B. UN DÉFAUT DE PILOTAGE DE LA POLITIQUE OU TOUT AU MOINS UN PILOTAGE ILLISIBLE

Le défaut de pilotage fragilise cette politique , avec, un SDFE qui n'est pas une vraie administration centrale, un réseau déconcentré affaibli, et une politique publique souvent « fondue » dans des dispositifs de droit commun .

1. Un problème de pilotage au niveau central et déconcentré

Ces carences dans le pilotage de cette politique pénalisent sa mise en oeuvre, avec un service central peu outillé et un réseau déconcentré fragilisé. Pour les associations auditionnées, « il est compliqué de comprendre qui pilote la politique d'aide aux femmes victimes de violence, avec des initiatives locales par des chargées départementales de l'État qui sont un peu freelance. Le pilotage n'est pas lisible ».

L'impulsion au niveau central n'est pas suffisante, pour les raisons identifiées plus haut, et ne permet pas un pilotage du réseau déconcentré satisfaisant. Par ailleurs, l'absence de lien hiérarchique ou de règles de répartition de travail entre les directrices régionales et les déléguées départementales n'est pas optimale et occasionne parfois le risque de confusion ou de discours divergents entre ces deux échelons.

Les outils de pilotage semblent insuffisamment développés . Les commissions départementales d'action contre les violences faites aux femmes, mises en place par voie de circulaire en 1989, n'existent plus depuis 2006 et les associations regrettent qu'elles soient aujourd'hui « noyées » dans d'autres structures, parfois peu « vivantes ».

En outre, les rapporteurs spéciaux ont mis en lumière des failles dans la communication du Gouvernement . Les opérations de communication ont certes permis de mettre en lumière cette politique, mais elles masquent souvent une réalité sur le terrain bien différente. L'exemple « du milliard d'euros » ou des « taux de satisfaction » annoncés à la suite de l'audit dans les gendarmeries et les commissariats sont ainsi révélateurs. Les rapporteurs spéciaux réitèrent leur souhait de voir une communication gouvernementale plus transparente et fidèle à la réalité du terrain et des crédits. Il s'agit d'une condition pour une relation de confiance entre le Gouvernement et les structures associatives, qui sont les piliers indispensables de cette politique publique.

Néanmoins, les rapporteurs spéciaux reconnaissent les efforts, en particulier du SDFE pour améliorer ce pilotage défaillant, concernant notamment les relations entre le niveau central et déconcentré. Ainsi, les démarches de dialogue de gestion entre niveau central et déconcentré, afin de fixer les enveloppes régionales, sont à saluer et à renforcer. Ce sont 71 % des crédits du programme 137 qui sont déconcentrés et répartis entre les directions régionales aux droits des femmes, à l'issue de dialogues de gestion.

De même, les rapporteurs spéciaux ne peuvent qu'encourager la mise en oeuvre d'outils et d'échanges entre les deux niveaux d'administration . Ils comprennent que le SDFE essaye d'être en appui et animation sans vouloir être trop prescriptif, au vu de la fragilité des effectifs. Mais ils estiment souhaitable de trouver un juste équilibre car il y a également nécessité d'impulser et d'homogénéiser la politique sur tout le territoire.

2. Une politique « fondue » dans les autres politiques publiques

A défaut de dispositifs spécifiques, des moyens de droit commun sont utilisés pour cette politique , au risque de ne pas prendre en compte la spécificité du problème. C'est ainsi le cas pour la formation, l'hébergement, les dispositifs d'écoute etc.

L'exemple du 39.19 est éclairant , cette ligne téléphonique qui « a explosé » durant le confinement repose sur la Fédération nationale Solidarité Femmes et des écoutantes formées. Avec le lancement d'un marché public pour sa généralisation 7j/7 et 24h/24, prévue dans le cadre du Grenelle, le risque est grand, selon les associations, que les prestataires ne soient pas spécialisés et formés à la question de la lutte contre les violences faites aux femmes.

De même, les places d'hébergement pour les femmes victimes de violence sont souvent des places généralistes et non spécialisées . Dans le cadre du Grenelle, la création de 1 000 places avait été annoncée. À l'issue d'un appel à projets lancé, seront créées 342 places en hébergement d'urgence généralistes et 675 places permises par l'allocation de logement temporaire (ALT). L'appel à projets prévoyait un coût moyen de 25 euros : un montant insuffisant, selon les associations, pour une prise en charge adaptée qui nécessiterait une dépense de 40 à 50 euros la place. Ces places représentent un coût estimé, pour 2020, de 5 millions d'euros, qui n'ont pas été budgétés, en loi de finances initiale.

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