II. L'ORGANISATION DE DEUX GRANDS ÉVÈNEMENTS SPORTIFS INTERNATIONAUX AVANT LE TERME DU CONTRAT DE CONCESSION EXIGE DE RELEVER DEUX DÉFIS

A. DÉFINIR RAPIDEMENT LES CONDITIONS D'UTILISATION DU STADE DE FAÇON JURIDIQUEMENT ROBUSTE ET FINANCIÈREMENT ACCEPTABLE

1. Un risque financier potentiel pour l'État...

Le Stade de France doit accueillir entre sept et dix matchs de la coupe du monde de rugby en 2023 ainsi que les épreuves d'athlétisme des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 . Les cérémonies d'ouverture et de clôture des Olympiades devraient également s'y dérouler.

Ces échéances conforteront le Stade de France comme enceinte de prestige, construite pour permettre à la France d'accueillir des manifestations sportives exceptionnelles.

C'est la raison pour laquelle le contrat de concession impose au concessionnaire d'accueillir de tels évènements dès lors que le concédant en fait la demande. Pour autant, le contrat demeure silencieux sur les modalités selon lesquelles l'enceinte est mise à disposition, en particulier les coûts de location et la prise en charge des pertes d'exploitation. Aux termes du contrat de concession, l'État doit seulement agréer la convention conclue entre l'organisateur et le consortium.

La négociation des conventions d'utilisation du Stade de France pour ces deux évènements bouleverse en partie la fin de la concession, exposant à nouveau l'État à un potentiel risque financier.

L'État a clairement fait part de son choix de ne pas être partie à la convention pour les deux prochaines compétitions .

Ce choix est cohérent avec l'expérience des précédents évènements organisés au Stade de France. Il se justifie par la volonté de prémunir l'État contre toute indemnisation directe du consortium.

Pour les coupes du monde d'athlétisme en 2003 et de rugby en 2007, l'État avait cosigné les contrats de stade, le conduisant à prendre en charge les pertes d'exploitation pour un montant de 1,2 million d'euros en 2003 et de 1,6 million d'euros en 2007.

A contrario , un choix différent avait prévalu pour l'Euro 2016 : l'État n'a pas pris part à la convention, se limitant à donner son agrément conformément aux dispositions du contrat de concession. À cette occasion, le directeur des sports de l'époque avait alors souligné dans un courrier adressé au concessionnaire que les éléments relatifs à l'indemnisation ne figuraient pas dans l'annexe au contrat de stade, ce dernier renvoyant uniquement à des négociations ultérieures sur ce point. C'est donc sous la réserve explicite de l'approbation ultérieure de ces accords complémentaires que l'État a approuvé la signature du contrat de stade pour l'Euro 2016.

Sur ce fondement, l'État a, par la suite, refusé de prendre en charge les pertes d'exploitation évaluées par le concessionnaire à 7,5 millions d'euros, ne s'estimant pas engagé par un contrat d'utilisation auquel il n'était pas partie. Saisi de ce refus par le concessionnaire, le tribunal administratif de Paris a fait droit à la décision de l'État le 1 er juin 2017 23 ( * ) . Le consortium a interjeté appel, la décision, mise en délibéré, doit être rapidement prononcée.

Pour autant, le choix de l'État de ne pas prendre part aux contrats de stade n'écarte pas totalement le risque pour les finances publiques associé à l'organisation des deux compétitions au Stade de France.

Comme le relève la Cour des comptes, « l'État est très loin d'avoir clarifié à l'occasion de la tenue de l'Euro 2016 les conditions dans lesquelles les manifestations exceptionnelles sont indemnisées. La question des modalités d'accueil des grandes manifestations exceptionnelles et de leur financement dans le cadre de l'actuel contrat de concession reste pendante pour l'organisation des Jeux olympiques de 2024 comme pour la coupe du monde de rugby de 2023 » 24 ( * ) .

Dans sa réponse à la Cour des comptes, le Premier ministre a fait valoir que « l'État veillera à ce que les prochaines échéances, marquées par la tenue au Stade de France de deux grands évènements sportifs internationaux, n'entraînent aucune dérive pour les finances publiques. [...] Il a été clairement indiqué par l'État que l'ensemble des coûts liés au déroulement de ces évènements - y compris les pertes d'exploitation subies par le concessionnaire - devront être pris en charge par les organisateurs dans un souci de maîtrise des dépenses publiques ».

Même en cas de prise en charge intégrale par les organisateurs, l'État demeure indirectement exposé au titre des négociations.

S'agissant de la coupe du monde de rugby, l'État est membre à hauteur de 37 % 25 ( * ) du groupement d'intérêt public (GIP) constitué pour l'organisation. De surcroît, et avant même la finalisation du contrat de stade, il lui a apporté sa garantie pour le versement de la redevance d'organisation due à la société Rugby World Cup Limited pour un montant maximal de 162,45 millions d'euros 26 ( * ) .

Pour les Olympiades de 2024, l'État a octroyé sa garantie au Comité international olympique pour la mise à disposition du Stade de France et la modernisation de l'enceinte. L'État s'est donc engagé sur les modalités même du contrat de stade.

2. ...devant être rapidement écarté

Au cours des auditions, il est clairement apparu que le processus de négociation des contrats de stade avait pris du retard en raison du retrait initial de l'État, en dépit des engagements qu'il avait pris à l'occasion de l'attribution des Olympiades.

Cette situation a ravivé les tensions avec le concessionnaire.

La Cour des comptes a critiqué l'ambiguïté du positionnement de l'État , relevant qu'il « ne peut dans le même temps prendre des engagements en lieu et place du concessionnaire sur les futurs contrats de stade et renvoyer ce dernier à sa responsabilité quant à la négociation desdits contrats et notamment à la prise en charge dans ces contrats « ad hoc » d'éventuelles pertes d'exploitation liées à la tenue de ces manifestations. L'État , propriétaire et concédant du Stade de France qui a soutenu les candidatures de la France pour ces manifestations sportives internationales, ne peut s'exonérer de toute responsabilité dans les conséquences économiques financières de ses choix sur l'équilibre des comptes de la concession » 27 ( * ) .

À la suite de ce constat, une reprise en main a été initiée par le délégué interministériel aux Jeux olympiques et paralympiques (DIJOP) afin d'engager le dialogue entre les organisateurs et le consortium au cours du premier trimestre 2019. L'objectif défini par l'État, le concessionnaire et les organisateurs est de conclure les contrats de stade d'ici la fin de l'année 2019 pour la coupe du monde de rugby et d'ici juin 2020 pour les Jeux olympiques et paralympiques.

Dans ce cadre, l'État a rappelé ses conditions pour agréer les conventions d'utilisation : le financement des éventuelles pertes d'exploitation subies par le concessionnaire devra être précisé dans l'équilibre économique de la convention, sans qu'il soit fait appel à une subvention ou à une garantie de l'État.

Pour autant, les négociations risquent d'être difficiles , compte tenu des positions respectives de négociation, en particulier pour les Olympiades. À la période d'utilisation exclusive exigée par le CIO, à savoir de mi-juin 2024 au 22 septembre 2024 28 ( * ) , s'ajoute la période d'utilisation non exclusive, allongeant de près de deux mois la mobilisation de l'enceinte. Une première estimation, relayée par l'inspection générale de la jeunesse et des sports en 2018 29 ( * ) , évalue à près de 20 millions d'euros le coût total de la mise à disposition du Stade de France 30 ( * ) .

Il importe que ces conditions fassent l'objet d'un accord rapide, à la fois robuste juridiquement et financièrement acceptable.

À cet égard, la décision de la cour administrative d'appel dans le cadre du contentieux indemnitaire relatif à l'Euro 2016 pourrait accélérer les négociations. Selon les indications transmises à votre rapporteur spécial, le sens des conclusions du rapporteur public fait droit à la position de l'État. Si la sentence de première instance devait être confirmée, l'équilibre des négociations devrait être plus favorable aux intérêts des organisateurs.

Recommandation n° 1 : afin de ne pas être exposé, même indirectement, à des risques financiers, l'État doit pleinement s'investir auprès des parties pour qu'elles concluent dans les douze prochains mois les conventions de mises à disposition du stade pour les deux prochaines compétitions internationales, dans des conditions juridiquement robustes et financièrement acceptables .


* 23 Décision n° 1520501/4-3, tribunal administratif de Paris. Le juge a estimé que l'État a, en application des dispositions du contrat de concession, donné son accord à la conclusion de la convention de mise à disposition de l'équipement à l'organisateur de la manifestation sans être pour autant partie à cette convention. Aussi, le consortium a accepté de signer pour son propre compte et en ayant apprécié l'impact de cette convention qui renvoyait les modalités de compensation des pertes d'exploitation à des négociations complémentaires avec l'organisateur. Le juge souligne, par ailleurs, que le fait que les pertes d'exploitation aient pu être indemnisées par l'État lors des championnats du monde d'athlétisme de 2003 et de la coupe de rugby de 2007 résulte d'une manifestation expresse de la volonté de l'État en sa qualité de partie aux conventions de mise à disposition et non en sa qualité d'autorité concédante. Il en conclut que le consortium n'est pas fondé à soutenir que la responsabilité de l'État est susceptible d'être engagée au titre des pertes d'exploitation subies pendant la période d'indisponibilité du Stade fixée par un contrat de stade qu'il a conclu exclusivement avec l'organisateur.

* 24 Cour des comptes, relevé d'observations définitives « Le contrat de concession du Stade de France », septembre 2018.

* 25 En sont également membres la fédération française de rugby (62 %) et le comité national olympique et sportif français (CNOSF, 1 %).

* 26 Article 211 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

* 27 Cour des comptes, relevé d'observations définitives « Le contrat de concession du Stade de France », septembre 2018.

* 28 À savoir une durée correspondant à un mois et demi avant la cérémonie d'ouverture des jeux olympiques et une semaine après la cérémonie de clôture des jeux paralympiques.

* 29 Rapport de l'inspection générale de la jeunesse et des sports « Le Stade de France : enjeux et avenir », janvier 2018.

* 30 7,5 millions d'euros pour la période d'utilisation exclusive et 12 millions d'euros pour la période d'utilisation non exclusive.

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