COMPTES RENDUS DES AUDITIONS DU GROUPE DE TRAVAIL

TABLE RONDE DES ACTEURS DU COMMERCE DE DÉTAIL
(29 NOVEMBRE 2017)

Le mercredi 29 novembre 2017, le groupe de travail, lors de la table ronde des « acteurs du commerce de détail », a entendu : Stéphane Vergne, Union des entreprises de proximité, Membre du Conseil d'Administration de la CGAD ; Isabelle Fillaud, Chef du département Affaires juridiques, européennes et économiques de la CGAD ; Xavier Douais, Président de la CPME du Gard et Président de la section commerce de la CPME ; Delphine Borne, Juriste à la CPME ; Sabrina Benmouhoub, Chargée de mission Affaires publiques à la CPME ; Pascal Malhomme, Président de la Fédération Française de l'Équipement du Foyer ; Olivier Bourdon, Directeur de la Fédération des boutiques à l'essai ; Bernard Morvan, Président de la Fédération nationale de l'habillement ; Nathalie Guidé, Déléguée administrative de la Fédération nationale des détaillants en maroquinerie et voyage.

Martial Bourquin, rapporteur. - Merci d'avoir répondu à cette invitation. Nous allons vous poser une série de questions, pour lesquelles nous attendons des réponses. Nous souhaiterions proposer des propositions législatives et réglementaires concrètes à la mi-décembre 2018, susceptibles de créer un véritable renouveau des centres-villes et des centres-bourgs.

Rémy Pointereau, rapporteur. - Pour que le débat reste interactif et vivant, je vous remercie d'apporter des réponses concises. D'abord, comment expliquez-vous la réduction de l'attractivité des centres-villes ? Quelles sont les difficultés d'adaptation que vous rencontrez en tant que commerçants de détail ? Comment remédiez-vous à une éventuelle fuite de vos commerces vers les périphéries ? Quels types de commerce souffrent ou résistent le mieux au phénomène ?

Stéphane Vergne, Union des entreprises de proximité, Membre du Conseil d'Administration de la CGAD. - La perte d'attractivité des centres-villes ces dernières années est facile à comprendre. La prolifération des centres commerciaux, qui ont reconstitué des centres-villes en périphérie, avec des parkings gratuits, desservis par des services de transports en commun, en est la cause majeure. Les villes ayant le mieux résisté sont généralement celles dans lesquelles des halles alimentaires ou commerces de rue alimentaires très structurés et bien pensés existaient. Je prendrai comme exemple le Nord de l'Italie et la Catalogne, dans lesquelles les traditions de commerce de centre-ville résistent très bien sans que le coût de la consommation soit plus élevé que le nôtre. Ces régions ont su préserver tout un secteur de leur économie, celui des PME, parce que le tissu commerçant était moins concentré.

Isabelle Fillaud, Chef du département Affaires juridiques, européennes et économiques de la CGAD. - Les activités alimentaires sont celles qui résistent le mieux en centre-ville, comparées aux autres. Cependant, celles-ci aussi sont impactées, comme l'ensemble des commerces, lorsque les problèmes urbains rencontrés en centre-ville se multiplient : logements vacants, problèmes de circulation, etc. La vétusté des locaux commerciaux est aussi l'une des raisons pour lesquelles beaucoup de commerces ont quitté les centres-villes au profit de périphéries. Le secteur alimentaire est représentatif car il draine le flux des consommateurs et des autres commerçants, via les activités de quotidienneté.

Pascal Malhomme, Président de la Fédération Française de l'Équipement du Foyer. - L'érosion des centres-villes s'explique aussi par l'augmentation des loyers des particuliers, alors que les logements ne sont pas réhabilités par les bailleurs. La tendance à l'achat immobilier en périphérie est alors très forte.

Xavier Douais, Président de la CPME du Gard et Président de la section commerce de la CPME. - Il s'agit véritablement d'un problème de société. A la CPME, nous avons saisi le président de la République dans un courrier en août dernier, considérant que la désertification du centre-ville mettait en danger l'unité, l'harmonie et la solidarité de notre société. Nous avons également écrit à l'Éducation Nationale pour que nous nous saisissions tous ensemble des enjeux de cohésion du territoire. Nous n'avons pas abordé l'aspect fiscal, qui peut lui aussi expliquer le départ des commerçants.

Rémy Pointereau, rapporteur. - Nous avons conscience de ces problématiques. Nous aimerions entendre de votre part des suggestions de solutions. Comment ramener les habitants en centre-ville ?

Xavier Douais, Président de la CPME du Gard et Président de la section commerce de la CPME. - Le problème est en effet beaucoup plus général, il concerne le vivre-ensemble et la cohésion sociale.

Martial Bourquin, rapporteur. - Constatez-vous un impact des difficultés de stationnement pour les clients sur le commerce de centre-ville ? La concurrence des grandes surfaces en périphérie vous paraît-elle déterminante ? Comment jugez-vous l'action des CDAC ? Estimez-vous qu'ils fonctionnent correctement ? Si tel n'est pas le cas, par quel type de régulation les remplacer ?

Pascal Malhomme, Président de la Fédération Française de l'Équipement du Foyer. - L'impact des grandes surfaces sur le centre-ville s'est traduit il y a quelques décennies. Nous nous sommes organisés face à elles. Le problème majeur est celui du e-commerce. Le paysage des commerçants appartenant à la Fédération française de l'Équipement du Foyer que je préside est extrêmement diversifié et les TPE sont grandement démunies face au commerce numérique. Nous avons beaucoup de difficulté à convaincre ces petites entreprises de passer à la numérisation, faute de compétence et de confiance. La disparition de ces entreprises fera émerger de nombreux chômeurs et perdre de nombreuses taxes. Un commerçant reverse en effet une partie importante de ses bénéfices à la collectivité, contrairement à une grosse structure.

Martial Bourquin, rapporteur. - Faut-il élargir davantage ce commerce à la périphérie des villes ? Nous voyons aujourd'hui en CDAC émerger des projets dans lesquels des galeries marchandes attirent des commerçants du centre-ville. Quelle est votre position sur ce sujet ?

Pascal Malhomme, Président de la Fédération Française de l'Équipement du Foyer. - Quel est l'intérêt pour un commerçant de dévitaliser son centre-ville ? Vous nous avez demandé de vous fournir des statistiques. L'activité de la grande distribution est en baisse de 1,5 %, y compris en e-commerce. Est-il envisageable de concilier e-commerce, pour la commande d'un produit, et commerces de proximité, pour sa récupération par le particulier ?

Isabelle Fillaud, Chef du département Affaires juridiques, européennes et économiques de la CGAD. - Il est clair que la présence d'une grande surface alimentaire et de commerces indépendants dans une galerie marchande, crée un nouveau pôle commercial en périphérie, qui nuit aux centres-villes. Les hypermarchés reproduisent de plus en plus les mécanismes de l'alimentaire de proximité, à travers la re-création de rayons artisanaux ou en mettant en valeur les circuits locaux de consommation.

Bernard Morvan, Président de la Fédération nationale de l'habillement. - Il me semble aujourd'hui nécessaire d'interroger l'outil de régulation. Faut-il le renouveler ? Nous avions évoqué les premiers un plan Marshall de la revitalisation des centres-villes. N'opposons pas les formes de commerce et les commerçants entre eux, remettons au contraire l'activité commerçante face aux consommateurs, qui font le choix final. Les commerces de centre-ville ne sont plus adaptés aux attentes du consommateur contemporain ; à nous d'y répondre. Faisons en sorte de rassembler les bailleurs en cas de problème de vacance de locaux commerciaux. Certaines villes se sont saisies du problème et ont réussi à trouver des solutions.

En ce qui concerne l'outil de régulation, si les CDAC me semblent nécessaires à l'échelle départementale, ce n'est pas le cas de la CNAC au niveau national. Il me semble au contraire qu'au niveau régional il serait bon de mettre en place des commissions régionales, avec des seuils de mètres carrés stabilisés. Nous avons aujourd'hui un seuil de 400 mètres carrés déterminant la catégorie MAC1 dans les bases locatives ; conservons-le. L'outil de régulation est au coeur de notre problématique et ne doit pas être laissé sous la responsabilité de la DGE, qui a aujourd'hui à la fois la main sur l'autorisation et la construction. L'ensemble des enjeux d'urbanisme devraient être concentrés dans le portefeuille de l'aménagement du territoire.

Martial Bourquin, rapporteur. - L'offre de surfaces commerciales entre centres-villes et périphérie est aujourd'hui complétement déséquilibrée. Pensez-vous que l'installation de grandes enseignes en centres-villes pourrait aider à résorber ce problème et à revitaliser les centres-villes ?

Pascal Malhomme, Président de la Fédération Française de l'Équipement du Foyer. - Ce pourrait être une piste d'amélioration, déjà engagée dans certaines villes, mais il est nécessaire d'exercer un contrôle de ces ouvertures commerciales, afin que l'installation d'une grande enseigne en centre-ville ne pousse pas à la fermeture quatre ou cinq petits commerces pré-existants. Ces démarches doivent être encadrées de manière impartiale. Multiplier la création de surfaces commerciales n'est pas une fin en soi.

Un intervenant. - Les études d'impacts économiques ne sont plus mises en oeuvre. On ne tient plus compte de la population, de son pouvoir d'achat et de l'évolution de ce dernier. La multiplication des surfaces n'augmentera pas le pouvoir d'achat sur la zone de chalandise.

Bernard Morvan, Président de la Fédération nationale de l'habillement. - La Directive Services pourrait être réétudiée.

Xavier Douais, Président de la CPME du Gard et Président de la section commerce de la CPME. - C'est ce que nous demandons à la CPME, puisque cette Directive a conduit à la disparition des professionnels et des études d'impacts. Nous ne pouvons que le regretter.

Stéphane Vergne, Union des entreprises de proximité, Membre du Conseil d'Administration de la CGAD. - Actuellement, les CDAC ne fonctionnent pas correctement, et l'appel des décisions rendues par les CDAC devant la CNAC fait rarement l'objet d'un refus de délivrer l'autorisation d'implantation commerciale. Si nous réinstallions les grandes enseignes en centre-ville, les petits commerces risquent de disparaître et nous aurions alors des grandes surfaces en centre-ville. Est-ce la société que nous souhaitons ?

Martial Bourquin, rapporteur. - Je ne parlais pas de grandes surfaces mais de commerces de 100 ou 200 m², qui proposent une offre très intéressante au même prix qu'à la périphérie. La question des prix est en effet importante.

Stéphane Vergne, Union des entreprises de proximité, Membre du Conseil d'Administration de la CGAD. - Dans ce cas-là, j'adhère pleinement à cette intention. Je déplore seulement que le déplacement des commerces du centre-ville vers la périphérie ait été encouragé par les politiques publiques locales (parking gratuit, transports en commun). C'est un problème sociétal ; quelle société souhaitons-nous ? Si nous souhaitons conserver une diversité, celle-ci passera par la conservation du patrimoine existant, notamment gastronomique. Je vous invite à voir comment les Italiens défendent le leur.

Xavier Douais, Président de la CPME du Gard et Président de la section commerce de la CPME. - Les périphéries ne sont pas un modèle de réussite à reproduire en centre-ville, puisqu'elles souffrent aussi par exemple du changement de comportement des consommateurs. Ainsi, à l'occasion de la journée du « Black Friday », Amazon a réalisé un chiffre d'affaires supérieur de 40 % à celui de l'année précédente sur la même journée. Il est nécessaire de collaborer avec l'ensemble des commerçants, afin qu'ils réussissent cette transition, et de renforcer les mesures fiscales et sociales permettant de réintégrer les commerces dans les centres-villes. Nous proposons ainsi l'extension des ZFU sur les centres-villes, afin de faciliter l'implantation des commerçants.

Martial Bourquin, rapporteur. - Cette hypothèse est envisageable, nous sommes ouverts aux propositions. Vous avez évoqué le commerce en ligne. Je vous invite à nous parler de ces expériences.

Xavier Douais, Président de la CPME du Gard et Président de la section commerce de la CPME. - La CPME travaille au sein d'une Commission numérique, dont Delphine Borne est la technicienne du dossier.

Delphine Borne, Juriste à la CPME. - La Commission numérique de la CPME cherche depuis sa création il y a six ans à accompagner les commerçants dans la transition vers les outils numériques. Nous visons toutes les cibles, y compris les plus réticents et démunis. La création de « chéquiers numériques » permettrait dans ce cadre de les aider pour les premières démarches (création d'un site internet, achat de matériel informatique, formation au numérique), ainsi que la création d'un guichet unique d'information sur les aides au numérique. Nous travaillons avec la DGE sur ce dossier. Nous avons organisé cet été des Trophées du numérique qui permettent de communiquer par l'exemple et les bonnes pratiques. Nous avons lancé des candidatures auprès de nos PME adhérentes, et eu connaissance de cas extrêmement intéressants de diverses professions dites « professionnelles » passées au numérique, et qui ont pourtant poursuivi leur activité professionnelle. Beaucoup de petits commerçants craignent en effet que la transition vers le numérique ne mette en péril leur activité professionnelle.

Rémy Pointereau, rapporteur. - Si les commerçants de détail sont prêts à faire le pas vers ce système de vente, une concurrence avec les gros acteurs du commerce numérique est possible. En Auvergne, une entreprise a lancé un site mettant en réseau les commerçants de détail du territoire. Comment le législateur peut-il aider en ce sens ? Une telle démarche suppose qu'une entreprise dispose des connaissances nécessaires en la matière.

Delphine Borne, Juriste à la CPME. - Le législateur pourrait accompagner et communiquer. Nous demandons dans ce sens la mise en place d'un annuaire des prestataires du numérique.

Martial Bourquin, rapporteur. - Ne faudrait-il pas plutôt mettre en avant l'offre globale d'un centre-ville, plutôt que de travailler de manière individuelle ? Une plate-forme globale de commerces et de services du centre-ville serait-elle pertinente ? Les politiques publiques, avec votre aide, pourraient-elles permettre de numériser les centres-villes ?

Delphine Borne, Juriste à la CPME. - La CPME réfléchit en effet à des solutions similaires. En revanche, en termes de formation, les commerçants doivent être initiés au numérique, d'où l'idée de faire appel à des prestataires.

Rémy Pointereau, rapporteur. - À ce stade du débat, nos collègues pourraient s'exprimer pour poser leurs questions.

Martine Berthet. - La présence de franchises dans les centres-villes s'accroît. Qu'en pensez-vous ? La disparition du commerce de proximité familial ne fait-elle pas baisser l'attractivité ? Quel est votre avis sur la piétonisation induite par la tenue de marchés hebdomadaires ? Qu'en est-il des boutiques à l'essai ? Vous avez par ailleurs évoqué à de nombreuses reprises le numérique. Une réflexion est-elle menée sur le parcours client et l'accueil des clients ? Un certain nombre de plaintes des clients sont en effet relevées à cet égard.

Stéphane Vergne, Union des entreprises de proximité, Membre du Conseil d'Administration de la CGAD. - Il y a une tendance, contraire à celle des fermetures des années 1980, à la réouverture des marchés et des halles. C'est une excellente initiative qui crée des lieux de vie, rencontre un franc succès et correspond parfaitement aux attentes actuelles du consommateur qui se soucie de l'origine et des méthodes d'élaboration des produits artisanaux qu'il achète. Le flux de consommateurs drainé par ces marchés ne peut être que bénéfique pour les commerces environnants. Concernant l'accueil, des écueils peuvent évidemment exister mais ce problème me semble minime.

Olivier Bourdon, Directeur de la Fédération des boutiques à l'essai. - Le principe des boutiques à l'essai existe depuis 1993. Il vise à faire occuper par des créateurs d'entreprise des boutiques en test pendant six mois, renouvelable une fois. 40 villes de France mettent en place cette action. Aujourd'hui, beaucoup de Français veulent entreprendre et devenir commerçants, c'est une source de revitalisation potentielle. Ces personnes apporteront du renouveau dans les centres-villes. Le montant des loyers, trop élevé, est par ailleurs problématique. Pour encourager les propriétaires à louer davantage leurs locaux commerciaux, nous militions pour la mise en place d'un fonds de garantie des loyers impayés pour les locaux commerciaux. Nous nous sommes renseignés auprès de plusieurs compagnies d'assurance ; de telles garanties n'existaient pas à destination des professionnels. Je rejoins par ailleurs l'avis de la CPME qui proposait de transformer les centres-villes en ZFU. Nous devons offrir aux personnes qui souhaitent entreprendre des exonérations de cotisations. L'objectif des boutiques à l'essai est de tester des concepts et d'apporter du sang frais dans les entreprises. La fraîcheur et la nouveauté qu'apportent ces nouveaux commerçants compensent l'épuisement des commerçants vétérans qui déchantent après avoir connu une époque faste.

Philippe Mouiller. - Quelle est votre vision des associations commerçantes de centre-ville ? Leur rôle a-t-il évolué en termes d'animation des centres-villes ? Quelle est votre relation avec l'ANRU, notamment sur le plan d'aménagement urbain ? Y a-t-il un enjeu de formation professionnelle et de transmission des fonds de commerce ? Connaissez-vous de bons exemples de villes moyennes françaises, face aux difficultés rencontrées ?

Pascal Malhomme, Président de la Fédération Française de l'Équipement du Foyer. - Les associations de commerçants sont extrêmement difficiles à maintenir et organiser. Elles ne bénéficient d'aucune aide. Notre fédération a noué un partenariat avec le CMCV (Club des Managers de Centres-Villes). Ces managers sont aujourd'hui payés par la mairie ou par les associations de commerçants qui ont la puissance de le faire. Dans chacun de ces deux cas, la collaboration est difficile avec l'autre entité alors que cette profession pourrait être une piste d'amélioration. Nous devons parvenir à mutualiser cette profession et à la rendre incontournable.

Stéphane Vergne, Union des entreprises de proximité, Membre du Conseil d'Administration de la CGAD. - Nous avons fait une proposition pour inciter au regroupement des acteurs et commerçants du centre-ville au sein d'une structure représentative. Le manager est parfois perçu comme un outil politique au service du maire s'il est rémunéré par lui, ou comme un problème envoyé par les commerçants. Concernant les professionnels, nos commerçants rencontrent de réelles difficultés à recruter. Le phénomène des reconversions de vie est aujourd'hui très présent. Des personnes ayant effectué de longues formations, apportant un regard nouveau, deviennent élèves dans nos écoles professionnelles pour apprendre les fondamentaux du métier. Ce n'est pas le manque d'entrepreneurs qui empêche la création de nouveaux commerces, mais la difficulté de recrutement de salariés.

Isabelle Fillaud, Chef du département Affaires juridiques, européennes et économiques de la CGAD. - Au sein de la commission de concertation du commerce, une recommandation a porté sur la coordination des acteurs. La transmission des entreprises est par ailleurs un enjeu crucial, notamment dans le secteur alimentaire, où les investissements sont très lourds pour la reprise ou la création d'une entreprise. Il est nécessaire d'anticiper le plus en amont possible la transmission et de l'accompagner pour éviter que des commerces ne ferment. La professionnalisation est aussi un point capital, notamment pour les entreprises non sédentaires.

Éric Kerrouche. - Faut-il maintenir les CDAC au seuil actuel ? Faut-il interdire les galeries marchandes ? Comment assurer la neutralité des études de faisabilité économique des projets ? Concernant les plateformes de e-commerce, quel est le bon maillon pour structurer notre concurrence face aux GAFA ?

Élisabeth Lamure, présidente de la Délégation aux entreprises. - La question numérique me semble un enjeu majeur à l'heure des vitrines connectées. A la recherche d'un produit, le client se dirige plus naturellement vers un commerçant le proposant sur son site internet. Envisagez-vous d'accompagner financièrement les commerçants dans leur formation et éventuellement leur acquisition de matériel ?

Christian Manable. - Vous évoquiez le problème du recrutement dans les commerces de détail. L'apprentissage ne serait-il pas une solution à la pénurie de salariés ? Par ailleurs, pour répondre à l'encombrement des centres-villes, aux problématiques de stationnement et d'accès pour les véhicules, pouvons-nous conjuguer des commandes passées sur internet avec une livraison à domicile par drones ? Cette technologie est d'ores et déjà opérationnelle.

Joël Labbé. - En ce qui concerne la mixité de fonctions, à une certaine époque, des activités industrielles compatibles avec les centres-villes (comme les imprimeries) en ont été évincées et y reviennent actuellement. Quel est votre point de vue sur ce phénomène ?

Par ailleurs, nous assistons à une aspiration croissante à une relocalisation de l'alimentation. Il est nécessaire de mettre en place des filières de transformation et de distribution de produits alimentaires de proximité. Comment percevez-vous cette question, en tant qu'acteurs de centres-villes et de centres-bourgs ?

Bernard Morvan, Président de la Fédération nationale de l'habillement. - Concernant les CDAC, il convient de se référer au seuil de 400 m2 inscrit à l'administration fiscale dans la taxe sur les valeurs locatives. Au-delà de ce seuil, un petit commerçant doit payer la TASCOM, qu'il s'agit de ne pas l'augmenter. Des réseaux de magasins totalisent parfois 4 000 m², et doivent eux aussi payer cette taxe.

Il faudrait en parallèle réduire le seuil en deçà duquel aucune autorisation d'implantation commerciale n'est nécessaire, à 400 m ².

Il faut en revanche refonder complétement l'outil de régulation. Les CDAC ne remplissent plus leur rôle de façon satisfaisante.

Martial Bourquin, rapporteur. - Savez-vous combien de surfaces commerciales ont été créées en 2016 ?

Bernard Morvan, Président de la Fédération nationale de l'habillement. - Elles représentaient 4,5 % de l'existant. Dans notre plan Marshall, nous demandons le gel de création de surfaces commerciales en périphérie des centres-villes.

Pascal Malhomme, Président de la Fédération Française de l'Équipement du Foyer. - Il faut dans ce cas être très vigilant pour que la pression immobilière qui s'exercerait alors sur les centres-villes n'évince pas les petits commerces.

Bernard Morvan, Président de la Fédération nationale de l'habillement. - Une visite à Boston en juin dernier m'a permis de me rendre compte de la situation extrême là-bas. En 2020, 25 % des malls aux États-Unis fermeront.

Pascal Malhomme, Président de la Fédération Française de l'Équipement du Foyer. - Notre fédération a créé une plateforme à destination de nos commerçants, pour les aider à embrasser le numérique. Nous ne disposons cependant pas des moyens nécessaires. Le chantier de la transition numérique est titanesque et extrêmement coûteux. Il faut des moyens pour le mettre en place de manière efficace.

Bernard Morvan, Président de la Fédération nationale de l'habillement. - En plus de plateformes locales, nous pouvons imaginer des plateformes sectorielles qui permettraient de mutualiser la gestion des aléas liés au commerce numérique.

Xavier Douais, Président de la CPME du Gard et Président de la section commerce de la CPME. - L'évolution vers le e-commerce ne permettra pas la réouverture des surfaces commerciales désertées en centre-ville. J'insiste à nouveau sur la nécessité d'accompagner par des mesures fiscales et sociales l'installation de nouveaux commerçants, à travers l'extension des ZFU.

Stéphane Vergne, Union des entreprises de proximité, Membre du Conseil d'Administration de la CGAD. - En ce qui concerne l'apprentissage, il est nécessaire de changer de discours sur les filières d'enseignement professionnelles, afin de donner une valeur ajoutée au métier de commerçant. L'Éducation Nationale a sa part de responsabilité. L'État n'a pas favorisé l'apprentissage comme il aurait dû le faire.

Xavier Douais, Président de la CPME du Gard et Président de la section commerce de la CPME. - La question de la cohabitation entre les fonctions en centre-ville est essentielle. Il est crucial d'empêcher le départ des classes moyennes des centres-villes, c'est tout l'écosystème social qui est en jeu.

Martial Bourquin, rapporteur. - Nous souhaitons que le Sénat, qui est le représentant des collectivités, propose un plan d'action national pour les centres-bourgs et centres-villes courant 2018, en nous inspirant de vos propositions. Nous faisons ici face à un problème structurel, d'une grande importance, qui suppose d'agir à haut niveau.

Rémy Pointereau, rapporteur. - Je souhaiterais revenir sur les managers en centre-ville et l'enjeu de la formation des commerçants, qui est indispensable. La fédération des commerçants est encore morcelée. N'est-il pas nécessaire que l'ensemble des commerçants de centre-ville se fédèrent pour apporter une réponse collective ? Le rôle du manager du centre-ville peut être majeur dans cette optique d'animation et d'attractivité. Des journées fortes et innovantes doivent être organisées.

Pascal Malhomme, Président de la Fédération Française de l'Équipement du Foyer. - Notre fédération a créé un partenariat avec l'association des managers de centre-ville en ce sens. La CPME est par ailleurs la mieux placée pour fédérer les commerçants.

Xavier Douais, Président de la CPME du Gard et Président de la section commerce de la CPME. - La question soulevée ici est essentielle, et rejoint les enjeux de capacité et de qualité d'accueil. Par la communication, nous pouvons faire évoluer les mentalités des commerçants. Les managers de centre-ville seront quant à eux efficaces s'ils ont les moyens financiers de réaliser les ambitions que nous leur prêtons.

Olivier Bourdon, Directeur de la Fédération des boutiques à l'essai. - Les managers de centre-ville ont été les interlocuteurs essentiels entre commerçants et élus, entre lesquels la communication a été rompue, dans le cadre du développement des boutiques à l'essai. Le manager de centre-ville recrée le lien de confiance. Cette interface humaine et concrète est indispensable si nous souhaitons sauver nos centres-villes et y mener des actions concrètes.

Rémy Pointereau, rapporteur. - Pouvez-vous citer deux évolutions législatives que vous souhaiteriez ?

Xavier Douais, Président de la CPME du Gard et Président de la section commerce de la CPME. - Nous souhaiterions l'extension des ZFU, et la suppression du droit de préemption sur les commerces qui sont cédés pour poursuivre la même activité commerciale. Nous entendons ainsi défendre le droit du commerçant indépendant.

Bernard Morvan, Président de la Fédération nationale de l'habillement. - Nos petites entreprises ne supporteront pas de charges supplémentaires pour assurer la collecte de l'impôt à la source. Une action forte doit être menée en ce sens. Par ailleurs, nous demandons la mise en place d'un crédit d'impôt numérique.

Isabelle Fillaud, Chef du département Affaires juridiques, européennes et économiques de la CGAD. - Nous souhaiterions la mise en place d'un moratoire et de dispositifs d'observation qui nous apporteraient des faisceaux d'indice quant à la santé des centres-villes.

Bernard Morvan, Président de la Fédération nationale de l'habillement. - En ce qui concerne les documents d'urbanisme, tel que le DAAC, certains exemples sont intéressants. L'agglomération de Lorient a inscrit dans le DAAC un seuil de taux de vacance des locaux commerciaux, au-delà duquel aucune autorisation de surface supplémentaire ne peut être accordée. D'autres villes étudient la mise en place de cette disposition. Le moratoire, quant à lui, ne peut pas être national mais doit être établi par les régions, pour les régions. Nous ne sommes capables d'améliorer que ce que nous savons mesurer. Dans les villes de moins de 20 000 habitants, 13 % du chiffre d'affaires est réalisé dans les centres-villes, et le reste dans les périphéries. En Allemagne, cette proportion s'élève à 30 % en centre-ville, 30 % dans la périphérie, et 30 % dans les quartiers.

Pascal Malhomme, Président de la Fédération Française de l'Équipement du Foyer. - Il serait en outre très utile d'encourager par tous les moyens le développement de l'apprentissage. Cela sauvera nos métiers.

Rémy Pointereau, rapporteur. - Merci à vous tous pour la pertinence de vos questionnements et des pistes de réponses apportés.

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