N° 154

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2018-2019

Enregistré à la Présidence du Sénat le 22 novembre 2018

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires européennes (1) sur le futur programme-cadre pour la recherche et l' innovation « Horizon Europe »,

Par MM. André GATTOLIN et Jean-François RAPIN,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Bizet, président ; MM. Philippe Bonnecarrère, André Gattolin, Mmes Véronique Guillotin, Fabienne Keller, M. Didier Marie, Mme Colette Mélot, MM. Pierre Ouzoulias, Cyril Pellevat, André Reichardt, Simon Sutour, vice-présidents ; M. Benoît Huré, Mme Gisèle Jourda, MM. Pierre Médevielle, Jean-François Rapin, secrétaires ; MM. Pascal Allizard, Jacques Bigot, Yannick Botrel, Pierre Cuypers, René Danesi, Mme Nicole Duranton, M. Christophe-André Frassa, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, M. Daniel Gremillet, Mme Pascale Gruny, Laurence Harribey, MM. Claude Haut, Olivier Henno, Mmes Sophie Joissains, Claudine Kauffmann, MM. Guy-Dominique Kennel, Claude Kern, Pierre Laurent, Jean-Yves Leconte, Jean-Pierre Leleux, Mme Anne-Catherine Loisier, MM. Franck Menonville, Georges Patient, Michel Raison, Claude Raynal, Mme Sylvie Robert.

AVANT-PROPOS

Madame, Monsieur,

Horizon Europe sera le neuvième programme pluriannuel de soutien à la recherche de l'Union européenne. Moins connu que la politique agricole commune ou la politique de cohésion, il est pourtant le troisième poste budgétaire de l'Union et n'a cessé de croître au sein du cadre financier pluriannuel. Il doit être une source de fierté pour les Européens : c'est le premier programme au monde de soutien public consacré à la recherche. Au total, pour la période 2021-2027, l'Union européenne pourrait apporter au moins cent milliards d'euros d'aide à la recherche.

La stratégie de Lisbonne, à l'aube des années 2000, avait donné à l'Union européenne l'objectif de consacrer 3 % de son produit intérieur brut à la recherche et au développement. Cette ambition a été réaffirmée dans la stratégie Europe 2020, sans avoir été atteinte.

L'actuel programme, Horizon 2020, a marqué une évolution notable par rapport à ses prédécesseurs. Dès 2011, en effet, la Commission européenne constatait que malgré ses efforts, l'économie européenne ne bénéficiait pas assez de ses résultats en recherche et développement. C'est pourquoi, l'Union européenne a décidé de renforcer le lien entre la recherche et l'innovation, c'est-à-dire la mise sur le marché de produits nouveaux.

Sept ans après, le constat reste le même. Alors que nous avons depuis longtemps des laboratoires et des chercheurs de renommée mondiale, nous ne sommes pas aussi présents que nous le devrions dans la révolution technologique actuelle, la quatrième révolution industrielle. C'est pourquoi la Commission européenne propose de faire évoluer encore le programme-cadre vers l'innovation et, en particulier, l'innovation de rupture. En outre, une approche par missions, pluridisciplinaire, est envisagée pour mieux répondre aux problèmes qui se posent à nos sociétés.

S'inscrivant dans la continuité des travaux de votre commission des affaires européennes sur Horizon 2020, le présent rapport analyse les grandes orientations et les évolutions proposées par la Commission européenne. Il pose aussi la question de la participation de la recherche française au programme européen et dessine une prise de position formalisée dans une proposition de résolution européenne.

I. UNE ÉVOLUTION, PAS UNE RÉVOLUTION : L'APPROFONDISSEMENT DES ORIENTATIONS PRISES POUR HORIZON 2020

Comme le montrait le rapport de la commission des affaires européennes du 26 juillet 2012 intitulé « Recherche et innovation en Europe : un pas décisif ? » 1 ( * ) , l'Union européenne a décidé de renforcer les liens entre recherche et innovation lors de l'adoption du programme-cadre pour la période 2014-2020, Horizon Europe. L'objectif était de développer la mise sur le marché de plus de découvertes européennes pour favoriser la croissance économique. Le risque était de détourner les fonds de la recherche vers des activités du secteur marchand.

Cette orientation avait été accueillie favorablement par le Conseil et le Parlement européen, et un programme en trois piliers avait été adopté. Un budget ambitieux avait permis de maintenir des fonds pour la recherche tout en renforçant une politique d'innovation encore jeune. Ce sont ces deux grandes lignes, associées à un souci constant de simplification, qui sont proposées pour Horizon Europe.

A. MAINTENIR UNE ORGANISATION EN TROIS PILIERS AU PROFIT D'UN LIEN RENFORCÉ ENTRE RECHERCHE ET INNOVATION

1. Les leçons tirées de l'évaluation à mi-parcours d'Horizon 2020 : maintenir le lien entre recherche et innovation tout en maximisant l'impact des investissements européens

Horizon 2020, l'actuel programme-cadre de recherche et d'innovation, est organisé autour de trois priorités : la première est consacrée à l'excellence scientifique ; la seconde vise à assurer la primauté industrielle de l'Europe dans le monde ; la troisième veut répondre aux défis de société. Le programme a fait l'objet d'une large évaluation intermédiaire 2 ( * ) portant sur les trois premières années d'exécution, de 2014 à 2016, qui a été entérinée par les institutions européennes.

Les conclusions de cette évaluation sont qu'Horizon 2020 est globalement une réussite. Ainsi, une publication scientifique sur cinq dans le cadre du programme est issue d'une collaboration entre université et secteur privé. L'objectif de voir participer les PME à hauteur de 20 % a été dépassé (23,9 %) et, au total, plus de la moitié des participants au programme sont des nouveaux entrants qui ne participaient pas au programme précédent. L'excellence scientifique qui préside à l'attribution des financements demeure la garante de la qualité du programme : 17 lauréats du prix Nobel ont été soutenus par Horizon 2020 et le taux de citation des premières publications scientifiques est deux fois supérieur à la moyenne mondiale. En outre, l'effort radical de simplification a porté ses fruits puisqu'il a permis de raccourcir de 110 jours le délai d'octroi des subventions par rapport au précédent programme. Enfin, il apparaît que le programme se révèle complémentaire des financements nationaux et apporte une réelle valeur ajoutée européenne.

Parallèlement, la Commission européenne a confié à un groupe d'experts de haut niveau, présidé par M. Pascal Lamy, le soin d'étudier comment maximiser l'impact des programmes-cadres de recherche. Le groupe a présenté ses conclusions le 3 juillet 2017 et formulé 11 recommandations qui ont en grande partie inspiré la communication de la Commission européenne du 11 janvier 2018, qui en a tiré huit grandes orientations.

Les 11 recommandations du rapport du groupe de haut niveau
animé par Pascal Lamy

1. « Rendre prioritaires la recherche et l'innovation dans les budgets de l'Union et les budgets nationaux : doubler le budget du programme pour la R. et I. post 2020 ;

2. Construire une vraie politique d'innovation pour l'U.E. qui crée les futurs marchés : renforcer les écosystèmes pour les chercheurs, les innovateurs, les industries et les gouvernements ; promouvoir et investir dans des idées innovantes avec une montée en puissance rapide via un Conseil européen de l'innovation ;

3. Éduquer pour l'avenir et investir dans les personnes qui seront les acteurs du changement : moderniser, récompenser et ressourcer l'éducation et la formation pour une Europe créative et innovante ;

4. Concevoir un programme de R&I de l'Union européen au profit d'un plus grand impact : faire en sorte que les piliers du futur programme soient guidés par l'objectif et l'impact, affiner le système d'évaluation des propositions et augmenter la flexibilité ;

5. Adopter des défis articulés autour de missions et axés autour de l'impact pour relever les défis de société : définir des missions de R&I qui répondent aux défis mondiaux et mobilisent les chercheurs, les innovateurs et les autres acteurs ;

6. Rationaliser le paysage européen du financement et accomplir la synergie avec les fonds structurels : diminuer le nombre de schémas et d'instruments de financements de la R&I et faire en sorte que ceux qui restent se renforcent mutuellement et soient en synergie avec les autres programmes ;

7. Continuer à simplifier : devenir le financeur de la R&I le plus attractif au monde en privilégiant l'impact plutôt que les processus ;

8. Mobiliser et impliquer les citoyens : stimuler la co-définition et la co-création via l'implication des citoyens ;

9. Mieux aligner les investissements nationaux et européens en R&I : s'assurer de l'alignement de l'UE et des gouvernements nationaux quand cela permet d'apporter plus de valeur ajoutée aux ambitions et missions de R&I en Europe ;

10. Faire de la coopération internationale en R&I une image de marque de la recherche et de l'innovation européennes : ouvrir le programme de R&I à l'association des meilleurs et à la participation de tous, sur la base d'un cofinancement réciproque et d'un accès au cofinancement du pays partenaire ;

11. Mieux communiquer sur l'impact : promouvoir la recherche et l'innovation européennes et s'assurer d'une large communication de ses résultats et impacts. »

En premier lieu, la Commission européenne retient qu'Horizon 2020 suscite une demande supérieure à l'offre et est sous-financé, comme en témoigne le taux de succès de 11,6 % des candidatures à mi-parcours contre 18,5 % dans le 7 e programme-cadre. Pour financer la totalité des propositions évaluées viables, la Commission a estimé que 62,4 milliards d'euros supplémentaires seraient nécessaires. C'est pourquoi elle propose d'investir davantage dans la recherche et l'innovation en Europe, tant au niveau de l'Union qu'au niveau national, voire régional.

En second lieu, la Commission propose de poursuivre l'effort de simplification engagé pour rendre le programme européen plus attractif.

Troisièmement, la Commission veut soutenir davantage une innovation de pointe créatrice de marché. Il s'agit à la fois d'aider les entreprises européennes innovantes à grandir et à rester en Europe, et à la fois de soutenir l'innovation de rupture dont on sait aujourd'hui qu'elle est à l'origine des technologies de pointe les plus récentes. Un conseil de l'innovation en serait chargé dans le but, également, d'augmenter le capital-risque en Europe, pour lequel la Commission relève qu'il représente un cinquième de celui dont disposent les États-Unis

Le quatrième objectif consiste à augmenter l'impact des politiques de recherche européennes. Il s'agirait de prendre les objectifs du développement durable des Nations-Unies comme cadre de référence pour organiser une action fondée sur des missions d'intérêt général réunissant plusieurs disciplines. Ces missions seraient définies en tenant compte des objectifs politiques de l'Union et en associant davantage les citoyens à leur élaboration.

Cinquièmement, pour augmenter l'impact du programme-cadre, la Commission veut renforcer les synergies avec les autres programmes de financement de l'Union. Il s'agit d'associer au financement de la recherche les fonds structurels et d'investissement (les FESI), les fonds pour les investissements stratégiques (fonds issus de ce qu'on a appelé « le plan Juncker » et, désormais, du plan InvestEU), les instruments utilisés dans la politique extérieure et ceux de la politique agricole commune.

Sixièmement, il faut intensifier la coopération internationale dans la recherche et l'innovation pour assurer une association avec les meilleurs talents mondiaux et bénéficier de l'accès aux connaissances, aux savoir-faire et aux installations de partenaires éminents. Cela doit se faire sur la base de la réciprocité tant dans l'accès que dans le financement.

Enfin, la Commission européenne veut accentuer l'ouverture des résultats de recherches financées sur fonds européens et promouvoir le principe de la science ouverte. Elle prévoit également une rationalisation du cadre de financement, tant au niveau du nombre de partenariats que des mécanismes de financement.

L'ensemble de ces évolutions relèvent plus d'une optimisation du programme-cadre de recherche et d'innovation que d'une réorientation véritable, comme cela avait été le cas lors de l'élaboration d'Horizon 2020. C'est la raison pour laquelle il vaut mieux, à l'instar de la Commission européenne, évoquer « une évolution, pas une révolution ».

2. Une organisation en trois piliers maintenue, mais des évolutions notables

Comme il a été dit, l'actuel programme-cadre de recherche et d'innovation est organisé en trois piliers. Si Horizon Europe s'appuie aussi sur cette structure, c'est la nature des piliers qui est différente.

a) Le premier pilier pour la science ouverte

Le premier pilier est le plus stable, c'est celui consacré à la recherche fondamentale et qui applique le principe d'excellence. Il reprend les éléments historiques des programmes-cadres. Sa logique est ascendante : ce sont les chercheurs qui sont libres de définir leur sujet de recherche. Seule compte l'excellence du projet.

Il est principalement constitué du Conseil européen de la recherche qui accorde des bourses individuelles aux chercheurs présentant les meilleurs projets. Son action est couronnée de succès avec plusieurs projets primés notamment par six prix Nobel et cinq médailles Fields. Il est désormais reconnu dans le monde entier où il apparaît comme une référence de l'excellence. Le premier pilier subventionnera également les actions Marie Sklodowska-Curie, qui sont des financements pour favoriser la mobilité des chercheurs, ainsi que des infrastructures de recherche de niveau mondial accessibles à tous les chercheurs européens.

b) Le second pilier consacré aux problématiques mondiales et à la compétitivité industrielle

Le second pilier d'Horizon Europe doit réunir les deuxième (primauté industrielle) et troisième (défis de société) piliers d'Horizon 2020 afin d'agir pour la compétitivité industrielle de l'Union et de répondre aux problématiques mondiales.

Les objectifs de ce pilier seraient mis en oeuvre selon une logique descendante, c'est-à-dire que les projets de recherche et d'innovation seraient subventionnés parce qu'ils répondraient à une demande fixée par l'Union européenne. Pour remplir des missions, les approches transdisciplinaires, transectorielles et transnationales seraient favorisées. Si la compétitivité industrielle est au centre de ces missions, l'innovation technologique n'est pas la seule visée par le pilier qui soutiendrait également l'innovation sociale, ou encore la question de la gouvernance.

Cette nouvelle organisation est le résultat de la rationalisation voulue par la Commission européenne. De 13 sections avec 69 domaines sous Horizon 2020, on passerait à 5 pôles et 39 domaines d'intervention dans Horizon Europe.

Les 5 pôles envisagés sont les suivants :

- un premier pôle serait dédié à la santé dans le but d'améliorer les politiques de santé et la réglementation dans ce domaine ;

- le deuxième pôle est consacré à des sociétés inclusives et sûres. Il reprend deux défis sociétaux d'Horizon 2020 et intègre notamment la cybersécurité ;

- le troisième pôle regroupe le numérique et l'industrie et reprend le développement des technologies-clés génériques mis en place dans Horizon 2020. Le but est de développer des synergies plus fortes entre ces composantes tout en tenant mieux compte des aspects sociaux et éthiques ;

- le quatrième pôle regroupe trois thématiques dans l'objectif de parvenir à une société sans carbone : le climat, l'énergie et la mobilité ;

- le cinquième pôle concerne l'alimentation et les ressources naturelles.

À ce stade, la rationalisation voulue par la Commission suscite plus d'interrogations que de satisfactions, car bon nombre d'acteurs se demandent encore de quel pôle ils relèvent. Par exemple, la question des océans pourrait être traitée dans le quatrième comme dans le cinquième pôle. Par ailleurs, l'approche par missions, qui sera analysée dans la deuxième partie du rapport, devrait répondre à ces questions, notamment par le fait qu'elle prévoit la pluridisciplinarité pour faire face à un défi déterminé. Cependant, plus de clarté sera nécessaire pour entraîner l'adhésion.

En outre, une trop grande rationalisation peut s'avérer contreproductive car trop réductrice. Certains pôles ne sont-ils pas trop grands, à l'image du quatrième ?

Enfin, pour vos rapporteurs, en raison de son importance dans la politique européenne, la question de l'espace devrait voir une place plus conséquente et mieux identifiée dans le programme-cadre.

c) Le troisième pilier pour l'innovation ouverte

C'est la principale novation d'Horizon Europe : la Commission européenne propose de consacrer une partie complète du programme à l'innovation et notamment à l'innovation de rupture.

Horizon 2020 a marqué l'intégration de l'Institut européen d'innovation et de technologie (IET) créé en 2008 au sein du programme-cadre. Inspiré du MIT américain, il a pour but de renforcer la capacité d'innovation de l'Union en rapprochant les secteurs de l'éducation et de la recherche avec l'entrepreneuriat. Il s'appuie sur des communautés de la connaissance et de l'innovation réparties sur l'ensemble du territoire européen et qui rassemblent en un même lieu entreprises, universités et instituts de recherche autour de projets thématiques qu'il subventionne. Il verrait son budget maintenu et stabilisé à 3 Mds€ pour les sept prochaines années, et de nouvelle communautés seraient créées.

À côté, la Commission européenne propose l'instauration d'un Conseil européen de l'innovation (CEI), doté de 10 Mds€, qui se consacrerait essentiellement à l'innovation de rupture, à l'image de la Darpa américaine. L'objectif est de soutenir des avancées technologiques dès leur naissance jusqu'à leur déploiement à grande échelle. Il constitue une nouvelle étape dans la réponse à la difficulté que connaît l'Union à transférer les connaissances générées par la recherche à des entreprises capables de les transformer pour accroître la compétitivité européenne. Il s'agit également de faciliter la croissance de petites entreprises innovantes en palliant le manque de capital-risque en Europe.

Ce nouveau conseil s'appuierait sur deux nouveaux instruments :

- l'éclaireur, qui s'adresserait à des innovateurs dans le but de soutenir des projets dont la technologie serait utilisée par une entreprise ;

- l'accélérateur, dont l'objectif serait de fournir à une entreprise les ressources nécessaires pour le déploiement à grande échelle d'une technologie, alors même qu'elle ne trouve pas cette ressource sur les marchés financiers ; le soutien pourrait faire appel à plusieurs instruments dont le plan InvestEU, afin d'attirer plus d'investisseurs.

En raison de son importance stratégique, le soutien à l'innovation de rupture fera l'objet d'un développement approfondi dans la deuxième partie du rapport.

d) Une action transversale pour renforcer la participation à l'Espace européen de la recherche

D'une manière plus transversale, la Commission européenne envisage une action générale pour renforcer l'Espace européen de la recherche, sur laquelle s'appuieraient les trois piliers. Il s'agit ici de mieux intégrer l'ensemble des États membres dans les programmes de recherche. Une analyse approfondie montre, en effet, que les États les moins avancés en matière de recherche peinent à intégrer des programmes fondés sur l'excellence. Il s'agit principalement des derniers pays entrés dans l'Union et de ceux de l'Europe du sud. Lors de son audition par vos rapporteurs, Mme Giulia Del Brenna, directeur-adjoint du commissaire pour la recherche, la science et l'innovation Carlos Moedas, rappelait que 60 % du budget d'Horizon 2020 vont à seulement six pays : Allemagne, Espagne, France, Italie, Pays-Bas et Royaume-Uni.

De fait, un débat oppose depuis plusieurs années ces pays favorables à un plus grand équilibre géographique de l'attribution des fonds de recherche en application du principe de cohésion aux pays les plus avancés, souvent d'Europe de l'ouest, pour qui l'aide financière à la recherche doit être fondée sur l'excellence des projets. Le fait est que les projets de recherche soutenus par l'Union européenne apparaissent souvent comme des projets fermés qui ne sont pas accessibles à tous les États membres.

Les mesures proposées par la Commission européenne permettraient de conserver l'excellence comme objectif premier, tout en aidant un peu plus à l'atteindre ceux pour qui l'effort est trop important, par un doublement des moyens attribués à ces actions. Un premier objectif consacré au partage de l'excellence se traduirait par un soutien renforcé à des collaborations, des jumelages et des échanges. Le second aspect consiste à aider les pays en retard à réformer et à consolider leur système de recherche.

L'excellence de la recherche européenne est devenue un marqueur de l'Union dans le monde. Il importe donc d'entraîner les États membres les moins avancés vers cette excellence, plutôt que de faire d'Horizon Europe un programme redistributif. Les mesures proposées par la Commission vont dans le bon sens.

Il est enfin important de relever que les régions ultrapériphériques se voient enfin reconnu une place spécifique dans la politique européenne de recherche et auront la possibilité de participer à Horizon Europe. Ce n'est pas le cas à présent, alors que les traités mentionnent leur spécificité dans l'Union européenne. Cette une évolution importante pour notre pays et ses départements d'outre-mer qui mérite d'être saluée. Ces régions vont apporter à la recherche européenne.

Un point toutefois a attiré l'attention de vos rapporteurs. Depuis le sixième programme-cadre, l'Union européenne soutient des actions de médiation et d'éducation à la science. Ce sont des programmes qui visent le renforcement du lien entre les chercheurs et la société, la participation citoyenne à l'innovation scientifique et technique, la science participative. Il s'agit également de former les chercheurs à la transmission de leur savoir. Durant les dernières années, les acteurs de ce secteur ont également contribué à lutter contre les fausses informations.

Horizon 2020 comprend un programme SWAFS ( Science with and for society - La science avec et pour la société) à cet effet. Grâce à une enveloppe budgétaire de 460 millions d'euros, il permet de financer 120 actions en Europe. Or, le programme ne semble pas reproduit dans Horizon Europe, si on s'en tient à la lecture des propositions de la Commission européenne. Vos rapporteurs estiment toutefois que ces actions sont plus que jamais essentielles dans une société démocratique fondée sur la connaissance. C'est un enjeu d'autant plus important face à l'évolution rapide de la technologie, des échanges et du réchauffement climatique, et à la propagation virale de fausses informations. C'est pourquoi, ils estiment qu'un programme dédié au renforcement des liens entre la science et la société doit être inscrit dans le troisième pilier d'Horizon Europe.


* 1 Rapport d'information n° 718 (2011-2012) du 26 juillet 2012 fait au nom de la commission des affaires européennes sur le programme-cadre de recherche et d'innovation 2014-2020, par M. André Gattolin.

* 2 Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 11 janvier 2018 « Évaluation intermédiaire du programme `Horizon 2020' : maximiser l'impact de la recherche et de l'innovation européennes », COM (2018) 2 final.

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