LISTE DES 46 RECOMMANDATIONS

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Recommandation n° 1 : Affirmer la spécificité et l'autonomie de la juridiction prud'homale, dotée d'un greffe dédié, sans remise en cause du regroupement administratif des greffes du conseil de prud'hommes et du futur tribunal judiciaire.

Recommandation n° 2 : Confier au seul ministère de la justice la responsabilité complète de la justice prud'homale, sous réserve de la répartition des sièges entre organisations par le ministère du travail.

Recommandation n° 3 : Rendre la conciliation facultative et mettre en place un nouveau schéma procédural dans lequel un bureau d'orientation, devant lequel la comparution des parties serait facultative, serait chargé d'orienter les affaires soit vers une médiation ou un autre mode amiable, soit vers un bureau de conciliation, soit vers un bureau de jugement, présidé le cas échéant par un magistrat professionnel.

Recommandation n° 4 : Encourager la spécialisation dans chaque conseil de prud'hommes de certains conseillers dans la fonction de conciliation, en lien avec la formation spécialisée mise en place en la matière.

Recommandation n° 5 : Mettre en place une formation spécialisée par l'École nationale de la magistrature en matière de conciliation.

Recommandation n° 6 : Rétablir l'obligation pour les parties de comparaître personnellement lors de l'audience de conciliation.

Recommandation n° 7 : Prévoir l'obligation pour le défendeur de fournir des éléments suffisants en réponse au demandeur pour assurer le contradictoire et l'information des conseillers prud'hommes avant l'audience de conciliation.

Recommandation n° 8 : Adapter le barème de l'aide juridictionnelle pour rendre la conciliation financièrement plus attractive pour les avocats.

Recommandation n° 9 : Favoriser la médiation et le règlement amiable des litiges du travail.

Recommandation n° 10 : En cas d'orientation vers un bureau de jugement, prévoir une orientation de droit vers un bureau de jugement restreint ou un bureau de jugement présidé par un magistrat professionnel si les parties le demandent.

Recommandation n° 11 : Appliquer plus strictement les règles de la mise en état, sous l'autorité du président et du vice-président du conseil.

Recommandation n° 12 : Favoriser la conclusion par les conseils de prud'hommes de conventions de partenariat avec les barreaux, afin de définir des bonnes pratiques impliquant les avocats.

Recommandation n° 13 : Assurer l'adéquation entre les missions de la justice prud'homale et les moyens budgétaires qui lui sont alloués.

Recommandation n° 14 : Adapter le nombre de conseillers par conseil de prud'hommes, sans remise en cause de la carte judiciaire prud'homale, afin de tenir compte des évolutions démographiques, économiques et contentieuses.

Recommandation n° 15 : Adapter le nombre de juges départiteurs pour tenir compte du volume du contentieux et réduire les délais de jugement.

Recommandation n° 16 : Adapter le nombre de conseillers dans les chambres sociales des cours d'appel pour tenir compte du volume du contentieux et réduire les délais de jugement.

Recommandation n° 17 : Pourvoir l'intégralité des postes de greffiers dans les greffes des conseils de prud'hommes.

Recommandation n° 18 : Rationaliser les implantations immobilières des conseils de prud'hommes, dans le cadre d'une rationalisation globale de l'immobilier judiciaire.

Recommandation n° 19 : Permettre le recrutement au sein des conseils de prud'hommes d'assistants de justice et de juristes assistants pour assister les conseillers et les juges départiteurs dans la préparation des audiences et la rédaction des jugements.

Recommandation n° 20 : Prévoir le port de la robe pour les juges prud'homaux en remplacement de la médaille.

Recommandation n° 21 : Assurer dans chaque conseil de prud'hommes l'existence d'une salle d'audience conforme à sa fonction juridictionnelle.

Recommandation n° 22 : Changer la dénomination de conseil de prud'hommes en tribunal de prud'hommes, composé de juges prud'hommes.

Recommandation n° 23 : Instaurer une obligation de déclaration d'intérêts pour les conseillers prud'hommes, adressée au président ou au vice-président du conseil, afin de garantir leur impartialité en identifiant et en prévenant les risques éventuels de conflit d'intérêts, comme c'est le cas pour les magistrats professionnels et les juges des tribunaux de commerce.

Recommandation n° 24 : Instaurer une limitation dans le temps du nombre de mandats consécutifs de président ou de vice-président de conseil de prud'hommes, comme c'est le cas pour les juges des tribunaux de commerce.

Recommandation n° 25 : Demander aux chefs de cour d'accorder la même attention au bon fonctionnement des conseils de prud'hommes de leur ressort qu'au bon fonctionnement des autres juridictions, en vue de favoriser le sentiment d'appartenance des conseillers prud'hommes à l'institution judiciaire, avec les responsabilités et les exigences que cela implique.

Recommandation n° 26 : Demander aux chefs de cour d'organiser des échanges réguliers entre les magistrats professionnels, notamment des cours d'appel, et les conseillers prud'hommes, afin de leur permettre d'assister aux audiences et aux délibérés des chambres sociales, mais aussi d'échanger sur les bonnes pratiques professionnelles et les questions de droit, en désignant des conseillers référents pour chaque conseil dans les chambres sociales.

Recommandation n° 27 : Définir un cadre clair au niveau national sur les relations entre les juges départiteurs et les conseillers prud'hommes, afin de permettre un appui juridique et procédural des premiers aux seconds, sans remise en cause de la liberté de jugement et du secret du délibéré.

Recommandation n° 28 : Mieux assurer la participation des conseillers prud'hommes aux audiences et aux délibérés de départage.

Recommandation n° 29 : Motiver les décisions de renvoi à la formation de départage, pour formaliser et faire connaître au juge départiteur les points de désaccord entre les conseillers prud'hommes.

Recommandation n° 30 : Réévaluer les conditions d'indemnisation et d'autorisation d'absence des conseillers prud'hommes afin de leur permettre de mieux préparer les audiences en amont, de prendre connaissance des dossiers et de participer à des réunions de travail pour améliorer leurs pratiques.

Recommandation n° 31 : Automatiser la gestion de l'indemnisation des conseillers prud'hommes, pour alléger et simplifier la charge de travail des greffes des conseils de prud'hommes.

Recommandation n° 32 : Mettre en place une obligation de formation continue, assurée par l'École nationale de la magistrature, sans remise en cause de la possibilité pour les organismes agréés des organisations syndicales et professionnelles de proposer des formations aux conseillers prud'hommes.

Recommandation n° 33 : Actualiser et préciser le contenu réglementaire des formations dispensées par les organismes agréés.

Recommandation n° 34 : Ouvrir aux conseillers prud'hommes les formations continues proposées par l'École nationale de la magistrature aux magistrats professionnels.

Recommandation n° 35 : Accroître les moyens informatiques des conseils de prud'hommes, développer l'accès aux ressources juridiques en ligne internes au ministère de la justice et mettre à disposition des conseillers prud'hommes des outils d'aide à la motivation et à la rédaction des jugements.

Recommandation n° 36 : Accroître les prérogatives du président et du vice-président du conseil de prud'hommes pour en faire de vrais chefs de juridiction, notamment pour organiser la juridiction, rappeler la procédure et harmoniser les pratiques entre les sections, et adapter en conséquence leur statut matériel.

Recommandation n° 37 : Instaurer une conférence des présidents au sein de chaque conseil de prud'hommes, regroupant les présidents et vice-présidents du conseil et des sections, instance de dialogue chargée notamment de délibérer des sujets d'intérêt commun et d'harmoniser les pratiques.

Recommandation n° 38 : Permettre au président et au vice-président du conseil de prud'hommes de transférer de façon définitive un conseiller d'une section à l'autre, selon des modalités simplifiées, voire leur permettre de répartir comme ils le souhaitent les conseillers entre les sections.

Recommandation n° 39 : Assouplir les conditions de candidature des retraités afin de leur permettre de se porter candidat dans les conseils de prud'hommes de ressorts voisins de celui de leur domicile.

Recommandation n° 40 : Développer les partenariats entre les conseils de prud'hommes et les structures d'accès au droit (conseils départementaux de l'accès au droit, maisons de la justice et du droit, barreaux...), afin que les justiciables soient mieux accompagnés dans le dépôt de leur requête.

Recommandation n° 41 : Favoriser l'organisation d'audiences foraines de conseils de prud'hommes pour garantir la proximité de la justice du travail, dans des sites judiciaires aujourd'hui dépourvus de conseils.

Recommandation n° 42 : Prévoir un suivi de l'activité des défenseurs syndicaux par les greffes des conseils de prud'hommes.

Recommandation n° 43 : Transférer le contentieux de l'inaptitude au tribunal judiciaire.

Recommandation n° 44 : Expérimenter la possibilité pour le président et le vice-président du conseil de prud'hommes, sur décision motivée, de supprimer ou de regrouper certaines sections, pour tenir compte des réalités économiques et contentieuses locales, sans remise en cause des règles de désignation des conseillers en fonction du secteur d'activité.

Recommandation n° 45 : Expérimenter, dans plusieurs conseils de prud'hommes, le renvoi obligatoire devant une formation de jugement comprenant un magistrat professionnel des affaires portant sur des demandes d'un montant supérieur à un montant fixé par décret ou sur des licenciements dont la nullité est alléguée.

Recommandation n° 46 : Expérimenter, dans le ressort de plusieurs cours d'appel, la mise en place de formations de jugement composées de conseillers prud'hommes et de magistrats professionnels, tant en première instance qu'en appel, permettant de conjuguer connaissance du monde du travail et compétence juridique et juridictionnelle.

I. SINGULARITÉ FRANÇAISE, LA JUSTICE PRUD'HOMALE A FAIT L'OBJET DE RÉFORMES RÉCENTES

A. LA JUSTICE PRUD'HOMALE EST LE FRUIT D'UNE LONGUE HISTOIRE  ET CONSTITUE UNE SINGULARITÉ FRANÇAISE

1. Les conseils de prud'hommes au sein de la justice du travail

La justice du travail se caractérise en France par l'existence d'une juridiction paritaire, le conseil de prud'hommes (CPH). Les CPH ne sont toutefois qu'un degré d'une organisation juridictionnelle qui fait également intervenir des juges des tribunaux d'instance ou de grande instance, les cours d'appel et, au dernier degré, la Cour de cassation.

a) Des juridictions paritaires et de proximité

Le conseil de prud'hommes est une juridiction composée à parité de représentants des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d'employeurs.

L'ordonnance du 31 mars 2016 a réformé le mode de désignation des conseillers prud'hommes, qui ne sont plus élus par les salariés et les employeurs mais désignés par arrêté ministériel sur proposition des organisations syndicales et professionnelles représentatives, pour quatre ans.

Les nouvelles modalités de désignations des CPH

Depuis 1979, les conseillers prud'homaux étaient élus tous les cinq ans au suffrage universel direct. Toutefois, alors que le coût de cette élection était élevé, le taux de participation connaissait une baisse régulière (25,6 % en 2008 contre plus de 60 % en 1979), au point d'atteindre un niveau remettant en cause la légitimité des conseillers prud'homaux à représenter leurs pairs.

Par ailleurs, la réforme de la représentativité des organisations syndicales et patronales mise en place à partir de 2008 a fait de l'audience aux élections professionnelles le critère déterminant de la légitimité de ces organisations.

Dans ce contexte, la loi du 18 décembre 2014 relative à la désignation des conseillers prud'homaux a habilité le Gouvernement à mettre en place par ordonnance la désignation des conseillers prud'homaux en fonction de l'audience des organisations patronales et syndicales. L'ordonnance du 31 mars 2016 10 ( * ) a été prise sur la base de cette habilitation et le décret du 11 octobre 2016 11 ( * ) a précisé les modalités de désignation des conseillers prud'hommes.

Aux termes de l'article L. 1441-1 du code du travail, les conseillers prud'homaux sont nommés conjointement par le garde des sceaux, ministre de la justice, et le ministre chargé du travail tous les quatre ans par conseil de prud'hommes, collège et section, sur proposition des organisations syndicales et professionnelles. Les listes présentées par les organisations syndicales et professionnelles doivent être composées alternativement de candidats de chaque sexe. Cette nomination a lieu l'année suivant chaque cycle de mesure de l'audience, et après que les ministères compétents ont arrêté le nombre de sièges attribués à chaque organisation par conseil et par section.

La première désignation de conseillers prud'hommes pour le mandat 2018-2021 sur la base de ces nouvelles règles a eu lieu en décembre 2017 (arrêté du 14 décembre 2017). Cette désignation a permis de pourvoir 93 % des sièges avec un taux de renouvellement de 60 %, le respect de la parité femmes-hommes 12 ( * ) et un rajeunissement des conseillers, avec une moyenne d'âge de 53 ans. Par  rapport à l'organisation d'élections, ces nouvelles modalités de désignation représentent une économie budgétaire de l'ordre de 100 millions d'euros sur cinq ans.

Par une décision du 24 avril 2019 13 ( * ) , le Conseil d'État a rejeté les recours en annulation dirigés par certaines organisations syndicales et professionnelles contre le décret du 11 octobre 2016, validant ainsi les nouvelles modalités de désignation des conseillers prud'hommes. Le Conseil d'État a toutefois annulé l'arrêté du 5 mai 2017 fixant la répartition des sièges des organisations professionnelles, au motif que le délai laissé au conseil supérieur de la prud'homie n'avait pas été suffisant pour qu'il puisse exercer sa fonction consultative. Les dispositions annulées, par ailleurs entachées d'une erreur technique, ayant déjà été remplacées par un arrêté du 2 août 2017, la décision du Conseil d'État n'a pas eu d'impact sur les mandats en cours.

Chaque CPH est composé de sections compétentes à raison du secteur économique auxquels appartiennent les parties ou à la qualité de cadre du salarié.

Il existe au moins un CPH dans le ressort de chaque tribunal de grande instance 14 ( * ) , et donc dans chaque département. En pratique, il existe 210 CPH 15 ( * ) dont 7 en outre-mer 16 ( * ) , ainsi que 6 tribunaux du travail dans les collectivités d'outre-mer 17 ( * ) .

b) Les CPH dans l'ordre judiciaire

Les conseils de prud'hommes sont compétents en première instance, quel que soit le montant de la demande, pour connaître des litiges survenant à l'occasion de l'exécution d'un contrat de travail entre employeur et salarié ou entre salariés, y compris s'agissant des salariés de droit privé d'employeurs publics 18 ( * ) .

La fonction première du CPH est la conciliation, le jugement n'intervenant en principe qu'à titre subsidiaire 19 ( * ) .

Lorsque les conseillers prud'hommes appelés à juger ne parviennent pas à une décision, l'affaire est renvoyée devant une formation de départage présidée par un juge du tribunal de grande instance (TGI).

Les jugements des conseils de prud'hommes sont susceptibles d'appel devant la cour d'appel du ressort, sauf pour les demandes n'excédant pas 4 000 euros et pour les demandes tendant à la remise de certificats de travail, de bulletin de paie ou de toute pièce que l'employeur est tenu de délivrer 20 ( * ) , pour lesquelles le CPH juge en premier et dernier ressort.

D'autres juges interviennent en droit du travail

Le tribunal d'instance est notamment compétent pour connaître du contentieux des élections professionnelles ainsi que pour les litiges relatifs aux contrats d'engagement entre armateurs et marins.

Le tribunal correctionnel intervient en matière pénale, par exemple pour connaître des infractions aux règles d'hygiène et de sécurité ou des délits d'entrave.

Enfin, le juge administratif est compétent pour les recours contre les décisions de l'inspection du travail ou de la direction générale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte), qui est notamment chargée de valider ou d'homologuer les plans de sauvegarde de l'emploi dans le cas des licenciements économiques.

2. Une juridiction ancienne qui constitue une singularité parmi les juridictions françaises et une exception française en Europe
a) Une juridiction ancienne

La justice prud'homale telle que nous la connaissons aujourd'hui est le fruit d'une histoire ancienne qui place les conseils de prud'hommes parmi les institutions les plus anciennes de notre pays. Création de l'Empire, comme nombre de nos institutions administratives, les CPH ont évolué au cours des XIX ème et XX ème siècles pour devenir les juridictions que nous connaissons aujourd'hui.

Une juridiction fortement ancrée dans l'histoire

Le terme de prud'homme est bien plus ancien que le droit du travail et remonte au Moyen-âge. Le conseil des prud'hommes de Paris a ainsi été créé en 1296 pour les litiges entre marchands. Des prud'hommes existaient également à Marseille pour juger les différends en matière de pêche maritime. L'existence de ces conseils reposait sur un principe de régulation corporatiste et de jugement par les pairs. En supprimant les corporations de métiers en tant que corps intermédiaires, la loi « Le Chapelier » de 1791 a également supprimé ces premiers conseils de prud'hommes.

La justice prud'homale est toutefois réapparue au début du XIX ème siècle, avec la création du conseil des prud'hommes de Lyon en 1806, et a évolué pour se rapprocher progressivement du modèle que nous connaissons aujourd'hui.

Les principes du paritarisme et de l'élection des conseillers ayant été introduits par le décret du 27 mai 1848, les conseils de prud'hommes se sont progressivement installés dans le paysage institutionnel français au cours des décennies suivantes comme des instances juridictionnelles.

Au début du XX ème siècle, la loi du 27 mars 1907 a donné aux conseils de prud'hommes leur physionomie actuelle, affirmant leur compétence pour « terminer par voie de conciliation » les différends entre patrons et employés et entre ouvriers et, en cas d'échec de la conciliation, pour les juger.

Les principes posés en 1907 ont été confirmés par la loi du 18 janvier 1979 (loi « Boulin »), qui a généralisé la compétence des CPH en supprimant les exceptions qui demeuraient et en imposant l'existence d'au moins un conseil dans le ressort de chaque tribunal d'instance.

b) Une singularité parmi les juridictions françaises

L'ordre judiciaire français connaît d'autres formations de jugement faisant intervenir des juges non professionnels auprès d'un magistrat de carrière.

C'est par exemple le cas du tribunal pour enfants, au sein duquel deux assesseurs assistent le juge pour enfants. C'est également le cas du tribunal paritaire des baux ruraux, composé d'un juge d'instance, de deux représentants des bailleurs et de deux représentants des exploitants preneurs de baux.

Néanmoins, le tribunal de commerce est le seul autre exemple français de juridiction composée exclusivement de juges non professionnels. Il convient toutefois de noter que les tribunaux de commerce ne sont pas des juridictions paritaires dans la mesure où les juges consulaires représentent tous les chefs d'entreprises.

En Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, les compétences du conseil de prud'hommes sont exercées par un tribunal du travail composé d'un juge du tribunal de première instance et de deux assesseurs issus du monde du travail.

À Mayotte, où existe un tribunal du travail doté de juges professionnels, un conseil de prud'hommes doit être mis en place à compter de 2022. Ce tribunal sera composé de juges issus du monde du travail mais ne comportera que deux sections, l'une compétente pour l'encadrement et l'autre pour tous les litiges concernant des salariés non-cadres quel que soit leur secteur d'activité.

c) Une exception française en Europe

Le modèle français, dans lequel les décisions de première instance sont rendues par des formations strictement paritaires, hormis les cas de partage des voix, fait figure d'exception en Europe.

Ainsi que le montre le tableau ci-dessous, certains de nos voisins européens ne disposent pas de juridictions spécialisées en droit du travail, et les litiges relatifs au contrat de travail sont jugés par des magistrats professionnels, dans le cadre de juridictions ordinaires ou dont la compétence dépasse le droit du travail.

D'autres pays ont recours à des juges issus du monde du travail, mais les formations de jugement comprennent toujours au moins un magistrat professionnel.

On peut noter à cet égard que la Belgique, qui était proche du modèle français, s'en est éloignée depuis 1967 pour créer des tribunaux du travail échevinés 21 ( * ) .

Tableau comparatif de l'organisation du contentieux du travail
dans plusieurs pays européens

Pays

Juridictions compétentes en droit du travail

Composition des formations de jugement

Modalités de désignation des juges non professionnels

Allemagne

Ordre juridictionnel autonome

En première instance
et en appel : deux juges non professionnels et un magistrat professionnel

En dernière instance : trois magistrats professionnels et deux juges non non professionnels

Juges bénévoles nommés sur proposition
des organisations syndicales
et patronales

Autriche

Tribunaux ordinaires

En première instance: deux juges non professionnels et un magistrat professionnel

En appel : trois magistrats professionnels et deux juges non non professionnels

Devant la cour suprême : composition variable mais majorité de juges professionnels

Assesseurs bénévoles élus sur proposition des organisations syndicales et patronales

Belgique

Tribunaux et cours du travail, compétents également en matière de sécurité sociale

Un juge professionnel et deux assesseurs

Existence d'un auditorat du travail exerçant les fonctions du ministère public

Juges sociaux nommés par le Roi sur proposition du ministre du travail, sur la base de candidatures présentées par les organisations syndicales et patronales

Royaume-Uni (Angleterre et Pays-de-Galles)

Juridictions spécifiques en première instance et en appel ( Employment tribunal et Employment appeal tribunal ) puis division civile de la Court of Appeal en dernière instance

En première instance et en appel : un magistrat professionnel et deux assesseurs

En dernière instance : uniquement des juges professionnels

Les juges professionnels sont salariés ou payés aux honoraires

Les assesseurs (« panel members ») sont sélectionnés par le tribunal sur la base
de leur expérience professionnelle, rémunérés en honoraires

Suède

Tribunaux spéciaux

( Specialdomstol ) dont les décisions sont insusceptibles d'appel pour les litiges concernant l'application d'une convention collective

Juridictions ordinaires pour les autres litiges

3 juges professionnels

4 membres assesseurs

Assesseurs nommés par le gouvernement sur proposition des organisations syndicales et patronales

Pays-Bas

Tribunaux ordinaires

Magistrats professionnels

-

Espagne

Tribunal des affaires sociales, chambres sociales des tribunaux supérieurs de justice et Tribunal suprême

Magistrats professionnels

-

Italie

Juridictions ordinaires (procédure spécifique)

Magistrats professionnels

-

Canton de Genève (Suisse)

Tribunal des prud'hommes, chambre des prud'hommes de la Cour de Justice et Tribunal fédéral

En première instance : Un président (juge prud'homme titulaire d'un brevet d'avocat ou d'un brevet spécifique) et deux juges prud'homaux

En appel : un juge professionnel et deux juges prud'hommes

En dernière instance : juges professionnels

Juges élus par le Grand Conseil (organe législatif du canton de Genève) sur proposition
des organisations syndicales et patronales

Source : Sénat, Direction de l'initiative parlementaire et des délégations, division de la législation comparée


* 10 Ordonnance n° 2016-388 du 31 mars 2016 relative à la désignation des conseillers prud'hommes.

* 11 Décret n° 2016-1359 du 11 octobre 2016 relatif à la désignation des conseillers prud'hommes.

* 12 À l'issue du renouvellement 48% des conseillers prud'hommes étaient des femmes, contre 28,4 % lors de la mandature précédente.

* 13 CE, 24 avril 2019, n° 405793.

* 14 Art. L. 1422-1 du code du travail.

* 15 La réforme de la carte judiciaire menée en 2017 avait entraîné la fermeture de 62 CPH.

* 16 Il existe deux CPH en Guadeloupe, un en Martinique, deux à La Réunion, un en Guyane, et un à Saint-Pierre-et-Miquelon.

* 17 Il existe trois tribunaux du travail en Polynésie française, un en Nouvelle-Calédonie, un à Wallis-et-Futuna et un à Mayotte qui a vocation à devenir un conseil de prud'hommes à horizon 2022.

* 18 Cette compétence étant exclusive et d'ordre public, toute clause d'un contrat de travail qui l'écarterait serait réputée non-écrite.

* 19 Art. L. 1411-1 du code du travail. Un conseil de prud'hommes peut également être saisi par l'autorité administrative à titre consultatif (art. L. 1411-5).

* 20 Art. R. 4162-1 du code du travail.

* 21 Le groupe de travail s'est rendu en Belgique et a visité le tribunal du travail de Mons.

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