D. L'IMPLICATION DE LA COMMUNAUTÉ SCIENTIFIQUE

La communauté scientifique française et internationale s'est emparée du sujet de la pollution plastique. Les travaux des chercheurs, en forte croissance, contribuent à la structuration et à l'enrichissement d'un corpus de connaissances qui s'intéresse autant aux phénomènes liés à cette pollution, qu'à ses conséquences et ses solutions.

Le sujet de la pollution plastique a réussi à se faire une place parmi les autres enjeux environnementaux qui mobilisent l'attention et les moyens de la recherche (changement climatique et érosion de la biodiversité), très vraisemblablement en raison de l'interdépendance des sujets.

1. Une esquisse du paysage de la recherche académique internationale

L'exhaustivité d'une cartographie de la recherche est conditionnée autant par la superficie que par la profondeur des données disponibles.

Les informations utilisées ici ont été transmises par Stéphane Ledoux du CVT Allenvi 190 ( * ) . Elles donnent une vision de la recherche académique internationale en se focalisant sur une analyse bibliométrique des deux mots clés « plactic waste » et « microplastic ». Les résultats de cette analyse sont issus de la base bibliométrique Scorpus® Elsevier. Les publications retenues se limitent aux articles publiés depuis 1970, en langue anglaise dans des revues dotées d'un comité de lecture 191 ( * ) .

La cartographie obtenue à partir de ces informations ne cherche pas l'exhaustivité. Son objectif est de produire une photographie de la recherche académique internationale permettant de souligner des éléments clés en termes de production de recherche et de thématiques associées.

a) Des recherches en forte progression depuis dix ans

Les recherches sur les déchets plastiques sont plus anciennes que celles sur les microplastiques.

S'agissant des déchets plastiques, les recherches progressent régulièrement sur la période 1980-2010. Elles explosent littéralement depuis 2010 avec une multiplication par un facteur 5 du nombre de publications : aux alentours de 500 en 2010, leur nombre tend vers 2 500 dix ans plus tard.

La cinétique des recherches sur les microplastiques est globalement identique, bien que décalée dans le temps. Constant sur la période 1970-2010 (moins de 100 publications annuelles), le nombre de publication connait une augmentation significative à partir de 2014 (quatre ans après les recherches sur les déchets plastiques) suivant une allure exponentielle (entre 2014 et 2020 le nombre de publications est multiplié par un facteur 10).

Nombre de publications par année

Source : CVT Allenvi.

b) La domination des États-Unis et de la Chine

L'effort de recherche est variable d'un pays à l'autre. Les États-Unis cumulent le plus grand nombre de publications sur les déchets plastiques (2 217 articles) et la Chine est la plus féconde sur les macroplastiques (1 787 publications).

Trois pays, les États-Unis, la Chine et l'Inde sont les leaders mondiaux des recherches sur les déchets plastiques : ils cumulent le tiers des publications produites sur le sujet.

L'Allemagne s'invite dans le trio de tête des nations les plus prolifiques en termes de recherche sur les microplastiques, après les États-Unis et la Chine. Les communautés scientifiques de ces trois pays sont à l'origine de 39 % des publications sur les microplastiques.

La comptabilisation des publications rédigées sur les deux thématiques (déchets plastiques et microplastiques) renforce la démonstration de la place prépondérante des États-Unis et de la Chine. Au coude à coude, les recherches académiques des deux pays sont à l'origine, respectivement, de 2 835 et 2 865 publications, soit un total de 5 700 publications qui représente 27 % des articles produits par la communauté scientifique internationale. L'Inde, qui se situe en troisième position, comptabilise 1 576 publications, soit presque moitié moins que les États-Unis ou la Chine.

Seize pays de l'Union européenne 192 ( * ) contribuent à 27 % des recherches sur les déchets plastiques et à 33 % de celles sur les microplastiques. En Europe, les trois nations les plus productives sont, par ordre décroissant du nombre des publications dans les deux domaines : l'Allemagne (1 181 publications), l'Italie (1 063 publications) et l'Espagne (993 publications).

La production de connaissances européenne est plus abondante que celles des États-Unis et de la Chine réunis. La recherche européenne produit en effet 13 % de connaissances en plus que les deux leaders réunis dans le domaine de déchets plastiques et 8 % en plus sur les macroplastiques. La démonstration est faite de la force apportée par la coopération des scientifiques européens quand il s'agit de rivaliser avec les nations leaders.

Nombre de publications pour les principaux pays contributeurs

Source : CVT Allenvi.

La France se classe au 9 e rang en matière de recherches sur les déchets plastiques (554 publications). Son classement est meilleur en ce qui concerne les microplastiques avec une 5 e place (278 publications). Comparativement aux États-Unis, les chercheurs français produisent quatre fois moins de connaissances sur le sujet des déchets plastiques. Le rapport est identique avec la Chine pour les recherches sur les microplastiques.

Une précaution est à associer à la présentation qui vient d'être faite. Les données utilisées ciblent uniquement les publications en langue anglaise et pour deux thématiques. Il est possible qu'un élargissement des statistiques aux publications dans la langue des pays, et à d'autres thématiques, soit de nature à infléchir certains des constats.

c) Les thèmes de recherche associés aux déchets plastiques

L'analyse des mots clés des publications scientifiques ouvre la possibilité de cartographier les thèmes des recherches sur les déchets plastiques. Pour obtenir cette représentation spatiale des sujets de recherches, le CVT Allenvi a effectué une double analyse en :

- examinant la récurrence des mots clés (tailles des bulles de la figure suivante) ;

- considérant les associations des mots clés (proximités et liaisons entre les bulles).

Cinq familles de mots clés sont mises en évidence sur la carte réalisée. Elles correspondent à cinq grandes thématiques de recherches :

- les bulles rouges regroupent les recherches sur la gestion des déchets plastiques . Le recyclage y tient une place importante ;

- les bulles vertes rassemblent les recherches sur les propriétés physiques et chimiques des plastiques ;

- les bulles jaunes correspondent aux recherches sur la valorisation énergétique des déchets plastiques ;

- les bulles bleues réunissent les recherches sur la diffusion des déchets plastique dans les compartiments environnementaux ;

- enfin, les bulles violettes représentent les recherches sur la biodégradation des plastiques . Elles se situent à l'interface entre la gestion des déchets, la diffusion des plastiques dans l'environnement et les propriétés physiques et chimiques des plastiques.

Cartographie des thématiques de recherche
à l'échelle internationale

Source : CVT Allenvi, cartographie VOSviewer.

d) Les thèmes de recherche associés aux microplastiques

De la même manière que pour les déchets plastiques, l'analyse des mots clés des publications donne un aperçu des thématiques approfondies sur le sujet des microplastiques.

Quatre thématiques de recherche sont mises en évidence par l'analyse de la récurrence et de l'association des mots clés :

- les propriétés physiques des microplastiques ;

- les impacts sur les organismes aquatiques de la pollution plastique ;

- la toxicologie des plastiques ;

- la pollution des eaux.

2. Une esquisse du paysage de la recherche académique française

La visualisation du paysage français de la recherche académique sur les plastiques nécessitait des informations complémentaires à celles du CVT Allenvi, centrées sur une vision internationale du sujet. Une enquête a ainsi été effectuée, pour les besoins du rapport, auprès des principaux établissements publics effectuant des recherches dans le domaine de l'environnement et de la santé 193 ( * ) .

L'enquête s'est limitée au périmètre de la recherche publique. Pour des raisons de moyens et de temps disponible, il n'a pas été possible de garantir la parfaite exhaustivité des laboratoires inventoriés (en menant par exemple des investigations complémentaires auprès des universités susceptibles d'intervenir sur le sujet, en dehors de cadres partenariaux avec les organismes de recherche). Il s'agit sans doute d'une limite qui mériterait d'être corrigée. Nonobstant cette zone d'ombre, les données rassemblées permettent de présenter une première photographie du paysage français de la recherche sur les plastiques.

Dans l'objectif de s'assurer de la fiabilité des constats portés, des requêtes ont été réalisées à partir de la base de données scanR 194 ( * ) , permettant de disposer d'un autre moyen de contrôle.

a) Une recherche orchestrée par l'Agence nationale de la recherche

Depuis 2005, année de sa création, l'ANR 195 ( * ) assure le financement de la recherche française dans une logique de projets multipartenariaux, en cohérence avec un plan d'action quinquennal décliné, pour sa bonne progression, en plans d'action annuels.

La mobilisation des chercheurs se fait par un système d'appels à projets organisés autour de 49 axes de recherche qui couvrent l'ensemble des domaines scientifique hors spatial, cancer et VIH 196 ( * ) . Le processus interroge les chercheurs qui font remonter à l'ANR des propositions de sujets de recherche.

Un comité de pilotage procède au choix des projets. Il réunit notamment les ministères concernés, les pôles de compétitivités et les grands établissements publics de recherche comme le CNRS et l'INRAe pour ne citer qu'eux.

Sur la période 2014-2019, l'ANR a financé 26 projets en lien avec la pollution plastique pour un montant de 8,61 millions d'euros :

- 12 projets d'un montant total ANR de 4,47 millions d'euros ont concerné les effets sanitaires des additifs chimiques des contenants alimentaires ;

- 14 projets d'un montant ANR de 4,14 millions d'euros ont porté sur la contamination des écosystèmes par les plastiques (macro, micro et nanoplastiques).

b) Le groupement de recherche « Polymères & Océans »

L'objectif du GDR 197 ( * ) « polymères et océans » est de travailler sur le devenir des plastiques en milieu aquatique en stimulant l'émergence de recherches interdisciplinaires et multi-échelles.

Il est donc construit comme un dispositif fédératif animé par le CNRS et qui réunit plusieurs établissements de recherche.

Il rassemble plus de 250 chercheurs (français et communauté francophone) provenant de divers horizons : 53 laboratoires hébergés par l'Ifremer, l'ANSES et 6 des 10 instituts du CNRS (Institut de physique, Institut de chimie, Institut écologie et environnement, Institut national des sciences de l'Univers, Institut des sciences de l'ingénierie et des systèmes, Institut des sciences biologiques).

Le GDR est un lieu d'échanges et de confrontation d'idées entre les chercheurs de différentes disciplines qui centre ses recherches sur :

- le devenir des fuites de plastiques dans l'environnement : transferts des macro, micro et nanoplastiques (rivières, fleuves, côtes et mer), contamination des océans (surface, colonne d'eau, fonds marins, sédiments), modélisation du continuum terre-mer jusqu'aux abysses ;

- les impacts des plastiques et leurs risques sur le long terme : impacts de leur accumulation sur les organismes et les écosystèmes, interactions cellulaires et tissulaires, toxicité de leurs additifs et des contaminants chimiques et biologiques qui se lient aux plastiques ;

- les solutions possibles pour proposer des polymères alternatifs et innovants en réponse aux enjeux environnementaux et sanitaires, et en définissant de nouveaux modèles économiques pour les plastiques.

c) Une recherche en construction

La recherche française sur les microplastiques est récente, en phase de structuration et de montée en puissance. Depuis 2010, le nombre de projets de recherche augmente, avec une croissance qui s'accélère depuis 2014.

L'activité de recherche française sur la thématique des microplastiques peut être décrite en examinant les mots clés associés aux publications (selon la même méthodologie que celle utilisée pour caractériser l'activité de recherche internationale, cf. supra ). La cartographie des thématiques de recherche présente une structure en filaments caractéristique d'un corpus de recherche récent et de taille réduite, se distinguant, en la matière, du corpus international.

Cartographie des thématiques de recherche
à l'échelle française

Source : CVT Allenvi, cartographie VOSviewer.

Au-delà du seul sujet des microplastiques, la totalité des établissements enquêtés porte des recherches sur le sujet de la pollution plastique :

- 62 % d'entre elles ciblent directement le sujet ;

- 38 % des recherches permettent à la pollution plastique de trouver une place.

Les recherches balayent un large spectre de domaines, des organismes vivants à leurs milieux. Trois domaines font l'objet d'une attention particulière :

- 88 % des recherches portent sur les impacts pour les organismes et la biodiversité ;

- 75 % des recherches s'intéressent au domaine de la mer ;

- 63 % des recherches ciblent les impacts pour la santé humaine.

Le domaine de l'air est moins étudié, confirmant un constat préalablement énoncé dans le rapport.

Les domaines étudiés par les recherches sur les pollutions plastiques

Source : OPECST, enquête réalisée dans le cadre de la mission.

d) Un vaste champ disciplinaire dominé par les sciences « dures »

Les organismes de recherche ont été interrogés sur les disciplines mobilisées dans le cadre de leurs recherches sur la pollution plastique. Les réponses mettent en évidence la prééminence des sciences « dures ». En effet, 90 % des disciplines mobilisées relèvent de leurs champs de compétences contre 10 % pour les sciences humaines et sociales.

Dans le détail, quatre disciplines dominent dans le champ des sciences « dures » : la chimie (discipline mobilisée par 88 % des recherches), la biologie (63 % des recherches), la biochimie et la physique (50 % des recherches).

La diversité des disciplines mobilisées
Sciences dures et sciences humaines et sociales

Source : OPECST, enquête réalisée dans le cadre de la mission.

S'agissant des sciences humaines et sociales, l'économie est la discipline la plus fréquemment mobilisée (38 % des recherches). Dans une moindre mesure, la sociologie et l'anthropologie interviennent dans 25 % des recherches.

Le sport au service de la science

La recherche peut également bénéficier de l'apport de disciplines dont il serait difficile d'imaginer qu'elles puissent lui être associées. C'est par exemple le cas avec la course à la voile.

Le 8 novembre 2020, le skipper Fabrice Amedeo a pris le départ du Vendée Globe (course à la voile autour du monde, en solitaire, sans escale et sans assistance). Il a embarqué à bord de son voilier un équipement permettant de réaliser des mesures et des prélèvements d'eau de mer. Couplé à la centrale de navigation de son bateau, pour géoréférencement, les mesures permettent de suivre la salinité, la teneur en CO 2 et la température de l'eau tout au long du parcours que suivra le navigateur.

En complément à ces mesures, Fabrice Amedeo procèdera à de la filtration d'eau de mer. Des filtres, permettant de retenir les microplastiques, seront changés toutes les douze heures. Ils seront stockés à bord avant d'être remis à l'Ifremer, au retour du skipper, pour y rechercher et analyser les microplastiques.

Cette course au grand large emprunte des routes qui ne sont que très fréquentées par d'autres bateaux. De surcroît, la course à la voile garantit des prélèvements sans la pollution diffusée à ses abords par un bateau à moteur.

L'ambition sportive de Fabrice Amedeo va être mise à la disposition de la communauté scientifique en lui permettant de réaliser un suivi des microplastiques dans des eaux qui ne pourraient que difficilement faire l'objet d'expéditions scientifiques.

e) La structuration de la communauté « microplastique » autour de personnalités et de laboratoires de référence

Les recherches sur les microplastiques mettent en évidence une communauté de scientifiques française structurée autour de laboratoires et de chercheurs spécialistes de différents domaines. Quatre grands ensembles structurent la communauté 198 ( * ) :

- les groupes vert et rouge composés de chercheurs de l'Ifremer avec deux spécialités qui dominent : les microplastiques et les déchets marins ;

- le groupe marron constitué autour de scientifiques du LEESU 199 ( * ) de l'université Gustave Eiffel (anciennement IFSTTAR) spécialisés dans les flux de polluants ;

- le groupe bleu structuré autour de chercheurs du laboratoire EPOC 200 ( * ) de l'université de Bordeaux qui étudient en particulier les impacts des pollutions plastiques sur les poissons ;

- le groupe violet caractérisé par son interdisciplinarité (à la différence des autres groupes il réunit des chercheurs de plusieurs établissements publics) avec un profil notamment marqué par la chimie et l'écotoxicologie.

Cartographie des chercheurs français

Source : CVT Allenvi, cartographie VOSviewer.

La taille des points sur la carte précédente renseigne sur le nombre de fois où les auteurs sont cités et, par conséquent, sur leur ancienneté dans le domaine de la recherche sur la pollution plastique.

Il est à noter que plusieurs des chercheurs présents sur la cartographie (et donc reconnus et influents dans la communauté scientifique française) ont été auditionnés par vos rapporteurs dans le cadre de la présente mission.

f) Une communauté scientifique ouverte sur l'international

La recherche académique française ne travaille pas en vase clos : 88 % des recherches sont ouvertes à des partenaires internationaux. Dans le même ordre d'idées, 63 % des équipes répondent à des appels d'offres européens consacrés à la pollution plastique.

S'agissant des participations à des programmes européens, « Horizon 2020 » apparaît comme un cadre attractif et structurant pour la mobilisation des équipes françaises à l'échelle du continent.

g) Les moyens de la recherche

La quantification des moyens présentée ci-dessous est issue de l'enquête auprès des 8 établissements publics (cf. supra ). Elle doit être comprise comme une première estimation et non comme le résultat d'investigations fouillées (rappelons que l'objectif de la mission n'était pas de dresser un bilan exhaustif des moyens de la recherche académique française).

S'agissant des moyens humains, l'imprécision et l'approximation réside dans la nature même de la fonction de chercheur qui amène à travailler sur différents sujets (sans leur être affectés en totalité) et parfois de manière indirecte. Il n'est donc pas possible de s'appuyer sur une comptabilité analytique.

S'agissant des moyens financiers, l'imprécision et l'approximation réside dans la difficulté à comptabiliser, sans oubli et double compte, de multiples sources de financements (financements directs, appels à projets nationaux et internationaux, partenariats privés, financements dévolus à la valorisation, etc.).

(1) Estimation des moyens humains

Établissements de recherche

Estimation du nombre de chercheurs (grade directeur de recherche) travaillant sur le sujet de la pollution plastique

ANSES

3

BRGM

3

CIRAD

3

CNRS

123

Ifremer

18

INRAe

?

IRD

11

Université Gustave Eiffel (IFSTTAR)

2

Moyennant les incertitudes associées à l'approche de quantification utilisée, la communauté scientifique française (rattachée aux 8 établissements de recherche) impliquée dans des travaux sur la pollution plastique avoisinerait 200 personnes.

Le tableau suivant précise la ventilation des chercheurs du CNRS 201 ( * ) .

Instituts de rattachement

Laboratoires

Membres GDR Polymères & Océans

Nombre de personnes impliquées

INEE

INSU

INP

INC

INSIS

INSB

INSHS

IMMM

X

6

X

LEMAR

X

6

X

X

PROMES

X

1

X

ICMPE

X

2

X

EcoLab

X

4

X

X

MIO

X

6

X

X

LCE

X

6

X

GPM

X

5

X

IMP

X

1

X

LMGE

X

1

X

IBMM-BA

X

6

X

X

CEFREM

X

3

X

X

IMN

X

1

X

X

LOV

X

4

X

X

IRDL

X

2

X

LOPS

X

3

X

CEFE

X

1

X

OSU OREME

X

1

X

X

MARBEC

X

6

X

ICCF

X

5

X

X

L2C

X

2

X

X

I2M

X

7

X

IPREM

X

3

X

LOMIC

X

3

X

X

IMRCP

X

4

X

GEPEA-CBAC

X

4

X

EPOC

X

4

X

X

ESO

14

X

DICE

1

X

IMFT

25

X

LGC

M2P2

LMFA

Pprime

LEMTA

LRGP

LEGI

IRPHE

IRDL

(2) Estimation des moyens financiers

Établissements de recherche

Estimation des moyens financiers dédiés à la recherche sur la pollution plastique

ANSES

80 k€ / an

BRGM

20 k€ / an

CIRAD

30 k€ / an

CNRS

12 M€ / an

Ifremer

2 M€ / an

INRAe

?

IRD

?

Université Gustave Eiffel (IFSTTAR)

700 k€ / an

Moyennant les incertitudes associées à l'approche de quantification utilisée, la communauté scientifique française bénéficierait annuellement de moyens financiers proches de 15 millions d'euros.

3. L'apport des recherches aux politiques internationales sous l'impulsion du Canada et de la France : l'exemple du G7

Lors de son audition, Magali Reghezza a éclairé vos rapporteurs sur une contribution de la communauté scientifique aux réflexions des instances politiques internationales.

En juin 2018, le Canada préside le G7 202 ( * ) et organise, dans ce cadre, un atelier sur la pollution plastique. Il est l'occasion de faire entendre la voix des scientifiques dans une enceinte politique. L'exercice est une réussite et l'ambition est posée de renouveler l'exercice à l'occasion de la prochaine rencontre du Groupe des sept pays les plus développés.

Cette rencontre se tient en août 2019, à Biarritz. Elle est présidée par la France qui choisit de réitérer le principe des ateliers sur les microplastiques. Le pilotage est confié à Roger Genest (directeur de l'ANSES 203 ( * ) ) et à Pascal Lamy (président de la Mission Board 204 ( * ) « santé des océans »). L'objectif est de produire des réflexions sur ce que la science peut apporter pour faciliter la gestion des microplastiques.

Deux ateliers sont organisés :

- le premier, dédié aux sciences « dures » est piloté par Fabienne Lagarde ;

- le second, dédié aux sciences humaines et sociales est piloté par Magali Reghezza.

La participation des chercheurs au G7 enclenche une dynamique qui dépasse la simple formulation de constats sans prise de décisions .

En apportant des connaissances sur les leviers à actionner pour enclencher des changements de comportements, la communauté scientifique a ainsi permis une entrée en force de la pollution plastique dans les débats politiques des grandes puissances mondiales. Cette contribution est utile pour éclairer les débats à partir des faits scientifiques et, in fine , contribuer à l'aide à la décision.

4. Une recherche qui doit progresser dans la définition de référentiels communs

Si la pollution plastique est globale et universelle dans ses principes physiques et chimiques, les pratiques scientifiques mises en oeuvre pour l'appréhender ne reposent pas sur des méthodes et des bases communes et partagées. Les auditions démontrent le besoin de construire un langage commun.

a) Un foisonnement des recherches qui multiplie les protocoles

Les recherches sur la pollution plastique sont récentes, voire émergentes quand elles portent sur les sujets des micro et des nanoplastiques.

La multiplication des recherches depuis une dizaine d'années, la nouveauté des sujets conjuguée à leur transdisciplinarité, provoquent un foisonnement des recherches et une grande variabilité dans les moyens, les méthodes et les protocoles déployés :

- en termes de comptage des déchets plastiques, les équipes se réfèrent à des échelles spatiales différentes, à des périodes d'observations qui diffèrent et à des unités disparates (selon les études, les comptages sont effectués en nombre de déchets, en poids des déchets, en volume de déchets) ;

- en termes de suivi des polymères, leur nombre important oblige à faire des choix. Des études s'intéressent à des résines ciblées en raison de leur volume de production quand d'autres privilégient une approche fondée sur l'usage ou la présence dans l'environnement ;

- en termes de méthodes de détection, les moyens utilisés varient en fonction du niveau d'équipement ou de compétences des équipes. Les résultats des études sont produits en ayant recours à la microscopie (repérage visuel des formes et des couleurs) ou à des méthodes stéréoscopiques (mesure de la réponse vibratoire des échantillons soumis à un rayonnement de photons et comparaison à des banques de signatures types). Ces méthodes stéréoscopiques nécessitent une normalisation des spectres types, indispensable à la comparaison des résultats. Deux technologies sont disponibles (spectroscopie RAMAN ou infra-rouge). Elles se distinguent par leur résolution et leur durée de mise en oeuvre (durée importante pour la méthode RAMAN qui traite des échantillons jusqu'à 1 um, rapidité de la méthode infra-rouge qui se limite aux échantillons supérieurs à 25 um).

Par ailleurs, les dispositions à prendre en laboratoire nécessitent une grande vigilance afin d'éviter la pollution des témoins par les microfibres de textiles synthétiques produites par les vêtements des opérateurs. Ici aussi, les pratiques entre équipes sont de nature à influencer les résultats.

L'ensemble de ces remarques souligne l'importance d'une standardisation des méthodes, des moyens et des protocoles. À défaut, la communauté scientifique va poursuivre des travaux à partir de méthodes différentes et non calibrées entre elles, rendant difficile la comparaison des résultats et retardant d'autant la compréhension des phénomènes et l'avancement des connaissances.

La connexion entre les équipes est fondamentale pour aboutir à des protocoles et des observations normalisées.

b) Des divergences d'appréciation dans la définition des tailles associées aux micro et aux nanoplastiques

La pollution plastique se présente sous trois formes associées à la taille des morceaux de plastique retrouvés dans l'environnement. Sont ainsi distingués les macroplastiques, les microplastiques et les nanoplastiques. Des différences sensibles existent dans la définition de la taille des morceaux. En l'absence de référentiel standardisé, les équipes se réfèrent à des gammes de tailles différentes . Ces différences se justifient par les capacités de mesure des laboratoires, mais également par les objets des recherches.

Pour ne rien arranger, certains chercheurs évoquent des tailles intermédiaires. C'est le cas avec les méso-plastiques, dont les tailles varient entre 0,5 et 2,5 cm, et les oligomères qui caractérisent des éléments de taille inférieure à 10 nm.

Les auditions des chercheurs ont mis en évidence cette hétérogénéité dans la définition des valeurs limites associées aux classes de taille des morceaux de plastiques (cf. graphique ci-après) :

- s'agissant des macroplastiques, la limite inférieure de la classe varie entre 5 mm et 2,5 cm. La limite supérieure n'a jamais été évoquée ;

- s'agissant des microplastiques, la limite inférieure est le plus fréquemment fixée à 1 um. La limite supérieure est régulièrement positionnée autour d'un millimètre ; un chercheur la pousse jusqu'à 0,5 cm. Il faut remarquer qu'un autre scientifique définit les microplastiques comme des débris dont la taille est inférieure à 5 um (sans borner la limite de cette classe) ;

- s'agissant des nanoplastiques, la limite supérieure est en règle générale située autour du micromètre (de 1 à 20 um), sans valeur de taille pour la limite inférieure de la classe. Un chercheur associe les nanoplastiques à la plage comprise entre 1 nm et 1 um.

Deux zones de superposition des classes de tailles sont identifiées (cf. graphique ci-après) :

- superposition des tailles des macro et des microplastiques entre 1 mm et 1 cm ;

- superposition des tailles des micro et des nanoplastiques en-dessous du micromètre. Cette seconde superposition est plus problématique que la précédente en raison des risques de confusions entre des tailles dont les interactions avec l'environnement ne sont pas les mêmes.

Les plages de tailles associées aux macro, micro et nanoplastiques

Source : Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

Le flou sur la limite de classe entre micro et nanoplastiques s'explique sans doute par le haut niveau d'équipement nécessaire à l'observation des nanoplastiques. Des collaborations entre les équipes de recherche, en faisant appel aux spécialistes des nanoplastiques, pourraient constituer une première solution.

Une normalisation des limites des classes de tailles est nécessaire pour faciliter les échanges de résultats entre les équipes, permettant des comparaisons qui faciliteront la compréhension des phénomènes.

c) Des hétérogénéités dans l'étude des impacts sur les organismes marins

La comparaison des protocoles mis en place pour l'étude des impacts de la pollution plastique sur les organismes aquatiques révèle également une grande disparité.

Cette hétérogénéité est elle aussi de nature à complexifier la comparaison des résultats et à rendre difficile l'accès à une vision claire et synthétique des impacts de la pollution sur les organismes, leurs fonctions, leurs comportements et leur développement.

En premier lieu, les protocoles varient en fonction des organismes cibles. Les espèces étudiées peuvent êtres des invertébrés (vers et mollusques principalement) ou des vertébrés (poissons). Au sein du sous-embranchement des invertébrés, les recherches peuvent portent sur des mollusques bivalves (les moules et les huîtres par exemple). À ce niveau également les comparaisons restent difficiles. En effet, des variabilités comportementales entre espèces sont susceptibles d'influencer significativement les résultats ; ainsi les huîtres filtrent deux fois plus d'eau de mer que les moules.

Logiquement, les polymères sont une autre source d'hétérogénéité des protocoles. Leur grand nombre ne facilite pas la convergence vers un polymère modèle. Différents polymères sont étudiés. Un même polymère peut provenir de granulés issus de l'industrie de la plasturgie ou de prélèvements dans le milieu naturel. Ensuite, les polymères peuvent être utilisés avec ou sans leurs additifs. Certains protocoles les associent à des contaminants chimiques qui s'adsorbent à eux dans le milieu naturel (polluants organiques persistants par exemple). Ainsi, chaque protocole est susceptible de devenir un cas unique, incomparable à d'autres études.

La forme et la taille des plastiques est une troisième source de variabilité. Des chercheurs étudient des fibres quand d'autres privilégient des fragments. Les tailles des microplastiques ne sont pas les mêmes. Pourtant, qu'il s'agisse de la taille ou de la forme, les effets sur les organismes aquatiques ne seront pas les mêmes.

Enfin, les concentrations et les temps d'exposition constituent un autre élément de variabilité des protocoles et de leurs résultats. Les durées d'exposition sont variables, comme les concentrations en particules plastiques. Il s'agit ici aussi d'un nouvel élément susceptible d'influencer les résultats en raison des différentes toxicités simulées en aquarium (rappelons que la toxicité est la combinaison de la concentration et du temps d'exposition).


* 190 Le CVT Allenvi est une équipe spécialisée en intelligence économique issue de de la réunion de 27 organisations de l'Alliance nationale de recherche pour l'environnement (INRAe, IRD, Ifremer, IRSN, ANSES, CEREMA, CNRS, Météo France, IGN, CNES, etc.).

* 191 À la date d'interrogation de la base Scorpus® Elsevier, le 27 octobre 2020, le mot clé « plastic waste » était associé à 16 204 articles et le mot clé « microplastic » à 4 704 articles.

* 192 Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, France, Grèce, Finlande, Ireland, Italie, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République Tchèque, Suède.

* 193 Au nombre de huit, il s'agit de quatre établissements publics à caractère scientifique et technologique (CNRS, IFSTTAR - devenu Université Gustave Eiffel-, INRAe et IRD), de trois établissements publics à caractère industriel et commercial (BRGM, CIRAD et Ifremer) et d'un établissement public à caractère administratif (ANSES).

* 194 scanR est un moteur de recherche couplé à une base de données sur les entreprises et les laboratoires publics actifs en matière de recherche et d'innovation. scanR décrit les travaux de recherche (thèses, publications et brevets) et les financements publics.

* 195 Agence Nationale de la Recherche.

* 196 Human Immunodeficiency Viruses, virus à l'origine du syndrome d'immunodéficience acquise (sida).

* 197 Groupement de Recherche.

* 198 La cartographie est obtenue en référence aux auteurs des publications (sur le thème des microplastiques) pondérés par leur nombre de citations.

* 199 Laboratoire Eau Environnement et Systèmes Urbains.

* 200 Environnements et Paléoenvironnements Océaniques et Continentaux.

* 201 Les chercheurs des laboratoires soulignés en gris ont été entendus par les rapporteurs.

* 202 Le G7, autrement appelé le Groupe des sept est un lieu de discussion et de partenariat économique des sept plus grandes puissances mondiales (Allemagne, Canada, États-Unis, France, Italie, Japon et Royaume-Uni).

* 203 Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail.

* 204 Les Mission Boards s'inscrivent dans Horizon Europe, le futur programme-cadre de recherche et d'innovation de l'Union européenne. Au sein d'Horizon Europe, les Mission Boards visent à faire naître des solutions et des initiatives en écho aux grands défis de l'humanité.

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