PREMIÈRE PARTIE
LA PLACE DE PARIS EST PARVENUE À SE POSITIONNER PARMI LES CENTRES FINANCIERS DE RÉFÉRENCE EN EUROPE, SANS TOUTEFOIS EXPLOITER PLEINEMENT
SES ATOUTS

I. LA PLACE DE PARIS DISPOSE DE NOMBREUX ATOUTS POUR FIGURER PARMI LES PREMIERS CENTRES FINANCIERS À L'ÉCHELLE INTERNATIONALE

A. L'OBJECTIF DE DÉVELOPPER UNE PLACE FINANCIÈRE DOMESTIQUE DE RÉFÉRENCE GARDE TOUTE SA PERTINENCE

Depuis le déclenchement de la crise financière en 2008, le développement financier a principalement été appréhendé sous l'angle du risque . Il est vrai que l'industrie financière, qui rassemble l'ensemble des entreprises « dont l'activité implique la gestion du risque et du temps, c'est-à-dire l'intermédiation entre des agents présentant une capacité de financement et ceux ayant un besoin de financement » 16 ( * ) , est susceptible, plus que d'autres secteurs, de provoquer une accumulation de déséquilibres qui se révèlent très coûteux pour la collectivité lorsqu'ils se matérialisent 17 ( * ) .

Si la question des coûts et des avantages du développement financier doit être abordée avec lucidité 18 ( * ) - toute stratégie visant à étendre la taille et l'efficacité d'un centre financier devant nécessairement s'accompagner de la mise en place d'un cadre prudentiel et d'une supervision adéquats -, l'objectif de développer une place financière de référence en France garde toute sa pertinence .

1. L'existence d'une place financière de référence favorise le bon développement de l'industrie financière, exerçant ainsi des effets positifs sur l'activité et l'emploi

La pertinence de cet objectif tient tout d'abord à l'importance intrinsèque du secteur financier pour l'activité et l'emploi .

En France, la part du secteur financier dans la valeur ajoutée est ainsi comprise entre 4 % et 5 % depuis quarante ans - soit un niveau comparable à celui observé en Allemagne, en Italie ou en Espagne 19 ( * ) . La contribution de l'industrie financière au produit intérieur brut (PIB) est ainsi dix fois plus importante que celle de l'industrie automobile .

À cette activité importante correspond naturellement une contribution significative sur le plan budgétaire : les impôts et prélèvements sur la masse salariale acquittés par les entreprises du secteur financier (40 milliards d'euros, dont 60 % par les banques et 20 % par les assurances) représentent près de 5 % de l'ensemble des prélèvements obligatoires et 11 % de ceux acquittés par les entreprises 20 ( * ) .

Le poids de l'industrie financière est également manifeste sur le plan de l'emploi, les effectifs de la banque et de l'assurance étant estimés à plus de 750 000 21 ( * ) équivalents temps plein.

L'existence d'une place financière de premier plan, dans la mesure où elle favorise le bon développement de l'industrie financière par les effets d'agglomération qu'elle suscite, présente donc un intérêt réel pour l'économie nationale.

La concentration géographique des activités financières

La littérature économique mentionne trois principales forces d'agglomération expliquant la concentration géographique des activités financières dans un nombre limité de places.

La concentration des entreprises financières permet :

- d'attirer les fournisseurs spécialisés (droit, comptabilité, informatique) indispensables aux services financiers ;

- de susciter l'émergence d'un bassin de main d'oeuvre qualifiée ;

- de favoriser la circulation des connaissances et des informations au sein du secteur.

La concentration des entreprises est ainsi porteuse d'externalités pécuniaires - l'accroissement du bassin d'emploi et la concurrence entre les fournisseurs exercent une pression à la baisse sur les coûts - et informationnelles .

Ces externalités positives peuvent permettre non seulement de compenser les externalités négatives liées à la concentration des activités financières - principalement les coûts de congestion et l'éloignement des clients - mais aussi de préserver l'attractivité des places historiques d'une concurrence par les coûts (« prime au premier entrant »).

Source : commission des finances du Sénat (à partir de : Gunther Capelle-Blancard et Yamina Tadjeddine, « Les places financières : désintégration, suburbanisation et spécialisation », Revue d'économie financière , vol. 90, pp. 93-116, 2007

Le rayonnement de la place de Londres joue ainsi un rôle central pour expliquer le dynamisme de l'industrie financière britannique. Au Royaume-Uni, le secteur financier représente 7,2 % du PIB 22 ( * ) (dont 50 % à Londres) 23 ( * ) , 1 million d'emplois directs (dont un tiers à Londres), 1,1 million d'emplois indirects 24 ( * ) et 71,4 milliards de livres de prélèvements obligatoires 25 ( * ) .

En France, la région Île-de-France concentre à elle seule 40 % de l'emploi dans le secteur financier , alors qu'elle ne représente que 24 % des emplois métropolitains 26 ( * ) .

La géographie des activités financières en Île-de-France

La stabilité des effectifs du secteur financier en Île-de-France sur longue période masque de profondes modifications dans leur répartition géographique.

Si la place financière ne s'est jamais limitée à Paris, l'essentiel des activités financières ont longtemps été situées dans le quartier de la Bourse, autour du Palais Brongniart et des grands boulevards (9 ème , 8 ème et 2 ème arrondissements).

Les évolutions intervenues depuis le début des années 1990 ont toutefois fortement renforcé le poids des communes de petite couronne au détriment de la capitale, dont les effectifs ont diminué d'un tiers entre 1990 et 2005. Comme le relèvent Gunther Capelle-Blancard, Matthieu Crozet et Fabien Tripie, « au sein même de la région Île-de-France, on voit se dessiner une polarisation des activités : au centre de Paris et à La Défense les activités à forte valeur ajoutée ; à l'Est le back-office et les fonctions supports ».

Source : Gunther Capelle-Blancard, Matthieu Crozet et Fabien Tripier, « La localisation des activités financières dans l'Union européenne » in Consolidation mondiale des bourses , La Documentation française , 2007, pp. 129-155

2. Le rayonnement de la place financière est un élément majeur de l'attractivité et du dynamisme d'un territoire

Au-delà de sa contribution directe à l'activité et à l'emploi, l'importance que revêt le développement d'un centre financier de référence tient également à ses effets positifs sur l'attractivité et le dynamisme du territoire.

Comme le rappelle une étude publiée par la Banque de France, l'existence d'une place financière active et innovante représente tout d'abord « un argument important pour attirer les centres de décision des grands groupes », qui sont « les principaux consommateurs de services financiers élaborés » 27 ( * ) .

Si le développement des technologies de l'information et de la communication devrait a priori permettre aux fonctions remplies par le secteur financier d'être assurées à distance, « ne pas choisir de s'installer physiquement sur la place où sont déjà présents les autres » constituerait pour les entreprises « un risque de se priver des échanges relationnels indispensables » au partage des connaissances et des informations 28 ( * ) .

Pour cette raison, les grands groupes continuent de déterminer « au moins partiellement leur implantation en fonction de la capacité d'une place financière à répondre à leurs besoins » 29 ( * ) .

Au-delà de sa contribution à l'attractivité du territoire, l'existence d'une place financière favorise également « l'allocation efficace de l'épargne et de l'investissement » au sein des zones économiques auxquels elle est adossée, en raison de la « concentration d'expertises pluridisciplinaires et multiproduits » qu'elle induit 30 ( * ) .

L'étude de référence concernant l'entreprise de modernisation de la place de Paris engagée à la fin des années 1980 a ainsi permis de confirmer empiriquement les effets positifs de la réforme sur le coût de financement des entreprises et le renouvellement du tissu entrepreneurial 31 ( * ) .

Si le rayonnement d'une place financière demeure donc un élément majeur de l'attractivité et du dynamisme d'un territoire, l'objectif de consolider la place de Paris comme centre financier de référence apparaît d'autant plus pertinent qu'elle dispose d'atouts indéniables pour jouer les premiers rôles au niveau international.


* 16 Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), « Les prélèvements obligatoires et les entreprises du secteur financier », janvier 2013, p. 13.

* 17 Il doit toutefois être souligné que même des secteurs financiers de taille modeste peuvent mener à des crises de grande importance. Voir sur ce point : Díaz-Alejandro, « Good-bye Financial Repression, Hello Financial Crash », Journal of Development Economics, 1985, pp. 1-24.

* 18 Pour une synthèse des travaux les plus récents en la matière, voir : Ugo Panizza, « La finance et le développement économique », Revue internationale de politique de développement, 2012.

* 19 Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), « Les prélèvements obligatoires et les entreprises du secteur financier », précité, pp. 24-25.

* 20 Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), « Les prélèvements obligatoires et les entreprises du secteur financier », précité, pp. 81.

* 21 Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), « Les métiers en 2022. Prospective par domaine professionnel », Synthèse.Stat' , n° 11, avril 2015, p. 124.

* 22 Il peut être noté que la part du secteur dans la valeur ajoutée, qui avait atteint 9,1 % en 2009, a significativement diminué depuis la crise.

* 23 Chambre des communes, « Financial services : contribution to the UK economy », Briefing paper, n° 6193, 31 mars 2017.

* 24 Chambre des Lords, « Brexit : financial services », 9th Report of Session 2016-2017, 15 décembre 2016, pp. 5-6.

* 25 City of London Corporation/PwC, « Total Tax Contribution of UK Financial Services », décembre 2016.

* 26 Insee, « Les activités financières, un secteur particulièrement concentré en Île-de-France », Île-de-France faits et chiffres, n° 193, décembre 2008.

* 27 Alexandre Duvivier, « L'attractivité des places financières », Bulletin de la Banque de France , précité, n° 123, mars 2004.

* 28 Ibid ., p. 46.

* 29 Ibid .

* 30 Hervé Hannoun, « Places financières et banques centrales », Revue d'économie financière , précité, p. 5.

* 31 Marianne Bertrand, Antoinette Schoar et David Thesmar, « Banking deregulation and industry structure : evidence from the 1985 banking act », Journal of Finance, 2007.

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