VII. LA « GRÈVE DES ÉCHARPES » ET LES DIFFICULTÉS DE FONCTIONNEMENT QU'ELLE PROVOQUE

La désaffection actuelle pour les mandats locaux ne peut être sans conséquences sur le fonctionnement des communes. Sans renoncer à rendre à nos concitoyens le goût de l'engagement électif, il convient sans doute d'apporter quelques assouplissements aux règles relatives aux candidatures aux élections et à la composition du conseil municipal, afin d'éviter que les vacances de sièges ne désorganisent la vie communale.

A. LES CANDIDATURES AUX ÉLECTIONS : FAUT-IL AUTORISER LES LISTES INCOMPLÈTES ?

Il est de plus en plus difficile de trouver des candidats aux fonctions municipales . Lors du renouvellement général de mars 2014, pas moins de 64 communes n'ont eu aucun candidat au premier tour , dont une commune de plus de 1 000 habitants, Gironde-sur-Dropt, où aucune liste n'a pu être constituée. Dans 563 communes de moins de 1 000 habitants, le nombre de candidats était inférieur à celui des sièges à pourvoir, et dans près d'un tiers des communes de 1 000 habitants et plus (3 032 communes), une seule liste se présentait.

Ces chiffres, déjà préoccupants, pourraient être largement surpassés lors des élections municipales de 2020 . Un très grand nombre d'élus ont d'ores et déjà annoncé jeter l'éponge, et beaucoup s'inquiètent de ne pas trouver de successeurs. Selon une consultation menée en décembre et janvier derniers par la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, auprès des élus locaux et notamment de 9 800 élus municipaux, 45,04 % des répondants envisagent de quitter la politique à l'issue de leur mandat 51 ( * ) .

Cette situation pourrait avoir des conséquences directes sur le fonctionnement et sur l'existence même de nombreuses communes .

Certes, dans les communes de moins de 1 000 habitants, il n'est pas nécessaire que les candidatures soient au moins aussi nombreuses que les sièges à pourvoir . Dans le cas où, après un renouvellement intégral, le conseil municipal compte moins de membres que l'effectif légal :

- il a néanmoins la faculté d'élire le maire et ses adjoints, par dérogation à la règle qui veut que le conseil municipal soit alors complet (voir ci-dessous) ;

- il peut siéger et exercer l'ensemble de ses compétences, par dérogation à la règle qui veut que des élections complémentaires soient organisées pour compléter le conseil dès lors que celui-ci a perdu un tiers de ses membres.

Le conseil municipal doit cependant comporter au moins deux membres , le maire et un adjoint 52 ( * ) .

Dans les communes de 1 000 habitants et plus, en revanche, les listes aux élections municipales doivent être complètes , c'est-à-dire comporter au moins autant de candidats que de sièges à pourvoir 53 ( * ) . Cette condition peut être difficile à remplir, notamment dans les communes de taille moyenne.

À défaut, les conséquences peuvent être graves pour la commune.

Lorsque le conseil municipal ne peut être constitué, en effet, le préfet de département désigne dans un délai de huit jours une délégation spéciale composée de trois à sept membres qui en remplit les fonctions, en se limitant « aux actes de pure administration conservatoire et urgente 54 ( * ) ».

Dans le cas où la reconstitution du conseil municipal s'avère durablement impossible, le préfet est amené à prendre l'initiative de la constitution d'une commune nouvelle par fusion de cette commune avec une ou plusieurs autres .

Si les craintes des élus se révèlent justifiées et si de tels cas se multiplient à l'avenir, il faudra faire évoluer notre législation. Peut-être devra-t-on envisager d'autoriser la présentation de listes incomplètes, à condition que cela n'ait pas pour effet de bouleverser l'équilibre du conseil municipal 55 ( * ) .


* 51 Faciliter l'exercice des mandats locaux : analyse des résultats de la consultation , tome 6 du rapport d'information n° 642 (2017-2018) précité.

* 52 Article L. 2121-2 du code général des collectivités territoriales.

* 53 Depuis la loi n° 2018-51 du 31 janvier 2018 relative aux modalités de dépôt de candidature aux élections , les listes peuvent comporter deux candidats supplémentaires, appelés à occuper les sièges devenus vacants en cours de mandat (voir ci-dessous).

* 54 Article L. 2121-35 et suivants du code général des collectivités territoriales.

* 55 Pour cela, il faudra s'assurer en toute hypothèse, d'une part, que la liste ayant recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour ou arrivée en tête au second tour obtienne plus de la moitié des sièges, d'autre part, que les risques de changement de majorité en cours de mandat ne soient pas sensiblement accrus par l'incomplétude d'une ou plusieurs des listes de candidats.

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