C. UNE TENDANCE À LA BAISSE DES MOYENS STRUCTURELS DE FONCTIONNEMENT DES MISSIONS LOCALES

Les rapporteurs spéciaux observent néanmoins que cette hausse est essentiellement portée par la dynamique des entrées en Garantie jeunes et des besoins d'accompagnement afférent. En revanche, ils relèvent une tendance récente à la baisse des moyens de fonctionnement alloués aux missions locales .

Les crédits « CPO » diminuent ainsi de 14,3 millions d'euros entre les lois de finances initiales (LFI) 2018 et 2021 si l'on neutralise l'effet de périmètre lié au financement de la mise en oeuvre de la nouvelle obligation de formation et du plan de relance.

Évolution des crédits de paiements (LFI) alloués aux missions locales
au titre de la CPO, hors effets de périmètre et relance

(en millions d'euros)

Note : le total présenté ne prend pas en compte l'enveloppe liée à la mise en oeuvre de l'obligation de formation en 2020 et 2021 ni les crédits supplémentaires financés par la mission « Plan de relance » en 2021.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les rapporteurs spéciaux considèrent que l'État se doit de stabiliser à périmètre constant les moyens structurels de fonctionnement qu'il alloue aux missions locales. Une telle stabilité est d'autant plus importante que, comme évoqué supra, le système de financement des missions locales est éclaté et par conséquent peu sécurisant pour les structures.

Recommandation n° 1 : stabiliser à périmètre constant les moyens structurels alloués par l'État aux missions locales.

D. UN SYSTÈME DE FINANCEMENT À LA PERFORMANCE SOUVENT CRITIQUÉ

1. Un nouveau dispositif de performance depuis 2019

Le financement par l'État des missions locales intègre une logique de performance, qui a été réformée en 2019.

Jusqu'en 2018, les missions locales recevaient un financement au titre de l'accompagnement des publics en garantie jeunes indexé sur le nombre d'entrées dans le dispositif, sur la base d'un forfait de 1 600 euros par jeune. Depuis 2019, conformément à l'instruction du 16 mai 2019 relative à la Stratégie pluriannuelle de performance des missions locales pour la période 2019-2022 12 ( * ) , cette logique de financement « au contrat » a été abandonnée au profit d'une logique de performance plus large.

Les directions régionales de l'économie de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS) 13 ( * ) sont désormais tenues d'organiser chaque année un dialogue de gestion avec chaque mission locale relevant de sa zone géographique, pour faire un bilan de l'année précédente et pour déterminer les objectifs de l'année en cours sur 10 indicateurs clés (voir encadré infra ), en s'appuyant notamment sur un outil national d'analyse de la performance. Il revient à chaque DREETS de définir des cibles spécifiques à chaque mission locale.

Liste des indicateurs clés utilisés par les DREETS dans le cadre de leur dialogue de gestion avec les missions locales

1° Nombre de jeunes NEET accueillis pour la première fois / nombre de jeunes NEET présents sur le territoire.

2° Nombre de 1 ers accueils entrés en PACEA dans les trois mois suivants la date de premier accueil / Nombre de jeunes accueillis pour la première fois sur la même période.

3° Taux de jeunes en PACEA (hors situation emploi, formation, alternance, volontariat ou situation non professionnelle) sans proposition depuis plus de trois mois.

4° Taux de jeunes ayant démarré au moins une situation emploi, formation ou alternance dans les 12 premiers mois d'accompagnement PACEA.

5° Nombre de jeunes en sortie emploi et en sortie alternance / nombre de jeunes sortis de PACEA.

6° Nombre de jeunes en sortie emploi et en sortie alternance / nombre de jeunes sortis de la phase GJ à 12 ou 18 mois.

7° Nombre de mise en relation réalisées sur offres d'emploi interne / Nombre de mises en relation prescrites sur offres d'emploi interne.

8 Nombre d'offres d'emploi ayant eu au moins une mise en relation réalisée / Nombre d'offres d'emploi collectées.

9° Nombre de jeunes en PACEA en sortie emploi et alternance / Nombre global d'ETP de la mission locale.

10° Total des ressources de la structure / Nombre de jeunes en PACEA en sortie emploi et alternance.

Source : Instruction du 16 mai 2019 relative à la Stratégie pluriannuelle de performance des missions locales pour la période 2019-2022

Les enveloppes dites « CPO » et « accompagnement Garantie jeunes » sont désormais globalisées et sont versées à hauteur de 90 % aux missions locales sans conditionnalité .

En revanche, l'allocation du solde de 10 % de la subvention prévue pour l'année N est soumise à une évaluation par les DREETS de la performance, assise sur la comparaison, pour chacun des dix indicateurs clés, entre les objectifs et les résultats au titre de l'année N-1.

Il est cependant à noter que, compte tenu de l'impact de la crise sanitaire sur l'activité des structures (voir infra ), le dispositif n'a pas été appliqué en 2020.

2. Un système jugé trop centré sur l'objectif de retour à l'emploi et accusé de créer une compétition entre missions locales

Pour la plupart des acteurs auditionnés, la liste des indicateurs-clés retenue témoigne de la conception trop restrictive de l'État quant à la vocation des missions locales , en privilégiant les objectifs de retour immédiat à l'emploi sur l'accompagnement plus global des jeunes dans un objectif d'autonomie et d'émancipation. Hormis les indicateurs 1° et 2° (voir encadré supra ), l'ensemble des huit autres indicateurs concernent l'accès à l'emploi stricto sensu , sans tenir compte, par exemple, de l'action des missions locales pour contribuer à lever les freins périphériques, monétaires ou non, d'accès à l'autonomie et à l'emploi.

Par ailleurs, la démarche de performance repose sur la classification des missions locales du réseau en 20 groupes homogènes sur la base de critères objectifs 14 ( * ) . La mise en place de cette classification est présentée par le ministère du travail comme une aide à la définition rationnelle et proportionnée des objectifs à atteindre par les missions locales avec une référence au niveau d'un groupe homogène de missions locales et un moyen d'objectiver la performance des missions locales par rapport à d'autres structures dont le contexte et les caractéristiques sont comparables.

Or, de nombreux acteurs auditionnés ont relevé que ce système avait également pour effet pervers d'induire une forme de mise en concurrence entre les missions locales , créant les conditions d'une « politique du chiffre » au détriment du travail qualitatif d'accompagnement des jeunes.


* 12 Instruction n° DGEFP/SDPAE/MAJE/2019/89 du 16 mai 2019 relative à la Stratégie pluriannuelle de performance des missions locales pour la période 2019-2022.

* 13 À compter du 1 er avril 2021, dans le cadre de la réforme des services déconcentrés dite « organisation territoriale de l'État » (OTE), les nouvelles DREETS ont repris notamment les compétences des anciennes directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE).

* 14 54 variables ont été retenues, concernant le contexte général du territoire couvert par la mission locale, les caractéristiques socio-économiques et démographiques du territoire, et enfin les données structurelles de la mission locale.

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