CONCLUSION GÉNÉRALE

Le temps presse. Notre BITD a vaillamment fait face à la crise sanitaire. Il faut maintenant l'aider à surmonter la crise économique. Parce qu'il s'inscrit dans la durée, parce que les menaces paraissent parfois lointaines, l'effort de défense est souvent le grand sacrifié des périodes de disette budgétaire. Il est indispensable d'éviter cet écueil dans les mois qui viennent, car si nous sommes distancés maintenant, nous ne remonterons pas notre retard.

La relance et la consolidation de notre BITD doivent s'appuyer sur deux piliers : le dynamisme des commandes publiques, aussi bien pour la R&D que pour la production ; et la mise en place d'outils adéquats pour financer le développement des entreprises (fonds stratégique d'une part ; et dispositifs permettant d'autoriser les prises de participation étrangères en préservant notre souveraineté).

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées entend se mobiliser avec détermination sur ces deux piliers.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 8 juillet 2020, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, présidée par M. Christian Cambon, président, a procédé à l'examen du rapport d'information de MM.  Pascal Allizard et Michel Boutant sur le financement de la BITD (base industrielle et technologique de défense).

M. Pascal Allizard, co-rapporteur de la mission d'information . - Chargés par notre commission d'examiner le dossier Photonis et, plus largement, la situation des PME et ETI innovantes susceptibles d'être rachetées par des actionnaires étrangers, Michel Boutant et moi-même avons été retardés dans nos travaux par le confinement. Nous avons élargi le champ de notre réflexion à la situation de la Base industrielle et technologie de défense (BITD), à la lumière de l'audition d'une quinzaine de responsables de grands groupes comme de PME et d'ETI. Nous avons également entendu, au titre du ministère des armées, le délégué général pour l'armement et le directeur de l'Agence de l'innovation de défense (AID).

Ce travail me laisse un sentiment ambigu : d'une part, le choc de la crise sanitaire et du confinement a permis de mesurer la résilience et la détermination des acteurs de notre BITD ; d'autre part, nous sommes dans l'oeil du cyclone - ce sera le titre de notre rapport - et, sur bien des plans, le plus difficile reste à venir...

Si elle abrite un savoir-faire et une excellence technologique indiscutables, notre BITD peine à se financer. Il y a plusieurs raisons à cela : son financement provient, d'abord, de la vente de ses produits sur deux marchés : les commandes d'État et les exportations. La loi de programmation militaire (LPM) prévoit une trajectoire ascendante pour les commandes destinées à nos forces : 1,7 milliard d'euros supplémentaires par an jusqu'en 2022, puis 3 milliards d'euros supplémentaires par an jusqu'en 2025. La progression bénéficie aussi au financement des programmes d'études amont, qui doit passer d'un peu plus de 720 millions d'euros en 2018 à 1 milliard d'euros à partir de 2022. Nous avons déjà exprimé, lors de la discussion de la LPM, les inquiétudes que nous inspire cette trajectoire, qui reporte le plus gros de l'effort après l'élection présidentielle de 2022. Le contexte actuel n'est pas rassurant de ce point de vue...

Pourtant, il est indispensable que l'État maintienne son effort, et surtout le garantisse dans la durée, car les entreprises de la BITD s'inscrivent dans le temps long : si nous réduisons l'effort aujourd'hui, nous n'en verrons certes pas les effets avant deux ou trois ans, mais, quand la machine ralentira, il sera impossible de la redémarrer, surtout dans le contexte de concurrence internationale. D'après les ingénieurs, lorsqu'on cesse de travailler sur une technologie pendant un certain temps, il faut deux fois plus de temps pour se remettre à niveau...

Il nous faut donc faire oeuvre de pédagogie envers l'opinion publique, car, devant les besoins de l'ensemble de la société et dans une période très difficile pour les finances publiques, la tentation sera forte de couper dans les dépenses de défense. Ce serait une terrible erreur, car nous ne rattraperions pas le retard pris. Nos concurrents et nos adversaires ne vont pas nous attendre !

En ce qui concerne les marchés d'exportation, il faut avoir le courage d'éclairer le débat public de quelques données économiques. Le marché national ne suffisant pas à amortir les coûts de développement des matériels, si nous voulons pour nos forces un équipement au meilleur niveau, il nous faut soit doubler notre effort d'investissement, soit accepter que nos entreprises gagnent des marchés à l'étranger.

Là aussi, le contexte est défavorable, entre la remise en cause de plus en plus fréquente de ces exportations dans l'opinion publique et les médias, en raison de la crainte que les matériels français ne soient utilisés à mauvais escient, et les difficultés des clients, frappés comme nous par la crise économique consécutive à la pandémie.

En plus de ces deux sources de financement, il y a le capital-risque et le capital-développement.

Comme nos collègues Cédric Perrin et Jean-Noël Guérini l'ont souligné l'année dernière dans leur rapport sur l'innovation de défense, il existe, en plus du crédit d'impôt recherche, une variété de dispositifs spécifiques aux entreprises de défense : Astrid et Astrid Maturation, Rapid et le fonds Définvest, destiné à consolider le capital des PME et ETI innovantes.

Tous ces dispositifs sont utiles, mais loin d'être suffisants. Nos auditions ont fait apparaître le manque d'un réel outil de soutien au capital-développement : un ou plusieurs fonds stratégiques, ayant vocation à prendre des participations significatives dans des PME et ETI innovantes, pour aider à boucler les tours de table et garder l'actionnariat en France.

Plusieurs raisons expliquent cette carence.

D'abord, il faudrait une impulsion supplémentaire de l'État - pas seulement financière. Or l'État explique qu'il a conscience du problème, mais, lorsqu'un dossier comme Photonis se présente, il en est réduit à demander à de grands groupes industriels de prendre le relais... C'est à la fois un aveu de faiblesse et l'expression d'une incompréhension des logiques industrielles, car ce n'est pas en la faisant absorber par un grand groupe qu'on aide une PME innovante à se développer.

Encore plus parlant est l'exemple, très actuel, d'Aubert et Duval, société spécialisée dans la métallurgie des alliages à très hautes performances et que son propriétaire, Eramet, souhaite vendre. Aubert et Duval fournit de très nombreuses entreprises de la BITD, au bénéfice de nos trois armées. Il s'agit chaque fois de petites quantités de pièces très spécifiques, de sorte qu'aucun client n'a un intérêt industriel direct à racheter la société ; mais tous seraient en difficulté si l'entreprise disparaissait. C'est le cas d'école où il faudrait le coup de pouce facilitateur d'un investisseur stratégique, par exemple dans le cadre d'un fonds mêlant crédits publics et privés, pour assurer une stabilisation pérenne de l'actionnariat.

L'AID, sur l'impulsion de la ministre des armées, travaille depuis six mois à un nouveau fonds de ce type, qui s'appellerait Définnov. C'est un pas dans la bonne direction, mais un pas modeste, car ce fonds n'est pas encore opérationnel et la taille envisagée est insuffisante. On parle d'un fonds de 200 millions d'euros, capable d'apporter jusqu'à 20 millions d'euros par opération ; à titre de comparaison, dans le dossier Photonis, l'américain Télédyne aurait proposé 510 millions d'euros... Ce n'est pas avec 20 millions d'euros qu'on inversera la vapeur !

Le comité de liaison « Défense - Medef » réfléchit à un dispositif de même inspiration. Sans doute faudrait-il que ces initiatives convergent et se renforcent, dans l'optique d'alliances stratégiques entre capitaux publics et privés français.

Enfin, nous devons renforcer les outils permettant de dissocier possession du capital et direction stratégique, en nous inspirant du Special Security Agreement en vigueur aux États-Unis ; ce mécanisme autorise l'arrivée de capitaux étrangers, même majoritaires, pour financer le développement d'une entreprise, tout en assurant un contrôle stratégique des technologies critiques.

M. Michel Boutant, co-rapporteur de la mission d'information . - Il faut bien mesurer les circonstances exceptionnelles que connaît aujourd'hui la BITD. Ne sous-estimons pas la gravité de la situation !

On pourrait avoir l'impression que la situation est moins critique dans le secteur militaire que dans certains secteurs civils - transport aérien, tourisme ou automobile.

Ce sentiment de grande résilience vient, d'abord, de l'effort considérable que les entreprises de la BITD ont fourni, en liaison avec la Direction générale de l'armement (DGA) et les armées, pour assurer deux priorités absolues : l'absence d'impact du confinement sur la posture de dissuasion et la continuité du soutien aux opérations en cours. Ces objectifs ont été atteints, mais il ne faut pas sous-estimer l'effort que cela a nécessité.

Si, par le passé, nous avons parfois critiqué la DGA pour son manque de réactivité, il faut reconnaître que, cette fois, elle a fait preuve d'une réactivité très grande, de même que l'AID.

Ensuite, l'importance des commandes d'État empêche de mesurer d'emblée les conséquences de la crise. Contrairement à certains acteurs privés, l'État n'a pas cessé ses activités, ni fait défaut dans ses paiements - au contraire, il a accéléré les procédures. De même, aucune commande en cours n'a été renégociée ou annulée. Le temps de latence est donc un peu plus long entre la crise sanitaire et économique et sa traduction dans le champ des marchés d'armement.

En réalité, la situation est préoccupante. Paradoxalement, une des difficultés les plus importantes tient à une caractéristique souvent présentée comme une force : l'activité duale, civile et militaire, de beaucoup de nos entreprises.

Si certaines entreprises de la BITD n'ont que très peu d'activités civiles - Nexter, Arquus, Naval Group -, elles sont nombreuses à opérer à la fois dans le civil et le militaire, en particulier dans l'aéronautique.

Mes chers collègues, il faut prendre conscience de l'extraordinaire gravité de la crise que traverse le secteur aéronautique. Au plus fort de la crise, sur 21 000 gros porteurs dans le monde, 14 000, soit les deux tiers, ont été cloués au sol ! Alors que les précédentes crises du transport aérien, liées notamment au 11 septembre 2001 et au SRAS, avaient entraîné une réduction annuelle de trafic de l'ordre de 5 %, on estime que le trafic aérien reculera en 2020 de 50 % - un impact dix fois plus violent... Il est évident que de nombreuses compagnies aériennes n'y survivront pas, ce qui aura des conséquences très graves pour la construction aéronautique ; les mesures annoncées par Airbus le montrent bien.

Là encore, ne nous laissons pas tromper par l'effet de latence. Lorsque les avions sont cloués au sol, il y a défaut de recettes, mais aussi diminution très forte des coûts d'exploitation. Lorsque l'exploitation reprend, les passagers sont moins nombreux dans un premier temps, alors que les coûts d'exploitation remontent très vite. Les compagnies aériennes risquent alors de se retrouver dans une phase extrêmement dangereuse pour elles : le second semestre de 2020 sera sans doute beaucoup plus difficile que le premier...

J'insiste sur ce point, parce que du fait du caractère dual de beaucoup d'entreprises de la BITD, en particulier dans l'aéronautique, cela va avoir des conséquences, non seulement sur le secteur civil, mais aussi sur les activités de défense. La plus grande entreprise de défense européenne, Airbus Defence and Space, réalise 70 % de son chiffre d'affaires dans le civil.

Dans des circonstances normales, la dualité d'activité permet de lisser les éventuelles fluctuations dans un secteur, mais dans le cas présent, le choc sur les activités civiles et sur l'économie en général est si puissant qu'il peut menacer l'activité de défense.

J'en viens maintenant à la question du financement des entreprises, plus particulièrement du financement bancaire.

Lors de nos auditions, notre attention a été portée sur le peu d'appétence des banques pour les activités de défense - secteurs qui nécessitent des investissements de long terme -, du fait notamment de l'influence des lobbies. De plus, les banques ont en la matière une conception très extensive de la conformité à la réglementation bancaire, la compliance.

Cela pose une question politique : les banques ne veulent pas pleinement assumer leur fonction économique en finançant le développement des entreprises de souveraineté. Pourtant, elles ont su faire appel à l'État lorsqu'elles étaient fragilisées par la crise de 2008. Cette situation nous interpelle d'autant plus que chez nos voisins allemands, le secteur bancaire finance pleinement l'activité économique, en particulier l'industrie.

En conclusion de ce travail, nous souhaitions souligner l'importance pour l'avenir de notre BITD des trois prochains rendez-vous. Le premier est le plan de relance, que le Gouvernement devrait présenter après l'été. Il est indispensable que ce plan comporte un volet spécifique pour la BITD. Le deuxième rendez-vous est le projet de loi de finances pour 2021. Il devra tenir la trajectoire de la loi de programmation militaire (LPM). Le troisième est l'actualisation de la LPM en 2021. Malgré la situation très difficile des finances publiques, il faudra avoir le courage d'aborder cette actualisation avec une réelle ambition pour notre défense et notre souveraineté.

M. Cédric Perrin, président . - Il est fondamental que la BITD soit prise en compte dans le plan de relance. Dans un précédent rapport, Jean-Noël Guérini et moi-même avions largement mis en cause le financement de l'innovation dans la défense, que nous jugions alors trop complexe et mal adapté. Nous avions mis en évidence l'angle mort que constitue le non-financement des démonstrateurs et du passage à l'échelle.

L'AID et le ministère de la défense ont lancé Définnov, un fonds d'investissement souverain visant à soutenir la croissance et le développement des start-up. Qu'en est-il à ce jour ?

M. Pascal Allizard, co-rapporteur . - En janvier 2020, la ministre de la défense et des forces armées, que j'interrogeais sur Définnov, m'avait répondu que l'AID travaillait à la mise en place de ce nouveau fonds. Lors de son audition le 9 juin dernier, le directeur de l'AID nous a confirmé que ce projet était bien en cours de développement. D'un montant d'environ 200 millions d'euros sur cinq ans, Définnov sera doté d'une enveloppe représentant quatre fois l'enveloppe actuelle de Définvest. La mise en place de ce fonds avance, mais il n'est pas encore opérationnel à ce jour.

Sur les dossiers qui se présentent aujourd'hui, les montants ne sont pas à la hauteur des enjeux. Les règles de compliance qui se resserrent posent un vrai problème. Nous devons faire converger les efforts du privé et du public pour éviter des situations comme celles de Photonis ou d'Aubert et Duval.

M. Olivier Cadic . - J'ai été confronté à la question des technologies duales pour la première fois dans les années 1990, quand nous avons lancé le Charles-de-Gaulle. Nous nous étions rendu compte que les caméras embarquées sur les avions de guerre américains, qui coûtaient 1,5 million de dollars, étaient moins performantes que les caméscopes Sony vendus moins de 1 000 euros. Le coût du développement pour la défense justifie parfois de faire appel au civil.

Je félicite les co-rapporteurs pour la façon dont ils ont séquencé ce dossier. Concernant le dossier Photonis, lors d'une audition récente, Agnès Pannier-Runacher a affirmé qu'en matière d'investissements étrangers en France (IEF), l'absence de décision entraînait le retrait du projet. « Je ne vous fais pas de dessin », a-t-elle ajouté. S'il n'y a pas de réponse au bout de deux mois, il ne peut normalement y avoir de prolongation, mais sous le manteau, des accords sont peut-être en cours de négociation avec Télédyne...

Ce type de dossier ne peut se traiter qu'au niveau européen, car nous n'avons pas la taille critique. Il faut toutefois que nous soyons leader et que nous agissions avec la Direction générale de l'armement, la DGA.

Quoi qu'il en soit, ma question sur ce dossier est la suivante : l'absence de décision vaut-elle acceptation par Bercy ou non ?

M. Michel Boutant, co-rapporteur . - Le responsable de Photonis, que nous avons reçu, estime que le rachat par un grand groupe serait la pire des solutions. Je ne sais si l'absence de décision vaut acceptation, mais il est clair que nous sommes dans une période très incertaine.

S'agissant des activités duales, j'ai tendance à penser qu'il faut nous interroger sur l'apport des industries de défense pour le civil. Or on m'a souvent répondu qu'à l'exception du GPS, c'est plutôt la défense qui puise dans le civil les applications dont elle a besoin pour se développer que l'inverse.

M. Olivier Cadic . - La procédure IEF dure deux mois. Elle a été suspendue jusqu'au 23 juin du fait de l'état d'urgence sanitaire et arrivera à terme le 31 juillet. Si nous n'agissons pas, le dossier risque de nous échapper. Nous devons contraindre Bercy à refuser l'investissement de Télédyne au bénéfice d'autres solutions financières.

Mme Hélène Conway-Mouret . - Je remercie nos collègues pour cet excellent rapport. Fin avril, le niveau d'activité de l'industrie était à 75 %, avec 30 % en présentiel et 30 % en télétravail. Un plan de rattrapage des livraisons pour se conformer aux objectifs de la LPM a été défini en mai. Il prévoit la remise à niveau capacitaire à la fin de l'année 2021. Qu'en est-il à ce jour ? Toutes les livraisons seront-elles honorées ? Si ce n'est pas le cas, les crédits que nous avons votés pour 2020 ne seront pas dépensés.

Quels sont les bénéficiaires prioritaires du plan de relance ? Alors que le contexte de concurrence devrait s'exacerber au niveau européen et international, quelles en sont les déclinaisons pour les industries de défense ? En 2008, une période de disette avait suivi d'importants investissements, le budget de la défense ayant servi de variable d'ajustement.

M. Olivier Cigolotti . - Je remercie nos collègues Pascal Allizard et Michel Boutant pour cet excellent rapport, dans lequel ils rappellent que la santé des entreprises françaises constituant la BITD est essentielle pour l'autonomie stratégique de nos forces armées. Ces entreprises sont certes constituées de grands groupes, comme Nexter ou Arquus, mais aussi d'entreprises de taille intermédiaire, que la crise due à la covid-19 a durement frappées, tant en matière d'approvisionnement qu'en termes de capacité de production.

Savez-vous si le Gouvernement a véritablement la volonté de rattraper le retard enregistré par ces sociétés d'ici la fin 2021 ? La livraison des véhicules Jaguar et Griffon est prévue à cet horizon ? Sera-t-elle conforme au calendrier initial ?

M. Michel Boutant, co-rapporteur . - Certaines entreprises françaises nous ont en effet alertés sur de possibles retards, mais elles ne nous ont pas semblé préoccupées pour autant. Elles considèrent que les livraisons prévues seront étalées sur les deux années à venir. Cela étant, l'arrêt brutal de l'activité pendant plusieurs semaines a été durement ressenti d'autant que, dans le même temps, nos voisins et concurrents, notamment l'Allemagne, ne se sont pas arrêtés, ce qui les conforte. La situation de Nexter en particulier appelle l'attention, car son concurrent allemand met les bouchées doubles en matière d'exportations.

M. Pascal Allizard, co-rapporteur . - Les livraisons prévues reprennent et les facturations se font. La DGA et les grands donneurs d'ordres ont parfaitement joué leur rôle durant la crise, y compris celui de soutien financier aux sous-traitants les plus fragiles pour éviter les défaillances. Demeure une inquiétude sur le risque de défaillance des plus petites entreprises. Des réflexions sont en cours pour envisager un éventuel regroupement des plus petites entités. L'objectif est que la situation soit assainie d'ici la fin 2021.

Mme Hélène Conway-Mouret . - Doit-on s'attendre à une sous-consommation des crédits ?

M. Pascal Allizard, co-rapporteur . - Oui, c'est tout à fait possible pour 2020, mais nous n'avons aucun élément le certifiant pour le moment. Cela étant, tous les programmes prévus sont maintenus et l'objectif est que tout soit facturé et payé au plus tard d'ici la fin de l'année prochaine.

S'agissant du plan de relance, je préfère botter en touche, dans la mesure où nous ne disposons d'aucune information. Il faudra en tout cas rester vigilant sur ce point.

Nous avons auditionné le président de Photonis : le délai de préemption court encore, ce qui est plutôt positif. Pour autant, la deadline approche et il va bel et bien falloir donner une réponse. D'après nous, il faudrait pousser le Gouvernement à dire non et, dans cette hypothèse, envisager une alternative en travaillant notamment sur la gouvernance des entreprises de défense, afin de séparer le contrôle capitalistique de la stratégie. D'après ce que je sais, il semble que la tendance soit a priori à un veto de l'État.

Nous avons également auditionné les dirigeants des grands groupes du secteur pour faire un point à la fois sur la situation de leurs entreprises et sur le dossier Photonis : il est clair qu'aucun d'entre eux n'est intéressé par un rachat. De toute façon, mettre un tel groupe sous la dépendance stratégique et industrielle d'un grand opérateur français a tout de la fausse bonne idée, car cela reviendrait à le mettre en difficulté vis-à-vis de ses clients à l'export.

Reste qu'il faut trouver une solution, qui passera sans doute par l'organisation d'un tour de table avec des entreprises du secteur privé. Sur cet aspect, nous partageons l'analyse d'Olivier Cadic.

M. Christian Cambon . - Je remercie à mon tour Michel Boutant et Pascal Allizard pour le travail qu'ils ont accompli dans des conditions très difficiles.

Michel Boutant nous quittera en effet prochainement. Il illustre parfaitement notre assemblée, il fait partie de ces femmes et de ces hommes qui ne cherchent pas la lumière et qui réalisent un travail de fond et de qualité, véritable signature et originalité du travail sénatorial. Il est l'auteur aujourd'hui d'un dernier rapport, qui n'est pas le moins important pour notre industrie de défense.

M. Cédric Perrin, président . - La commission doit rester vigilante sur deux points majeurs.

Tout d'abord, face à la poussée écologiste lors des dernières élections, il faudra veiller à ce que l'exécutif ne sacrifie pas notre effort en matière de défense. Ce secteur représente à 75 % de l'investissement direct de l'État. Il faut à tout prix éviter qu'une relance keynésienne vienne surtout profiter aux industries de pays étrangers qui importent vers la France et travailler sur la souveraineté française.

Ensuite, vous avez été nombreux à exprimer votre confiance envers la DGA. J'ai pour ma part le souvenir que certains d'entre nous avons à plusieurs reprises interpellé Joël Barre, parce qu'il ne voulait pas reconnaître certaines entreprises comme souveraines ou stratégiques. Compte tenu des difficultés que rencontreront certaines sociétés dans les mois à venir, il faudra rester vigilant sur le soutien qu'on leur fournit : ce n'est pas parce qu'elles ne sont pas considérées comme stratégiques par la DGA qu'elles ne sont pas importantes ou ne représentent pas des milliers d'emplois.

M. Pascal Allizard, co-rapporteur . - Je suis complètement d'accord. J'ajoute que les projets de défense mis en place au niveau européen représentent des financements qui, même si l'enveloppe évoquée pour le Fedef varie quasiment du simple au double, sont toujours bons à prendre. Cela étant, de tels projets ouvriront le marché aux entreprises de certains petits États de l'UE, et ce parfois aux dépens d'entreprises françaises. Je ne suis pas anti européen, il faut simplement avoir cette réalité en tête.

La commission adopte le rapport d'information.

La réunion est close à 11 h 50.

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