LES RECOMMANDATIONS DE LA MISSION D'INFORMATION : MIEUX PROTÉGER NOTRE PATRIMOINE SCIENTIFIQUE ET NOS LIBERTÉS ACADÉMIQUES

Compte tenu de l'ensemble des constats que la mission d'information a établis et des propositions recueillies au cours de ses travaux, elle a identifié cinq objectifs majeurs pour lesquels elle formule 26 recommandations .

Ø Objectif 1 : Élever le sujet des interférences étrangères au rang de priorité politique pour dresser un état des lieux et co-construire avec le monde universitaire des réponses adaptées

1) Dresser un état des lieux des alertes, de la volumétrie des signalements et des mesures prises pour y remédier et évaluer le niveau des influences étrangères dans l'enseignement supérieur et la recherche.

2) Constituer un comité scientifique, prenant la forme d'un « observatoire des influences étrangères et de leurs incidences sur l'enseignement supérieur et la recherche » qui associerait universitaires, ministères de l'enseignement supérieur et de la recherche, des affaires étrangères, de l'économie, de l'intérieur et des armées, chargé de dresser un état des lieux, d'en assurer le suivi régulier et de formuler des propositions au Gouvernement.

3) Charger le comité d'élaborer une étude scientifique de référence sur l'état des menaces constatées en France. Ce document, qui ferait l'objet d'un suivi actualisé et d'une analyse des évolutions dynamiques, comporterait une vision globale des menaces extra-européennes et une cartographie des risques à la fois thématiques et géographiques.

4) Prévoir la transmission de cette étude et de ses versions actualisées au Parlement. Ses constats pourront faire l'objet d'un débat.

Ø Objectif 2 : Aider les universités à protéger leurs valeurs de libertés académiques et d'intégrité scientifique dans le respect de leur autonomie

5) Étendre le dispositif de protection du patrimoine scientifique et technique de la Nation (PPST) à l'ensemble des disciplines universitaires, notamment en les adaptant aux enjeux et influences spécifiques aux sciences humaines et sociales qui en sont exclues.

6) Confier au collège de déontologie de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation une mission renforcée d'animation du réseau des déontologues au sein des établissements et à la procédure d'identification.

7) Assurer sur une base régulière un échange d'informations entre le collège de déontologie et le Haut Fonctionnaire de Défense et de Sécurité (HFDS) du MESRI, sur toute question relative aux influences étrangères menaçant les libertés académiques.

8) En lien avec le collège de déontologie, renforcer le service du Haut Fonctionnaire de Défense et de Sécurité (HFDS) et le doter d'une expertise dédiée.

9) Constituer un réseau formalisé des fonctionnaires de sécurité et de défense (FSD), afin de leur permettre de bénéficier de l'expertise des services des ministères, d'échanger sur leurs pratiques et de centraliser les signalements.

10) Confier aux FSD, dont l'autorité et l'expertise seraient réaffirmées, et en lien avec le déontologue, un rôle de formation et de sensibilisation de l'ensemble de la communauté académique sur les risques liés aux influences extra-européennes. Cette action serait renforcée dans les domaines ou les zones identifiées comme potentiellement les plus à risque par le document de référence.

11) Élaborer et diffuser auprès des établissements via le réseau des FSD un guide de bonnes pratiques de coopération avec certains pays identifiés, guide qui doit être largement diffusé auprès de toute la communauté académique.

12) Assurer une sensibilisation des collectivités territoriales, notamment régions et les grandes métropoles sur ces sujets, compte tenu de leur place significative dans les conseils d'administration des établissements d'enseignement supérieur.

13) Étendre le bénéfice de la protection fonctionnelle à l'ensemble de la communauté académique (chercheurs non agents publics, institutions).

14) Généraliser la réalisation par l'autorité nationale en matière de sécurité et de défense des systèmes d'information (ANSSI) d'un audit sur la sécurité des systèmes informatiques des universités, en y intégrant la question de la confidentialité des cours en ligne.

15) Renforcer les moyens dédiés à la détection et à la protection du monde universitaire et académique face aux interférences extérieures en inscrivant des crédits dédiés dans les budgets des universités et du ministère de l'Europe et des affaires étrangères.

Ø Objectif 3 : Ériger au niveau national la transparence et la réciprocité en principes cardinaux de toute coopération universitaire internationale

16) Prévoir, dans le cadre des décrets qui doivent être publiés au titre de l'article L. 211-2 du code de l'éducation, et en s'inspirant de l'article L. 411-5 du code de la recherche, l'obligation pour les chercheurs de signaler dans leurs thèses, travaux post doctoraux et publications scientifiques les éventuelles aides directes et indirectes dont ils ont pu bénéficier de la part d'États extra-européens.

17) Créer un régime de transparence sur l'origine des financements extra-européens des projets (colloques, contrats doctoraux, chaires...) menés par les établissements d'enseignement supérieur et de recherche et les think- tanks.

18) Faire valoir au niveau national des exigences de réciprocité dans les échanges universitaires avec les pays extra européens.

19) Inclure systématiquement une clause relative au respect des libertés académiques et de l'intégrité scientifique dans les conventions passées avec les institutions et entreprises extra-européennes.

Ø Objectif 4 : Renforcer les procédures administratives destinées à contrôler les partenariats passés par les établissements d'enseignement supérieur et de recherche

20) Modifier l'article L. 123-7-1 et l'article D. 123-19 du code de l'éducation pour prévoir une saisine pour avis des ministères concernés (enseignement supérieur et recherche, économie, affaires étrangères, intérieur et armées s'il y a lieu) sur les projets d'accord.

21) Modifier les mêmes articles pour fixer à trois mois maximum le délai d'examen des projets d'accord, pour permettre des investigations sérieuses.

22) Prévoir que les accords de recherche passés avec les filiales françaises des entreprises étrangères extra-européennes soient soumis systématiquement à la procédure d'examen.

Ø Objectif 5 : Promouvoir au niveau national, européen et international l'adoption d'un référentiel de normes et de lignes directrices

23) Au niveau national, étudier l'adoption d'un corpus de moyens juridiques, d'ordre administratif et le cas échéant pénal, visant à sanctionner les interférences portant atteintes aux libertés académiques et à l'intégrité scientifique.

24) Au niveau européen, mettre à profit la Présidence française de l'Union européenne pour proposer une stratégie ambitieuse de diplomatie scientifique, à la fois défensive, mais également offensive, dans la lignée du début de prise de conscience de nos partenaires.

25) Inciter au niveau européen et international à la création d'un classement des universités fondé sur le respect des libertés académiques et de l'intégrité scientifique, afin de mettre en lumière nos valeurs, par opposition à un classement de Shanghai devenu trop prescripteur.

26) Promouvoir une norme européenne et internationale de clarification des échanges universitaires fondée sur le devoir de diligence ( due diligence ) et la conformité ( compliance ) à des lignes directrices fondées sur le respect de la liberté académique et l'intégrité scientifique, en accord avec la déclaration de Bonn du 23 octobre 2020 et les travaux de l'OCDE.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page