B. L'IMPORTANCE DE LA TURQUIE POUR L'OTAN SUR SON FRONT SUD-EST

L'OTAN peut difficilement se passer de la Turquie sur son flanc sud-est. Le contrôle des détroits par la Turquie et le rôle de « verrou » qu'elle exerce ainsi continue à être un atout important, qui permet de contrôler l'accès russe aux « mers chaudes » et empêche la formation d'un « arc russe » allant de la Baltique à la rive sud de la Méditerranée.

Actuellement, malgré les difficultés déjà signalées dans les relations avec les autres membres , la contribution de la Turquie à l'OTAN est toujours importante . Ankara contribue dûment en personnel aux opérations de l'OTAN et aux activités de « Defense capacity building ». Elle met à disposition la base d'Incirlik et le radar de Malatya dans l'est du pays au profit des systèmes de défense anti-missiles de l'alliance, tandis que la base de Konya héberge les Awacs qui ont été utilisés contre Daech. Ankara abrite également un centre d'excellence de l'OTAN consacré à la défense anti-terroriste depuis 2009, ainsi qu'un Centre d'entraînement du partenariat pour la paix.

Si la base d'Incirlik pourrait à la rigueur être remplacée par une base en Jordanie ou, dans une moindre mesure, en Grèce, l'armée turque reste une armée de taille très importante, bien dotée en matériels lourds, bien équipée et bien formée, dont il serait difficile pour l'OTAN de se passer. La Turquie représente le 4 ème ou 5 ème budget d'achat de matériels de l'OTAN, et ses dépenses d'armement s'élèvent à 2,4% du PIB.

Enfin, sans la Turquie, l'OTAN apparaîtrait davantage comme un « club de puissance chrétiennes » aux yeux de ses détracteurs, ce qui n'est pas dans son intérêt.

Inversement, les garanties de sécurité apportées par l'OTAN à la Turquie, en matière de menaces terrestre, maritime, aérienne ou cyber, ne peuvent lui être offertes par aucune autre organisation. En particulier, les garanties négociées avec la Russie dans le cadre du processus d'Astana ne resteront pas nécessairement robustes sur le long terme , comme le montre déjà le fait que le régime syrien ait pu bombarder des positions turques dans la région d'Idlib à partir d'avril 2019. Il est vrai qu'à court terme, le soutien apporté par plusieurs membres de l'OTAN aux Kurdes du PYD et des YPG semble remettre en cause cet apport de l'OTAN à la sécurité de la Turquie, mais cet irritant reste lié à la crise syrienne et l'on doit espérer qu'il soit atténué par la résolution de celle-ci.

Au total, les intérêts réciproques entre la Turquie et l'OTAN plaident ainsi pour poursuivre les efforts afin de maintenir la Turquie au sein de l'Alliance . À cette fin, menacer la Turquie de sanctions (il n'existe toutefois pas à proprement parler de dispositif de sanction au sein de l'OTAN) comme le font les États-Unis semble contre-productif, les Occidentaux n'ayant pas intérêt à la déstabilisation d'une économie turque déjà en difficulté.

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