VII. UNE MOBILISATION EXCEPTIONNELLE DE LA CVEC PENDANT LA CRISE QUI OBLIGE À PENSER L'APRÈS

A. UNE CVEC RÉORIENTÉE SUR L'AIDE SOCIALE AUX ÉTUDIANTS

1. Des orientations ministérielles invitant à un fléchage de la CVEC sur l'aide sociale et assouplissant ses modalités procédurales

Dès le début de la crise sanitaire liée à l'épidémie de covid-19, la ministre de l'enseignement supérieur a informé les directions des établissements que la CVEC pouvait être sollicitée pour aider les étudiants.

Ainsi, dans un courrier qu'elle leur a adressé le 30 mars 2020, elle leur propose, dans le respect de leur autonomie, que « le produit de la CVEC puisse être mobilisé sans délai pour répondre aux besoins matériels et quotidiens les plus urgents de nos étudiants ». Elle les invite « sans préjudice des autres usages à maintenir [de la CVEC] , notamment en faveur de la santé étudiante », à mettre en place trois types d'actions « particulièrement prioritaires » :

- la satisfaction des besoins alimentaires , notamment via le financement de cartes d'achats alimentaires ou d'épiceries sociales et solidaires ;

- le financement d'outils informatiques ou de forfaits de téléphonie , par exemple par des bons d'achat dédiés ;

- une aide financière en vue de soutenir les étudiants qui ont perdu leur job étudiant ou un stage dont ils attendaient une gratification.

Dans le même courrier, la ministre précise que les services du ministère mettront à la disposition des établissements et des Crous « des éléments techniques sur la procédure à suivre et des suggestions sur le dispositif à mettre en place afin de les accompagner au mieux dans la mise en place des aides financières dédiées ».

La mise en oeuvre de ces orientations requérant « une célérité et une souplesse particulière », la ministre annonce, par ailleurs, qu' « afin d'engager rapidement les dépenses », les établissements d'enseignement supérieur et les Crous pourront , « après concertation avec les organisations étudiantes », « se dispenser des obligations procédurales qui pèsent sur la programmation de la CVEC », à savoir :

- pour les établissements affectataires de la CVEC, la dispense de l'avis préalable de la commission de la formation et de la vie universitaire (CFVU) ;

- pour les Crous, la dispense de l'avis préalable de commission CVEC et de l'adoption par le conseil d'administration.

Concernant les établissements disposant d'un FSDIE, ceux-ci sont autorisés à l'utiliser pour octroyer des aides financières au-delà du plafond de 30 % de son montant qui était fixé jusqu'à présent .

De leur côté, les établissements non affectataires sont invités à se rapprocher des Crous dont les crédits CVEC qui leur sont attribués doivent en priorité être destinés à organiser des actions d'accompagnement social au bénéfice des étudiants de ces établissements.

Cette utilisation exceptionnelle de la CVEC est considérée comme complémentaire à la mobilisation des aides spécifiques d'urgence délivrées par les Crous aux étudiants boursiers et non boursiers , que le Gouvernement a décidé d'abonder de 10 millions d'euros supplémentaires compte tenu de l'ampleur des besoins.

2. Des crédits prioritairement affectés à la lutte contre la précarité étudiante

Selon le ministère de l'enseignement supérieur, 30 millions d'euros de CVEC ont été dépensés par les établissements affectataires dans le cadre de la crise en 2020, dont 80 % au titre des aides sociales via la part sociale du FSDIE.

D'après la CPU, qui ne dispose que des données relatives à la première période de confinement, entre le 1 er janvier et le 15 mai 2020, les universités ont engagé 40 millions d'euros de CVEC, dont 8,5 millions d'aides sociales. Sur la même période, elles ont dépensé 5 millions d'euros en faveur de ce même poste, hors CVEC.

Conformément aux orientations ministérielles, ces crédits ont prioritairement servi à lutter contre la précarité étudiante, sous toutes ses formes : versement d'aides financières, distribution d'aides alimentaires et de produits de première nécessité (kits d'hygiène, protections périodiques), fourniture d'équipements informatiques ou téléphoniques, mise en oeuvre d'actions portant sur les secteurs de la santé, du sport, de la culture ou d'activités de socialisation à distance.

Du côté des Crous , dans la mesure où ceux-ci disposent prioritairement du levier des aides spécifiques pour répondre aux difficultés financières rencontrées par les étudiants, ils ont relativement moins utilisé celui de la CVEC que les établissements d'enseignement supérieur . Le Cnous a néanmoins indiqué qu'outre l'aide sociale, les Crous ont priorisé plusieurs domaines d'intervention : l'accompagnement des étudiants (par exemple, via la mise en place de dispositifs d'accompagnement par les pairs avec le recrutement d'étudiants référents au bénéfice des étudiants en résidence universitaire), le soutien psychologique et le suivi de leur état de santé (par exemple, via le financement de dispositifs comme Apsyline , Night line et des séances gratuites avec des psychologues, en complémentarité avec les initiatives tant des services de santé universitaires - SSU - que du Gouvernement - instauration d'un « chèque santé psy »).

3. Une mobilisation jugée nécessaire et bénéfique pour amortir le choc de la crise

Les représentants d'établissements s'accordent tous sur un constat : la CVEC a constitué, pendant la crise, un levier d'intervention rapide ayant contribué à amortir le premier choc et à absorber une partie des difficultés financières rencontrées par les étudiants .

Si la CPU estime cette utilisation exceptionnelle « justifiée », dans la mesure où elle « a permis de répondre à l'urgence et d'ajuster les dispositifs d'aide sociale au plus près des besoins des étudiants sans passer par des choix budgétaires et réglementaires nationaux compliqués », elle rappelle néanmoins que les crédits CVEC dont ont disposé les universités « ne sont pas issus de fonds publics mobilisés spécifiquement pour la crise » . Pour la CPU, c'est en effet grâce au reliquat de la CVEC de l'année précédente que les universités ont pu appréhender la crise ; elles n'auraient eu sinon aucune marge de manoeuvre pour accompagner socialement leurs étudiants.

La FESIC et la CGE ont, quant à elles, salué « la souplesse bienvenue » introduite au niveau des procédures d'engagement des crédits CVEC et « le rôle salutaire » que celle-ci a joué dans le contexte de crise.

Les recteurs ont également insisté sur la souplesse, la réactivité et les marges de manoeuvre que la CVEC a permis d'apporter , l'un d'entre eux parlant même d' « un outil providentiel pendant la première vague épidémique ».

De leur côté, les représentants étudiants reconnaissent unanimement que le recours exceptionnel à la CVEC a été bénéfique pour répondre rapidement aux besoins des étudiants . Certaines organisations, notamment l'UNEF, l'Alternative, le BNEI, s'inquiètent cependant d'une forme de détournement des fonds destinés au développement de la vie étudiante et de la vie de campus au profit de l'aide sociale qui, selon eux, doit faire l'objet d'une réforme structurelle garantissant l'apport de financements pérennes de la part de l'État. À l'inverse, l'UNI appelle au maintien du fléchage de la CVEC sur les aides sociales, cette affectation permettant de savoir « où va enfin l'argent ».

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