pénitentiaire.

L'inspecteur général, chef de l'inspection générale de la justice, et entendu par votre mission, lui a confirmé que cette nouvelle organisation permettra à l'inspection de produire une réflexion et des rapports transversaux, de renforcer ses ressources et ses compétences techniques, tout en améliorant la transversalité et les capacités de prospective qui font défaut au sein du ministère de la justice .

Proposition n° 24 :

Conforter l'inspection générale de la justice dans ses nouvelles missions, tout en préservant l'indépendance de l'autorité judiciaire.

b) Rénover la fonction statistique et en faire un véritable outil d'évaluation de l'activité des juridictions

Bien qu'étant constamment l'objet de réformes, la justice apparaît insuffisamment mesurée. La connaissance fine du fonctionnement du système judiciaire conditionne pourtant le succès de réformes de l'administration de la justice et la construction de politiques publiques efficaces. Dès lors, l'absence d'une évaluation statistique complète et fiable de l'activité de la justice, de sa qualité et de son efficacité nuit incontestablement à sa performance.

Le constat de la faible capacité statistique de la chancellerie a été confirmé par l'inspection générale de la justice, lors de son audition par votre mission. Le rapport annuel pour l'année 2015 de l'ancienne inspection générale des services judiciaires relevait, concernant les tribunaux de grande instance contrôlés, « l'insuffisante fiabilité des extractions statistiques et la nécessité de procéder régulièrement à des contrôles de cohérence et à certains comptages manuels » 118 ( * ) . Pourtant, lors de ses déplacements, beaucoup de reproches ont été entendus par votre mission sur la quantité importante de statistiques à produire sur l'activité des juridictions, ce qui tend à attester que le ministère de la justice est loin d'être inactif en la matière.

Votre mission relève toutefois, même si l'existence et la qualité des tableaux de bord et outils statistiques du ministère de la justice ont tendance à être sous-estimées , qu'il est indispensable de les rénover et les automatiser davantage pour en faire de véritables outils d'aide à la décision.

Au fil de ses auditions et déplacements, elle a en effet pu constater, par exemple, l'absence inquiétante de statistiques concernant l'exécution des décisions de justice en matière pénale. En premier lieu, le taux de mise à exécution des peines n'est pas connu . À cet égard, en juillet 2012, l'inspection générale des services judiciaires constatait l'absence d'outil permettant une évaluation fiable du taux d'exécution des peines et le recours à un retraitement manuel des données. Si les taux de mise à exécution des peines d'emprisonnement ferme ont pu être produits en 2011 et 2012 grâce à une version expérimentale du système d'information décisionnel (SID) 119 ( * ) , ce type d'évaluation n'a pas été reproduit et il apparaît que cet indicateur ne fait l'objet d'aucun suivi. En deuxième lieu, le délai moyen de mise à exécution des peines n'est pas renseigné non plus . Or il apparaît indispensable d'évaluer la durée de la procédure d'exécution. En troisième lieu, autre indicateur pourtant particulièrement pertinent en matière d'efficacité de la politique pénale, le taux de récidive n'est pas non plus renseigné selon la Cour des comptes, entendue par votre mission. Il en est de même concernant la valeur des confiscations pénales en matière d'avoirs criminels, qui n'est pas mentionnée dans les documents de performance budgétaire, faute de données fiables et disponibles. Enfin, le taux effectif de recouvrement des amendes pénales n'est pas non plus suivi.

L'insuffisance de ce pilotage statistique a été confirmée à votre mission par la Cour des comptes qui, lors de son audition, a indiqué qu'elle n'avait pas pu se prononcer sur l'efficacité de la gestion par l'administration pénitentiaire des personnes majeures placées sous main de justice, en « l'absence totale d'outils d'évaluation et de connaissance des coûts des actions de probation, et alors que le développement de ces actions est un objectif que s'assigne le ministère de la justice », en application de la loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales. Or, l'évaluation de l'efficacité des mesures est décisive pour prévenir et lutter effectivement contre la récidive, afin de répondre aux attentes légitimes de nos concitoyens pour la sécurité.

Proposition n° 25 :

Investir dans l'évaluation qualitative et quantitative des personnes placées sous main de justice, en réalisant des études de cohortes sur les personnes condamnées pour évaluer les risques de récidive, et en mesurant l'efficacité des peines et la qualité des intervenants du milieu probationnaire.

En matière d'évaluation qualitative de l'activité des juridictions , la loi n° 2013-669 du 25 juillet 2013 relative aux attributions du garde des sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et de mise en oeuvre de l'action publique, a consacré dans la loi une nouvelle compétence attribuée aux procureurs généraux consistant à procéder « à l'évaluation » de l'application des instructions générales du garde des sceaux par les procureurs de la République. Cette mission nouvelle confiée aux acteurs du ministère public vient au soutien de la politique pénale, comme le confirment les instructions du garde des sceaux dans sa circulaire du 31 janvier 2014 de présentation de la loi 120 ( * ) : « les procureurs généraux doivent être en mesure de rendre compte auprès du garde des Sceaux des priorités de politique pénale définies localement, des moyens mis en oeuvre pour les atteindre ainsi que des résultats obtenus ». L'évaluation constitue ainsi un outil de construction d'une politique adaptée aux besoins locaux, cohérente avec les priorités de politique pénale nationale.

Votre mission suggère également de revoir les indicateurs permettant l'évaluation de l'activité juridictionnelle au sens large. Ainsi, elle regrette que les indicateurs de suivi du nombre d'affaires nouvelles et terminées ne soient pas consolidés dans les projets annuels de performance, et que le niveau du stock et son ancienneté ne soient pas non plus renseignés chaque année. Ce dernier indicateur, suggéré par la Conférence nationale des présidents des tribunaux de grande instance, permettrait de suivre la constitution du stock d'affaires à traiter, son évolution dans le temps et d'évaluer si une juridiction est capable de faire face à ses flux d'entrée et de sortie d'affaires.

D'une manière générale, concernant l'ensemble des statistiques retraçant l'activité juridictionnelle, votre mission souhaite soulever trois difficultés méthodologiques :

- en premier lieu, le changement de périmètre des indicateurs selon les années, qui empêche de faire des comparaisons d'une année sur l'autre, et encore davantage sur longue période ;

- en deuxième lieu, la publication consolidée de données non comparables les unes aux autres, qui peuvent aboutir à fausser l'interprétation des résultats ;

- en troisième lieu, les différences qui apparaissent dans les données selon la nature du document.

À titre d'illustration, le calcul des délais de traitement en matière civile faisait l'objet, jusqu'en 2014, d'une présentation consolidée avec les référés dans les projets annuels de performance annexés au projet de loi de finances, conduisant à minorer fortement la moyenne des délais de traitement et, en outre, n'indiquant pas la moyenne de durée de procédure des affaires de droit commun, qui constituent la majorité du contentieux en matière civile. En matière pénale, les chiffres présentant les délais de traitement ne comprennent que la première instance et pas la procédure d'appel, qui pourtant, le cas échéant, est une source potentielle d'allongement très important du délai. Les sources des données présentées ne sont par ailleurs pas homogènes pour les crimes et les délits. Si les données présentées dans le document statistique annuel du ministère 121 ( * ) semblent beaucoup plus exhaustives, elles font parfois apparaître des chiffres différents de ceux indiqués dans les projets annuels de performance 122 ( * ) , ce qui n'est pas sans interroger votre mission sur la coordination dans la réalisation de ces documents.

Enfin, votre mission suggère de mener une réflexion, parallèle à celle engagée sur le référentiel d'activité et de carrière des magistrats, relative à l'intégration d'indicateurs de complexité dans l'évaluation des délais de traitement des affaires civiles et pénales, qui pourrait d'ailleurs être utiles à la détermination des indicateurs de charge de travail des magistrats, qui semblent aujourd'hui largement perfectibles, faute de connaissance précise de l'activité de ces derniers 123 ( * ) . Cette proposition, suggérée à votre mission par M. Jean-Michel Hayat, président du tribunal de grande instance de Paris, permettrait de pondérer des chiffres moyens et de mieux qualifier l'activité des juridictions. Cette évaluation qualitative pourrait aussi se construire, selon votre mission, par une meilleure prise en compte dans l'analyse statistique des taux d'appels et de confirmation des décisions rendues, tant en matière civile que pénale.

Proposition n° 26 :

Améliorer l'évaluation qualitative et quantitative de l'activité des juridictions.

Les marges de progrès en matière d'intelligence statistique du ministère de la justice semblent largement relever :

- d'une part, de l'amélioration des outils informatiques , parfois obsolètes, selon les dires de personnes entendues dans certaines juridictions dans lesquelles s'est déplacée votre mission, et des systèmes d'information pourtant récents ;

- d'autre part, du renforcement du pilotage global de la fonction de suivi statistique et d'évaluation ministérielle .

Cinq ans après la mission d'information sur les carences de l'exécution des peines et l'évaluation de l'application Cassiopée 124 ( * ) présidée par notre collègue député Jean-Luc Warsmann en 2011 125 ( * ) , comme votre mission l'a évoqué, la disponibilité des statistiques sur l'exécution des décisions de justice est toujours aussi précaire. Le croisement de ses données avec le fichier relatif à l'application des peines, la probation et l'insertion (APPI) devait pourtant permettre de produire des statistiques locales et nationales en matière d'exécution et d'application des peines. De la même façon, le fichier national des détenus (FND) permet la présentation de statistiques trimestrielles sur la population écrouée par établissement (placements et levées d'écrous), mais ne permet pas un suivi statistique des flux de données individuelles. En raison de l'absence d'historisation de ces données et donc de comptabilisation des dates de passage de l'état de prévenu à celui de condamné, il est donc impossible de calculer les durées de détention effectivement exécutées des condamnés détenus.

Au regard de ces expériences, il semble indispensable à votre mission, non seulement de trouver des solutions pour intégrer aux outils informatiques existants de nouveaux développements permettant de répondre aux besoins statistiques en matière pénale, mais également de prendre en compte ces échecs pour ne pas les reproduire dans la mise en oeuvre du projet Portalis 126 ( * ) en matière de procédure civile.

En outre, le renforcement des attributions confiées au secrétariat général en matière de pilotage de l'évaluation et de la fonction statistique du ministère apparaît indispensable, sans pour autant se substituer aux prérogatives des directions des affaires civiles et du sceaux et des affaires criminelles et des grâces.

Dans ces conditions, votre mission préconise de réaliser une évaluation des outils statistiques existants, d'identifier leurs points forts et leurs faiblesses et, en fonction d'une cartographie des besoins statistiques, d'adapter les outils existants ou d'en développer de nouveaux, en lien étroit avec la nouvelle direction des systèmes d'information du ministère de la justice 127 ( * ) .

Proposition n° 27 :

Mener un audit de la fonction statistique du ministère de la justice et mettre en oeuvre un programme global de mise à niveau de son appareil statistique, en s'appuyant sur les outils informatiques et les systèmes d'information.

c) Asseoir le rôle central du ministère de la justice dans la production normative et le pilotage des réformes

L'inflation législative et réglementaire est un facteur de paralysie pour l'institution judiciaire. Rarement accompagnées d'études d'impact 128 ( * ) fiables ou réalisées en amont de la décision politique, les réformes, notamment procédurales, se succèdent au fil des mois, modifiant l'organisation interne des juridictions et des services judiciaires à effectif constant et sans affectation de nouveaux moyens.

Le rôle de pilotage et d'évaluation du ministère de la justice dans ces réformes apparaît très perfectible , même lorsqu'il s'agit de projets de loi présentés par le ministre de la justice.

Ainsi, la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle est passée de 54 à 155 articles, avec l'insertion de 55 articles additionnels par l'Assemblée nationale en première lecture, dont les deux tiers à l'initiative du Gouvernement. Aucun de ces articles additionnels n'a fait l'objet d'une étude d'impact budgétaire à l'issue de l'examen du texte par l'Assemblée nationale en première lecture.

Des mesures aussi importantes que le divorce par consentement mutuel sans recours à un juge ou encore l'assistance obligatoire des mineurs gardés à vue ont été adoptées sans qu'aucune modification ou actualisation ne soit portée à l'étude d'impact.

L'assistance obligatoire des mineurs gardés à vue par un avocat :
l'exemple d'une mesure non préparée aux conséquences lourdes

En nouvelle lecture de ce projet de loi, votre commission des lois s'était interrogée sur la pertinence d'une disposition prévoyant l'assistance obligatoire par un avocat d'un mineur en garde à vue, a fortiori alors que les auditions de mineurs font déjà l'objet d'un enregistrement audiovisuel prévu à l'article 4 VI de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante. Malgré les difficultés juridiques exprimées, cette disposition n'avait pas été supprimée par le Gouvernement, qui, au contraire, en avait amélioré la rédaction juridique avant de proposer de reporter l'entrée en vigueur de cette disposition au 1 er janvier 2017.

L'entrée en vigueur de cette disposition a causé énormément de difficultés aux procureurs alors que les barreaux ne sont pas organisés et mobilisés pour répondre à cette demande, en particulier ceux dont les effectifs sont particulièrement limités.

Dans une dépêche du 28 décembre 2016, la direction des affaires criminelles et des grâces a considéré qu'il était juridiquement possible, au cours des gardes à vue décidées à l'encontre de mineurs, de réaliser une première audition sur les faits reprochés hors la présence de l'avocat dûment avisé, à l'expiration du délai de deux heures suivant l'avis donné à ce dernier.

En dépit de l'affirmation par la loi d'un principe d'assistance obligatoire par un avocat des mineurs placés en garde à vue, il n'apparaît pas possible de pouvoir garantir ce droit, notamment lorsqu'un avocat bien qu'avisé ne s'est pas présenté dans le délai de 2 heures suivant cet avis.

Cette solution, qui pourrait être jugée illégale par la Cour de cassation, s'est cependant imposée afin d'éviter la paralysie d'un nombre considérable d'enquêtes à raison de l'indisponibilité ou du refus des avocats d'assister les mineurs placés en garde à vue.

Cette mesure a déstabilisé tant les enquêteurs que les procureurs, qui n'ont pas compris la nécessité de légiférer sur cette question sans préparation.

Votre mission juge nécessaire d'aller au-delà des exigences organiques actuelles et que toutes les dispositions adoptées au cours de l'examen parlementaire puissent être évaluées à l'issue de la première lecture afin d'actualiser les études d'impact accompagnant les projets initiaux, pour mieux préparer la mise en oeuvre des réformes.

Proposition n° 28 :

Actualiser les études d'impact de l'ensemble des projets de loi discutés au Parlement qui ont un impact sur la justice.

Si la production juridique de l'administration du ministère de la justice est particulièrement abondante, ce sont néanmoins les réformes juridiques ou ayant un fort impact sur certains contentieux qui ne font pas l'objet d'un pilotage par le ministère de la justice qui ont les effets les plus imprévisibles sur les juridictions. Le rôle d'évaluation du ministère de la justice doit être surtout renforcé vis-à-vis des textes dont il n'est pas à l'initiative.

Ainsi, la récente loi n° 2017-242 du 27 février 2017 portant réforme de la prescription en matière pénale, née d'une initiative parlementaire de l'Assemblée nationale, n'a pas fait l'objet d'une étude d'impact en amont par le ministère de la justice, des conséquences budgétaires d'une augmentation massive du contentieux en raison de l'allongement des délais de prescription. Certes les propositions de loi ne sont pas soumises à l'obligation d'être accompagnées par une étude d'impact. Néanmoins, dès lors qu'un engagement politique du Gouvernement est pris en faveur d'une initiative parlementaire, il apparaît nécessaire que l'administration centrale du ministère anticipe les conséquences de la réforme. Ce n'est qu'à la demande de votre commission des lois qu'une étude d'impact a été réalisée par la direction des services judiciaires, en septembre 2016, alors que le Gouvernement avait donné un avis favorable à l'adoption de cette réforme à l'Assemblée nationale dès mars 2016.

Votre mission ne peut qu'encourager le Gouvernement à faire réaliser fréquemment, par les directions compétentes, en coordination avec le secrétariat général, des études d'impact budgétaires évaluant les productions législatives issues d'initiative parlementaire.

Proposition n° 29 :

Réaliser des études d'impact des propositions de loi réformant les procédures et l'organisation judiciaire.

De même, en dépit d'un incontournable travail interministériel, votre mission ne peut que constater l'impréparation et l'insuffisante association du ministère de la justice à plusieurs réformes ayant eu un fort impact sur les juridictions.

Afin de renforcer le régime contentieux de la rétention administrative, la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative aux droits des étrangers en France, à l'initiative de l'Assemblée nationale mais avec l'avis favorable du Gouvernement, a transféré du tribunal administratif au juge des libertés et de la détention le contrôle de la légalité de la décision administrative de placement en rétention.

Cette réforme est entrée en vigueur, sans renforcement réel des effectifs des juges des libertés et de la détention. Alors qu'elle ne répondait à aucun impératif constitutionnel ou conventionnel, elle a alourdi de manière significative la charge des magistrats judiciaires, sans anticipation des effectifs nécessaires et des conséquences indirectes d'une telle réforme. En effet, dans un contexte de renforcement des missions des juges des libertés et de la détention, notamment par la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale, une aggravation massive de la charge des juges des libertés et de la détention a des conséquences sur l'encombrement de l'ensemble de la chaîne pénale dans toutes les procédures où l'intervention de ce juge est nécessaire.

Enfin, votre mission n'a pu que constater l'absence d'association réelle du ministère de la justice à la préparation de l' open data des décisions de justice : introduite en séance publique au Sénat à l'initiative du Gouvernement dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à la République numérique, la mise à disposition du public des décisions de justice n'a pas fait l'objet d'une concertation préalable des juridictions 129 ( * ) . Si le Sénat a été attentif aux risques de ré-identification des personnes et a souhaité mettre en place une analyse des risques avant publication des décisions de justice, la question de la protection de l'identité des magistrats n'a néanmoins pas pu faire l'objet d'un débat approfondi : la loi ne précise pas si cette donnée doit ou non faire l'objet d'une anonymisation. Votre mission propose d'ailleurs, en conséquence, de revenir sur cette question 130 ( * ) .

Cette multiplication de réformes ayant un fort impact sur la justice et plus généralement sur les procédures juridiques remet en question le rôle historique du ministère de la justice comme le « ministère du droit ». Sous l'ancien régime, le rôle du chancelier consistait dans la préparation des ordonnances et des édits, vérifiant leur conformité aux textes antérieures et apposant le sceau du roi. Comme le soulignait le rapport de la commission présidée par M. Jean-Louis Nadal sur le ministère public, le ministre de la justice devrait « d'abord être regardé comme le ministre de la loi et, selon l'expression du doyen Barthélemy 131 ( * ) , le ? directeur de la législation civile et criminelle ? » 132 ( * ) .

Gardien des grands textes, du code civil et du code pénal, c'est en tant que « ministère de la loi » qu'il est représenté, notamment dans les instances internationales, pour la négociation des conventions et législations européennes par exemple. Prenant appui sur deux directions législatives, la direction des affaires criminelles et des grâces, créée en 1814, et la direction des affaires civiles et du sceau, créée en 1884, le ministère de la justice a été particulièrement sollicité par les autres ministères pour la préparation de textes, sur lesquels le garde des sceaux était appelé à apposer son contreseing.

En raison de l'accélération de la création normative, son influence a été réduite. Les directions des affaires juridiques se retrouvent dans tous les ministères sans pour autant qu'un réseau de magistrats permette, dans ces directions, de maintenir une supervision par le ministère de la justice. Or, au-delà de sa compétence propre, le ministère de la justice doit néanmoins veiller à la cohérence des normes et au respect des grands principes.

Votre mission d'information considère souhaitable de s'inspirer du réseau des contrôleurs budgétaires et comptables ministériels, mis en place par le ministère du budget. Installés auprès de tous les ordonnateurs principaux d'un ministère, le contrôleur est placé sous l'autorité du ministre du budget, constitue son interlocuteur privilégié et facilite la restitution d'une vision globale et fiable sur la chaîne de dépense.

Un réseau de référents du ministère de la justice, institutionnalisé, dans l'ensemble des directions des affaires juridiques ministérielles contribuerait à redonner de la cohérence aux productions normatives des différents ministères. Il permettrait également une plus grande efficacité en s'assurant de l'intelligibilité de celles-ci, qui serait appréciée par des magistrats appelés à appliquer lesdites normes. De manière informelle, ce réseau permettrait au ministère de la justice de peser davantage dans le dialogue interministériel.

Proposition n° 30 :

Instaurer des référents magistrats du ministère de la justice dans les directions des affaires juridiques ministérielles.

S'il est compréhensible que le rôle central du garde des sceaux en tant que « ministre du droit » ait été remis en cause à l'heure de la technicisation du droit, il est à tout le moins essentiel de réaffirmer le rôle incontournable du ministère de la justice dans le domaine pénal.

Aux termes de l'article 4 du décret n° 64-754 du 25 juillet 1964 relatif à l'organisation du ministère de la justice, la direction des affaires criminelles et des grâces « élabore la législation et la réglementation en matière répressive ; elle conduit les études de droit pénal et de criminologie et est associée à tous travaux en ces domaines ». Si l'attribution de la fonction répressive en tant que compétence propre du ministère de la justice s'impose toujours, force est de constater que cette compétence est concurrencée par l'ensemble des ministères.

Le droit de l'environnement et des transports a été particulièrement concerné par le phénomène de pénalisation des comportements : la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a notamment créé des nouveaux délits punis de peines d'emprisonnement, tels que l'utilisation illicite de ressources génétiques, le non-respect de règles et interdictions édictées par le décret de classement d'une zone de conservation halieutique ou encore le rejet des eaux de ballast. La régulation du secteur du transport public particulier de personnes s'est par exemple appuyée sur le droit pénal délictuel pour sanctionner certains comportements administratifs : ainsi, est un délit, et non une contravention, le fait pour une centrale de réservation de transports de ne pas déclarer son activité à l'autorité administrative 133 ( * ) .

Si l'influence du « ministère du droit » a naturellement décliné au XXI e siècle, il convient néanmoins que la chancellerie retrouve son rôle de pilotage sur l'ensemble des réformes pénales. Source d'encombrement des juridictions, la production législative en matière pénale doit faire l'objet d'une coordination fine pour être réellement efficace. L'organisation de réunions interministérielles doit, en principe, permettre la réalisation de cette coordination et permettre d'associer systématiquement le ministère de la justice. Au regard de la réalité des pratiques constatées, votre mission propose-t-elle de réaffirmer le principe selon lequel l'ensemble des modifications en matière pénale doit faire l'objet d'un examen préalable par la direction des affaires criminelles et des grâces.

Proposition n° 31 :

Centraliser auprès de la direction des affaires criminelles et des grâces l'ensemble des modifications en matière pénale.


* 50 Article 51 (4°) bis de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

* 51 Les programmes dotés de crédits évaluatifs n'y sont pas soumis.

* 52 Programme 166 de la mission budgétaire « Justice ».

* 53 Programme 335 de la mission budgétaire « Justice ».

* 54 Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire 2014, mission « Justice » et comptes de commerce n° 909 « Régie industrielle des établissements pénitentiaires » et n° 912 « Cantine et travail des détenus dans le cadre pénitentiaire », page 16.

* 55 Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire 2015, mission « Justice » et comptes de commerce n° 909 « Régie industrielle des établissements pénitentiaires » et n° 912 « Cantine et travail des détenus dans le cadre pénitentiaire », page 25.

* 56 Les dépenses de fonctionnement courant des juridictions, rapport établi par l'inspection générale des finances et l'inspection générale de la justice, revue de dépenses, janvier 2017, page 12. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.igf.finances.gouv.fr/files/live/sites/igf/files/contributed/IGF%20internet/2.RapportsPublics/2017/2016-M-088.pdf

* 57 Ibid . page 17.

* 58 L'exercice 2017 a débuté dès le mois de janvier par le dégel de 40 millions d'euros de crédits de fonctionnement et d'investissement destinés aux juridictions, permettant à ces dernières de bénéficier de l'augmentation budgétaire consentie pour 2017 dans des délais raisonnables de gestion.

* 59 La circulaire de localisation des emplois est diffusée chaque année par la direction des services judiciaires, et présente la répartition des postes de magistrats et de fonctionnaires pour chaque cour d'appel, tribunal de grande ou de première instance, et tribunal d'instance. Cette répartition des postes fait suite au dialogue de gestion entre le ministère et les juridictions, ces dernières émettant leurs besoins en nombre de postes, et la chancellerie arbitrant en fonction de ces demandes, mais aussi des priorités gouvernementales.

* 60 Ces chiffres intègrent les postes d'auditeurs de justice créés chaque année.

* 61 Ces départs sont principalement constitués de départs en retraite.

* 62 Ces magistrats sont en position administrative de détachement, placés hors de leur corps d'origine, et continuent à bénéficier dans ce corps de leurs droits à l'avancement et à la retraite.

* 63 Il s'agit des postes réellement pourvus en juridictions, consolidés avec le nombre de postes de magistrats pourvus à la Cour de cassation.

* 64 Par exemple, les magistrats de la promotion 2016, recrutés par concours en 2015, devraient être affectés en juridiction en 2018.

* 65 Nouvelle dénomination du greffier en chef depuis la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle.

* 66 Rapport spécial n° 140 (2016-2017) de M. Antoine Lefèvre, fait au nom de la commission des finances, déposé le 24 novembre 2016, page 22. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/rap/l16-140-319/l16-140-319.html

* 67 Loi organique n° 92-189 du 25 février 1992 modifiant l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

* 68 Devenue l'inspection générale de la justice depuis le décret n° 2016-1675 du 5 décembre 2016 portant création de l'inspection générale de la justice.

* 69 Rapport annuel 2015 du Conseil supérieur de la magistrature, page 27. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.conseil-superieur-magistrature.fr/publications/rapports-annuels-dactivite/rapport-annuel-dactivite-2015

* 70 Étude d'impact du projet de loi organique relatif à l'indépendance et l'impartialité des magistrats et à l'ouverture de la magistrature sur la société.

* 71 Décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 pris pour l'application de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature.

* 72 Arrêté du 12 novembre 2010 fixant la liste des emplois du premier grade de la hiérarchie judiciaire comportant un 8 e échelon.

* 73 Cette obligation entre en vigueur pour les magistrats nommés dans leur premier poste à compter du 1 er septembre 2020.

* 74 Rapport annuel 1999 du Conseil supérieur de la magistrature.

* 75 Aux termes de l'article 64 de la Constitution « Les magistrats du siège sont inamovibles ». L'ordonnance n° 58-1270 prévoit que « En conséquence, le magistrat du siège ne peut recevoir, sans son consentement, une affectation nouvelle, même en avancement ».

* 76 Conseil constitutionnel, décision n° 92-305 DC du 21 février 1992, sur la loi organique modifiant l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

* 77 Conseil constitutionnel, décision n° 2016-732 DC du 28 juillet 2016, sur la loi organique relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats, ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature.

* 78 Conseil constitutionnel, décision n° 2001-445 DC du 19 juin 2001, sur la loi organique relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature.

* 79 Le projet de « transparence » relève du Conseil supérieur de la magistrature lorsqu'il s'agit de projets de nominations relevant du pouvoir de proposition du Conseil supérieur de la magistrature.

* 80 Le projet de « transparence » relève du garde des sceaux lorsqu'il s'agit de projets de nomination relevant de son pouvoir de proposition, à savoir tous les magistrats du siège, à l'exception des fonctions relevant du pouvoir de nomination du Conseil supérieur de la magistrature, ainsi que l'ensemble des magistrats du parquet.

* 81 5 pour le Conseil supérieur de la magistrature et 9 pour le garde des sceaux.

* 82 19 pour le Conseil supérieur de la magistrature et 13 pour le garde des sceaux.

* 83 27 pour le Conseil supérieur de la magistrature et 13 pour le garde des sceaux.

* 84 Article 14 du décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 pris pour l'application de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature.

* 85 Il s'agit, à titre d'illustration, de postes de secrétaire administratif (catégorie B), ou d'adjoint administratif et technique (catégorie C).

* 86 Voir infra page 101 .

* 87 Association des magistrats issus de l'intégration et des concours complémentaires et exceptionnels.

* 88 Voir infra page 209 .

* 89 Rapport pour avis n° 146 (2016-2017) de M. Yves Détraigne, fait au nom de la commission des lois, sur le projet de loi de finances pour 2017, déposé le 24 novembre 2016, page 35. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/a16-146-9/a16-146-91.pdf

* 90 Concerne toutes les dépenses de travaux et de programmation immobilière, y compris les dépenses liées aux partenariats public-privé conclus dans le cadre de construction de nouveaux tribunaux.

* 91 D'après la réponse au questionnaire budgétaire transmise par les services du ministère de la justice dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2017, le coût global prévisionnel des loyers sur la période de 27 ans, durée du contrat de partenariat signé le 15 février 2012, s'élèvera à 2,327 milliards d'euros. Cette somme couvre l'investissement (725 millions d'euros), le financement (625 millions d'euros), le fonctionnement, dont notamment les dépenses liées à l'exploitation-maintenance, la consommation de fluides et le gros entretien-renouvellement (977 millions d'euros). Le versement annuel équivaudra à 85 millions d'euros. En outre, les dépenses engagées entre 2010 et 2015 se sont élevées à 9,9 millions d'euros : elles concernent les assistances à maîtrise d'ouvrage technique, juridique et financière et l'indemnisation du candidat non retenu.

* 92 Selon l'agence publique pour l'immobilier de la justice, ont été prévus les investissements nécessaires sur 27 ans pour retrouver un bâtiment en bon état à l'issue du contrat.

* 93 Les dépenses correspondant au petit entretien relèvent du fonctionnement courant, alors que les dépenses d'entretien structurel relèvent de l'investissement.

* 94 Concerne l'ensemble de l'immobilier du ministère de la justice, y compris celui de l'administration pénitentiaire.

* 95 Décret n° 2014-834 du 24 juillet 2014 relatif aux secrétaires généraux des ministères.

* 96 Cour des comptes, référé n° 70554 relatif aux secrétaires généraux et secrétariats généraux de ministères, publié en date du 25 juillet 2014, page 2. Ce référé est consultable à l'adresse suivante :

https://www.ccomptes.fr/Publications/Publications/Les-secretaires-generaux-et-secretariats-generaux-de-ministeres

* 97 Décret n° 2008-689 du 9 juillet 2008 relatif à l'organisation du ministère de la justice.

* 98 Voir infra page 117 .

* 99 Direction des services judiciaires, direction de l'administration pénitentiaire et direction de la protection judiciaire de la jeunesse.

* 100 Rapport établi par l'inspection générale des finances et l'inspection générale de la justice, les dépenses de fonctionnement courant des juridictions, revue de dépenses, janvier 2017. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.igf.finances.gouv.fr/files/live/sites/igf/files/contributed/IGF%20internet/2.RapportsPublics/2017/2016-M-088.pdf

* 101 Voir supra page 65 .

* 102 Rapport d'audit de l'inspection générale des services judiciaires n° 2015-07 relatif à la masse salariale du ministère de la justice.

* 103 La mise en place du nouveau système d'information de gestion des ressources humaines (SIRH) dénommé « Harmonie », commun à l'ensemble du ministère, devrait permettre d'amorcer un véritable pilotage commun, même si votre mission n'a pu mesurer l'implication des directions dans cette démarche.

* 104 Voir infra page 125 .

* 105 Voir supra page 83 .

* 106 Voir supra page 80 .

* 107 Les services délocalisés du secrétariat général demeurent des services de l'administration centrale et sont placés, de fait, sous l'autorité directe du secrétaire général. En revanche, les services déconcentrés, tels que les services administratifs régionaux s'agissant des juridictions, ne sont pas des services de l'administration centrale et sont dirigés par un directeur régional auquel le pouvoir de décision est transféré.

* 108 Voir infra page 200 .

* 109 Cette fonction est présente dans près de 5 bureaux différents sur les 18 que compte la direction.

* 110 Une première réforme était déjà intervenue en 2010, année au cours de laquelle l'inspection « hygiène et sécurité », fonctionnellement rattachée à l'inspecteur général des services judiciaires, et la mission d'inspection des greffes, rattachée à la sous-direction des ressources humaines des greffes au sein de la direction des services judiciaires, avaient toutes deux été intégrées au sein de l'inspection générale des services judiciaires.

* 111 Par la loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature.

* 112 L'inspecteur général, chef de l'inspection générale de la justice et les inspecteurs généraux sont nommés par décret du président de la République après avis du Conseil supérieur de la magistrature (CSM).

* 113 Rapport n° 119 (2015-2016) de M. François Pillet, fait au nom de la commission des lois, sur le projet de loi organique relatif à l'indépendance et l'impartialité des magistrats et à l'ouverture de la magistrature sur la société déposé le 28 octobre 2015. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/l15-119/l15-119.html

* 114 Cour des comptes, référé n° 72235 sur la fonction d'inspection au ministère de la justice, rendu public le 20 juillet 2015. Ce référé est consultable à l'adresse suivante :

https://www.ccomptes.fr/Actualites/Archives/La-fonction-d-inspection-au-ministere-de-la-justice

* 115 Voir supra page 89 .

* 116 Article R. 312-68 du code de l'organisation judiciaire.

* 117 Décret n° 2010-1668 du 29 décembre 2010 relatif aux attributions et à l'organisation des missions de l'inspecteur général des services judiciaires, abrogé par le décret n° 2016-1675 du 5 décembre 2016 portant création de l'inspection générale de la justice.

* 118 Rapport d'activité 2015 de l'inspection générale des services judiciaires, de l'inspection des services pénitentiaires et de l'inspection de la protection judiciaire de la jeunesse.

* 119 Joël Creusat, « Les délais de la mise à exécution des peines d'emprisonnement ferme », Infostat, bulletin d'information statistique, numéro 124, novembre 2013.

* 120 Circulaire du 31 janvier 2014 de présentation et d'application de la loi n° 2013-669 du 25 juillet 2013 relative aux attributions du garde des sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et de mise en oeuvre de l'action publique.

* 121 « Les chiffres clés du ministère de la justice » . Ces publications sont consultables à l'adresse suivante : http://www.justice.gouv.fr/budget-et-statistiques-10054/chiffres-cles-de-la-justice-10303/

* 122 Voir supra page 49 .

* 123 Voir supra page 70 .

* 124 Chaîne applicative supportant le système d'information opérationnel pour le pénal et les enfants.

* 125 Rapport d'information n° 3177 (2010-2011), de MM. Blanc et Warsmann, fait au nom de la commission des lois, sur les carences de l'application des peines et l'évaluation de l'application Cassiopée, déposé le 16 février 2011. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.assemblee-nationale.fr/13/rap-info/i3177.asp

* 126 Voir infra page 120 .

* 127 Voir infra page 125 .

* 128 En vertu de n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution, les projets de loi font l'objet d'une étude d'impact, afin de mieux éclairer les choix faits en matière de législation.

* 129 Lors de l'examen en commission, le rapporteur du Sénat s'en était ému et avait regretté ne pas pouvoir lui-même mener une réflexion approfondie sur le sujet.

* 130 Voir supra page 133 .

* 131 Joseph Barthélemy et Paul Duez, Traité de droit constitutionnel .

* 132 Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

www.Justice.gouv.fr/publication/rapport_JLNadal8refonder_ministere_public.pdf

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