B. LA NÉCESSITÉ DE LIMITER L'IMPACT DE LA VAGUE SUR LE SYSTÈME DE SANTÉ PAR UNE NOUVELLE INCITATION À LA VACCINATION

1. Les réponses préconisées : l'accroissement de la couverture vaccinale de la population et la campagne de rappel

Dans son avis sur le projet de loi, le conseil scientifique considérait à la fin décembre 2021 3 ( * ) que « le nombre de nouvelles contaminations pourrait être très important, atteignant 200 000 nouvelles contaminations par jour ». Face à ce très haut niveau de contaminations et aux tensions qu'il pourrait provoquer, le conseil estimait que « les éléments clefs de la réponse à cette vague Omicron reposent sur l'accélération massive (en cours et à poursuivre) de la troisième dose de rappel ET sur les mesures de protection individuelles et collectives incluant une large utilisation des tests de dépistage. On estime cependant qu'environ 5 millions de personnes à risques ne sont pas primovaccinées ou n'ont pas encore reçu la dose de rappel ».

Dans le même contexte et dans un calendrier comparable face à la montée en puissance du variant Omicron sur le continent européen, le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies incitait à la mi-décembre les États membres de l'Union européenne 4 ( * ) à considérer l'administration d'une dose de rappel à la population adulte à partir de 3 mois après la complétude du schéma de primo-vaccination , à renforcer leurs plans de préparation et de montée en charge des capacités hospitalières et renforcer et accroître leur communication des risques.

Cette stratégie d'accélération de la couverture vaccinale avec rappel se trouvait également appuyée par les modélisations scientifiques. Ainsi, dans son étude de fin décembre, l'institut Pasteur 5 ( * ) estimait que « l'accélération de l'administration des doses de rappel (1,2 million par jour au lieu de 800 000 par jour) pourrait réduire la taille du pic d'hospitalisations de 9-17 % » quand « la vaccination de 90 % des adultes non vaccinés à un rythme de 100 000 doses administrées par jour pourrait réduire la taille du pic des hospitalisations de 17-35 % ».

2. Une transformation du passe sanitaire en passe vaccinal comme outil de prévention des conséquences de la nouvelle vague

Pour le Gouvernement, le passe vaccinal « constitue le prolongement du dispositif de passe sanitaire tel qu'il avait été défini par les lois du 31 mai et du 5 août 2021, et qui avait permis d'amplifier significativement la campagne de primo-vaccination à l'été 2021 » 6 ( * ) .

Les effets constatés du passe sanitaire sur la couverture vaccinale

Une étude du Lancet Public Health 7 ( * ) , publiée le 13 décembre 2021, indique que le passe sanitaire a entraîné une augmentation des vaccinations 20 jours avant sa mise en oeuvre, avec un effet durable jusqu'à 40 jours après. En France, les doses ont dépassé 55 672 vaccins par million d'habitants avant l'entrée en vigueur du passe sanitaire et 72 151 par million d'habitants après son entrée en vigueur.

L'étude constate également que l'augmentation était la plus élevée chez les personnes de moins de 30 ans après la mise en place du passe sanitaire et que l'extension du passe sanitaire aux lieux de la vie quotidienne a entrainé une forte augmentation chez les personnes âgées de 30 à 49 ans. Par ailleurs, selon cette étude, la mise en oeuvre du passe sanitaire a également eu un effet sur la réduction du nombre de cas.

Source : Réponse du ministère de la santé au questionnaire de la commission

Par un outil comparable, le Gouvernement espérait ainsi reproduire l'effet du passe sanitaire sur la réduction du nombre de personnes non-vaccinées dans la population et apporter efficacement la principale réponse préconisée par les autorités de santé publique pour faire face à cette vague.

Comme le présentait le Gouvernement, le passe vaccinal répondait à deux objectifs :

- réduire les tensions sur le système hospitalier en prévenant les potentiels cas graves de la covid-19 par une augmentation de la couverture vaccinale ;

- limiter les risques de contamination des non-vaccinés en leur interdisant l'accès à certains lieux et en réservant leur accès aux seules personnes vaccinées.

« Le recours au passe vaccinal en tant qu'incitatif au recours à la vaccination devait garantir aux citoyens un retour à une vie quotidienne quasi-normale et une reprise de l'activité économique tout en minimisant les risques de transmission du virus et son impact sanitaire ». - Ministère des solidarités et de la santé 8 ( * )

Passe vaccinal

Le passe vaccinal consiste à présenter l'un des justificatifs suivants :

- un certificat de vaccination, à la condition que les personnes disposent d'un schéma vaccinal complet (dose de rappel effectuée dans le délai imparti pour les personnes à partir de 18 ans et 1 mois qui y sont éligibles) ;

- un certificat de rétablissement , soit le résultat d'un test RT-PCR ou antigénique positif attestant du rétablissement de la covid, de plus de 11 jours et de moins de 4 mois ;

- un certificat de contre-indication à la vaccination.

Sauf exception, le passe vaccinal n'intègre plus comme preuve le résultat d'un test de dépistage covid-19 négatif.

Interrogé par la commission sur le calendrier de prise de décision, le Gouvernement s'est borné à indiquer que l a transformation du passe sanitaire en passe vaccinal avait été envisagée en décembre, sans davantage préciser l'anticipation et la préparation de cette hypothèse avant l'annonce faite par le Premier ministre le 17 décembre en conférence de presse.

Trois autres options envisagées de lutte contre la vague hivernale

Comme l'explique l'étude d'impact du projet de loi, trois autres options ont été envisagées par le Gouvernement en parallèle de la transformation du passe vaccinal.

La première option alternative aurait pu consister à laisser le cadre juridique de réponse à la crise inchangé . Le Gouvernement estime que cette option n'aurait pu permettre d'éviter une saturation des capacités de prise en charge hospitalières et aurait conduit à prendre des mesures de restriction généralisées relevant de l'état d'urgence sanitaire, telles que le confinement, le couvre-feu ou la fermeture de nombreux établissements recevant du public.

Une deuxième option aurait pu consister à généraliser le passe sanitaire à un très grand nombre d'activités indispensables à la vie quotidienne .

Une troisième option aurait pu consister à instaurer une obligation vaccinale pour tout ou partie de la population au-delà du périmètre actuel des professionnels de santé et de ceux qui travaillent en secteur hospitalier ou médicosocial.

Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après les réponses au questionnaire adressé au ministre des solidarités et de la santé

Il convient de souligner que le passe sanitaire intégrant la dose de rappel , comme c'est le cas pour tous les adultes depuis le 15 janvier 2022, s'il ne se présente pas comme un moyen de soutenir les primo-vaccinations, apparaît strictement comparable en termes d'incitation à l'administration de la dose de rappel.

Cette incitation à la vaccination au moyen du passe vaccinal a été, en décembre, très clairement assumée par le Gouvernement, à la différence du mois de juillet 2021. Ce changement a d'ailleurs été remarqué par le Conseil d'État qui, dans son avis sur le projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire 9 ( * ) « relève que le "passe vaccinal" est présenté par les pouvoirs publics comme visant, en outre, à inciter les personnes ne s'étant pas encore engagées dans un schéma vaccinal à entamer cette démarche . Il estime qu'au vu de l'évolution de la situation épidémique et de la progression de la couverture vaccinale dans le pays, cet objectif indirect de la mesure, qui tend à limiter plus largement les risques de diffusion du virus dans les activités autres que celles entrant dans le champ de la mesure en raison des risques particuliers que celles-ci présentent, et les risques de développement des formes graves de la maladie, contribuant ainsi à réduire la pression exercée sur le système de soins, s'inscrit dans l'objectif à valeur constitutionnelle de protection de la santé ».

Sollicité sur le projet de loi 10 ( * ) visant à transformer le passe sanitaire en passe vaccinal, le conseil scientifique a donné un avis favorable, position réaffirmée par la suite 11 ( * ) . Cependant, dans un avis de janvier 2022 12 ( * ) , le conseil « rappelle une nouvelle fois que les dispositions encadrant le passe vaccinal devront être appliquées en cas de besoin avec cohérence et proportionnalité et tenir compte au cours du temps d'une possible amélioration de la situation sanitaire . Trois marqueurs seront à suivre avec attention : (i) le nombre de personnes ayant reçu une dose de rappel, (ii) le niveau d'occupation des lits en hospitalisation et en soins critiques et (iii) l'apparition éventuelle d'un nouveau variant ».

3. Une validation du Conseil constitutionnel sous réserve d'une adéquation à la situation sanitaire

Comme le Conseil d'État dans son avis, le Conseil constitutionnel a constaté dans sa décision sur la loi 13 ( * ) du 21 janvier 2022 que les dispositions relatives au passe vaccinal « portent atteinte à la liberté d'aller et de venir et, en ce qu'elles sont de nature à restreindre la liberté de se réunir, au droit d'expression collective des idées et des opinions ». Cependant, dans sa décision, le Conseil constitutionnel estime que l'appréciation du législateur, qui estime justifié de recourir au passe vaccinal, et les modalités de ce dernier « ne sont pas, en l'état des connaissances, manifestement inadéquates au regard de l'objectif poursuivi et de la situation présente ».

Surtout, le Conseil souligne, reprenant la formulation de la loi, que « les mesures contestées ne peuvent être prises que dans l'intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre l'épidémie de covid-19 et si la situation sanitaire le justifie au regard de la circulation virale ou de ses conséquences sur le système de santé , appréciées en tenant compte des indicateurs sanitaires tels que le taux de vaccination, le taux de positivité des tests de dépistage, le taux d'incidence ou le taux de saturation des lits de réanimation ». Le Conseil insiste également pour rappeler qu' « elles doivent être strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu'elles ne sont plus nécessaires ».

Ainsi le Conseil constitutionnel a-t-il validé l'analyse faite par le Sénat lors de l'examen du texte et particulièrement mis en avant la nécessaire proportionnalité de la mesure et surtout son application limitée strictement à des situations le justifiant au regard d'indicateurs sanitaires objectivement identifiés. C'est précisément l'objet de la mission d'information constituée par la commission.


* 3 Avis du 24 décembre 2021, projet de loi transformant le passe sanitaire en passe vaccinal.

* 4 Assessment of the further emergence of the SARS-CoV-2 Omicron VOC in the context of the ongoing Delta VOC transmission in the EU/EEA, 18th update, ECDC, 15 décembre 2021.

* 5 Impact du variant Omicron sur l'épidémie COVID-19 et son contrôle en France métropolitaine durant l'hiver 2021-2022, Institut Pasteur, 27 décembre 2021.

* 6 Réponses au questionnaire de la commission.

* 7 The effect of mandatory COVID-19 certificates on vaccine uptake: synthetic-control modelling of six countries, Prof. Melinda C Mills, PHD, The Lancet Public Health, 13 décembre 2021.

* 8 Réponse du ministre des solidarités et de la santé au questionnaire adressé par la commission.

* 9 Avis n° 404.676 - Conseil d'État, Commission permanente, Séance du dimanche 26 décembre 2021.

* 10 Avis du 24 décembre précité.

* 11 Dans son avis du 19 janvier 2022, le Conseil a également réitéré « sa position positive en faveur de la transformation du passe sanitaire en passe vaccinal malgré les restrictions de libertés associées, à condition que cette décision soit proportionnée au regard de la crise sanitaire ».

* 12 Avis du Conseil scientifique COVID-19. 21 janvier 2022, Projet de décret de mise en oeuvre du passe vaccinal.

* 13 Conseil constitutionnel, décision n° 2022-835 DC du 21 janvier 2022 - Loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique.

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