B. ENSEIGNEMENT N° 2 - LA RÉSILIENCE DE NOTRE MODÈLE PASSE PAR UNE PRODUCTION AGRICOLE DIVERSIFIÉE ET SUFFISANTE, ET NON PAR UNE RÉDUCTION DE LA PRODUCTION QUI RENFORCERAIT NOTRE DÉPENDANCE AUX IMPORTATIONS

L'épidémie a révélé la nécessité, pour la France et, plus généralement, pour le continent européen, d'avoir une production suffisante pour subvenir aux besoins des populations en cas de chocs, qui seront de plus en plus fréquents en raison du changement climatique, des incertitudes géopolitiques, de la volatilité des marchés, ...

En cas d'événements exogènes entraînant des difficultés à l'importation, les productions agricoles nationales sont stratégiques et sont seules capables de garantir un approvisionnement suffisant des citoyens.

La crise mondiale a en effet rappelé que cet équilibre était fragile. Pendant la crise, la Russie et l'Ukraine ont par exemple pris la décision de restreindre leurs exportations de céréales tout comme le Vietnam et l'Inde l'ont fait sur le riz. La FAO, dans un rapport sur le Covid 101 ( * ) , a rappelé de son côté que les producteurs argentins de soja et de maïs ont également retenu leurs récoltes.

Le renforcement de la résilience alimentaire nécessite une réduction des dépendances à des importations lorsque des productions nationales peuvent s'y substituer.

La France doit, à cet égard, réaliser des progrès. Aujourd'hui, la France importe :

- entre 70 et 80 % de ses besoins de miel pour répondre à la demande des consommateurs selon les données de FranceAgrimer ;

- près de la moitié de sa consommation de viande ovine selon l'APCA ;

- 28 % de sa consommation de légumes et 71 % de sa consommation de fruits selon FranceAgrimer ;

- 60 % des protéines consommées dans les élevages avicoles selon l'INRA ;

- 63 % des protéines consommées issues d'oléagineux selon FranceAgrimer.

Cela s'entend aussi pour les pâtes alimentaires, pourtant prisées en temps de crise : alors qu'il y avait 200 fabricants de pâtes en France dans les années 1960, il n'y en a plus que 7 aujourd'hui. En 20 ans, la France a considérablement accru ses importations de pâtes alimentaires, puisqu'elle importe 2/3 de sa consommation de pâtes contre environ 1/3 en 2000 102 ( * ) .

La France a, de manière inquiétante, accru sa dépendance aux importations alimentaires dans sa consommation. Les chiffres, révélés par un rapport sénatorial 103 ( * ) , parlent d'eux-mêmes :

- depuis 2000, les importations ont été presque doublées en France (+ 87 %) tandis que les exportations, dans le même temps, augmentaient de 55 %.

- les importations représentent 34 % de la consommation intérieure de volailles en 2017 alors qu'elles ne comptaient que pour 13 % en 2000 ;

- même dans le secteur des produits laitiers, où la France dispose de positions solidement établies, la valeur des importations a été multipliée par deux entre 2005 et 2017, compte tenu de l'augmentation des importations de fromages et de beurre ;

- la France importe ainsi 25 % de sa consommation de porc, notamment des jambons bio depuis l'Espagne, pour répondre aux habitudes alimentaires des Français.

Des tensions sont mêmes apparues, durant la crise, sur certaines importations. Existe aujourd'hui un risque d'afflux massif d'éthanol américain et, à terme, brésilien, sur le continent européen, les deux producteurs représentant 80 % de la production mondiale d'éthanol. Cela déstabiliserait une filière de production française, à peine sortie d'une crise, touchée une nouvelle fois par des cours historiquement bas (même s'ils se redressent).

À cet égard, l'article 194 du règlement n° 1308/2013 dit « OCM » permet à la Commission européenne de prendre des « mesures de sauvegarde » sur certains produits importés, conformément aux règles de l'OMC, en cas d'une hausse des importations d'un produit qui cause ou menace de causer un dommage grave à une branche de production. Il importe de l'activer dans les secteurs où cela est utile. À court terme, cela peut être le cas de l'éthanol.

Pour renforcer la résilience du modèle français, il est impératif de limiter la croissance de la part des importations dans la consommation. Cela ne passera que par une production suffisante, en quantité comme en qualité.

La France et l'Union européenne auront aussi leur rôle à jouer dans la résilience alimentaire mondiale. Dès aujourd'hui, une personne sur neuf dans le monde ne mange pas à sa faim 104 ( * ) . La demande alimentaire devrait augmenter de 50 % entre 2017 et 2050 en raison de la poussée démographique et de l'accès à la classe moyenne de nombreux humains 105 ( * ) . Or dans le même temps la surface cultivée devrait rester stable. Ce défi ne se relèvera pas par une réduction du potentiel productif.


* 101 FAO, Covid-19 : voies de transmission vers l'alimentation et l'agriculture (14 avril 2020).

* 102 Source : Syndicat des Industriels Fabricants de Pâtes Alimentaires de France.

* 103 Rapport d'information n° 528 (2018-2019) de M. Laurent Duplomb, fait au nom de la commission des affaires économiques - « La France, un champion agricole mondial : pour combien de temps encore ? ».

* 104 Source : club Déméter.

* 105 Ibid.

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