B. AXE 2 : RENFORCER DURABLEMENT LA COMPÉTITIVITÉ DES PORTS FRANÇAIS EN AGISSANT SUR UN TRIPLE VOLET FINANCIER, JURIDIQUE ET SOCIAL

1. Identifier précisément les besoins et définir un programme d'investissements concentré sur la desserte des ports par des modes massifiés et écologiques

La crise sanitaire a rappelé le caractère indispensable du transport massifié de marchandises pour assurer la continuité de la vie économique de la Nation. Les arguments capacitaires et environnementaux évoqués précédemment plaident pour une massification rapide du fret, aujourd'hui encore largement dominé par la route. Cette massification est d'autant plus nécessaire que les routes sont sujettes à des congestions et que le secteur du transport routier de marchandises connaît d'importantes difficultés de recrutement 199 ( * ) . En outre, l'augmentation de la taille des navires nécessite d'accélérer les chargements et les déchargements des marchandises pour ne pas allonger leur temps de stationnement : « À la massification maritime doit correspondre une massification terrestre » 200 ( * ) .

D'abord, il est nécessaire de poser un diagnostic précis des besoins , port par port 201 ( * ) et axe par axe , qui serait consolidé au niveau national . Seule une vision globale, a minima par axe, permettra d'identifier les besoins réels de chaque port en fonction de ses flux (réels et visés) et d'arbitrer les investissements à réaliser en matière d'infrastructures . Trop d'investissements ont jusqu'à présent été réalisés sans véritable stratégie et sans coordination avec les autres ports du même axe, ce qui est peu efficace au global . Le travail initié par axe par chacun des délégués ministériels apparaît donc fondamental et doit se doubler d'une approche consolidée à l'échelle nationale.

À l'identification précise des besoins, basée sur une analyse fine des flux logistiques, doit répondre une programmation ambitieuse en matière d'investissements dans les infrastructures de desserte des ports maritimes et de leur hinterland .

Aussi, la trajectoire financière fixée par la LOM doit à tout prix être respectée , afin de garantir, a minima , la rénovation des réseaux ferroviaires et fluviaux existants. En complément du respect de cette programmation, il est urgent de définir les grandes priorités en matière d'infrastructures nécessaires au développement des ports français , par échelon (local, national, européen), vers lesquels doivent être fléchés les 2,3 milliards d'euros prévus par la LOM sur la décennie pour renforcer l'efficacité et le report modal dans le transport de marchandises.

La mission considère qu'un effort supplémentaire doit en outre être accordé rapidement à la régénération des lignes capillaires permettant, in fine , de soutenir les exportations françaises, notamment céréalières. Cet effort doit s'articuler avec les plans d'actions régionaux prévus par le Gouvernement en matière de petites lignes ferroviaires. Il n'est pas acceptable qu'à Rouen, premier port céréalier d'Europe de l'Ouest, la part modale du fer ne représente que 6,8 % . Il est encore moins admissible qu'un report vers la route d'une partie des céréales jusqu'à présent acheminées par le fer puisse être envisagé. Au-delà de la préservation des trafics massifiés existants, des investissements à long terme dans les infrastructures sont susceptibles d'améliorer la desserte et la logistique des places portuaires (GPM et ports décentralisés) et d'augmenter la part modale du fer et du fleuve 202 ( * ) :

- dans le cas de l'axe Méditerranée-Rhône-Saône , les principales actions identifiées concernent notamment l'aménagement et la modernisation de lignes stratégiques se connectant aux flux internationaux 203 ( * ) , mais aussi la désaturation et la pérennisation de gares de triage et l'organisation et le maillage des chantiers de transport combiné. La carte ci-après représente en outre les projets prévus à l'horizon 2030 sur l'axe ;

Source : Cerema, décembre 2019, « Schéma logistique et d'intermodalité
de l'Axe Méditerranée-Rhône-Saône ».

- au Havre , le GPM prévoit un accès à Port 2000 par des bateaux fluviaux (projet de « chatière ») 204 ( * ) ;

- le GPM de Dunkerque 205 ( * ) estime nécessaire d'engager une démarche en lien avec SNCF Réseau, pour identifier des sites favorables à l'implantation de nouveaux terminaux combinés ferroviaires le long du réseau ferré. Le port indique en outre qu'il n'existe pas, à l'heure actuelle, de terminaux ferroviaires pour la desserte sud de la région Hauts-de-France et du nord de la région parisienne, ce qui rend impossible le report modal vers le fer dans cette zone.

En outre, l'accessibilité ferroviaire de l'ensemble des terminaux portuaires doit être assurée, et la capacité d'accueil ferroviaire sur les zones de manutention portuaire doit progresser (notamment à Marseille Fos et au Havre), d'après Fret SNCF 206 ( * ) . La réalisation de plusieurs infrastructures permettant d'améliorer la desserte ferroviaire des ports est d'ores et déjà prévue, notamment au titre des CPER - dont le volet mobilité devrait être prolongé jusqu'en 2022 207 ( * ) . Il s'agit en particulier de la modernisation de la voie mère du port de Calais , du confortement et de la sauvegarde de la tranchée couverte amenant au Grand port maritime de Rouen , du doublement de voie entre Lusignan et Saint-Maixent desservant le port de La Rochelle ou encore de la modernisation de la ligne Serqueux-Gisors , qui offre un itinéraire fret alternatif vers le port du Havre et dont les travaux en cours sont financés hors CPER.

Si la priorité doit être donnée au développement des modes massifiés, il n'en demeure pas moins que la desserte routière des ports doit également être améliorée. Les projets de liaison autoroutière Fos-Salon concernant le GPM de Marseille ou encore de réaménagement d'un diffuseur 208 ( * ) dans le domaine portuaire du GPM du Havre sont des exemples d'infrastructures qui permettraient de décongestionner le réseau autoroutier.

Ces investissements doivent se doubler d'une importante augmentation des entrepôts logistiques. Pour l'Assemblée des départements de France (ADF), la réalisation de pôles logistiques multimodaux modernisés est une priorité pour développer l'hinterland des GPM et des ports décentralisés 209 ( * ) . À titre d'illustration, le GPM de Dunkerque souhaite la mise en place de deux nouvelles plateformes de 100 hectares (l'une en sus de la zone ZGI, au bord de l'A16 et l'autre dans la zone Mardyck). Le GPM de Dunkerque propose la réalisation de deux infrastructures pour décongestionner les voies : l'augmentation de la capacité de l'A16 par un contournement urbain ou un passage à 2 x 3 voies d'une part et le contournement de Lille pour fluidifier les liaisons routières avec l'hinterland géographiquement très concurrencé.

Le chiffrage total du besoin en investissement est particulièrement complexe en l'absence de diagnostic consolidé sur l'état des besoins à l'échelle nationale (notamment en matière d'infrastructures). Plus encore, la mission a conscience qu'une telle programmation a vocation à s'inscrire dans le cadre d'une stratégie plus globale sur le renforcement du transport massifié de marchandises , qui dépasse le strict périmètre de la desserte des ports. Il n'en demeure pas moins que les infrastructures et les aides permettant, in fine , de massifier l'acheminement des marchandises depuis et vers les ports - et qui à ce titre génèrent d'importantes externalités positives - doivent constituer une priorité à court et moyen termes.

La mission estime ainsi que le milliard d'euros prévu sur 5 ans et les 2,3 milliards d'euros prévus sur dix ans par la LOM pour renforcer l'efficacité et le report modal dans le transport de marchandises - notamment par un soutien de l'État aux programmes d'investissement des GPM et de leur hinterland 210 ( * ) - sont insuffisants au regard des enjeux. Ces montants peuvent par exemple être mis en regard avec les besoins du secteur du fret ferroviaire, que les acteurs évaluent à hauteur de 13 milliards d'euros à l'échelle nationale (et donc bien au-delà du cadre portuaire) 211 ( * ) . Aussi, la mission estime qu'il est nécessaire, a minima , de doubler le niveau d'investissement prévu au titre du cinquième programme d'investissements prioritaires de la LOM , afin en particulier d'améliorer la desserte des places portuaires par les modes massifiés.

Cette programmation ambitieuse en matière d'infrastructures pourrait être couplée à une hausse des aides au fonctionnement des transports massifiés, afin de renforcer leur compétitivité face à la route. Ainsi, pour développer le transport combiné, une augmentation sensible de l'aide à la pince 212 ( * ) doit être envisagée, afin de s'aligner sur les principaux concurrents européens. Sur ce point, la commission recommande de se doter d'une politique volontariste en matière de report modal et, dans cet objectif, de tripler les montants prévus en 2020. Si l'intensité des aides ne doit pas dépasser 30 % du coût total du transport et 50 % 213 ( * ) des coûts éligibles, le niveau d'aide prévu par la France s'agissant du transport ferroviaire sont bien inférieurs à ces limites . Le rapporteur considère néanmoins que cette augmentation devrait, dans la mesure du possible, bénéficier en priorité aux trajets intérieurs .

Concernant le transport fluvial d'une part , l'exemple de la mutualisation des Terminal Handle Charges (« THC ») au GPM de Dunkerque depuis le 1 er septembre 2015 est particulièrement éclairant. Le dispositif consiste à demander au manutentionnaire, en accord avec les armateurs, de lisser le surcoût lié à la manutention fluviale (qui était de l'ordre de 25 € à Dunkerque) sur l'ensemble des conteneurs pleins ou vides en transit du terminal. La surcharge n'est par conséquent plus facturée aux seuls opérateurs fluviaux sur la base du seul trafic fluvial, mais répartie entre l'ensemble des armateurs sur la base de l'intégralité des trafics conteneurisés. En 2016 , première année pleine d'application du dispositif, le trafic fluvial a plus que doublé au GPM de Dunkerque . Néanmoins, comme l'a souligné le GPM de Dunkerque, « la mise en place de la mutualisation des THC requiert l'adhésion de toute la place portuaire, et en particulier de l'opérateur du terminal et de tous les armateurs y escalant . »

Pour Armateurs de France 214 ( * ) , ce dispositif « ne doit pas être généralisé à l'ensemble des ports, mais faire l'objet de réflexions au cas par cas en réunissant l'ensemble des acteurs de la chaîne logistique autour de la table [...] Une alternative intéressante pourrait être l' instauration d'une incitation sous une forme à définir pour les chargeurs justifiant de l'utilisation de transports massifiés permettant de gommer les éventuels écarts de tarifs avec le transport routier ».

La DGITM considère que l'expérimentation faite à Dunkerque est difficilement généralisable car les surcoûts de manutention fluviale sont plus élevés dans les autres ports français 215 ( * ) : une étude comparative a montré qu'appliquer cette méthode au Havre et à Marseille représenterait un coût supplémentaire de 5 à 10 euros sur les coûts de manutention (contre 1,47 euro à Dunkerque). La mission recommande néanmoins aux GPM du Havre, de Rouen et de Marseille d'étudier la pertinence et la faisabilité de la mutualisation des THC .

S'agissant du transport ferroviaire ensuite, une attention soutenue doit être portée à l' amélioration de la qualité de service. La mission considère qu'une attention particulière doit être portée à la disponibilité de sillons performants en sortie et approche portuaire 216 ( * ) . Comme l'a indiqué Fret SNCF : « faute de sillons performants (disponibilité, gabarit, conditions techniques de circulation) sur les grands axes, la compétitivité portuaire française risque de se dégrader face aux voisins du Nord ou de la Méditerranée » 217 ( * ) . La concrétisation de l'ambition de report modal vers le fret passe, en effet, en grande partie par la capacité à attribuer des sillons de qualité au fret ferroviaire 218 ( * ) . SNCF Réseau a d'ores et déjà engagé un travail en ce sens en constituant une plateforme nationale de fret, déclinée par axe portuaire et logistique, qui vise à repérer les « irritants » et à répondre aux besoins existants.

D'autres pistes concrètes peuvent être envisagées pour renforcer le report modal vers les modes massifiés, comme l ' harmonisation entre les ports, voire l'allongement des free times , c'est-à-dire des délais de stockage sur le terminal portuaire en suspension de frais, qui varient fortement entre les ports 219 ( * ) . Passé ce temps, des frais de stationnement sont facturés par les opérateurs de terminaux portuaires. L'allongement de ces délais pour le mode fluvial et le mode ferroviaire permettraient de faire baisser leur coût comparativement à la route.

Au total, la définition d'ici 2021 d'une stratégie pour le développement du fret ferroviaire 220 ( * ) et la signature prochaine d'un contrat d'objectifs de performance entre VNF et l'État 221 ( * ) doivent constituer une opportunité de discuter de ces différentes pistes.

Les propositions de l'alliance 4F
pour doubler la part de marché du fret ferroviaire en France

L'alliance 4F, qui réunit tous les acteurs de la filière du fret ferroviaire, a formulé 10 axes et 30 actions chiffrées pour doubler le transport ferroviaire de marchandises en France et en faire l'épine dorsale de la chaîne logistique. D'après l'alliance 4F, les investissements dans le fret ferroviaire sont générateurs d'importantes externalités positive pour la société (2 milliards d'euros pour un milliard d'euros investis).

Le plan proposé par 4F repose non seulement sur un important effort d'investissement dans l'infrastructure (les besoins sont estimés à hauteur de 13 milliards d'euros), mais aussi sur l'amélioration, par les entreprises ferroviaires, de l'attractivité des solutions ferroviaires complémentaires vis-à-vis de la route, sur le renforcement de la productivité et des aides directes (prise en charge par l'État de 50 % des péages, aide à la pince, aide au wagon isolé) ou encore sur la simplification et la standardisation du service horaire.

Source : 4F

Proposition n° 3 : accroître la desserte des places portuaires par des modes massifiés (ferroviaire et fluvial) et créer de nouvelles plateformes logistiques proches des grands centres urbains de Métropole222 ( * )

, au service de la fluidité du passage portuaire. Porter les investissements prévus par la LOM à 5 milliards d

'euros sur 10 ans 223 ( * ) , définir un programme spécifique de rénovation des capillaires fret, notamment les lignes nécessaires à l'exportation des céréales françaises, et tripler dès 2021 le niveau de « l'aide à la pince », pour atteindre 80 milliards d'euros - cette augmentation devant bénéficier uniquement aux trajets depuis et vers des ports français.

2. Mieux réguler les services portuaires, améliorer la fiabilité sociale des ports et mettre en oeuvre un plan de relance

S'agissant du modèle économique des ports et des services portuaires, la mission IGF-CGEDD relevait deux éléments principaux :

- un positionnement concurrentiel globalement en défaveur des ports français sur plusieurs types de trafics liés à des coûts du passage portuaire plus élevés que ceux de leurs principaux concurrents. Les coûts du passe portuaire sont constitués à hauteur d'environ 10 % par les droits de ports et à 90 % par les services portuaires. Au sein des services portuaires, les services aux navires (pilotage, remorquage, lamanage) représenteraient entre 20 et 25 % du coût, et la manutention environ 75 %, avec des hétérogénéités selon le trafic considéré ;

- une image de fiabilité encore écornée par les mouvements sociaux (grèves liées à la réforme portuaire de 2008, à la réforme du code du travail en 2016 et à la réforme des retraites en 2019).

Dès lors, le rapporteur considère qu'il convient de s'emparer des leviers à disposition de l'État pour améliorer la performance des services portuaires et leur fiabilité tout en développant de nouveaux leviers d'attractivité. Les récentes évolutions du droit européen en la matière (règlement sur les services portuaires) invitent l'État à faire preuve de volontarisme. Enfin, les récents épisodes de grève et les conséquences de l'épidémie de Covid-19 (- 30 % sur les trafics des GPM) nécessitent la mise en oeuvre d'un plan de relance ambitieux pour « réarmer » nos ports.

Pour le rapporteur, ce plan devrait s'inscrire dans un triple objectif :

- soutenir une politique commerciale « agressive » ;

- accompagner la transition écologique des ports ;

- soutenir un programme de relocalisations industrielles .

a) Des leviers à mobiliser au service de la compétitivité : mieux réguler les services portuaires

Le Sénat a déjà eu l'occasion de se pencher sur le fonctionnement et les tarifs des services portuaires (pilotage, remorquage, lamanage, manutention), qui représentent 90 % du coût du passage portuaire. Ainsi, le rapport du Commissariat général au Plan commandé en 1997 par l'Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques évoquait des tarifs disproportionnés par rapport au service rendu par les entreprises de pilotage et de remorquage 224 ( * ) . Sur ce sujet, le Gouvernement avait demandé un rapport au CGEDD et à l'inspection générale des affaires maritimes (IGAM) en 2010 sur l'organisation du remorquage ( voir encadré ). Partant du cas du Havre entre 2006 et 2010, le rapport constate un manque de proactivité de l'autorité portuaire pour favoriser le développement de la concurrence ainsi qu'un contexte social tendu , et met en évidence l'effet bénéfique de la concurrence car l'entreprise en place au Havre avait commencé à diminuer ses tarifs avant l'arrivée d'un nouvel entrant.

Rapport CGEDD/IGAM organisation du remorquage en France - 2011

Dans les GPM, l'activité de remorquage se trouve dans une situation de monopole de fait. La concurrence entre plusieurs opérateurs est la règle dans les plus grands ports d'Europe (3 opérateurs à Rotterdam, 6 à Hambourg) mais dans d'autres ports dont l'activité est comparable à celle du Havre ou de Marseille, il y a plutôt un opérateur unique (Anvers, Zeebrugge) ou des sociétés regroupées (Barcelone).

Les remorqueurs européens travaillent avec trois membres d'équipage par bordée, contre quatre en France. Le rapport constatait à l'époque qu'ils n'avaient pas d'obligations de service public même si leurs services peuvent être réquisitionnés par l'autorité portuaire. La mutualisation est fréquente.

Dans les deux plus grands GPM (Le Havre et Marseille), la concurrence n'est pas parvenue à s'installer durablement. À la suite des tensions sur le port du Havre provoquées par la concurrence entre deux entreprises de remorquage entre 2007 et 2009 (mettant ainsi fin momentanément au système du monopole), le CGEDD a dressé un état des lieux de l'activité de remorquage en France et a proposé plusieurs pistes d'amélioration pour accroitre la compétitivité des ports français.

Le CGEDD estime que « le remorquage est une activité commerciale qui s'exerce dans un contexte concurrentiel où l'autorité publique doit intervenir pour fixer les règles du jeu, pour organiser la sécurité du plan d'eau, pour veiller à une optimisation de l'utilisation du domaine public maritime et donc de la gestion du port. Cette activité comporte donc des obligations de service public au titre de la sécurité mais elle doit aussi respecter une qualité de service cohérente avec les attentes commerciales ». Cette activité est réglementée, d'une part, par l'État à travers le règlement particulier de police fixé par le Préfet pour garantir la sécurité nautique, et d'autre part, par l'autorité portuaire à travers l'agrément pour veiller à la bonne utilisation du domaine public maritime.

L'activité de remorquage est une rémunérée par les navires accostant le port, avec des variations de prix en fonction du type de navires et de sa taille (jusqu'à 40 % des coûts pour un compte d'escale s'agissant d'un porte-conteneurs moyen). Ces tarifs sont fixés port par port dans un dialogue entre l'entreprise de remorquage et la commission des usagers du port, procédure définie par l'arrêté du 14 avril 1981 relatif à la composition et aux conditions de fonctionnement d'une commission des usagers du port pour le service du remorquage portuaire. Le CGEDD préconise de consolider cette assise juridique par un décret codifié dans le code des transports.

Dans cette même perspective et pour accroître la compétitivité portuaire, le CGEDD recommande de ne pas limiter le nombre de prestataires de remorquage par port, même si la coexistence de plusieurs entreprises de remorquage n'est pas viable économiquement pour la plupart des places portuaires compte tenu de leur volume d'activité (à l'heure actuelle, seules deux GPM seraient en mesure de faire cohabiter deux entreprises de remorquages - Le Havre et Marseille). En outre, le CGEDD conseille de fixer la durée des agréments entre 5 et 7 ans (et non comme actuellement entre 5 et 15 ans) pour mettre régulièrement les entreprises en concurrence et ainsi in fine atteindre une bonne qualité de service à un prix raisonnable.

Globalement, pour l'ensemble des services portuaires, la mission constate que la situation a peu évolué : les différentes composantes du coût du passage portuaire (droits de ports, frais des services aux navires, coût de la manutention, coût de stockage, coûts indirects d'immobilisation du navire), qui varient selon le type de trafic considéré et la topographie du port, apparaissent toujours plus élevées en France que chez nos concurrents . La mission IGF-CGEDD relève en particulier :

- que le suivi des coûts du passage portuaire apparaît perfectible , en dépit de l'existence d'un observatoire des coûts du passage portuaire 225 ( * ) , qui apparaît peu dynamique ;

- des tarifs de pilotage et remorquage plus élevés et manquant de transparence. Dans un compte d'escale, le remorquage représente 15 à 25 % des dépenses pour un gros vraquier et jusqu'à 40 % pour un porte-conteneurs moyen. En outre-mer , les coûts du passage portuaire sont également supérieurs à ceux des ports européens notamment du fait de l'insularité et de la faiblesse des volumes traités. La baisse des coûts du passage portuaire permettrait de développer les trafics, notamment de transbordement et ferait des ports ultramarins un modèle d'exemplarité dans leurs zones d'action.

Un positionnement concurrentiel intermédiaire des GPM
en termes de compétitivité de la manutention

Dans le cadre du projet européen Portopia, les tarifs pour la manutention au terminal des conteneurs des différents opérateurs dans les principaux ports européens ont été relevés. En 2015, le prix moyen en France (240 €) est plus faible que celui constaté en Allemagne (280 €) mais supérieur à celui pratiqué aux Pays-Bas (236 €), en Belgique (214 €), en Italie (207 €) et en Espagne (206 €). En 2016, les tarifs constatés aux Pays-Bas ont rattrapé ceux en France.

La France est également en position intermédiaire en termes de coût du travail par rapport à ses concurrents européens. En 2016, le coût horaire de la main-d'oeuvre en France dans le sous-secteur de l'entreposage et des services auxiliaires des transports s'élevait à 33 €/h. Il est plus faible qu'aux Pays-Bas (38 €/h) et en Belgique (37 €/h) mais plus élevé qu'en Espagne (24 €/h) et en Italie (24 €/h). Ce sous-secteur comprend entre autres l'exploitation des infrastructures de transport, notamment les ports, mais il n'existe pas d'indicateur de coût du travail à un niveau sectoriel plus fin.

Source : DGE

Compte tenu des coûts fixes importants inhérents aux activités de pilotage et remorquage (équipements, charges de personnel), le niveau des trafics est déterminant pour leur coût global. Dès lors, la différence de coût global constaté entre les ports français et les ports d'Europe du Nord ou de Méditerranée s'explique également, pour une part, par des trafics plus faibles en France. Toutefois, dans ses réponses au questionnaire de la mission, l'IGF et le CGEDD soulignent des risques « d' effets de rente ».

Le passage portuaire

Le passage portuaire regroupe des coûts portuaires directs et indirects, fixes et variables, des coûts pris en charge par l'armateur ou le chargeur et des coûts encadrés (pilotage, remorquage, lamanage, droits de ports) ou non (manutention).

Les trois principaux critères de choix d'un port pour un chargeur ou un armateur sont la fiabilité, le coût du passage portuaire en fonction du volume de marchandises concerné, et la fluidité du fret tout le long de la chaîne logistique. D'autres éléments contribuent à l'attractivité de la place portuaire : des effets de réseaux , la qualité des services aux navires (GNL), l'organisation administrative.

Plusieurs scenarii ont été étudiés par la mission IGF-CGEDD : exemple d'un porte-conteneurs de 13 000 EVP, cas d'un minéralier de 180 000 TPL, cas d'un charbonnier de 80 000 TPL, exemple d'un céréalier de 60 000 TPL, cas d'un tanker de 150 000 TPL de pétrole brut, cas d'un tanker de 40 000 TPL de produits raffinés ou encore cas d'un méthanier transportant 80 000 TPL de gaz naturel liquéfié. L'observation des résultats révèlent des disparités importantes d'une place portuaire à une autre et un manque global de compétitivité des ports français.

Pour les pilotes , dont l'exposition financière aux aléas des trafics est très forte, la régulation des tarifs opérée par l'assemblée commerciale 226 ( * ) apparaît adaptée pour le rapporteur. La création d'une assemblée commerciale unique pour l'ensemble des GPM pourrait toutefois être étudiée pour maîtriser l'évolution des tarifs et assurer une trajectoire comparable à celle observée dans les principaux ports concurrents de la France.

Pour le remorquage et le lamanage , le rapporteur partage plusieurs orientations de la mission IGF-CGEDD et considère que le Gouvernement devrait étudier sérieusement la possibilité :

- d' élargir les périmètres des agréments à plusieurs ports voisins pour améliorer la mutualisation des services et d'en confier l'attribution à un acteur extérieur à la place portuaire ;

- de réduire les barrières à l'entrée et à la sortie en organisant différemment l'activité, par exemple en limitant les durées des agréments délivrés (qui varient de 5 à 15 ans actuellement), en alignant les contraintes de sécurité sur celles des ports concurrents du Nord et en rénovant la procédure d'élaboration des tarifs , actuellement fixée port par port.

GPM

Remorquage

Société

Nbre de Coques+

réserve

Fin date agrément

Lamanage

Société

Fin date agrément

Durée

Dunkerque

Boluda

8

26/11/22

7 ans

Société coopérative des lamaneurs du port de Dunkerque

16/03/23

5 ans

Le Havre

Boluda

8

08/10/25

7 ans

Société coopérative de lamanage des ports du Havre et d'Antifer

07/12/25

7 ans

Rouen

Société de remorquage maritime de Rouen - Groupe Thomas

6

2021

6 ans

Coopérative de lamanage de Rouen

05/11/23

8 ans

Nantes Saint-Nazaire

Boluda

7

30/04/20 (à renouveler)

7 ans

BDL du Grand port maritime de Nantes-Saint-Nazaire

13/02/27

7 ans

Société Huchet Desmars

13/02/27

7 ans

La Rochelle

Boluda

3

30/06/23

15 ans

Lamanage et services des ports de La Rochelle - Charente - SAS

01/02/23

15 ans

Bordeaux

Société de remorquage maritime de Bordeaux - Bassens - Groupe Thomas

4

01/01/22

7 ans

Société du lamanage du port de Bordeaux

(agrément signé le 24/02/2010)

sans limitation de durée

Marseille

Boluda

10

2023

8 ans

Coopérative de lamanage de Marseille et golfe de Fos

25/09/25

6 ans

Source : DGTIM.

En outre, pour améliorer la qualité et le coût des services portuaires, la mise en oeuvre du règlement européen 2017/352 227 ( * ) établissant un cadre pour la fourniture de services portuaires représente une opportunité . Ce règlement impose notamment aux États membres de désigner, avant le 24 mars 2019, une autorité pour contrôler son application et traiter les plaintes visant les relations financières entre les autorités portuaires et les pouvoirs publics, les redevances de services portuaires et d'infrastructures portuaires. Le Gouvernement a désigné la DGITM pour assurer cette mission 228 ( * ) . Certains pays européens ont fait le même choix (Pologne, Irlande), d'autres ont confié cette compétence à une autorité de régulation transversale des transports (Suède).

Dans son rapport sur la transformation du modèle économique des GPM, la mission IGF-CGEDD recommande d'étendre les compétences de l'ART au secteur portuaire 229 ( * ) , considérant que ce contrôle a posteriori ne serait pas suffisant pour améliorer le fonctionnement des marchés des services portuaires, et propose :

- de désigner l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer), devenue l'Autorité de régulation des transports (ART) depuis 2019, comme autorité de régulation au sens du règlement européen sur les services portuaire ;

- de saisir l'Autorité de la concurrence d'une demande d'avis sur le fonctionnement des marchés liés aux services portuaires.

Le rapporteur attire l'attention du Gouvernement sur la nécessité d'améliorer la compétitivité-prix des GPM sur ce volet : la France doit s'organiser pour évoluer et anticiper les évolutions futures du droit européen , qui pourrait aller dans le sens d'un renforcement de la régulation. Tout en conservant une forme de souplesse, ce qui conduit à exclure la soumission des contrats de service public au code des marchés publics et au droit des concessions, option un temps envisagée par le rapporteur, le calcul des tarifs des missions et l'objectif de continuité du service doivent être clarifiés dans les agréments délivrés par le préfet.

Les services de l'État et les autorités portuaires disposent des données leur permettant de cibler les marges de progrès et les leviers d'action pour améliorer la compétitivité de chaque port : ils doivent s'en emparer pour adapter leur modèle économique . Le rapporteur demande donc au Gouvernement d'agir sur ce volet car les gains potentiels sont élevés : la Commission européenne estime que la modernisation des services portuaires permettrait à l'UE d'économiser près de 10 milliards d'euros d'ici à 2030 et de baisser les coûts portuaires de près de 7 % .

Aussi, le rapporteur considère nécessaire de fixer un cap clair visant à avancer sur le chemin d'une meilleure régulation des services portuaires et propose :

- en 2 ans , de doter le conseil national portuaire et logistique (CNPL), précédemment évoqué, d'une mission de régulation avec l'intégration de l'observatoire des coûts du passage portuaire et la création d'une formation interne spécialisée de régulation des services portuaires, associant des représentants de chaque place portuaire et des personnalités qualifiées. Ce conseil pourrait recevoir la compétence de délivrance nationale des agréments des remorqueurs et lamaneurs mais également préparer des appels d'offre groupés par façade maritime ou axe logistico-portuaire afin de favoriser les synergies et les économies d'échelle et déterminer la politique tarifaire en lien avec les professionnels. Une saisie de l'Autorité de la concurrence , comme le propose la mission IGF-CGEDD, permettrait d'appuyer le CNPL dans cette tâche de régulation des services portuaires ;

- en 5 à 10 ans , de rapprocher la CNPL de l'ART pour aboutir à une régulation efficace, reposant sur un historique de contrôle et permettant une montée en charge progressive des services concernés.

Cette organisation permettra une veille active sur les tarifs des services portuaires et doit permettre à terme une maîtrise voire une diminution des coûts du passage portuaire en France .

Enfin, la filière fluviale s'inquiète de la possibilité de se voir intégrer dans le champ d'application de la CCNU ports et manutention du 15 avril 2011 . Selon les estimations faites par l'Association française des ports intérieurs (AFPI), la hausse salariale équivaudrait par ETP à + 9 mois de salaires au port de Lille et à + 3 mois de salaire au port de Mulhouse. Une mission d'inspection sera prochainement lancée pour évaluer les conséquences de l'extension potentielle de la CCNU aux ports intérieurs.

Proposition n° 4 : fixer un cap clair pour mieux réguler les services portuaires :

- dans un premier temps, charger le Conseil national portuaire et logistique que la mission propose de créer (voir recommandation 4) de surveiller l'évolution du coût des services portuaires. À terme, envisager de confier une mission globale de régulation à l'Autorité de régulation des transports ;

- réduire à 4 ans la durée des agréments des entreprises de remorquage pour favoriser la concurrence, qui s'étale actuellement entre 5 et 15 ans ;

- faire aboutir les travaux portant sur les conséquences économiques et sociales de l'extension de la CCNU aux ports intérieurs dans le cadre de l'intégration des ports de l'axe Seine (HAROPA).

b) Des leviers à mobiliser pour améliorer la fiabilité des ports après les grèves et l'épidémie de Covid-19 : renforcer la dimension sociale de la politique portuaire et mettre en oeuvre un plan de relance portuaire

À l'heure actuelle, le rapporteur constate avec regret que nos ports sont toujours marqués par une forte conflictualité . La situation actuelle est d'autant plus incompréhensible que toute la place portuaire a le même intérêt : le développement des trafics et des parts de marché des GPM, pourvoyeur de richesse et d'emplois. Cette situation a des conséquences économiques négatives , non seulement sur la place portuaire mais également pour les entreprises exportatrices et importatrices. À cet égard, la filière céréales a été particulièrement pénalisée. Surtout, à terme, ce type de mouvements pourrait avoir des répercussions sur l'emploi dans tous les services portuaires. Le rapporteur affirme que l'ensemble des missions de service public doivent pouvoir être assurées en tout temps, dans le respect du droit de grève . Même si une définition précise du périmètre du service public au sein de la place portuaire n'existe pas, l'amélioration de la fiabilité de ces différents services portuaires requiert des réponses différenciées .

Pour le remorquage , le rapporteur souhaite que les exigences de disponibilité et de continuité du service soient renforcées dans le cadre des agréments qui leur sont délivrés, en cohérence avec le règlement européen sur les services portuaires 230 ( * ) .

Pour la manutention , le rapporteur s'est longuement interrogé à partir des propositions qui lui ont été faites, au cours des auditions et des déplacements. Certains interlocuteurs rencontrés par la mission souhaitent que les autorités portuaires définissent des catégories d'ouvrage et de services essentiels pour le bon fonctionnement du port, ainsi que des niveaux de service en fonction de l'importance de la perturbation, dispositif doublé d'un renforcement de la prévention des conflits sociaux. D'autres interlocuteurs ont évoqué un renforcement du droit de réquisition de l'autorité portuaire ou du préfet, pour assurer la continuité des services en tout temps 231 ( * ) . Toutefois, cette option, qui pourrait susciter une forte conflictualité, doit être écartée à ce jour pour le rapporteur, car il est convaincu qu'elle s'avérerait in fine contre-productive.

En outre, le rapporteur distingue clairement les grèves , sur le périmètre normal de travail et les outils associés, des blocages des accès aux ports , qui portent atteinte au bon fonctionnement de l'ensemble de la place portuaire et non seulement des entreprises concernées par la grève. Sur ce sujet, le rapporteur souhaite que l'État utilise les leviers à sa disposition, pour faire lever le blocage, si nécessaire par la voie judiciaire.

Proposition n° 5 : poursuivre le renforcement de l'image de fiabilité des ports français, par le dialogue social, le renforcement des exigences de service public applicables au remorquage dans le cadre de leurs agréments et par l'utilisation des leviers à disposition de l'État pour empêcher le blocage de l'accès aux ports, dans le respect du droit de grève.

Au-delà, la connaissance des conséquences économiques de l'épidémie de Covid-19 est partielle mais elle a durement éprouvé les établissements portuaires, qui ont vu leurs recettes baisser en conséquence, et les projets de développement locaux : un sursaut s'impose , comme après la crise de 2008, d'autant plus que cette crise sera sans doute plus dure.

Plusieurs ports ont mis en place des offres commerciales adaptées pour renforcer leur attractivité dans cette période. Toutefois, là encore, ces initiatives ont été peu voire pas coordonnées au plan national, conduisant à des situations de concurrence interportuaire .

Le rapporteur propose donc un plan de relance global de 150 millions d'euros par an sur 5 ans (2021-2024) 232 ( * ) , en trois volets :

- un volet visant à soutenir l'attractivité commerciale des ports français , avec des subventions de l'État inscrites dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021, permettant aux GPM mais aussi à l'ensemble des ports décentralisés de consentir des baisses de droits de port et de redevances domaniales le cas échéant ;

- un volet dédié aux investissements en faveur de la transition écologique, afin de concevoir des infrastructures permettant aux ports français de consolider leurs avantages comparatifs, par exemple en matière de branchements électriques à quai, de terminaux GNL ou encore de systèmes de collecte des déchets efficients. Le caractère « vert » de ce plan est un impératif pour le rapporteur, en complément du premier volet commercial qui s'appliquerait à tous types de trafics sans distinction ;

- un volet dédié à une réindustrialisation sectorielle , pour accompagner des relocalisations visant à soutenir les trafics des GPM et améliorer l'empreinte environnementale de notre industrie .

Proposition n° 6 : mettre en oeuvre un plan de relance portuaire de 150 millions d'euros par an sur 5 ans financé par l'État 233 ( * ) à la suite de la crise du Covid-19 pour soutenir les GPM dans la reconquête des trafics dans le cadre d'une politique commerciale « agressive », accompagner leur transition écologique et favoriser des relocalisations industrielles ciblées.

3. Accompagner la transformation du modèle économique des GPM en clarifiant la notion de dépenses non commerciales et le régime de fiscalité foncière applicable sur la place portuaire

L es ports sont à la croisée des chemins et subissent un « effet ciseau » entre la hausse de leurs charges, notamment non commerciales et fiscales, et la baisse des trafics d'hydrocarbures, qui s'additionne au retard pris sur le segment des conteneurs. Sur ce sujet également, de nombreux rapports ont été écrits, sans qu'une solution globale et pérenne n'ait été mise en place par l'État à ce jour, qui procède au coup par coup, année après année.

Ces dernières années, la Commission européenne a porté une attention particulière aux modèles fiscaux des ports maritimes et rendu plusieurs décisions qui ont bouleversé le modèle économique de nombre d'entre eux. En outre, la décision du Conseil d'État de 2014 mettant fin à l'exonération de fiscalité foncière dont bénéficiaient des GPM a accru les difficultés des GPM. La mission constate qu'à ce jour, toutes les conséquences de l'entrée de la place portuaire dans la fiscalité foncière n'ont pas été tirées.

Dès lors, des clarifications principales sont nécessaires pour permettre à nos ports de faire jouer leurs atouts dans la compétition mondiale : la prise en charge d'un panier rehaussé et clarifié de dépenses non commerciales par l'État et la définition d'une méthode fiscale adaptée aux enjeux de la place portuaire concernant la fiscalité foncière.

a) Renforcer durablement la compensation de l'État aux GPM s'agissant de leurs charges non commerciales

Comme chez les ports concurrents d'Europe du Nord, le code des transports impose à l'État français de compenser intégralement les charges des GPM en matière de dragage d'entretien (environ 35 millions de mètres cubes de sédiments prélevés chaque année 234 ( * ) ) et d'entretien et d'exploitation de certains ouvrages 235 ( * ) . Ces dépenses font d'ailleurs partie du périmètre des aides exemptées de notification à la Commission européenne.

Si le rapporteur salue la décision du Gouvernement à compter de 2017, de porter progressivement la prise en charge par l'État des charges de dragage à 100 %, avant cette date, les crédits du budget général consacrés à cette action n'avaient cessé de baisser et la compensation de l'État s'est avérée partielle ces dernières années, comme en 2015, où l'État avait assumé moins de 50 % des frais concernés : pour la seule période 2013-2016, le manque à gagner total pour les ports s'élèverait à environ 200 millions d'euros 236 ( * ) . Le tableau et le graphique ci-après retracent l'évolution de la couverture des charges régaliennes des GPM par l'État, qui représente un total d'environ 730 millions d'euros sur la période.

Année

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Dépenses d'entretien des ports (M€) 237 ( * )

48,3

52

61,4

60,5

59

64,2

48

42,5

41,3

67,2

86

98,6

Source : Sénat, à partir des informations transmises par la direction du budget 238 ( * ) .

Source : Sénat, à partir des données transmises par la direction du budget.

Le rapporteur attire toutefois l'attention du Gouvernement sur le fait que la mise en oeuvre de l'article 85 de la loi pour l'économie bleue, au 1 er janvier 2025 , qui prévoit la fixation d'un seuil au-delà duquel les immersions de matériaux de dragage seront interdites, pourrait conduire à une augmentation globale du coût du dragage (augmentation du coût de fonctionnement des engins, conséquences du traitement à terre des matériaux). Les sédiments dragués dont la teneur en contaminants dépassera ce seuil devront être traités à terre. Dans cette perspective, un soutien de l'État à la modernisation du dragage et à sa réalisation est donc déterminant.

Au-delà de la question du dragage, il est nécessaire de clarifier la notion de dépenses non commerciales des GPM , qui permet de distinguer plusieurs périmètres. D'ailleurs, dans son discours au CIMer de Dunkerque en 2018, le Premier ministre indiquait que « l'État a vocation progressivement à compenser intégralement les charges de dragage, [je l'ai dit], et à compenser l'ensemble des charges dites régaliennes, sans dépasser un taux global de couverture de 75 % . En contrepartie les ports devront aussi faire des efforts, pour mieux maîtriser leurs dépenses dans les matières régaliennes. Nous pourrons discuter, État et ports, de contrats d'objectifs et de moyens, pour faire en sorte que cette dépense régalienne soit maîtrisée dans le temps et assurée, je l'ai dit, à 100 % s'agissant du dragage, et au global à un plafond de 75 % » 239 ( * ) .

Les enjeux financiers pour les ports sont très importants. Dans leur rapport sur l'axe Seine de 2016, Valérie Fourneyron et Charles Revet soulignaient que « si l'État remplissait ses obligations en matière de financement du dragage des accès, le GPM de Rouen pourrait réduire ses droits de port de plus de 18 % globalement ou bien engager d'autres mesures significatives d'amélioration de sa compétitivité ». Dans ses réponses au questionnaire de la mission, la direction du budget souligne que « la nette augmentation de la dotation dragage, décidée lors du CIMer 2018, a permis de dégager l'essentiel de la progression des marges d'exploitation observées . L'ensemble des GPM est au début de 2020 à un niveau d'endettement soutenable (en dessous de 3 fois leur chiffre d'affaires) ». Cet enjeu est particulièrement aigu pour la réussite de l'intégration d'HAROPA 240 ( * ) .

Un rapport du CGEDD-CGEFI de 2016 et un rapport commandé par l'union des ports de France (UPF) ont établi différents périmètres de charges non commerciales. Selon les informations de la mission, les GPM auraient proposé un périmètre autour de six catégories. En fonction des périmètres retenus, la charge pour l'État varierait du simple à plus du double. S'agissant du financement : le CGEDD privilégie la voie d'un financement via un crédit d'impôt sur les sociétés, alors que l'IGF ne partage pas cette option, y voyant un mécanisme d'incitation à la dépense. Cette dernière privilégie donc le recours à une dotation budgétaire annuelle .

L'ensemble de ces éléments appellent les constats suivants de la part du rapporteur :

- la forte instabilité constatée dans la compensation des charges liées au dragage des GPM par l'État a pénalisé les ports français (trésorerie, investissements) ;

- ce sujet dévoile, encore une fois, des potentialités insuffisamment exploitées pour sécuriser le modèle économique des GPM et leur permettre d'investir et de créer de la valeur autour d'eux ;

- la détermination des périmètres respectifs des charges non commerciales et commerciales révèle un manque de clarté tant dans le pilotage de l'État que dans la comptabilité analytique des GPM ;

- pour couvrir uniquement les dépenses de dragage à 100 %, conformément à l'engagement du Premier ministre, environ 98 millions d'euros seraient nécessaires annuellement mais ce montant doit nécessairement être rehaussé pour couvrir plus largement les charges non commerciales des GPM ;

- la clarification de cet enjeu ne doit pas faire oublier la nécessité d'améliorer la performance du GIE Dragages ports , dont l'efficience pourrait être renforcée, selon plusieurs rapports d'inspection 241 ( * ) ;

- le soutien de l'État aux GPM leur permettra d' investir et de développer des solutions innovantes pour améliorer la performance de certaines tâches non commerciales comme le dragage. À Bordeaux, par exemple, des outils numériques spécifiques ont été mis en place pour évaluer les besoins de dragage.

Dès lors, le rapporteur recommande :

- d'étendre le périmètre actuel des charges compensées par l'État ;

- de fixer un cap clair avec une trajectoire rehaussée de la participation de l'État via des dotations budgétaires au financement des charges non commerciales des GPM mais glissante sur 10 ans , pour créer une incitation à la performance. Le montant des compensations pourrait commencer à 170 millions d'euros en année n puis glisser pour atteindre 140 millions d'euros en n + 10 ;

- d' étudier de façon plus approfondie la piste d'un crédit d'impôt pour, après une phase de transition de 10 ans, envisager de basculer le pilotage des charges non commerciales dans ce cadre ;

- de poursuivre l'amélioration de la compatibilité des GPM pour distinguer, dans des « caisses » séparées, ce qui relève des missions commerciales des missions non commerciales.

b) Définir un régime fiscal adapté pour préserver la compétitivité des ports français et des opérateurs

Les GPM ont récemment été soumis à l'impôt sur les sociétés 242 ( * ) mais l'État a fait preuve de réactivité pour sécuriser leur bilan d'ouverture sur plusieurs années. L'équilibre trouvé apparaît satisfaisant , même si la situation ne sera pas durable en comparaison avec d'autres pays européen.

En revanche, l'assujettissement des GPM à la TFPB, qui n'a pas encore produit tous ses effets, est porteur de bouleversements majeurs pour l'ensemble de l'écosystème portuaire . La remise en cause de l'exonération de TFPB dont bénéficiaient les GPM depuis 1942 - d'ailleurs assises sur un texte fragile - par une décision du Conseil d'État de 2014 243 ( * ) , entraîne deux séries d'effets, dont toutes les conséquences n'ont pas été tirées à ce jour, que ce soit par le Gouvernement ou les collectivités territoriales :

- d'abord, elle créé un nouveau flux entre les GPM et les collectivités territoriales ;

- ensuite, elle entraîne la soumission d'un très grand nombre de biens sur la place portuaire , posant la question de la répercussion de cette nouvelle charge fiscale par les GPM sur leurs amodiataires, et pourrait dégrader leur compétitivité-prix et celle des opérateurs de terminaux. Dans les faits, les décisions sont hétérogènes des GPM en matière de répercussion de la taxe foncière aux opérateurs.

Dès lors, pour le rapporteur, des évolutions s'imposent d'urgence d'une part, pour préserver la compétitivité des GPM et des acteurs de la place portuaire et, d'autre part, pour replacer les GPM sur un pied d'égalité par rapport à leurs concurrents européens , qui disposent tous de régimes attractifs en matière de fiscalité foncière.

(1) Une entrée « maîtrisée » dans l'impôt sur les sociétés

Conséquence d'une décision de la Commission européenne de 2017, suivant une décision similaire pour les ports hollandais et belges, les ports français sont assujettis à l'impôt sur les sociétés (IS) depuis l'exercice 2018 alors qu'ils en étaient exonérés en vertu de deux décisions ministérielles des 11 août 1942 et 27 avril 1943 . Le 8 janvier 2019, la Commission européenne a également demandé aux ports italiens et espagnols de se mettre en conformité avec les règles en matière d'aides d'État 244 ( * ) à partir du 1 er janvier 2020. L' Allemagne dispose également d'un régime spécifique mais n'a pas fait l'objet de décision de la Commission à ce jour.

Afin de neutraliser, à court ou moyen terme, les effets de cet assujettissement sur leur marge nette d'autofinancement, l'article 205 de la loi dite PACTE de 2019 245 ( * ) a permis aux GPM de procéder à une réévaluation comptable de leurs immobilisations corporelles avant l'entrée en fiscalité. Le port de Rotterdam a utilisé une faculté comparable mais a procédé à une dépréciation comptable d'actifs neutralisant l'effet de l'IS pendant plusieurs dizaines d'années (entre deux et quatre décennies) . Pour les ports français, cette opération pourrait permettre de sécuriser les ports pour plusieurs années (5 à 8 ans) mais elle n'a pu consulter d'éléments objectifs permettant de garantir la soutenabilité de l'IS pour leur modèle économique.

(2) La nécessité d'une action forte et rapide pour la taxe foncière

En juillet 2014 , une décision du Conseil d'État a mis fin à l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties dont bénéficiaient les GPM depuis 1942 en vertu d'une décision ministérielle 246 ( * ) . À ce jour, l'assujettissement des GPM à la taxe foncière représenterait un surcoût très important pour les GPM métropolitains, difficilement supportable au regard de leur modèle économique actuel. L'enjeu serait particulièrement fort pour HAROPA, compte tenu de la surface foncière des ports de Paris 247 ( * ) .

Sur le domaine des GPM cohabitent : des biens propres du GPM, des biens de l'État non encore transférés aux GPM 248 ( * ) et des biens transférés par les anciens ports autonomes au moment de la réforme.

Les biens présents sur le domaine des GPM peuvent être classés dans quatre catégories : les immeubles non productifs de revenus (qui restent exonérés de TFPB), les immeubles productifs de revenus et non amodiés par les ports (soumis à la TFPB), les immeubles productifs de revenus et amodiés sans droits réels , notamment les entrepôts logistiques (soumis à la TFPB) et les immeubles productifs de revenus et amodiés avec droits réels (qui étaient et demeurent soumis à la TFPB).

Pour les biens qui étaient précédemment soumis à la taxe foncière, la situation pourrait profondément évoluer du fait de la méthode d'évaluation retenue (méthode commerciale 249 ( * ) ou industrielle 250 ( * ) ) lors de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels et des différentiels de taux entre les collectivités 251 ( * ) .

Compte tenu du fait que les GPM accordent de très nombreuses autorisations d'occupation temporaire (AOT) de leurs domaines publics, au service de l'activité économique, ils pourraient en outre répercuter la taxe foncière sur leurs amodiataires. Dans ses réponses au questionnaire de la mission, l'UNIM souligne que « l'application de la taxation du foncier sans dérogation sur les Ports, alors que ce devrait être des zones de développement privilégiées, rend de nombreux investissements impossibles . Nous pouvons citer le cas des nouveaux entrepôts pour lesquels les taxes sur le foncier représentent un coût 10 fois plus élevé qu'en Belgique par exemple. Nous pouvons aussi citer le cas des cuves de stockage de produits liquides qui ne génèrent pas de taxe en Belgique et en génère en France. La conséquence sur ce dernier point par exemple est que les nouvelles capacités sont construites de l'autre côté de la frontière et non au Havre ou à Dunkerque ».

Face à cette situation, le Gouvernement a pris des mesures en réaction 252 ( * ) mais il n'a pas apporté, à ce jour, une solution globale : plusieurs dispositions législatives sont en effet intervenues ces dernières années pour atténuer les conséquences de cette entrée en fiscalité, même si la problématique n'a pas été traitée dans son ensemble ( voir encadré ci-après ).

Résumé des étapes

- Loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014 : l'article 33 rétablit une exonération de TFPB pour les GPM à compter de 2015 en permettant aux collectivités territoriales et aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de la supprimer ou de la limiter à une fraction de la base imposable. Toutefois, la plupart des collectivités territoriales et leurs groupements ont délibéré pour supprimer l'exonération, sauf certaines communes pour Le Havre, Marseille, Nantes-Saint-Nazaire et Rouen.

Cet article avait également prévu la remise d'un rapport au Parlement pour dresser un bilan de l'assujettissement à la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) et à la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB) de l'ensemble des ports français. Le Gouvernement ne l'a jamais remis et a engagé la réforme suivante en LFR 2015.

- Loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015 : l'article 95 institue deux nouvelles exonérations de TFPB à compter de 2016. Sont exonérés de TFPB et de TFPNB, les biens transférés par l'État lorsqu'ils sont affectés à un service public ou sont d'utilité générale et non productifs de revenus 253 ( * ) . Les autres biens transférés par l'État aux GPM font l'objet d'un abattement dégressif durant cinq ans (100 % les deux premières années, 75 % la troisième, 50 % la quatrième puis 25 % la cinquième) 254 ( * ) . Toutefois, les biens transférés par les anciens ports autonomes aux GPM et les biens construits par les GPM ne bénéficient pas de cette exonération (critère organique indépendamment de leur affectation ou de leur utilité).

- sur les recommandations de la mission IGF-CGEDD, une liste des biens appartenant aux GPM affectés à un service public ou d'utilité générale et improductifs de revenus a été établie tant pour la taxe foncière sur les propriétés bâties 255 ( * ) (TFPB) que pour celle sur les propriétés non bâties 256 ( * ) a été dressée au Bulletin Officiel des Finances Publiques (BOFIP).

- Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 : l'article 156 permet de sécuriser davantage les méthodes d'appréciation des valeurs locatives foncières en légalisant la définition des établissements industriels, en excluant de cette catégorie les bâtiments et terrains qui disposent d'installations techniques, matériels ou outillages présents dans le local d'une valeur inférieure à 500 000 euros quelle que soit la nature de l'activité, permettant de qualifier le local de local professionnel, et en lissant les conséquences des variations de valeur locative avec une prise en compte progressive si la valeur locative du local en cause évolue de plus de 30 % du fait d'un changement d'affectation ou du changement de méthode d'évaluation (période de trois ans pour la prise en compte de la variation, 25 % la première année, 50 % la deuxième et 75 % la troisième année).

Selon les travaux de la mission IGF-CGEDD, les autres ports européens concurrents peuvent bénéficier de régimes particuliers de taxation foncière, voire d' exonérations . Le rapporteur appelle l'État à expertiser en profondeur ces modèles.

Au jour de la publication du présent rapport, les travaux en cours entre les GPM, les acteurs économiques et les pouvoirs publics n'ont pas permis d'aboutir à un dispositif global. Dans ses réponses au questionnaire de la mission, la DGE note que « l'avancement du dossier sur la fiscalité applicable dans les ports est porteur d'enjeux pour la compétitivité économique et financière des GPM français. Sur le point particulier de taxe foncière des ports, le principe d'une taxe forfaitaire avait été retenu et il s'agit de poursuivre la réflexion et de conclure sur les mesures d'accompagnement qui doivent permettre de ne pas nuire à la compétitivité fiscale de nos ports par rapport aux pratiques de nos voisins. Parmi les pistes de travail figure une proposition d'abattement du tiers de la valeur locative de biens dans la circonscription des ports, ainsi que la création d'un principe général de plafonnement de la taxe foncière à la valeur ajoutée (cela se fait déjà pour la contribution économique territoriale) ».

Il ressort des échanges et déplacements de la mission, qu'une évaluation forfaitaire des quais, terrains et terre-pleins serait à l'étude dans la perspective du PLF pour 2021, sur l'impulsion de l'UPF. L'objectif serait de s'inspirer des modalités particulières d'évaluation prévues pour les autoroutes et leurs dépendances et pour les postes d'amarrage dans les ports de plaisance 257 ( * ) , tout en garantissant la soutenabilité du barème retenu pour les GPM et en évitant une requalification en aide d'État .

Pour le rapporteur, deux priorités doivent être conciliées :

- d'une part, la nécessité de garantir une concurrence équitable avec les autres ports européens dans le cadre du régime fiscal retenu in fine ;

- d'autre part, la nécessité de ne pas pénaliser lourdement les GPM et les occupants de leur domaine, afin de préserver leur rentabilité et leur capacité à investir pour le développement du port.

L'objectif doit donc être de disposer, pour le PLF 2021 , d'un barème forfaitaire pour les terre-pleins, quais et entrepôts de diverse nature, avec une méthode de calcul des valeurs locatives adaptée. En outre, l'entrée en fiscalité pourrait se faire par étape avec un lissage de l'évolution sur quatre ans : règlement de 25 % du montant total dû la première année, puis 50 %, puis 75 % et enfin 100 % la quatrième année. Ce travail nécessite bien sûr l'association de l'UPF et des élus. La méthode pourrait ensuite être étendue aux zones logistiques dont certains ne sont pas imposées à ce jour pour diverses raisons 258 ( * ) , afin de préserver leur attractivité. À défaut d'une telle solution, à court terme, l'État pourrait compenser cette charge fiscale en versant une dotation budgétaire aux GPM.

Proposition n° 7 : sécuriser le modèle économique des GPM :

- clarifier le périmètre des dépenses non commerciales des GPM ;

- porter à 170 millions en année n le montant des compensations versées par l'État, avec une trajectoire glissante pour atteindre 140 millions d'euros en année n + 10 dans un objectif d'incitation à la performance ;

- garantir une visibilité pluriannuelle aux ports sur les financements attribués par l'État, dans le cadre d'un contrat d'objectifs et de performance évoqué plus haut (COP) ;

- définir dès le PLF pour 2021 un forfait fiscal adapté pour atténuer les effets de l'assujettissement des GPM et de la place portuaire à la fiscalité foncière et placer nos ports à armes égales par rapport à leurs principaux concurrents ;

- évaluer la soutenabilité de l'assujettissement des GPM à l'impôt sur les sociétés, afin d'envisager de nouvelles mesures de bilan le cas échéant.


* 199 L'Union internationale des transports routiers estime le manque de main-d'oeuvre, en Europe, à 21 % de la demande dans son étude de mars 2019 « Tackling Driver Shortage in Europe ».

* 200 Rapport précité de François-Michel Lambert et Élisabeth Lamure, juillet 2016.

* 201 À ce titre, l'élaboration par les GPM de leurs projets stratégiques en 2020 est l'occasion d'identifier précisément les besoins.

* 202 L'annexe dresse un bilan des mesures en faveur de la desserte des grands ports maritimes en 2019.

* 203 Contournement lyonnais dont le CFAL sud, amélioration du sillon alpin, liaison vers la Suisse alémanique, la rive droit du Rhône.

* 204 D'après la DGITM, en mars 2019, le projet d'accès fluvial a été sélectionné et bénéficiera d'une enveloppe de financement européen à hauteur de 20% du montant des travaux. En juin 2019, le conseil de surveillance du port a approuvé le financement de 125M€ de ce projet.

* 205 Contribution écrite du GPM de Dunkerque.

* 206 Comme l'indique Fret SNCF, les zones de manutention portuaires non accessibles ou insuffisantes pénalisent mécaniquement le report modal en générant un surcoût de pré- ou post-acheminement routier et amont (ou en aval) du parcours fer.

* 207 D'après la DGITM, les crédits prévus pour les opérations relatives à la desserte des ports ont été majoritairement intégrées au sous-volet ferroviaire, qui représente environ 185 millions d'euros, dont 75 millions de part État.

* 208 Pour un coût estimé à 25 millions d'euros d'après la DGITM.

* 209 Réponse écrite au questionnaire de la mission d'information.

* 210 D'après la LOM, « Avec cette programmation, les investissements doivent ainsi permettre de mettre en oeuvre des logistiques massifiées et durables au coeur des agglomérations, de soutenir le développement de nos ports et d'élargir leur hinterland par des connexions ferroviaires et fluviales performantes et par ailleurs de renforcer l'efficacité des offres ferroviaires et fluviales sur le territoire. ».

* 211 4F, Ibid

* 212 Inscrite à l'action 45 du Programme 203 «Infrastructures et services de transport ».

* 213 Commission européenne, octobre 2019, Aide d'État SA.53158 (2019/N) - France - Prolongation du régime d'aide à l'exploitation de services réguliers de transport combiné au mode tout routier pour la période 2018-2022.

* 214 Contribution écrite relative à la compétitivité des ports.

* 215 Environ 45 euros par conteneur au Havre et à Marseille.

* 216 Comme évoqué plus haut, cette problématique ne se limite toutefois pas à l'échelle locale des ports.

* 217 Réponse écrite au questionnaire de la mission d'information.

* 218 Roland Blum, mars 2010, « La desserte ferroviaire et fluviale des grands ports maritimes ».

* 219 14 jours à Dunkerque, 5 jours à Fos, 4 jours au Havre d'après VNF.

* 220 Article 178 de la LOM.

* 221 Article L. 4311-8 du code des transports.

* 222 Notamment dans les territoires situés sur le long du futur Canal Seine-Nord Europe, dans les territoires situés en périphérie de la métropole parisienne et de la métropole Aix-Marseille-Provence, dans les régions Nouvelle-Aquitaine, Pays-de-la-Loire et Centre.

* 223 Cet effort d'investissements devrait s'appuyer sur un diagnostic national des besoins en matière de desserte des places portuaires (fer, fleuve, route) et comporter un volet dédié à la rénovation des lignes capillaires fret, en priorité pour les lignes nécessaires à l'exportation des céréales françaises.

* 224 Rapport d'information n° 345 (1997-1998) de Philippe Marini. Les actions menées en faveur de la politique maritime et littorale de la France.

* 225 Cet observatoire résulte d'une décision du Comité interministériel de la mer de 1996.

* 226 Article R. 5341-48 du code des transports.

* 227 Ce règlement s'applique à différents services portuaires : soutage, manutention, lamanage, services passagers, collecte des déchets d'exploitation des navires et des résidus de cargaison, pilotage, remorquage. Conçu pour s'appliquer aux ports du réseau central, les États membres peuvent également décider de l'étendre aux ports du réseau global. Le règlement distingue des exigences minimales applicables à la fourniture de ces services ainsi que des obligations de service public. En particulier, le règlement permet à l'autorité portuaire d'exiger la disponibilité du service portuaire concerné, à tous les postes d'amarrage et sans interruption, de jour comme de nuit, tout au long de l'année pour tous les utilisateurs, soit au titre des exigences minimales, soit au titre des obligations de service public. La limitation du nombre de prestataires est possible mais doit reposer sur des éléments objectifs comme par exemple la nature du trafic ou les caractéristiques de l'infrastructure portuaire. Les autorités portuaires peuvent également décider de fournir le service portuaire elles-mêmes.

* 228 Il est prévu par décret de doter la DGITM de pouvoir d'injonction pour qu'elle puisse exercer pleinement son rôle d'autorité compétente, et obtenir les informations nécessaires de la part des opérateurs en cas de plainte, comme le prévoit le règlement. Le règlement ne fixe pas d'exigence particulière vis-à-vis de cette autorité, à la différence de la procédure prévue à l'article 16 qui doit assurer une séparation fonctionnelle avec les gestionnaires de port.

* 229 La mission IGF-CGEDD recommande de prévoir : un pouvoir de sanction dans le cas d'une procédure en manquement concernant notamment les règles applicables aux redevances de services et d'infrastructures portuaires et les litiges relatifs aux exigences minimales et obligations de service public, un pouvoir de contrôle a priori des conventions de terminal et une mission générale d' observation des conditions d'accès aux infrastructures. Dans ses réponses au questionnaire de la mission, l'IGF indique que « ce renforcement devrait s'articuler autour de quatre axes : (i) l'élaboration d'une stratégie de compétitivité de place portuaire par les GPM, (ii) la soumission à l'approbation du conseil de surveillance de la signature des conventions de terminal et la présentation à ce conseil d'un compte rendu annuel relatif à l'exécution de ces conventions, (iii) l'amélioration de l'encadrement national des conventions de terminal et la généralisation et la meilleure utilisation des indicateurs de performance ».

* 230 Dans cet objectif, une modification de l'article L. 5342-1 du code des transports serait nécessaire, de même que la partie réglementaire (article D. 5342-1).

* 231 Article L. 5331-9 du code des transports.

* 232 Règlement (UE) n° 651/2014 : les investissements publics dans les ports maritimes bénéficient d'un régime d'exemption de notification des aides d'État dont le seuil varie l'appartenance à un corridor du RTE-T. Les aides peuvent prendre en charge les coûts, y compris d'études et de planification, des investissements dans la construction, le remplacement ou la modernisation d'infrastructures portuaires et d'infrastructures d'accès. Quatre seuils de notification s'appliquent par type de port et par référence aux corridors du RTE-T, définis par le règlement (UE) n° 1315/2013 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2013.

* 233 Couplé à une évolution du périmètre de charges compensées par l'État (voir II B2), ce plan de relance permettrait de sécuriser la trésorerie des ports et d'amorcer une nouvelle phase d'investissements.

* 234 Les opérations de dragage et de gestion des sédiments par immersion (technique du clapage, par exemple) sont encadrées par des autorisations ou des procédures de déclaration réalisées en application de la police de l'eau (articles L. 214-1 à L. 214-6 du code de l'environnement). À l'heure actuelle, 90 % des sédiments dragués sont aujourd'hui immergés.

* 235 Article R. 5313-69 du code des transports : l'État supporte les frais de l'entretien et de l'exploitation des écluses d'accès, de l'entretien des chenaux d'accès maritimes, de la profondeur des avant-ports et des ouvrages de protection contre la mer. Article R. 5313-73 : le port assure aux frais de l'État des dépenses relatives aux engins de dragage (acquisition, entretien, réparations, amélioration, renouvellement).

* 236 CGEDD, CGEF, Répartition entre les grands ports maritimes et la dotation de l'État affectée aux travaux de dragage, d'entretien et d'exploitation de certains ouvrages dans les grands ports maritimes , Rapport à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat et au ministre des finances et des comptes publics, juillet 2016.

* 237 Au titre du programme 226 (2008), de l'action 11 du programme 203 (2009-2017) et de l'action 42 du programme 203 (2018-2019).

* 238 Ces dépenses sont distinctes de celles liées aux infrastructures portuaires (CPER et hors CPER) qui représentent 688 millions d'euros au total sur la période considérée.

* 239 Dans le prolongement de cette annonce, le CIMer 2019 prévoit (mesure 4) que « le périmètre des charges non commerciales, pour partie compensées par l'État, sera progressivement élargi aux dépenses de personnel en matière de capitainerie, aux frais de personnel des agents de sûreté portuaire, aux équipements liés à la sécurité et à la sûreté portuaires et aux dépenses liées à la gestion d'espaces du domaine portuaire classés » et que « l'État continuera à compenser la totalité des dépenses de dragage mais n'a pas vocation à compenser la totalité des charges régaliennes supportées par les GPM ».

* 240 François Philizot, dans son rapport au Premier ministre sur l'axe Seine, indiquait que les compétences régaliennes représentaient au Havre et à Rouen de l'ordre de 70 à 75 millions d'euros en 2016, produisant de l'ordre de 7 % des recettes pour 22 % des charges : « La couverture des charges régaliennes est la question qui pèse le plus lourd financièrement. C'est un domaine qui ne se limite pas au dragage mais inclut également les ouvrages de protection contre la mer, les capitaineries, la police portuaire ou certaines fonctions environnementales. Plutôt que de rechercher une solution dans un accroissement de la dotation budgétaire du programme 203, il serait sans doute préférable de privilégier un mécanisme tel qu'un crédit d'impôt, puisque les ports seront désormais éligibles à l'impôt sur les sociétés ».

* 241 Par exemple, la mission IGF-CGEDD relève un besoin d'optimisation des modalités de réalisation du dragage et souligne une hétérogénéité des prix, un taux d'utilisation effectif des dragues qui pourrait être plus élevé.

* 242 En juillet 2017, la Commission européenne a demandé à la Belgique et à la France d'abolir les exemptions de l'impôt sur les sociétés accordées à leurs ports, de manière à aligner leurs régimes fiscaux sur les règles de l'UE en matière d'aides d'État. Selon la Commission, les bénéfices des opérateurs portuaires doivent être taxés selon les lois nationales normales relatives à l'impôt sur les sociétés afin d'éviter des distorsions de concurrence.

* 243 Décision n° 374807, 8 ème / 3 ème sous-sections réunies, 2 juillet 2014.

* 244 https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/IP_19_241 .

* 245 Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.

* 246 Dans sa décision, le Conseil d'État considère que l'existence de « différences substantielles » entre la catégorie des ports autonomes visés dans la décision interministérielle du 11 août 1942 et celle des grands ports maritimes créés par la loi du 4 juillet 2008 ne permet à ces derniers de bénéficier de l'exonération.

* 247 Pour l'axe Seine, le coût de la taxe foncière était estimé à 8 millions d'euros par an mais pourrait rapidement s'accroître en fonction de la méthode d'évaluation retenue selon le rapport Philizot.

* 248 Élément de complexité supplémentaire, tous les biens de l'État dont le transfert aux GPM était prévu par la loi de 2008 ne l'ont pas été, entraînant l'apparition de plusieurs contentieux

* 249 Article 1498 du code général des impôts. La méthode d'évaluation de la valeur locative des locaux commerciaux et biens divers se fonde soit sur la valeur ressortant de la location des biens concernés à des conditions de prix normales, soit de la comparaison avec un immeuble type ou similaire, soit d'une appréciation directe.

* 250 Article 1499 du code général des impôts. La valeur locative des établissements industriels est déterminée selon la méthode dite comptable, en appliquant au prix de revient de leurs différents éléments, revalorisé à l'aide de coefficients, des taux d'intérêts fixés par décret en Conseil d'État.

* 251 Certains établissements évalués aujourd'hui selon la méthode des locaux commerciaux pourrait se voir reconnus le caractère d'établissement industriel, avec à la clé des redressements.

* 252 Lors du CIMer 2019, l'État a pris l'engagement (mesure 2) de stabiliser le régime des taxes foncières sur les propriétés bâties en établissant une liste consolidée des types de biens immobiliers non productifs de revenus exonérés de taxe foncière ; et adoptera des méthodes d'évaluation garantissant la plus grande prévisibilité dans le temps pour l'ensemble des ports.

* 253 Articles 1394 et 1382 du code général des impôts.

* 254 Article 1388 septies du code général des impôts.

* 255 BOI-IF-TFB-10-50-15-10-20190522 .

* 256 BOI-IF-TFNB-10-40-10-100-20190522 .

* 257 Article 1501 du code général des impôts.

* 258 Plusieurs bâtiments sont exonérés de TFPB, notamment les constructions nouvelles, les reconstructions et additions de construction (pour une durée de deux ans).

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