CONCLUSION GÉNÉRALE

« La gratuité signifie dans l'imaginaire collectif " volonté politique que ce soit gratuit, prise en charge par la collectivité parce que c'est important ", elle peut alors être défendue comme un bien précieux ». Par ces mots, un participant à la consultation organisée par la mission soulignait la portée de la question.

Lorsque la collectivité peut se donner les moyens financiers à même de garantir à des usagers plus nombreux une offre de transports adaptée - régulière, rapide et confortable - à long terme, rien ne s'oppose à ce que la gratuité totale soit mise au service d'un projet politique d'ensemble.

Mais la gratuité totale n'est pas transposable de la même manière à toutes les collectivités. Le récent exemple, actuellement réussi, de Dunkerque montre qu'elle n'est pas cantonnée aux tout petits réseaux qui constituent encore la majorité des expérimentations, tant en France qu'à l'étranger. En revanche, elle paraît difficile à mettre en oeuvre dès lors que la pérennité des réseaux suppose des investissements lourds, voire peu souhaitable dans les villes dont les transports sont saturés. Dans ce cas, la priorité consiste évidemment à accroître l'offre.

Par ailleurs, il serait illusoire de croire qu'elle puisse à elle seule constituer une politique des mobilités et, qui plus est d'aménagement du territoire et de volonté de transformer la cité : la gratuité des transports n'a qu'une capacité limitée à engager une transformation en profondeur de la société et de l'espace. Elle doit nécessairement s'inscrire dans un projet global .

À ce titre, la gratuité totale des transports collectifs ne constitue ni une fausse ni une bonne idée en soi ; tout dépend dans quel but elle est mise en oeuvre. L'exemple des villes françaises qui l'ont instaurée montre qu'elle permet à tous, notamment aux plus éloignés de la mobilité et aux plus démunis, d'accéder à toutes les fonctions sociales et économiques de la ville : en ce sens, par la facilité d'utilisation qu'elle permet, la gratuité des transports collectifs ouvre la voie à une révolution sociale des mobilités .

Néanmoins, des mesures non tarifaires et a priori très simples peuvent tout aussi bien produire des effets importants, à l'image de l'action engagée sous l'égide du bureau des temps à Rennes : décaler de quinze minutes les heures de cours à l'université a permis de fluidifier la fréquentation du métro. En outre, une tarification solidaire fine peut se révéler aussi utile que la gratuité totale .

Sur le plan écologique, la gratuité totale ne peut, à elle seule, permettre d'engager une révolution, car le report modal induit semble pour l'instant encore marginal, voire parfois contreproductif.

Au regard de toutes les réflexions présentes dans ce rapport et particulièrement les problématiques relatives au développement des infrastructures de transports et à leur financement, il apparait que la gratuité des transports collectifs pourrait prendre sa pleine mesure dans un projet urbain radicalement différent. Il est certain que dans un monde où les grandes métropoles grossissent indéfiniment, aucune solution miracle ne viendra régler les défis de la mobilité, aucun investissement, aussi massif soit-il, dans les transports publics, ne permettra de remplacer l'essentiel des voitures individuelles.

Les conclusions du présent rapport amènent à se poser la question de notre projet urbain, de la taille de nos villes, de l'étalement urbain, de la dissociation entre les zones d'activité économique et les zones d'habitat. Alors que les centres-villes de nos communes moyennes sont en déshérence, alors que la transition agricole nécessite une multiplication des emplois et donc une forme d'« exode urbain », nous sommes invités à penser que c'est dans un rapport au territoire différent que la gratuité pourrait trouver toute sa place comme l'exemple de Dunkerque le souligne bien.

Pour rebâtir un modèle économique résilient, capable de résister aux aléas financiers et respectueux de l'environnement, c'est sur des projets locaux qu'il faut s'appuyer en rebâtissant des économies de circuits courts autour de nos villes, ce qui permettrait d'alléger la pression démographique qui pèse sur nos métropoles. C'est également la manière la plus efficace de résorber la fracture territoriale et de pouvoir envisager , dans une perspective tant sociale qu'écologique, tout autant qu'un droit à la mobilité, un droit à la dé-mobilité .

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