LES PRINCIPALES CONCLUSIONS DE VOTRE COMMISSION

À l'issue des échanges qui ont eu lieu lors de cette table ronde, et des évolutions observées depuis l'adoption de son rapport d'information de 2015, votre commission identifie les points suivants.

La dynamique du très haut débit fixe s'est accélérée pour atteindre un rythme annuel de déploiement élevé, grâce à l'initiative privée et à la très forte mobilisation des collectivités territoriales, avec le lancement effectif de nombreux réseaux d'initiative publique. L'objectif intermédiaire d'une couverture de 50 % de la population en très haut débit en 2017 a été atteint par un mix technologique dans lequel la fibre optique jusqu'à l'utilisateur prend de plus en plus d'importance.

Plusieurs incertitudes doivent toutefois être levées, pour atteindre l'objectif d'une couverture à 100 % en 2022 , dont 80 % en fibre optique intégrale, alors que les infrastructures nécessaires vont être de plus en plus complexes à réaliser sur les plans technique et financier.

La répartition des déploiements entre initiatives privée et publique présente de réelles fragilités . L'inachèvement du processus de conventionnement mis en place depuis 2013, et le respect hétérogène des engagements formalisés, ne permettent pas de garantir la contribution des opérateurs privés aux objectifs d'aménagement du territoire. Un renforcement rapide de ce volet du plan France très haut débit est donc indispensable , alors que ces difficultés devaient être résolues fin 2015, conformément aux engagements du précédent gouvernement.

Faute de disposer de précisions et de garanties suffisantes, votre commission reste dubitative face aux annonces de déploiement de réseaux privés dans l'intégralité des zones moins denses, en particulier là où les collectivités établissent leurs réseaux. De telles velléités ne doivent pas perturber la dynamique collective actuelle, alors même que le plan France très haut débit repose sur les principes de mutualisation et d'ouverture des réseaux entre opérateurs.

L'équilibre entre les différentes technologies doit être précisé , alors que le nouveau Gouvernement s'est fixé comme étape intermédiaire une couverture intégrale de la population en « très bon débit » fin 2020. Cette annonce, proche de l'objectif fixé en 2013 de proposer à tous un « haut débit de qualité » fin 2017, ne saurait entraîner une baisse des ambitions fixées pour 2022, par un recul de la part consacrée à la fibre optique. Le recours à des technologies hertziennes en complément des réseaux filaires appelle donc des précisions dans les meilleurs délais. Maintenir des ambitions élevées sur la fibre optique nécessitera par ailleurs de nouvelles ressources d'ici la fin du plan France très haut débit.

La couverture par les réseaux mobiles reste trop partielle et ne bénéficie paradoxalement pas d'un pilotage et d'une animation équivalents aux déploiements fixes, alors qu'il s'agit d'une préoccupation plus vive encore. Sans être encore achevés, les programmes centrés sur l'approche en centre-bourg apparaissent de plus en plus obsolètes par rapport aux besoins des territoires. En outre, l'annonce par le Président de la République d'un achèvement rapide de la couverture en 4G demeure à ce jour dépourvue de réelles garanties.

Un changement d'échelle est donc indispensable, par l'adoption d' un plan global d'amélioration et d'extension de la couverture mobile, doté de moyens à la hauteur de cette nouvelle ambition.

Sans bousculer les cadres existants, une révision des programmes apparaît donc nécessaire, en particulier pour l'accès au mobile. Un nouveau partenariat exigeant doit être établi avec les opérateurs privés .

Votre commission sera particulièrement vigilante face aux solutions proposées dans les prochains mois. Si des concessions sont faites aux opérateurs en matière de fiscalité ou de réglementation, il sera indispensable que des engagements précis, contrôlables, et assortis de sanctions en cas de carence soient définis, notamment en matière d'aménagement du territoire. À défaut, un tel accord serait un « jeu de dupes » pour les pouvoirs publics.

I. LE DÉPLOIEMENT DU TRÈS HAUT DÉBIT FIXE À MI-CHEMIN

A. LES GRANDS PRINCIPES DU PLAN FRANCE TRÈS HAUT DÉBIT DE 2013

Pour rappel, le déploiement du très haut débit fixe est structuré depuis 2013 par le plan France très haut débit , piloté par la Mission très haut débit, intégrée à l'Agence du numérique à partir de 2015.

Le principal objectif du plan est le déploiement d'une nouvelle boucle locale, en fibre optique , jusqu'aux logements et locaux professionnels, ou à défaut à proximité, en conservant un segment final en cuivre ou en câble. Le nouveau réseau doit permettre d'apporter un service de communications électroniques à très haut débit, au sens de l'Arcep et de l'Union européenne, avec un débit descendant égal ou supérieur à 30 Mbit/s .

En termes de calendrier, le plan France très haut débit vise une couverture intégrale de la population en très haut débit d'ici fin 2022 , dont 80 % en fibre optique jusqu'au domicile (FttH). Un objectif intermédiaire de couverture à 50 % d'ici fin 2017 a été fixé.

La responsabilité du déploiement de ces nouvelles infrastructures sur le territoire national est divisée entre deux grandes zones :

- une zone d'initiative privée (57 % de la population, 10 % du territoire), prise en charge par les opérateurs privés sur fonds propres, le cas échéant avec des accords de coinvestissement entre opérateurs ;

- une zone d'initiative publique (43 % de la population, 90 % du territoire), prise en charge par les collectivités territoriales, avec le soutien financier de l'État.

RÉPARTITION DES ZONES DE DÉPLOIEMENT

Source : Agence du numérique.

Une approche technique, retenue par la réglementation de l'Arcep, distingue deux types de zones, afin de moduler le degré de mutualisation des infrastructures à très haut débit en fonction de la densité de population :

- les zones très denses , dans lesquelles la rentabilité des investissements permet de privilégier une concurrence par les infrastructures à l'exception du segment final des réseaux ;

- les zones moins denses , dans lesquelles la moindre rentabilité conduit à un degré accru de mutualisation des réseaux entre opérateurs.

En recoupant ces deux approches, la zone d'initiative privée comprend les zones très denses et une partie des zones moins denses , le plus souvent en milieu urbain intermédiaire, tandis que la zone d'initiative publique se concentre sur les zones moins denses, y compris les territoires ruraux.

La détermination de ces périmètres s'appuie sur la procédure d' appel à manifestations d'intentions d'investissements (AMII) menée en 2010 afin d'identifier les projets de déploiement des opérateurs privés, et donc de délimiter en creux la zone ayant à être prise en charge par l'initiative publique, faute d'offre privée suffisante.

La technologie promue en zone d'initiative privée est le FttH , bien que la modernisation des réseaux cuivre (VDSL2) et câble (HFC et FttLA) ait contribué lors du lancement du plan à un développement rapide du très haut débit dans les grandes villes. En zone d'initiative publique, le FttH reste privilégié, mais l'impossibilité technique et économique - tout du moins à moyen terme - de déployer une boucle locale optique jusqu'aux utilisateurs dans les espaces peu denses, conduit à retenir un « mix technologique », faisant également appel à la modernisation du réseau cuivre, le satellite, et prochainement les réseaux hertziens terrestres.

Les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs opérateurs d'infrastructures déploient des réseaux d'initiative publique (RIP) , financés par leurs propres ressources, des subventions de l'État et des fonds européens, un recours à l'emprunt et un cofinancement apporté par des partenaires publics (comme la Caisse des dépôts et consignations) et privés (opérateurs commerciaux, fonds d'infrastructures...).

Un cahier des charges définit les conditions d'éligibilité et la clef de répartition des subventions apportées par l'État, au terme d'une procédure d'examen complexe pour chaque projet de RIP. Une fois engagés, les crédits sont décaissés au fur et à mesure de l'achèvement du réseau.

Le coût d'une couverture intégrale de la population en très haut débit est estimé dans le plan à 20 milliards d'euros : 6 à 7 Md€ pour la zone d'initiative privée et 13 à 14 Md€ pour la zone d'initiative publique, dont 3,3 Md€ de subventions de l'État.

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