III. DES ANNULATIONS SIGNIFICATIVES SUR LES BUDGETS RÉGALIENS, EN PARTICULIER LE BUDGET DES ARMÉES

Les annulations portent sur la quasi-totalité des missions et des ministères à l'exception de l'Outre-mer 6 ( * ) . Ce sont, une nouvelle fois, les missions « Écologie, développement et mobilité durables » et « Recherche et enseignement supérieur » qui portent les annulations nettes des ouvertures les plus importantes en crédits de paiement.

Contrairement aux derniers décrets d'avance transmis à la commission, les annulations prévues par le présent décret d'avance ne sont pas artificielles ni de pure forme : elles ne portent pas sur des crédits quasi-évaluatifs comme ceux des programmes liés au désendettement. En outre, il faut noter que le Gouvernement a fait le choix de n'annuler aucun crédit sur la mission « Crédits non répartis », ce qui lui laisse quelques marges de manoeuvre pour la fin de l'année.

Comme d'habitude, une partie importante des annulations porte sur des crédits gelés : environ quatre cinquièmes des crédits annulés étaient mis en réserve. À cet égard, le Gouvernement semble amorcer un mouvement en faveur d'une meilleure information du Parlement sur les annulations portant sur la mise en réserve , en précisant dans certains cas les dispositifs touchés - jusqu'ici, la doctrine officielle était celle d'une non-affectation absolue des crédits gelés, ce qui empêchait le Parlement d'apprécier l'impact réel des annulations sur la mise en réserve avant l'examen du projet de loi de règlement.

En revanche, l'information apportée à la commission des finances s'est avérée très insuffisante concernant les annulations portant sur la mission « Défense » , à hauteur de 850 millions d'euros en crédits de paiement. Ainsi, alors que ces coupes budgétaires, aussi importantes qu'inattendues, portent atteinte à la crédibilité de l'engagement du Président de la République de porter les ressources de la Défense à 2 % du PIB en 2025, le Gouvernement s'est contenté de répondre que « l'annulation des 850 millions d'euros, ne concernant que des crédits de paiement, n'a pas d'impact sur l'engagement pluriannuel des programmes d'équipement. Cette mesure limite la capacité de paiement et donc va conduire le ministère la défense à revoir sa programmation annuelle. De ce point de vue, sa mise en oeuvre suffisamment tôt dans la gestion est de nature à limiter son impact sur le report de charges. Compte tenu de la fluctuation des besoins en gestion, il est impossible à ce stade d'estimer l'ampleur d'une éventuelle hausse ». Cette réponse évasive ne permet pas à la commission des finances d'apprécier l'impact concret de ces annulations sur le budget des armées .

Outre la mission « Défense », les missions « Sécurités » et « Justice » contribuent également de façon très significative aux annulations de crédits, de manière disproportionnée à leur poids dans le budget général, pour un montant total cumulé de près de 450 millions d'euros en autorisations d'engagement et de plus de 400 millions d'euros en crédits de paiement. En crédits de paiement, les ministères les plus touchés par les annulations sont l'Intérieur, les Affaires étrangères et la Défense .

L'ampleur des annulations portant sur les ministères régaliens interroge quant à la soutenabilité des redéploiements opérés par le présent décret d'avance .

Doit également être signalée l'annulation de 59 millions d'euros en AE et 216 millions d'euros en CP sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales » au titre d'une « moindre consommation », selon le rapport de motivation, sur la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), sur la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) et sur la dotation dite « politique de la ville ».

Le Gouvernement indique que, dans sa réponse au questionnaire du rapporteur général, « la perspective d'une forte sous-exécution en fin de gestion 2017 par rapport à la LFI paraît certaine » pour la DETR et la DSIL . Les facteurs d'explications avancés sont relatifs à une insuffisante capacité d'absorption des projets d'investissement local au regard de la montée en charge de ces dotations sur la période récente, au caractère récent de la DSIL qui expliquerait une appropriation seulement partielle du dispositif, aux risques de doublon entre les différents dispositifs de soutien à l'investissement local et enfin à une reprise encore limitée de l'investissement local. Au total, une chose est certaine : alors même que l'effort fait par les collectivités territoriales devait porter prioritairement sur leurs dépenses de fonctionnement, leurs dépenses d'investissement ont également diminué et les dotations mises en place par l'État ne sont pas intégralement consommées. Au-delà des effets d'affichage, l'accompagnement de l'investissement local par l'État doit être réel et produire des effets concrets .

Enfin, l'annulation de près de 140 millions d'euros sur la mission « Aide publique au développement », à rebours des priorités affichées par le Gouvernement, nuit à la lisibilité et à la crédibilité des engagements pris par la France auprès de ses partenaires.

Un décret d'annulation a également été transmis à la commission des finances le 12 juillet 2017. Contrairement au décret d'avance, la commission ne se prononce pas sur le décret d'annulation. Mais il est clair que les annulations prévues par le Gouvernement participent de l'équilibre général du schéma d'ouvertures et de « coupes » prévues par le Gouvernement. Au total, les annulations nettes représentent 0,5 % des AE et 0,2 % des CP (hors titre 2) du budget général .

A ce stade de l'année, il est difficile de porter un jugement définitif sur les annulations prévues par le décret d'avance et le décret d'annulation . C'est surtout l'ampleur et la répartition du schéma de fin de gestion, en novembre, qui permettra de savoir si les choix faits par le Gouvernement sont restés mesurés et raisonnables.

Il faut souhaiter que les ministères régaliens et en particulier celui des armées, soumis à de fortes tensions au vu du contexte national et international, voient alors leur budget conforté et que les « coupes » prévues par le présent décret d'avance relèvent davantage d'une mesure de trésorerie que d'une perte sèche.


* 6 Sont présentés en annexe plusieurs tableaux présentant les annulations prévues par le présent décret d'avance et par le décret d'annulation qui a été transmis le même jour à la commission des finances.

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