INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Il y a tout juste deux ans, la Délégation sénatoriale aux outre-mer décidait d'inscrire à son programme de travail une étude sur les risques naturels majeurs dans les territoires ultramarins , en réponse au profond traumatisme laissé par la violence du passage du cyclone Irma sur les Îles du nord de la Guadeloupe, Saint-Barthélemy et Saint-Martin.

En retenant un champ d'investigation très large, couvrant à la fois la totalité des territoires habités et l'ensemble de ces risques , qu'ils soient liés au climat, aux manifestations telluriques ou à des formes émergentes telles que la prolifération des algues sargasses, la délégation a souhaité se saisir d'une problématique prégnante dans la vie actuelle des populations ultramarines.

Pour mener à bien cette vaste étude, elle a été conduite à procéder en deux étapes. Le premier volet de cette étude, publié en juillet 2018, a été centré sur les questions de prévention des risques face à un danger imminent et à la gestion consécutive à la survenance d'une catastrophe naturelle.

Outre une exposition majorée aux risques, ce premier rapport a pointé la particulière vulnérabilité de nos outre-mer , notamment en raison de leurs caractéristiques géographiques et d'habitat, et appelé à une mobilisation exceptionnelle face à une situation d'urgence .

Ses rapporteurs ont formulé une soixantaine de recommandations articulées autour de quatre axes majeurs : mettre à niveau les dispositifs territoriaux d'urgence face à des situations extrêmes, renforcer la capacité de prévention et d'anticipation avec notamment une meilleure acculturation des populations, rendre plus robustes les conditions de la gestion de crise, et miser sur la dimension collective et inclusive d'une démarche qui doit favoriser l'efficience du rôle joué par chaque acteur de proximité.

Le présent rapport, qui constitue le second volet de cette étude, est axé quant à lui sur les problématiques de reconstruction, d'accompagnement des populations et d'organisation de la résilience des territoires. Il porte plus précisément sur la sortie de l'urgence et les moyens de conduire une reconstruction durable mais aussi l'engagement de la préparation de long terme des territoires et des populations face aux risques.

Comme le rappelait Goneri Le Cozannet 1 ( * ) , expert changement climatique, au Bureau de recherches géologiques et minières, le GIEC, dans son rapport de 2018 sur le réchauffement climatique, définit la résilience comme « la capacité d'un système et de ses composantes d'anticiper , d'absorber, de s'ajuster ou de récupérer après un événement dangereux de manière rapide et efficace, y compris via la préservation, la restauration ou une amélioration de ses fonctions et structures essentielles ». C'est l'enjeu majeur auquel devront faire face les outre-mer.

Pour appréhender la grande diversité de situation des territoires ultramarins au regard des risques conjuguée à des configurations institutionnelles et juridiques à géométrie variable , la Délégation sénatoriale aux outre-mer, fidèle à elle-même, a poursuivi l'approche pragmatique au plus près du terrain qu'elle privilégie pour ses travaux.

Le travail d'investigation mené par M. Guillaume Arnell, rapporteur coordonnateur pour les deux volets de l'étude, et par MM. Abdallah Hassani et Jean-François Rapin, rapporteurs, a ainsi donné lieu à près de 25 heures d'auditions en réunion plénière au Sénat, dont 2 visioconférences.

Les rapporteurs ont également entendu trois personnes, à Paris, lors de 2 auditions complémentaires .

Lors d'un déplacement, à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy, du 23 au 27 avril 2019, les rapporteurs ont en outre procédé à 27 auditions (14 à Saint-Martin et 13 à Saint-Barthélemy), correspondant à 41 heures de réunions et de constats sur le terrain, au cours desquelles ils ont recueilli le témoignage de 97 personnes.

Au total, le travail d'investigation sur le présent rapport a donné lieu à 70 heures d'auditions et d'entretiens au cours desquels 145 personnes ont été entendues. Pour rappel, le premier volet avait déjà permis près de 110 heures de réunions et des échanges avec plus de 300 personnes, en particulier dans le cadre d'un déplacement dans les Antilles et de 7 visioconférences.

Deux ans après les événements, le présent rapport fait d'abord le douloureux constat d'une reconstruction qui est loin d'être achevée. Selon certaines sources 2 ( * ) corroborées par les observations sur place, celle-ci n'est réalisée qu'à 87 % à Saint-Barthélemy et seulement 49 % à Saint-Martin.

Sur les difficultés post-aléa et les enjeux de la conduite de la reconstruction , les rapporteurs ont entendu de nombreux acteurs qui leur ont permis de recueillir divers retours d'expériences : les représentants des ministères des outre-mer, de l'économie et des finances et de la cohésion des territoires ; le délégué interministériel à la reconstruction des îles de Saint-Martin et Saint-Barthélemy ; les dirigeants de la Caisse centrale de réassurance et une table ronde assurance outre-mer ; les autorités d'accompagnement sanitaire et social et acteurs humanitaires. Concernant la problématique de la résilience des territoires , la délégation a pu échanger avec le ministère de la transition écologique et solidaire, le délégué interministériel aux risques majeurs, des opérateurs de l'État comme le Bureau de recherches géologiques et minières et le Cerema, des responsables du projet RESCCUE et le directeur de « Trois Océans » de l'Agence française de développement (AFD). En outre, une table ronde dédiée à la problématique des algues sargasses a été organisée.

Des consultations écrites lancées auprès du Gouvernement, des collectivités ou des services de l'État dans les territoires, mais aussi auprès d'opérateurs de réseaux, sont venues compléter le travail d'auditions des rapporteurs.

Au-delà de la sortie de l'urgence et du redémarrage de la vie des territoires, les rapporteurs se sont attachés à discerner les leviers d'une reconstruction durable et les moyens d'organiser la résilience pour les territoires comme pour les populations . L'exemple des Îles du Nord a montré notamment la nécessité de mettre en place très rapidement un pilotage fluide et efficient et de favoriser un redémarrage économique et social des territoires par des mesures de soutien économique d'urgence. Pour conduire le chantier nécessairement long, délicat et collectif de la reconstruction mais aussi pour réaliser les changements indispensables à une adaptation plus efficace à des menaces toujours présentes, le rapport souligne notamment l'importance d'accroître l'acculturation des populations, d'améliorer la couverture assurantielle outre-mer par des produits adaptés, d'actualiser et de compléter les documents d'urbanisme dans l'ensemble des territoires

Au terme d'une étude qui aura permis de formuler au total une centaine de propositions , la Délégation sénatoriale aux outre-mer espère que celles-ci pourront nourrir, utilement et concrètement, la réflexion en cours en vue du futur projet de loi sur la prévention et la protection contre les risques naturels outre-mer . Initialement prévu à l'été 2019 par le Président de la République lors de la présentation du Livre bleu le 28 juin 2018, ce texte est désormais annoncé pour avril 2020.

Fruit d'un travail approfondi et déployé dans la durée , cette vaste étude de la Délégation sénatoriale aux outre-mer sur les risques naturels majeurs a pour ambition de relayer la parole des ultramarins confrontés au long processus post-aléa et d'aider à bâtir ensemble l'avenir de territoires ultramarins toujours très exposés mais davantage résilients.


* 1 Audition du BRGM, le 23 mai 2019.

* 2 Données issues du programme spatial européen Copernicus.

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