L'ESSENTIEL

Créée à l'initiative du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires (GEST) dans le cadre de l'article 6 bis du Règlement du Sénat, qui confère à chaque groupe politique un « droit de tirage » pour la création d'une instance temporaire par année parlementaire, la mission d'information sur le thème « Protéger et accompagner les individus en construisant la sécurité sociale écologique du XXI e siècle » comprenait 19 membres titulaires et deux suppléants. Elle a procédé à l'audition de 48 personnes entre décembre 2021 et mars 2022. Le rapport d'information a été adopté par les groupes GEST, Socialiste, Écologiste et Républicain (SER) et communiste républicain citoyen et écologiste (CRCE), le groupe Les Républicains (LR) s'est abstenu et le groupe Union Centriste (UC) n'a pas pris part au vote.

Le constat est préoccupant : notre protection sociale n'est pas suffisamment résiliente face aux risques environnementaux et l'État ne s'est pas doté des outils prospectifs pour faire face à la survenance plus fréquente et plus aigüe d'événements climatiques et de crises imprévues , dont les effets sur les finances publiques seront lourds de conséquences. La pandémie de Covid-19 l'a démontré avec force. Les chocs futurs risquent d'être encore plus violents. Il est donc urgent de changer de paradigme , avec des politiques publiques dont l'impact environnemental est pris en compte dès la conception et en développant une culture de prévention, d'adaptation et de résilience de notre système de protection sociale.

Selon un rapport de l'OMS de 2016, 23 % des décès dans le monde sont directement liés au fait d'avoir vécu ou travaillé dans un environnement insalubre. Les facteurs de risque environnementaux, tels que la pollution de l'air, de l'eau et des sols, l'exposition aux substances chimiques, le changement climatique ou le rayonnement ultraviolet, contribuent à la survenue de plus de 100 maladies ou traumatismes. Ce sont les plus défavorisés qui supportent la plus forte charge de morbidité liée à l'environnement. Le changement climatique et l'appauvrissement de la biodiversité provoqueront des chocs écologiques de forte amplitude sur notre économie et la société, dont la pandémie actuelle, d'origine zoonotique, n'est qu'une des premières manifestations.

Comment, dès lors, construire de nouvelles protections collectives pour répondre à ces vulnérabilités émergentes, à ces expositions et à ces sensibilités croissantes aux risques environnementaux ?

Les mauvaises performances des politiques de santé environnementale

La transition écologique pourrait créer un million d'emplois durables.

Un gain potentiel d'espérance de vie de 10 ans en choisissant un régime alimentaire varié et nutritionnellement équilibré.

Une entreprise socialement responsable est en moyenne 13 % plus performante qu'une entreprise qui ne l'est pas.

I. GUÉRIR LA SÉCURITÉ SOCIALE DE SA MYOPIE POUR RÉPONDRE À L'ÉMERGENCE DE NOUVEAUX RISQUES

Les crises écologiques frappent de plus en plus durement nos sociétés et la France est l'un des dix États les plus exposés au risque climatique . Notre pays a implicitement fait le choix d'allonger l'espérance de vie, mais moins d'un Français sur deux (46 %) est en bonne santé à 65 ans contre 77 % en Suède .

Le lien entre santé et environnement, santé humaine, animale et état écologique global est avéré et l'OMS promeut depuis 2010 le concept Une Seule Santé ( One Health ). L'épidémie de Covid-19 a mis en évidence la pertinence de ce concept. Il appelle en conséquence un changement de paradigme et la prise en considération de la santé environnementale dans l'ensemble des politiques publiques , recommandée par le rapport Chauvin, président du Haut Conseil en santé publique 1 ( * ) . Ce champ de la santé publique doit être considérablement développé dans la formation, la gestion et la gouvernance de tous les acteurs du système de protection sociale.

La mise en oeuvre des Accords de Paris de 2015 serait bénéfique en termes de santé publique et contribuerait à la réduction des inégalités, les populations les plus vulnérables étant affectées par les nouveaux risques. La santé occupant une place croissante dans les négociations climatiques internationales, la France doit signer l'appel de Glasgow de novembre 2021 en faveur de l'instauration de systèmes de santé résilients aux changements climatiques et à faible émission de carbone.

Notre système de protection sociale doit se repenser pour être résilient et affronter les défis du réchauffement climatique . Si, à l'origine, la Sécurité sociale a été pensée dans une optique curative, qui accapare 97 % des dépenses de santé , la montée préoccupante des maladies chroniques rend nécessaire de prioriser les politiques de prévention , qui sont économiquement rentables.

La prise en compte de l'environnement dans l'ensemble des politiques publiques dès leur conception doit permettre de réduire fortement le coût d'absorption des chocs écologiques et climatiques. En effet, la réduction de la probabilité d'occurrence des dommages sur notre environnement, au-delà de prévenir le « coût de l'inaction », générera des effets bénéfiques à la fois en termes de santé publique et de gains économiques.

Pourtant, les politiques de l'environnement et de la santé sont encore trop pilotées en silo . La santé environnementale doit devenir une politique transversale, le Parlement être davantage associé dans la détermination, le suivi et l'évaluation des objectifs de santé publique, avec une forte implication des territoires , en généralisant les évaluations d'impacts sur la santé (EIS) et de la population et en dynamisant les conseils territoriaux de santé (CTS). Les acteurs de la santé doivent être mieux formés à l'impact des facteurs environnementaux sur la santé comme au concept Une Seule Santé ( One Health) , un programme national ambitieux de recherche en santé environnementale doit être construit, afin de développer une culture de la santé environnementale .

L'État apparaît particulièrement démuni , depuis l'abandon du suivi des 100 indicateurs de la loi de santé publique du 9 août 2004. Les plans de santé sont des catalogues non contraignants et non financés. Aucune stratégie d'adaptation de notre administration de la sécurité sociale à la transition climatique, aucun plan de résilience et aucune planification publique de décarbonation de la santé n'ont été réalisés. Trop peu d'établissements de santé calculent leur empreinte carbone. Mais l'État dispose-t-il encore des capacités d'expertise et de la volonté politique de long terme d'effectuer un exercice comparable au plan de transformation de l'économie française (PTEF), réalisé par l'ONG The Shift Project , qui vise à proposer des solutions pragmatiques pour décarboner l'économie en favorisant la résilience et l'emploi, et son volet pour le secteur de la santé ?

La stratégie nationale d'adaptation au changement climatique doit faire l'objet d'un débat annuel au Parlement . L'étude d'impact des projets de loi doit inclure un volet climatique et de santé environnementale . Enfin, France Stratégie doit coordonner l'élaboration d'un plan quinquennal d'adaptation de notre système de protection sociale intégrant une cartographie des risques .

LES PROPOSITIONS POUR DÉVELOPPER LA CAPACITÉ
DE RÉSILIENCE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Proposition n° 1 : Prendre en compte l'impact environnemental dès la conception des politiques publiques afin de créer un système de protection sociale plus résilient.

Proposition n° 2 : Diffuser le concept Une Seule Santé ( One Health) dans la littératie pour prendre davantage en compte la santé environnementale.

Proposition n° 3 : Appliquer les engagements pris à la sixième conférence ministérielle d'Ostrava de 2017 sur l'environnement et la santé et signer l'appel de Glasgow de novembre 2021 en faveur de l'instauration de systèmes de santé résilients aux changements climatiques et à faible émission de carbone.

Proposition n° 4 : Renforcer la prévention dans toutes les politiques publiques et en particulier en matière de santé et d'environnement afin de combler le retard pris par la France en ce domaine.

Proposition n° 5 : Mener des études sur l'impact économique global de la prévention, au-delà des études ponctuelles sur un risque précis (air, bruit...).

Proposition n° 6 : Confier le pilotage interministériel des politiques environnementales à un Haut-commissaire à la planification de la transition environnementale.

Proposition n° 7 : Intégrer dans les études de santé, et dans la formation continue des professionnels de santé, des enseignements sur l'impact des facteurs environnementaux et du changement climatique sur la santé.

Proposition n° 8 : Créer de nouveaux indicateurs de santé publique et associer le Parlement dans leur détermination, leur suivi et leur évaluation.

Proposition n° 9 : Établir une méthodologie solide permettant la prise en compte des facteurs environnementaux et climatiques sur les dépenses couvertes par la sécurité sociale.

Proposition n° 10 : Organiser un débat annuel au Parlement de la Stratégie française sur l'énergie et le climat (SFEC).

Proposition n° 11 : Intégrer la santé environnementale dans les études d'impact accompagnant les projets de loi et renforcer le recours aux évaluations d'impact sur la santé dans le cadre de l'élaboration de grands projets d'aménagements publics.

Proposition n° 12 : Élaborer une stratégie publique de décarbonation des acteurs publics et privés de la santé permettant le respect des accords de Paris.

Proposition n° 13 : Confier à France Stratégie la coordination d'un plan quinquennal de préparation à l'adaptation de notre système de protection sociale.

Proposition n° 14 : Créer une cartographie des risques, en lien avec la direction générale de la santé et l'assurance maladie.

II. NON-ASSISTANCE À SÉCURITÉ SOCIALE EN DANGER FINANCIER

Dans une logique productiviste faisant fi de la préservation des ressources naturelles, nos économies modernes sont focalisées sur la mesure de la croissance économique au travers du produit intérieur brut (PIB). L'équilibre financier de notre système de protection sociale lui-même repose sur la croissance , dont dépendent ses ressources.

C'est le cas notamment du système de retraites, financé par des cotisations sociales dont le montant dépend de la croissance, de la productivité et des salaires, tandis que ses dépenses sont liées à celle des prix, le niveau des pensions étant indexé sur l'inflation depuis 1987.

Dans ce contexte, le changement climatique menace la soutenabilité financière de la sécurité sociale , prise en étau entre l'accroissement prévisible de ses dépenses du fait des conséquences sanitaires de ce phénomène et le ralentissement économique qui devrait résulter de l'épuisement des ressources de la planète et de la transition écologique.

Malgré les réformes législatives récentes, notamment en ce qui concerne le régime des catastrophes naturelles et le système d'assurance récolte, les risques couverts par les organismes d'assurance s'avèrent, quant à eux, de moins en moins assurables : le coût des catastrophes naturelles devrait en effet doubler d'ici à 2040 .

Dès lors, c'est notre pacte social qui risque d'être ébranlé, les ménages les plus défavorisés étant généralement les plus dépendants aux énergies fossiles et les moins à même d'assumer le coût de la transition écologique. Il importe donc d'intégrer aux politiques climatiques une dimension redistributrice de façon à assurer leur acceptabilité sociale , comme le propose la Commission européenne avec le Fonds social pour le climat.

Pour relever les défis climatiques du XXI e siècle, la perspective d' une nouvelle branche de sécurité sociale dédiée à la couverture des risques environnementaux est portée dans le débat public par certains économistes.

Selon ces derniers, une telle entité permettrait d'unifier une grande partie des dépenses liées au changement climatique et à la transition écologique de façon à disposer de la visibilité et des marges de manoeuvre nécessaires à une action efficace . Par ailleurs, face à l'enjeu de l'acceptabilité de la fiscalité environnementale, mis en lumière par le mouvement des Gilets jaunes, l'affectation des ressources qui en sont issues à cette branche « vulnérabilité » permettrait de garantir au contribuable que ces prélèvements financent directement la lutte contre le changement climatique .

Un fonds pour l'environnement , chargé de l'intervention publique en matière d'assurance récolte, de prévention des risques naturels majeurs et de transition énergétique, pourrait constituer une alternative.

Bien que la rapportrice soit favorable à ces propositions, la mission d'information n'a pas retenu ces orientations.

Champ d'intervention envisageable de la sécurité sociale écologique

Quelle que soit la solution retenue par le législateur, la plupart des charges pouvant être supportées par cette entité sont déjà financées à ce jour par le budget de l'État, les cinq branches de la sécurité sociale, les organismes d'assurance ou des fonds tels que le fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA) ou le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), dit « fonds Barnier ». Il s'agit donc essentiellement d'assurer le financement de leur accroissement probable au cours des prochaines décennies .

Dans cette perspective, plusieurs ressources ont été proposées par les personnes auditionnées : les économies considérables pouvant être générées par l'assurance maladie du fait de la transition d'un système curatif vers un système préventif, l'affectation du produit de la fiscalité environnementale ou des ressources dédiées au remboursement de la dette sociale une fois celle-ci éteinte, ou encore une contribution des ménages, proportionnelle à leur empreinte environnementale, et des organismes d'assurance .

LES PROPOSITIONS POUR MIEUX INTÉGRER LA PRISE EN COMPTE
DES RISQUES CLIMATIQUES DANS NOTRE MODÈLE DE PROTECTION SOCIALE

Proposition n° 15 : Développer la prise en compte des dimensions humaine et environnementale dans la mesure des performances économiques nationales et compléter la comptabilité financière des entreprises et de l'État en matière environnementale.

Proposition n° 16 : Accroître les marges de manoeuvre financière de l'État face aux conséquences du changement climatique sur le solde de la sécurité sociale tout en tenant compte des besoins révélés par la crise sanitaire.

Proposition n° 17 : Affiner l'évaluation des conséquences du changement climatique sur la croissance économique et le financement de la protection sociale afin de mieux orienter les politiques publiques.

Proposition n° 18 : Inciter les organismes d'assurance à augmenter les moyens qu'ils consacrent à l'effort de transition écologique et à la maîtrise des risques environnementaux.

Proposition n° 19 : Lier une partie du financement des acteurs de la santé par l'assurance maladie à la poursuite d'objectifs environnementaux.

Proposition n° 20 : Développer les compétences en matière de développement durable au sein du ministère de la santé.

Proposition n° 21 : Travailler à la mise en place d'une couverture sociale des risques environnementaux.

Proposition n° 22 : Adapter la fiscalité environnementale afin d'assurer le financement de la sécurité sociale écologique.

Proposition n° 23 : Asseoir une partie du financement de la sécurité sociale écologique sur les économies budgétaires dégagées par la transition d'un système curatif vers un système préventif.

Proposition n° 24 : Associer des acteurs de l'économie, du dialogue social, de la protection de l'environnement et des citoyens tirés au sort à la gouvernance de la sécurité sociale écologique.

III. CHANGEMENT CLIMATIQUE ET TRANSITION ÉCOLOGIQUE :
DES TRANSFORMATIONS DE L'EMPLOI À ANTICIPER ET À INTÉGRER

La transition écologique appelle une profonde mutation de l'emploi . Certaines filières verront leurs effectifs diminuer : énergies fossiles, transports aériens de voyageurs. D'autres devront procéder à une formation professionnelle massive pour requalifier les métiers, par exemple la réorientation de l'industrie automobile thermique vers l'électrique. Enfin, des gains d'emplois dans des secteurs non délocalisables et à forte intensité de main d'oeuvre sont attendus, comme pour la rénovation thermique des bâtiments, les énergies renouvelables, les nouvelles modalités de transports.

Ce vaste mouvement de transition professionnelle concernerait 3,8 millions d'emplois. Il appelle à repérer les compétences nécessaires au développement des filières en tension, à renforcer l'analyse de l'impact de la transition écologique sur les métiers et compétences, à financer davantage de projets de reconversion professionnelle, à rendre le dispositif Transco, actuellement individualisé, plus collectif, et à renforcer le rôle des opérateurs de compétence (OPCO), les engagements et développement de compétence devant mieux intégrer la transition et recentrer la formation en direction des secteurs porteurs.

Pour tous les travailleurs, l'impact du changement climatique se ressent , notamment pour ce qui concerne la chaleur et la pollution. Les évaluations quantitatives d'impact sur la santé (EQIS) sont cependant insuffisantes, faute du déploiement satisfaisant du document unique d'évaluation des risques professionnels (DUERP) qui font encore défaut pour 55 % des employeurs. Pourtant, il est avéré qu'une chaleur excessive met en danger la santé des salariés, conduit à des pertes d'heures de travail, et cause des millions de décès dans le monde. L'augmentation des pollutions sonores et des troubles musculo-squelettiques (qui représentent 88 % des 50 000 cas de maladies professionnelles) appelle à des mesures renforcées.

Les efforts des employeurs en faveur de la santé des travailleurs s'inscrivent aujourd'hui dans le cadre de la responsabilité sociétale des entreprises , aussi entendue comme leur responsabilité sociale et environnementale (RSE). Celle-ci complète les obligations légales de l'employeur en matière de prévention, qui ne suffisent pas toujours au regard de la prévalence des accidents du travail et des maladies professionnelles . L'ensemble entre dans le cadre des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), dont l'appréciation doit garantir que les employeurs vont au-delà du simple écoblanchiment, ou greenwashing . La réforme récente de la santé au travail repose sur la contribution des employeurs à une meilleure évaluation de l'exposition des salariés aux risques sanitaires. L'outil de la commande publique pourrait constituer un levier pour encourager les entreprises dans cette démarche. Mais l'État doit aussi se montrer exemplaire en élaborant une cartographie des risques pour tous les agents publics.

LES PROPOSITIONS POUR ACCOMPAGNER LA TRANSITION PROFESSIONNELLE ET AMÉLIORER LA PRÉVENTION DE LA SANTÉ
AU TRAVAIL

Proposition n° 25 : Élaborer des scénarios de transformation de l'économie nécessaires pour respecter les orientations de transition écologique de la France et anticiper les besoins de main-d'oeuvre correspondants d'ici à 2050.

Proposition n° 26 : Établir une cartographie professionnelle des compétences en fonction de leur transférabilité entre filières en tension et en contraction.

Proposition n° 27 : Renforcer l'accompagnement des salariés des filières en contraction.

Proposition n° 28 : Développer le rôle prospectif des Crefop dans l'évaluation des impacts de la transition écologique.

Proposition n° 29 : Confier aux observatoires d'analyse et d'appui au dialogue social une mission d'évaluation des nouvelles méthodes de travail liées au changement climatique.

Proposition n° 30 : Améliorer le suivi de la santé au travail en France en assurant la bonne réalisation des documents uniques d'évaluation des risques professionnels (DUERP), et les adresser chaque année à Santé publique France afin de mieux évaluer l'exposition aux risques sanitaires.

Proposition n° 31 : Évaluer au niveau de la France la prévalence des pics de chaleur dans les années à venir et encourager l'adaptation des employeurs à ces pics en vue de préserver la santé des travailleurs.

Proposition n° 32 : Créer un guichet unique pour l'accès des entreprises aux aides à la transition écologique et une base de suivi de ces aides, établir une liste exhaustive des critères environnementaux à remplir pour en bénéficier, et prévoir des sanctions en cas de non-conformité à ces critères.

Proposition n° 33 : Modifier l'article L. 2112-3 du code de la commande publique pour permettre aux acheteurs publics de prendre en compte la dimension RSE dans leurs appels d'offres.

Proposition n° 34 : S'assurer du respect et de l'efficacité du Plan santé au travail pour la fonction publique.

Proposition n° 35 : Créer une cartographie des risques de santé publique des trois fonctions publiques, mise à jour régulièrement.

IV. L'APPLICATION IMMÉDIATE D'UNE SÉCURITÉ SOCIALE ÉCOLOGIQUE : LE DROIT À UNE ALIMENTATION SAINE

La contribution d'une alimentation saine à une bonne santé est établie depuis Hippocrate. A contrario , les méfaits de la malnutrition seraient responsables de 22 % des décès mondiaux. Pourtant, si le patrimoine culinaire de la France est inscrit au patrimoine mondial depuis 2010 grâce à une agriculture de qualité et si le pays se passionne pour les émissions télévisées culinaires, les mauvaises pratiques alimentaires se multiplient et 80 % des dépenses alimentaires des ménages s'orientent vers des produits transformés . Les inégalités nutritionnelles sont également fortement corrélées à des facteurs socio-économiques : les contraintes budgétaires contribuent à expliquer des consommations différenciées entre les ménages suivant leur niveau de vie. Elles sont un facteur d'accès inégal à une alimentation équilibrée et de qualité.

Les pouvoirs publics tentent de favoriser une alimentation plus saine, grâce notamment à l'adoption du Nutri-score depuis 2017, lequel, s'il peut contribuer à l'évolution des pratiques d'achat, n'est pas suffisant pour modifier les pratiques alimentaires dans leur ensemble, et devrait être amélioré. Plusieurs dispositifs législatifs favorisent une meilleure éducation à la santé alimentaire . Pourtant, un enfant sur trois ne sait pas reconnaître ce qu'il mange , et le marketing alimentaire, notamment dans les programmes destinés à la jeunesse, n'est pas suffisamment encadré.

Il est nécessaire :

Ø de passer d'une logique d'assistance alimentaire à une logique d'accompagnement par l'alimentation et établir une sécurité alimentaire saine et durable ;

Ø d'accentuer les efforts pour promouvoir des habitudes de consommation propices à une alimentation saine tout au long de la vie ;

Ø d'accroître les incitations à une alimentation saine et durable pour tous les maillons de la chaîne alimentaire, en garantissant une juste rémunération pour les agriculteurs et un système prix favorable à la qualité ;

Ø d'améliorer le contrôle de la qualité des aliments et la crédibilité des sanctions, dans une logique de prévention, en augmentant significativement les moyens des organismes publics chargés des contrôles ;

Ø d'organiser une consultation démocratique préalable à la mise en place d'une allocation alimentaire universelle ou de mécanismes plus ciblés favorisant la consommation de produits sains.

À cet égard, il faut éviter l'effet stigmatisant attaché aux dispositifs adaptés pour certaines catégories de population, réduire les liens de dépendance entre aide alimentaire et invendus , territorialiser la lutte contre la précarité alimentaire et oeuvrer à la mise en oeuvre d'une démocratie alimentaire.

LES PROPOSITIONS POUR UNE SÉCURITÉ SOCIALE ALIMENTAIRE

Proposition n° 36 : Mieux prendre en compte les difficultés socio-économiques des individus dans l'élaboration et la mise en oeuvre des politiques publiques de l'alimentation.

Proposition n° 37 : Approfondir le Nutri-score en intégrant l'impact sur l'environnement des produits, tenant compte de la santé environnementale et opérant une distinction entre produits bruts ou peu transformés et aliments ultra-transformés.

Proposition n° 38 : Développer la littératie alimentaire tout au long de la vie, en favorisant une éducation propice à une alimentation saine, et accentuer la lutte contre le gaspillage.

Proposition n° 39 : Mieux encadrer la publicité et le marketing alimentaire dans les médias, notamment aux heures de grande audience et dans les programmes destinés à la jeunesse.

Proposition n° 40 : Analyser les causes de non-recours et de renoncement à l'aide alimentaire, pour élaborer des modèles plus inclusifs et moins stigmatisants, en améliorant le couplage entre aide alimentaire et accompagnement social.

Proposition n° 41 : Inscrire le droit à l'alimentation durable dans le droit français et européen, afin d'enclencher une dynamique transformatrice de nos systèmes de production alimentaire.

Proposition n° 42 : Accroître les incitations à une alimentation saine et durable pour tous les maillons de la chaîne alimentaire, en garantissant une juste rémunération pour les agriculteurs et un système prix favorable à la qualité.

Proposition n° 43 : Améliorer le contrôle de la qualité des aliments et la crédibilité des sanctions, dans une logique de prévention, en augmentant significativement les moyens des organismes publics chargés du contrôle.

Proposition n° 44 : Dans le cadre d'une démarche concertée avec les industriels de l'agroalimentaire afin d'éviter des phénomènes de distorsion de concurrence, réduire la teneur en sel ajouté dans les produits transformés.

Proposition n° 45 : Organiser une concertation nationale pour élaborer de manière démocratique les fondements d'une allocation alimentaire durable ou de mécanismes plus ciblés favorisant la consommation de produits sains, locaux et de qualité.

Proposition n° 46 : Intégrer un volet de lutte contre la précarité alimentaire dans tous les projets alimentaires territoriaux.

Proposition n° 47 : Systématiser l'affichage précis du lieu de production ou de culture pour les produits bruts à une échelle territoriale fine, en tenant compte de la spécificité des produits et soutenir les démarches de circuit court.

Proposition n° 48 : Instaurer des mécanismes de démocratie alimentaire, pour ancrer les systèmes de production alimentaire dans une logique de durabilité et de qualité nutritionnelle et renouveler en profondeur le pacte social alimentaire.


* 1 Dessiner la santé publique de demain, rapport remis le 4 mars 2022 au ministre des solidarités et de la santé.

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