Rapport d'information n° 155 (1995-1996) de M. Nicolas ABOUT , fait au nom de la délégation pour l'Union européenne, déposé le 21 décembre 1995

Disponible au format Acrobat (1,5 Moctet)

N ° 15 5

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996


Annexe au procès-verbal de la séance du 21 novembre 1995.

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation du Sénat pour l'Union européenne (1) , sur la 3 ème Conférence interparlementaire de suivi Schengen , qui s'est tenue à Luxembourg les 8 et 9 décembre 1995,

Par M. René TRÉGOUËT,

Sénateur.

(1) Cette délégation est composée de : MM. Jacques Genton, président ; James Bordas, Claude Estier, Pierre Fauchon, Philippe François, vice-présidents ; Nicolas About, Michel Caldaguès, Jacques Habert, Emmanuel Hamel, François Lesein, Paul Loridant, Charles Metzinger, secrétaires ; MM. Robert Badinter, Denis Badré, Gérard Delfau, Mme Michelle Demessine, MM. Charles Descours, Ambroise Dupont, Jean François-Poncet, Yves Guéna, Pierre Lagourgue, Christian de la Malène, Lucien Lanier, Paul Masson, Daniel Millaud, Georges Othily, Jacques Oudin, Guy Penne, Mme Danièle Pourtaud, MM. Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jacques Rocca Serra, André Rouvière. Jean-Pierre Tizon, René Trégouët, Marcel Vidal et Xavier de Villepin.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs

Le Conseil interparlementaire consultatif du Benelux a organisé, à Luxembourg, les 8 et 9 décembre 1995, la 3 ème Conférence interparlementaire de suivi des accords de Schengen. Le Sénat était représenté par M. Nicolas ABOUT, sénateur.

Cette conférence faisait suite à la première Conférence qui avait eu lieu en 1989 à Luxembourg et à celle qui avait eu lieu en janvier 1992 à Bruxelles, où le Sénat avait été représenté par des membres de sa commission d'enquête Schengen, notamment par son président, notre collègue Paul MASSON.

Cette Conférence a rassemblé une soixantaine de parlementaires représentant l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, le Danemark, la France, la Grèce, l'Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Norvège, la Finlande, la Suède, la Lituanie, la Lettonie, l'Estonie, ainsi que l'Assemblée Balte, le Conseil de l'Union nordique des passeports et le Parlement européen. L'Espagne, le Portugal et l'Islande s'étaient excusés. L'Assemblée nationale de la République française n'avait pu être représentée. La liste des participants est fournie en annexe.

I. L'ORDRE DU JOUR DE LA CONFÉRENCE

Trois thèmes étaient inscrits à l'ordre du jour :

- tout d'abord, sur le rapport de M. FISCHBACH, ministre de la justice du grand-duché de Luxembourg, un examen de l'entrée en vigueur, des six premiers mois de fonctionnement, des problèmes actuels et des développements futurs des accords de Schengen ;

- ensuite la question de l'adhésion des nouveaux candidats membres sur le rapport de M. Vande LANOTTE, vice-premier ministre et ministre de l'intérieur de la Belgique, président du Comité exécutif de Schengen ;

- enfin l'analyse du contrôle parlementaire des accords de Schengen sur la base d'un exposé introductif de M. Lode Van OUTRIVE, professeur à l'Université catholique de Louvain, et de M. SUYKERBUYK, membre du Conseil flamand de Belgique, ancien membre du Conseil interparlementaire consultatif de Benelux.

II. LES RÉSULTATS DE LA CONFÉRENCE

Les travaux ont été clôturés par l'adoption de trois déclarations finales.

Le texte de ces déclarations est fourni en annexe.

A. LA MISE EN APPLICATION DE LA CONVENTION D'APPLICATION DES ACCORDS DE SCHENGEN.

Plusieurs questions ont été abordées portant principalement sur le recours, par la France, à la clause de sauvegarde, sur les contrôles aux frontières extérieures, sur le système d'information Schengen (SIS), sur la Politique en matière de visas et leur délivrance, sur l'examen des demandes d'asile, sur la coopération pour la lutte contre le trafic de stupéfiants, enfin sur la protection de la vie privée.

Le rapport introductif de M. Marc FISCHBACH, ministre de la justice du Grand-Duché du Luxembourg a conclu que, après six mois d'application de la Convention, les craintes manifestées dans le passé avaient été démenties dans les faits. C'est pourquoi, de son point de vue, la France devrait revoir sa décision de mise en oeuvre de la clause de sauvegarde de l'article 2, paragraphe 2 du traité.

Après quelques tentatives, de la part de plusieurs parlementaires, notamment des Pays-Bas et du Parlement européen, de mise en accusation de la France, l'ensemble des délégations, en particulier après une intervention de M. Nicolas ABOUT, sénateur, a renoncé à contester le bien-fondé de ce recours à la clause de sauvegarde . M. Nicolas ABOUT a notamment rappelé à la Conférence les conditions qui avaient conduit la France à demander l'application de la clause de sauvegarde : trafics de drogue et insuffisante coopération transfrontalière, et ce avant même le premier attentat terroriste du 25 juillet 1995 qui a fait neuf morts et plus de deux cents blessés.

M. Nicolas ABOUT a également souligné que la France estimait alors que la suppression des contrôles aux frontières avait conduit à une moindre sécurité et à un accroissement du narco-trafic, en particulier dans le nord de la France en provenance des Pays-Bas. D'autre part, les contrôles aux frontières extérieures sont encore mal assurés ; il faut donc avancer prudemment afin que toutes les clauses du traité soient parfaitement appliquées et pour éviter que la « génération Schengen » ne devienne la « génération drogue ».

La déclaration finale, adoptée à l'unanimité, ne fait pas mention de l'exception française malgré les sérieuses réserves entendues, tant de la part de certains représentants du Benelux que du Parlement européen ;

La France n'est pas isolée sur les questions de répression des trafics de stupéfiants ; le représentant de l'Allemagne, M. REGENSBURGER, secrétaire d'État à l'intérieur du Land de Bavière et délégué du Bundesrat, a clairement accusé les Pays-Bas de mettre en difficulté les accords du fait de sa politique de tolérance en matière de drogues douces ; M. Nicolas ABOUT a appuyé cette position qui a été relayée avec fermeté par le représentant de la Suède ; la déclaration finale souligne que les représentants parlementaires à la conférence « insistent pour que, à défaut d'harmonisation de la politique dans le domaine de la lutte contre les stupéfiants, les Pays Contractants intensifient la coopération en la matière afin de réduire les effets négatifs des politiques divergentes » ; un article publié le 9 novembre dans le journal local du Luxembourg a expliqué que si la Conférence a fait un constat globalement positif de la mise en oeuvre des accords, en revanche « le bilan de la lutte contre le tourisme de la drogue n'est pas aussi positif » ; l'article note encore que des efforts ont été engages pour renforcer et harmoniser la lutte, mai qu'il reste possible que la France maintienne, au-delà du 1 er janvier prochain, ses réserves au regard de la lutte insuffisante des Pays-Bas face à la drogue ;

D'une manière générale, tous les intervenants ont souligné les insuffisances actuelles de la politique menée en matière de sécurité dans l'espace Schengen ; la coopération policière n'est pas satisfaisante et il faut améliorer ou prendre des accords transfrontaliers ; la surveillance des frontières extérieures, notamment dans le domaine de l'immigration illégale, n'est pas au point ; l'alimentation du système informatique Schengen (SIS) n'est pas homogène puisque la France et l'Allemagne, à elles seules, fournissent la quasi-totalité des données ; des lacunes importantes subsistent dans le domaine des procédures applicables en matière de visas et d'asile.

M. REGENSBURGER a constaté que, en Bavière, plus de 150.000 personnes avaient fait l'objet d'arrestation à l'intérieur du territoire depuis la mise en oeuvre de la convention en raison de la suppression des contrôles filtrants sur les frontières intérieures.

B. LE CONTRÔLE PARLEMENTAIRE

L'ensemble des participants ont dénoncé, parfois avec vigueur, l'insuffisance du contrôle parlementaire de Schengen ; des exemples de documents gardés confidentiels par les groupes de fonctionnaires, en particulier par le groupe central de négociation, ont été fournis dans des domaines sensibles ; les interventions ont conduit à estimer que, la communautarisation du troisième pilier n'étant pas envisageable à bref délai, la mise en place d'une « plate-forme » interparlementaire de contrôle du Comité exécutif s'impose ; M. Nicolas ABOUT a soutenu sur ce point la délégation néerlandaise, ce qui a créé une surprise au niveau du bureau de la Conférence et des participants ; une déclaration finale spéciale a été adoptée dans ce sens, qui charge le Conseil interparlementaire de Benelux « d'élaborer, en concertation avec le secrétariat général de l'Union économique Benelux, une proposition visant à informer, dans l'intervalle entre les réunions de la conférence interparlementaire Schengen, les assemblées nationales au sujet des résultats du contrôle exercé au sein des différentes assemblées parlementaires ainsi que au sujet de l'élaboration d'une structure de coopération entre les parlements nationaux ayant participé à l'adoption de cette déclaration » ; un amendement tendant à associer le Parlement européen à cette plate-forme de contrôle parlementaire n'a pas été retenu par le bureau de la Conférence, malgré un plaidoyer soutenu de la délégation belge ; finalement la Conférence a rejeté la participation du Parlement européen au motif que celle-ci, qui empiéterait sur les droits des Parlements nationaux, ne pourrait intervenir qu'après la communautarisation du 3 ème pilier, Schengen relevant au demeurant d'une procédure intergouvernementale malgré l'actuelle présence de la Commission européenne au Comité exécutif.

C. LA QUESTION DE L'ADHÉSION DE CANDIDATS MEMBRES

L'élargissement de Schengen à l'Union nordique des passeports se heurte a nombreux obstacles : la non-adhésion de l'Islande et de la Norvège à l'Union européenne pose un problème juridique qui peut difficilement trouver une solution dans le statut d'observateur de ces deux pays qui devraient alors accepter les décisions du Comité exécutif sans voix délibérative. Cette solution pourrait en outre créer un précédent pour l'avenir. La question de l'adhésion des pays baltes est encore plus problématique. C'est pourquoi M. Nicolas ABOUT s'est désolidarisé en son nom personnel d'une déclaration concernant la coopération entre les Pays Schengen et les Pays Baltes, et qui demandait l'engagement, début 1996, de consultations « en vue d'examiner les possibilités de mettre sur pied des programmes de coopération visant à faciliter la circulation des voyageurs » ; l'abstention sur cette déclaration de la France a été, semble-t-il, parfaitement comprise des autres parlementaires.

EXAMEN DU RAPPORT

La délégation a examiné le présent rapport au cours de sa réunion du 20 décembre 1995.

M. Nicolas About , rapporteur, a souligné que la position de la France semble mieux comprise maintenant quand elle invoque la clause de sauvegarde nationale de l'article 2 ; le problème du trafic des stupéfiants est devenu un débat majeur en Europe, y compris au sein des pays du Benelux. Les Pays-Bas doivent, soit procéder à des adaptations de politique intérieure, soit prendre, avec leurs partenaires, des mesures d'application de l'article 71 alinéa 2 de la Convention de Schengen.

M. Paul Masson a estimé que Schengen ne doit pas être seulement une affaire de spécialistes. Les négociations en cours sur l'avenir du troisième pilier « justice et affaires intérieures » du traité sur l'Union européenne montrent qu'on assistera, soit à la communautarisation partielle de cette matière, soit à une politique renouvelée permettant, à partir du « laboratoire » qu'est le traité de Schengen, de rallier de nouveaux États. Constatant que la France n'est plus en position d'accusée et ne fait plus l'objet de procès d'intention, il a jugé que les propositions françaises reposaient sur le bon sens. Elles consistent d'abord à constater que la notion d'un contrôle linéaire aux frontières est dépassé et à lui substituer un contrôle mobile dans une zone filtre de quelques dizaines de kilomètres de profondeur. Applaudissant à la mise en place de commissariats communs franco-allemands ou franco-espagnols, M. Paul Masson s'est demandé s'il ne convenait pas aussi de rompre avec la notion linéaire pour les frontières extérieures. Les propositions françaises consistent aussi à refuser d'accepter la politique des Pays-Bas à l'égard de la drogue comme une fatalité. Le traité de Schengen a été signé par les Pays-Bas : or, les dispositions de l'article 71 alinéa 2 de ce traité sont sans ambiguïtés, de même que la déclaration finale du traité relative à l'application de ces dispositions.

M. Pierre Fauchon , évoquant la déclaration finale de la conférence sur la coopération interparlementaire, a souhaité que. face à l'ampleur du problème, on recherche surtout des mesures efficaces, par exemple en matière de disparité des législations ou des moyens policiers ; selon lui les mesures envisagées à ce jour ne sont pas à la hauteur de l'enjeu.

Interrogé par M. Xavier de Villepin , M. Nicolas About a indiqué que le système d'information Schengen (SIS) était alimenté à 90 % par la France et l'Allemagne, mais que l'ensemble des pays membres utilisaient le système. M. Paul Masson a insisté sur l'indispensable pédagogie requise pour une utilisation optimale du système par les personnels de police.

M. Xavier de Villepin s'étant interrogé sur l'évolution des néerlandais en matière de stupéfiants, M. Paul Masson a précisé le contenu de la négociation engagée entre la France et les Pays-Bas dans ce domaine ; le livre blanc du gouvernement néerlandais sur la drogue sera examiné par le parlement néerlandais au début de l'année prochaine

M. Xavier de Villepin a fait part de son scepticisme sur la possibilité de régler, dans le seul cadre de négociations bilatérales avec les Pays-Bas, pays producteur de cannabis, la question de la drogue.

M. Christian de La Malène a considéré que la question essentielle consistait à déterminer si, l'Italie étant en dehors du dispositif et des mesures étant prévues pour amener les Pays-Bas à modifier leur politique ou pour les isoler de ce dispositif, la France sera mieux ou moins bien protégée de la drogue venant de l'extérieur avec la mise en oeuvre de la convention ; estimant que les néerlandais veulent avant tout protéger la vocation commerciale unanimement reconnue du port de Rotterdam, il a souhaité connaître le coût du contrôle physique des containers dans ce port.

M. Nicolas About , rapporteur, a précisé qu'il paraissait difficile, voire impossible d'isoler les Pays-Bas compte tenu des liens qui les unissent aux deux autres États du Benelux. Par ailleurs l'application du dispositif de lutte contre les trafics de stupéfiants de l'article 71 alinéa 2 implique la participation des néerlandais ; M. Paul Masson a confirmé cette analyse, ajoutant que cet article visait explicitement le cannabis.

M. Lucien Lanier s'étant interrogé sur la durée de la prorogation de la clause de sauvegarde demandée par la France, M. Paul Masson a développé les dispositions de l'article 2 du traité relatives à l'usage de cette clause ; il a souligné le paradoxe qui existe dans le fait que les partenaires de la France ont demandé que le Comité exécutif définisse une procédure pour l'application de l'article 2, alors qu'aucune procédure n'a été souhaitée pour la mise en oeuvre de l'article 71.

M. Pierre Fauchon ayant évoqué la non participation du Parlement européen à l'organe de contrôle parlementaire du Comité exécutif mentionné dans l'une des trois déclarations finales de la conférence, M. Jacques Genton, président, a rappelé les conditions dans lesquelles la conférence s'était déterminée dans ce sens, conditions que le rapporteur a développées dans son rapport. Il s'est également réjoui que le parlement français ait pu être représenté par M. Nicolas About à la conférence.

La délégation a alors adopté le rapport de M. Nicolas About sur la troisième conférence interparlementaire de suivi des accords de Schengen.

ANNEXES

I. LISTE DES PARTICIPANTS

AUTRICHE (A)

BIERINGER L. Bundesrat

STRUTZENBERGER W. Bundesrat

TREMMEL P. Bundesrat

KERLE I. secrétaire

ASSEMBLÉE BALTE

BICKAUSKAS E. Président de l'Assemblée Balte

ALATALU T. Estonie

MARKAUSKAS R. Lituanie

RUUTEL A. Estonie

KARNUPA A. secrétaire

BANKAUSKAITE D. secrétaire

BELGIQUE (B)

BOURGEOIS A. Sénat

GORIS S. Sénat

PINOIE E. Sénat

SANTKIN J. Sénat

BROUNS H. Chambre des Représentants

CANON J. Chambre des Représentants

DE LATHOUWER R. Chambre des Représentants

JANSSENS Ch. Chambre des Représentants

MOERMAN J.-P. Chambre des Représentants

SMETS T. Chambre des Représentants

VISEUR J.-P Chambre des Représentants

DE PLANCKE B. secrétaire

ALLEMAGNE (D)

REGENSBURGER H. Bundesrat

BIERINGER L Bundestag

BOSBACH W. Bundestag

SINGER J. Bundestag

PARLEMENT BENELUX :

ANSOMS J.

BARTHOLOMEEUSSEN M.

BOCK J.

CAHAY-ANDRE P.

D'HONDT D.

DEES D.

DE KONING

EEMAN J.

ESTGEN N.

GROSJEAN A.

HAPPART J-M.

HENRY J-P.

JUNG A.

KOEPP J-P.

LEDUC J ;

LILIPALY J.

MOORS C.

MUTSCH L.

OLIVIER M.

POSTMA A.

SCHUMMER J.

SMITS R.

SWILDENS-ROZENDAAL W.

TE VELDHUIS J.

VAN DER HEUDEN F-J.

VANOOST L.

WEILER C.

VAN WASSENHOVE J. secrétaire général

NYS H. greffier

DE BEAUFORT W-H. greffier

WAGENER G. greffier

CLEMENT E. secrétaire national (Belgique)

BELLEKOM L. secrétaire national (Pays-Bas)

VAN DEN BOSSCHE D. secrétaire de la conférence

HONDEQUIN H. secrétaire de la conférence

GRÈCE (GR)

BENAKI A. Vouli ton Ellinon

IOANNEDOU Vouli ton Ellinon

PAPAILIAS I. Vouli ton Ellinon

SKYLLAKOS A. Vouli ton Ellinon

APOSTOLOU V. secrétaire

PARLEMENT EUROPÉEN

LINDHOLM M. membre

REDING V. membre

VAN LANCKER A. membre

PRlLLEVITZ J. chef de division

VAN ARUM R. administrateur

FRANCE (F)

ABOUT N. Sénat

OUDIN Ch. secrétaire

ITALIE (I)

EVANGELISTI F. Camera dei Deputati

LUXEMBOURG (L)

ERR L. Chambre des Députés

LENTZ-CORNETTE M. Chambre des Députés

PAYS-BAS (NL)

MAKKREEL H. le Chambre des États Généraux

BREMMERT C. 2 e Chambre des États Généraux

HENDRIKS Th. J.M. 2 e Chambre des États Généraux

van OVEN G.J. 2 e Chambre des États Généraux

CONSEIL NORDIQUE

FALDET E. Norvège

JOHANSSON O. Suède

ØSTERGAARD A. secrétaire

NORVÈGE (N)

JØRGENSEN R.B. Storting

RINGSTAD J. Storting

ANDREASSEN B. secrétaire

KJELL MYHRE-JENSEN secrétaire

FINLANDE (SF)

OJALA O. Parlement

SARAMO P. secrétaire

SUÈDE (S)

HELLSVIK G. Rikstag

OLANDER R Rikstag (porte-parole)

SANDSTRÖM A. secrétaire

OBSERVATEURS

BACHMAN H. Chef de la représentation du land de Hesse à Bruxelles (Allemagne)

BOLLINGINO A. Affaires intérieures (Allemagne)

CORREA DE AGUIAR A. Secrétaire d'Ambassade du Portugal

DAHAN GULBINAS Th. Premier secrétaire de l'ambassade de Lithuanie

LO IACONO G. Ministre conseiller (Italie) Délégation italienne auprès du groupe central Schengen

OLANDER A. Chef négotiateur-Schengen (Suède) Ambassadeur

OPDAHL Ö. Représentant régional de l'Organisation internationale pour les Migrations pour les États baltes et nordiques

TØRDAL Conseiller. Mission norvégienne auprès de l'Union européenne

VERBA V. Fonctionnaire Gouvernement de Lithuanie

VON BETHLENFALUY P. Organisation internationale pour les Migrations - Bruxelles

INVITÉS

IVRAKIS C. Ambassadeur de Grèce

JEANTET Ambassadeur de France

JUNG M. Ambassadeur d'Allemagne

NIERMAN A. Ambassadeur des Pays-Bas

PAULIS W. Ancien président de la commission des Problèmes extérieurs du Parlement Benelux

INTRODUCTIONS

FISCHBACH M. Ministre de la Justin (Luxembourg)

SUYKERBUYK H. Vice-président du Parlement flamand (Belgique)

VANDE LANOTTE J. Ministre (Belgique) Président du comité exécutif de Schengen

VAN OUTRIVE L. Professeur (Belgique) Ancien membre du Parlement européen

UNION ÉCONOMIQUE DU BENELUX

HENNEKAM B.M.J. secrétaire général

LENAERTS L. secrétaire général adjoint

BERNA MR. secrétaire général adjoint

PHILIPPART B. administrateur

SCHLEIMER J.N. relations publiques

VAN DE RUT W. administrateur

EXPERTS

LINDENLAUB directeur adjoint du service central Schengen des forces de l'ordre du Luxemburg

MAY Cl. Ministère des Affaires étrangères (Luxembourg)

II. COMPTE RENDU ANALYTIQUE

RÉUNION DU VENDREDI 8 DÉCEMBRE 1995

PRÉSIDENCE DE M. Ady JUNG.
Président du Conseil Interparlementaire
Consultatif de Benelux
(Parlement Benelux)

La réunion est ouverte à 14 heures 20

ALLOCUTION DU PRÉSIDENT

M. Jung, Président du Conseil interparlementaire De Benelux : Votre assistance à la présente conférence témoigne de votre intérêt de voir se développer la Communauté européenne. C'est à la demande de certaines commissions que le Parlement Benelux a décidé d'organiser cette conférence en collaboration avec le secrétariat général de l'Union économique Benelux.

Nous avons invité, aujourd'hui, 23 Assemblées Parlementaires. Je tiens à dire aux différentes délégations combien je suis sensible à leur présence durant nos travaux.

Nous remercions aussi le Gouvernement luxembourgeois et la Chambre des députés du Luxembourg, ainsi que le ministre de la Justice luxembourgeois, M. Fischbach, et M. Vande Lanotte, ministre de l'Intérieur de Belgique et président en exercice du comité exécutif de Schengen. Nous remercions également tous ceux qui ont une mission particulière ici.

Après les conférences de 1989 et de 1992, ceci est la troisième conférence concernant les accords de Schengen nous souhaitons qu'elle revête aussi une Portée politique.

Nous allons procéder à une évaluation de la période allant du 26 mars 1995 à ce jour, en ce qui concerne les accords de Schengen.

Plusieurs partenaires européens sont encore hésitants. Le Parlement Benelux souhaite combler le déficit démocratique des accords de Schengen.

Cette conférence va permettre une information complète de la situation actuelle. Nous aborderons trois thèmes : l'analyse de six mois de fonctionnement des accords de Schengen, un exposé relatif l'adhésion des nouveaux membres cl, enfin, le contrôle parlementaire.

Demain, deux propositions de déclarations finales vous seront soumises. À 13 heures, se tiendra une conférence de presse.

Je tiens à insister sur la tradition communautaire des pays de Benelux. La libre circulation entre ces trois pays a eu une grande importance économique, nous plaçant au quatrième rang des pays exportateurs. De plus, l'union monétaire belgo-luxembourgeoise devrait convaincre les sceptiques quant à l'union monétaire européenne.

La lutte contre le trafic de stupéfiants, l'immigration clandestine et la criminalité doivent nous préoccuper.

Il faut protéger les minorités des abus des autres. Telle sera notre mission. (Applaudissements sur tous les bancs)

L'ÉTAT DE LA QUESTION

RAPPORT PAR M. FISCHBACH

M. Fischbach , ministre de la Justice du Luxembourg, au nom du Comité exécutif : Je voudrais excuser M. Vande Lanotte, qui nous rejoindra au cours de cet après-midi, si les conditions atmosphériques le permettent. Je ne suis pas en possession de toutes les informations dont dispose la présidence, mais je tenterai néanmoins de vous faire un exposé complet.

Le 26 mars 1995, la libre circulation des personnes, décidée par les accords de Schengen, est devenue opérationnelle sur les territoires de sept États membres signataires les pays du Benelux, l'Allemagne, la France, l'Espagne et le Portugal.

Préfigurée dans l'article 7 du traité de Rome, cette libre circulation ne put être réalisée en raison de divergences d'interprétation. Au début, le Benelux, l'Allemagne et la France avaient décidé de créer un espace de libre circulation. L'accord de Schengen fut réalisé en 1985 et la convention signée en 1991 pour, finalement, être mise en vigueur le 26 mars dernier.

L'Italie a rejoint l'espace Schengen en 1990, l'Espagne et le Portugal en 1991 et la Grèce en 1992.

En 1994, nous avons admis l'Autriche comme nouveau membre du Comité exécutif.

Les critiques contre cet espace de libre circulation n'ont toutefois pas manqué. Certains soutiennent que la sécurité des citoyens ne serait pas assurée par celle convention. D'autres considèrent Schengen comme une nouvelle « forteresse européenne » rendant rentrée dans l'espace Schengen plus difficile.

Ces craintes sont-elles fondées ? Schengen a fait ses preuves et l'opinion publique l'a accepté favorablement. Des problèmes subsistent certes.

Les contrôles aux frontières intérieures ont clé abolis, mais la France, en vertu de l'article 2 § 2 du traité, a décidé de maintenir durant un délai de six mois supplémentaires les contrôles intérieurs en invoquant qu'il y avait des lacunes dans le contrôle du trafic des stupéfiants.

En décembre 1994, la France avait pourtant donné son accord pour la mise en vigueur de la convention. En juin 1995, elle a changé d'avis et elle continue à pratiquer les contrôles aux frontières intérieures.

On a envisagé la création de commissariats communs aux frontières extérieures. Aux frontières intérieures, les contrôles sont effectués de la manière prévue dans les accords et fonctionnent à la satisfaction générale.

En ce qui concerne les aéroports, la situation est, dans l'ensemble, satisfaisante. Certains aéroports doivent cependant encore se mettre en ordre.

L'aéroport d'Amsterdam sera prêt à la mi-décembre 199S, tous les autres aéroports pratiquant la séparation entre membres Schengen et non-membres Schengen. Si cette séparation a créé quelques inconvénients, les passagers membres Schengen sont très satisfaits du système. La situation des marins sera, elle aussi, bientôt réglée.

En ce qui concerne les ports, les aéroports et les gares internationales, les autorités ont réalisé les investissements nécessaires en évitant les files d'attente aux frontières extérieures.

Le système d'information Schengen est un moyen de contrôle efficace aux frontières extérieures et lors de la délivrance de visas.

Depuis le 26 mars dernier, l'ordinateur central de Strasbourg et les systèmes nationaux sont opérationnels 24 heures sur 24.

Ce système est plus efficace que les systèmes nationaux traditionnels. Ainsi dans le fichier SIS figurent 800.000 véhicules volés. 110.000 armes volées, 1,3 million de documents d'identité volés e 560.000 personnes recherchées. Ajoutons quelque 800.000 étrangers non admissibles et 14.000 étrangers clandestins.

Un premier bilan est plus que positif. Au Luxembourg, la consultation des fichiers a permis l'identification de 550 personnes et véhicules recherchés, ce qui est très appréciable.

Les préparatifs sont en cours pour l'intégration, à la mi 1996, de l'Italie et de la Grèce.

La coopération consulaire entre les pays Schengen est bien engagée : consultations régulières, contacts informels fréquents. Cette coopération doit être approfondie.

En ce qui concerne l'asile, certains États membres ont estimé que les procédures d'accueil devaient être améliorées, notamment pour les réfugiés dépourvus de papiers ; il y a aussi les délais trop lents de réponse des États et l'harmonisation des preuves de responsabilité des États. La recherche de solutions pratiques est en cours.

Dès la ratification de la convention de Dublin, le chapitre asile cessera ses effets, le droit communautaire s'appliquant complètement.

La lutte contre les stupéfiants mise en application a développé la coopération des services de police et des douanes. Les acquis de certaines opérations on été examinés et un aide-mémoire a été élaboré. Des opérations conjointes ainsi que certaines expériences seront poursuivies. Les contrôles antidrogue ont fait l'objet de débats approfondis. Le groupe « stupéfiants » a fait un examen global pour déterminer risques et le développement des effectifs.

L'évolution de la situation aux frontières extérieures sera constamment examinée pour réaliser des adaptations en fonction des spécificités locales.

Des difficultés subsistent, auxquelles on tente de remédier. La coopération policière se développe Tous les États ont pris des initiatives pour faire connaître les accords de Schengen à leur police ou ont organisé des formations ou des recyclages. Un memento de coopération policière a été édité.

La protection de la vie privée des personnes est prévue sur le plan national (article 114, désignation d'une autorité nationale) et sur le plan supranational (article 115, désignation d'une autorité supranationale). Ces autorités doivent contrôler si la protection la vie privée est bien réalisée. L'autorité de contrôle commune s'est réunie à quatre reprises et a adopté son règlement. Elle n'a pas encore publié de rapport à l'intention des autorités nationales, ce qui me parait normal, vu la brièveté de la durée de fonctionnement.

Si vous avez des questions à poser, nous y répondrons volontiers. (Applaudissements)

CONTRIBUTIONS DES DÉLÉGATIONS

M. Van der Heijden , porte-parole du parlement Benelux : L'ancien ministre français, M. Alain Peyrefitte, a été arrêté la semaine dernière aux pays Bas. alors qu'il tentait d'entrer dans le pays sans passeport. Il a évidemment été relaxé sur-le-champ L'intéressé a souligné lui-même qu'il était un citoyen de Schengen. Cependant, il oubliait que la France n' pas encore renoncé à opérer des contrôles à ses frontières, de sorte que la convention de Schengen n'est pas applicable aux Français se rendant à l'étranger.

Notre objectif est d'entamer une discussion sur la base de l'introduction de M. Fischbach, afin d'adopter une déclaration finale, qui pourrait à son tour. Servir de source d'inspiration aux responsables politiques et aux pouvoirs exécutifs.

L'accord de Schengen est, en fait, un paradoxe. Il octroie une liberté de mouvement qu'il limite toutefois par des mesures compensatoires. Cet accord permet aux citoyens de voyager librement, mais crée en même temps de nouveaux systèmes de contrôles.

Son entrée en vigueur, en mars 1995, comprenait une période transitoire de trois mois. Cette période est entre-temps révolue. La première évaluation témoigne d'une certaine satisfaction, sauf de la part de la France, qui souhaitait une prolongation de la Période d'essai.

Les conséquences négatives de la suppression des frontières intérieures concernent la politique en matière de visas et d'asile, la lutte contre la drogue, le SIS, les contrôles aux frontières extérieures et la Protection des données personnelles.

En ce qui concerne la politique en matière de visas et d'asile, on observe une satisfaction générale. Il existe une bonne coordination entre les instances nationales qui délivrent les visas. Une liste commune des pays soumis à l'obligation de visa a été adoptée L'on envisage un visa « Schengen » autocollant

En raison de l'évolution politique de ces dernières années, la politique d'asile est devenue l'élément principal de l'accord de Schengen. Là aussi, le terme « harmonisation » est le mot-clé. À cette fin. il est procédé à un inventaire des politiques nationales des différents pays. Un accord est déjà intervenu pour faire traité le dossier par le pays qui reçoit la première demande. Néanmoins, l'échange de données concernant des demandeurs d'asile demeure une pierre d'achoppement.

Pour ce qui concerne la coopération transfrontalière policière et judiciaire, nous sommes sur la bonne voie. La question de la drogue est un des problèmes transfrontaliers. Sur ce point, les positions françaises et néerlandaises, par exemple, sont difficilement conciliables.

Le Système d'information de Schengen renferme des renseignements sur les citoyens des pays signataires. Dans l'ensemble, ce système fonctionne de manière satisfaisante. Mais là encore, la France est mécontente. C'est pourquoi le système doit encore être étendu et perfectionné.

Nous sommes sur la en bonne voie, mais il subsiste quelques problèmes. On a souvent le sentiment que l'accord de Schengen ne concerne plus l'intérêt économique que présente la libre circulation des biens et des personnes : la problématique acquiert une dimension de plus en plus politique.

L'entrée en vigueur de Schengen n'est pas un aboutissement, mais bien une amorce. Dans certains domaines, un processus décisionnel plus ferme s'impose. Cette réunion pourra y contribuer.

L'Angleterre refuse de participer pour des raisons politiques et l'Irlande s'aligne sur la position anglaise. Plusieurs pays sont opposés à une participation de la Grèce en raison du manque de fiabilité de ses frontières. L'accord de Schengen a été conclu en 1985 ; ce n'est qu'à la fin de 1994 que des pourparlers ont été entamés avec plusieurs autres États membres de l'UE. (Applaudissements)

M. Bourgeois (Belgique) : C'est une bonne chose de s'assurer, par une évaluation régulière de l'accord de Schengen, que l'Europe se trouve toujours sur la bonne voie. En effet, la population est confrontée très directement à cet aspect de l'unification. Le libre franchissement des frontières suscite automatiquement des problèmes de sécurité. La façon d'aborder ces problèmes est déterminante pour la crédibilité de l'accord de Schengen.

À cet égard, je me demande s'il ne serait pas possible de parvenir à une meilleure collaboration policière avec la France. À ce jour, en effet. Schengen n'a guère d'effets à la frontière franco-belge. Aussi, j'aimerais entendre la réaction de la délégation française à mes questions.

M. Janssens (Belgique) : En Belgique, le contrôle parlementaire des accords de Schengen est assuré par la Chambre des représentants et le Sénat. Jeudi prochain, nous aurons une réunion avec le ministre Vande Lanotte, au sein de notre commission de l'Intérieur ; c'est dire combien la présente réunion est la bienvenue.

Je pense que les relations intra-Schengen sont en voie d'apaisement. J'aimerais cependant en avoir la confirmation de la part de nos collègues français. On a parlé de patrouilles conjointes ainsi que de commissariats mixtes. Ce seraient là de bons points. Par ailleurs, la situation entre la France et les Pays-Bas semble également s'harmoniser.

Ce qui, à mon sens, est extrêmement intéressant, c'est que l'Allemagne et le Luxembourg ont renforcé leur coopération policière, montrant ainsi la bonne voie pour d'autres accords.

Je m'inquiète cependant des résultats d'un sondage réalisé fin novembre et révélant que 46 % des Européens sont opposés à la suppression des contrôles ; l'opposition maximale venant de la Suède, avec 71 % d'opposants (la France compte 69 % d'opposants).

Nous devrions faire un effort d'information à l'égard des citoyens

M. Stratzemberger (Autriche) : Mon pays consent des efforts énormes pour respecter les conventions d'application. Cependant, nous nous trouvons dans une situation particulière. Nous sommes, en effet, un petit pays qui a de longues frontières extérieures, principalement avec l'Europe de l'Est. Nous sommes donc confrontés à de sérieux problèmes en matière de criminalité. Pour l'heure, nous mettons sur pied nos propres services de contrôle, chargés également de surveiller la frontière « verte ». Nous espérons pouvoir bénéficier de l'appui nécessaire de ta part de nos partenaires européens en la matière.

L'Autriche est dotée d'une législation rigoureuse sur le chapitre du respect de la vie privée. Nous sommes des précurseurs en ce domaine. Dans le cadre de l'Union européenne, force nous est toutefois de constater que certains États membres, soit ne possèdent pas une telle législation, soit appliquent une réglementation beaucoup moins sévère. C'est là pour notre pays un sujet de préoccupation.

L'Union européenne a insisté pour que, d'ici à deux ans, tous les États membres soient dotés d'une législation adéquate en matière de protection des données relatives à la vie privée. Tous les pays seront-ils en mesure de respecter ce délai ?

M. Regemsburger (Allemagne) : L'Allemagne a été le moteur de l'accord de Schengen. Tous les États signataires considèrent que la suppression des frontières intérieures ne peut se traduire par une diminution de la sécurité. La réalité est malheureusement différente. Les contrôles aux frontières représentaient un bon instrument de sécurité. Ce filtre a aujourd'hui disparu. Quelle solution pouvons-nous trouver à ce problème ?

Le Système d'information de Schengen peut permettre de résoudre cette difficulté, mais tous les États membres doivent alors introduire d'urgence leurs données dans le système.

Par ailleurs, il faut regretter aussi que tous les pays ne fassent pas preuve de la même souplesse que l'Allemagne en ce qui concerne l'observation transfrontalière, le contrôle et les poursuites.

Enfin, il y a l'énorme problème du trafic des stupéfiants.

Des experts allemands sont arrivés à la conclusion que la souplesse qui caractérise la politique des Pays-Bas en matière de toxicomanie est la cause principale de l'accroissement considérable de l'offre de drogues douces sur le marché, non seulement en Allemagne mais aussi dans d'autres pays. La délégation néerlandaise pourrait-elle me dire si les Pays-Bas envisagent éventuellement d'adapter leur politique en matière de stupéfiants ?

Mme Van Lancker (Parlement européen) : Il est dommage que le Parlement européen ne soit pas associé à cette problématique.

Je tiens cependant à adresser au Parlement Benelux tous mes voeux de succès pour l'initiative d'organiser la présente réunion, qui constitue incontestablement une réponse au déficit démocratique. Je me réjouis, en effet, de constater que tous les pays signataires de l'accord de Schengen ont été invités de même que les députés européens.

Des réserves ont déjà été formulées à l'égard de la France, qui semble toujours poser des conditions l'application des accords de Schengen.

Les accords de Schengen remplacent les contrôles aux frontières intérieures par une collaboration transfrontalière entre les services de police. C'est loin d'être parfait. Les Parlements et appareils judiciaire respectifs ont trop peu d'emprise sur cette collabora lion.

Les contrôles renforcés aux frontières extérieures se déroulent dans le chaos le plus complet. Quels sont les résultats obtenus par la commission spécialisée ?

D'autres orateurs avant moi ont déjà soulevé problème de la protection des données relatives à vie privée. Une uniformisation s'impose à ce niveau.

Enfin, je me demande comment des pays tels que la Norvège ou l'Islande - qui ne font pas partie l'UE - pourront être associés à Schengen.. La poli tique spécifique que mènent lés pays nordiques dans le domaine de la drogue, entre autres, pourrait et un obstacle.

Le Président : Je remercie Mme Van Lancker. Les membres du Parlement européen sont évidemment les bienvenus lors des réunions du Conseil interparlementaire consultatif de Benelux, ce microcosme l'Union européenne.

M. Evangelisti (Italie) : Vous savez tous que l'Italie n'est pas totalement intégrée dans l'espace Schengen. Il y avait certains obstacles législatifs techniques et nous travaillons à résorber ce retard organisant nos structures.

Hier, la Chambre des députés a décidé l'approuver une loi relative aux données personnelles. Il s'agit là d'une information positive.

Enfin, je souhaite vivement que nous en arrivions rapidement à une intégration complète.

M. About (France) : À l'attention M. Fischbach qui s'est étonné du changement de la position France, je rappelle qu'il y a eu du changement dans notre pays. Par ailleurs, un certain nombre d'informations alarmistes nous sont parvenues, dont certaines se sont tristement réalisées, avec les attentats à la bombe, depuis juillet 1995.

À Mme Van Lancker, je répondrai qu'actuellement la sécurité du citoyen n'est pas assurée. La France a eu raison d'appliquer l'article 2, $ 2 car elle était mécontente des dispositions concernant la lutte contre les stupéfiants. Nous ne voulons pas que la nouvelle génération soit la génération `stupéfiants', revenant des Pays-Bas avec des stupéfiants à revendre dans nos banlieues.

La France voudra l'application de tout Schengen, mais de Schengen pour tous.

M. Van Oven (Pays-Bas) : Il est de toute évidence Prématuré de poser un jugement définitif sur le fonctionnement des mécanismes mis en oeuvre par l'accord de Schengen, mais une évaluation intermédiaire s'indique.

Nombre de réalisations ont déjà été enregistrées au cours des quelques mois qui se sont écoulés depuis l'entrée en vigueur de l'accord. Le système connaît bien évidemment quelques problèmes de rodage, mais je salue la présidence belge, qui s'est attelée avec fermeté aux problèmes et qui a réalisé des progrès.

Les Pays-Bas ont notamment rencontré une difficulté concernant un point spécifique, à savoir la séparation physique des passagers à l'aéroport de Schipol.

Le contrôle aux frontières intérieures reste le point névralgique de l'accord. À cet égard, on observe que la France, surtout, est tentée d'invoquer l'article 2, § 2. Mais, cette exception temporaire tend de plus en plus à devenir la règle générale et les pays signataires l'invoquent de plus en plus.

Le Comité exécutif organisera incessamment, à Ostende, une discussion sur l'application de l'article 2, § 2. Des conditions d'application plus strictes y seront définies. Je crains néanmoins que, même alors, on pourra encore recourir de manière pratiquement permanente à la procédure d'exception.

L'article 71 de l'accord traite de l'exportation de stupéfiants. Cela ne signifie nullement que la politique en matière de toxicomanie devra être complètement harmonisée. C'est ainsi que les Pays-Bas opèrent une distinction explicite entre les drogues douces et les drogues dures. Une politique de tolérance en matière de drogues douces doit permettre d'endiguer les exportations vers les pays limitrophes. Je puis ainsi rassurer l'Allemagne.

Pour conclure, j'espère que les différends pourront aussi être aplanis avec la France, qui ne devrait plus avoir recours à la clause d'exception que de manière beaucoup plus sélective.

Mme Reding (Parlement européen) : On a entendu beaucoup de critiques à encontre de la mise en pratique des accords de Schengen. Je pense qu'elles partent du fait qu'on a mal pensé la chose.

N'aurait-il pas mieux valu commencer par la mise en place des systèmes de sécurité et de penser ensuite à la libre circulation, au lieu de faire le contraire ? On aurait dû commencer par une communautarisation des moyens de lutte contre la criminalité. Si Schengen représente un bon pas, on est encore loin du but.

Maintenant, il existe un espace qui est en dehors de toutes les institutions : en dehors de la Cour européenne, des tribunaux nationaux, des Parlements nationaux et du Parlement européen. C'est un espace de fonctionnaires, où les peuples et la justice sont totalement absents.

Je plaide pour une Europe de la justice, un Europol performant qui rendrait toutes nos critiques vaincs. (Applaudissements)

M. Singer (Allemagne) : Je voudrais dire à l'oratrice précédente que, en effet, un déficit parlementaire subsiste toujours pour ce qui est du contrôle du volet policier et judiciaire de l'accord de Schengen.

J'aimerais également souligner un problème spécifiquement allemand. À la frontière orientale de l'Allemagne, nous constatons un important problème d'afflux illégal d'éléments criminels. Cette situation oblige les services de contrôle allemands à se concentrer sur la frontière orientale du pays, ce qui se traduit par un relâchement de nos efforts aux autres frontières.

M. Tremmel (Autriche) : Ma question a trait à la coopération policière en vertu de l'article 39 de la convention d'application. Il faut absolument éviter de susciter parmi la population autrichienne l'impression que la suppression des frontières intérieures soit un facteur d'insécurité. Ainsi nous n'avons pas conclu avec l'Allemagne le même type d'accords qu'avec l'Italie sur le plan des compétences en matière de poursuites. Il convient d'harmoniser d'urgence cette politique.

M. Goris (Belgigue) : Je me demande si le Bureau a déjà examiné sérieusement les diverses approches du problème de la toxicomanie dans les différents pays de Schengen.

À titre d'exemple, les Pays-Bas mènent en la matière une politique de tolérance. En Belgique, il est question d'une initiative législative visant a dé pénaliser l'usage des drogues douces.

Envisage-t-on une approche commune de la problématique des stupéfia nts ?

M. Skyltakos (Grèce) : Je m'exprimerai à titre personnel. J'expliquerai la position de mon parti ; ce n'est pas celle de toute la délégation grecque.

Les réticences entendues ici me paraissent justifiées. En Grèce, il y aurait encore certaines réticences basées sur le fait que, sous le régime des Colonels, on enregistrait les données concernant les personnes, en fonction de leurs opinions politiques.

Il est vrai qu'après la chute de la dictature, en 1974, on a supprimé les indications politiques des fichiers, mais une grande sensibilité continue à exister dans ce domaine.

J'ajoute que, vu la situation géographique de la Grèce, il y a des flux migratoires en provenance de pays à régimes autoritaires. Nous craignons que Schengen n'empêche certains réfugiés d'échapper à des poursuites dans leurs pays. Je pense aux Kurdes ou aux Palestiniens.

Notre pays a beaucoup souffert du système de fichage. Un mauvais accord de Schengen n'est pas facile à améliorer. Il faut absolument certaines garanties.

Vous comprendrez, dès lors, les objections de notre groupe.

Mme Benaki (Grèce) : Le point de vue de mon collègue lui appartient et il n'est pas celui du Gouvernement grec, qui a signé les accords de Schengen. Actuellement nous nous préparons pour nous mettre en conformité avec les dispositions de Schengen notamment en mettant en place une structure complète de protection des citoyens à l'égard des données. Ces travaux aboutiront sous peu.

M. Makkreel (Pays-Bas) : En matière de stupéfiants, l'aspect lié à la santé publique l'emporte sur l'aspect judiciaire aux Pays-Bas. C'est pourquoi nous avons déjà enregistré un certain succès dans ce domaine. Chez nous, la consommation de drogues est faible. Nous ne sommes dès lors pas enclins à modifier fondamentalement notre politique intérieure. Cela dit, nous sommes prêts à lutter au maximum contre l'exportation vers d'autres pays. Quant aux importations, nous n'avons de prise sur elles que pour autant qu'elles empruntent le canal des frontières extérieures. En raison de la suppression des frontières intérieures, il nous est très difficile de contrôler les filières d'importation, via l'Allemagne, des drogues dures provenant essentiellement de la Turquie. Cette responsabilité incombe à d'autres.

M. te Veldhuts (Parlement Benelux) ; J'ai le sentiment que la politique menée par les Pays-Bas en matière de stupéfiants suscite chez de nombreuses délégations étrangères une certaine inquiétude. Toutefois, il semble qu'il ne soit pas suffisamment tenu compte des faits. Le pourcentage des consommateurs de drogues dures est moins élevé aux Pays Bas qu'en Allemagne et qu'en France. Des études scientifiques ont déjà révélé, à plusieurs reprises, que la politique néerlandaise porte ses fruits. Je me réfère à cet égard à un article récent paru dans « The Lancet ». La mortalité due à la consommation drogues dures est moins importante aux Pays-Bas que dans de nombreux pays européens.

J'ai l'impression que les délégations étrangères ignorent ces chiffres.

Je ne nie évidemment pas que les Pays-Bas soient confrontés, eux aussi, à des problèmes liés à la toxicomanie. Au Parlement néerlandais, nous menons actuellement un débat intensif sur la lutte contre les méfaits de la drogue. En toute hypothèse, le trafic de drogues douces et dures fera l'objet d'une approche plus rigoureux.

Pour conclure, je dirai que ce serait une erreur de subordonner la réussite de l'accord de Schengen à la politique néerlandaise en matière de stupéfiants. Si l'on procède d'abord à une évaluation de chaque pays en se référant aux problèmes qu'il rencontre, il sera impossible de mener un débat fructueux.

M. About (France) : En France. 70 % de la drogue saisie provient des Pays-Bas.

On peut faire des remarques sur le vin. Je dirai simplement qu'un verre de bordeaux peut permettre de vivre plus longtemps. J'engage donc la délégation néerlandaise à boire du bordeaux. (Sourires)

REPLIQUE DE M. FISCHBACH

M. Fischbach , ministre : Je remercie les intervenants. J'ai finalement l'impression qu'on n'est pas tellement d'accord sur l'objectif à atteindre, alors que les accords de Schengen ont été ratifiés par les Parlements des États membres.

En 1991, lors de la présidence luxembourgeoise j'ai fait arrêter l'horloge le 30 juin pour inviter les délégations à poursuivre la discussion le 1er juillet et à débloquer le dossier du franchissement des frontières extérieures. Cette convention, qui était sur point d'être signée, a échoué sur le problème Gibraltar.

Quelle que soit l'issue de ce contentieux de Gibraltar, il reste que ce dernier n'a rien de commun avec la finalisation de Schengen. De toutes façons. Gibraltar restera toujours une frontière extérieure. Dès lors, il ne peut y avoir d'impact sur Schengen.

Par ailleurs, on serait actuellement plus loin en cette matière si les 15 membres de l'Union européenne avaient ratifié la convention de Dublin. Si ces deux conventions avaient été ratifiées à temps, on aurait pu assurer la libre circulation des personnes d'une meilleure façon que celle qui existe actuellement.

J'insiste pour que l'on intègre un certain nombre de domaines dans l'Union européenne. Peut-être suffira-t-il d'améliorer l'instrument intergouvernemental À l'époque, Schengen, initiative franco-allemande, était conçue pour préfigurer la libre circulation des personnes en Europe, qui devait entrer en vigueur en 1993 et qui n'a pas pu se faire.

La question a donc été mûrement réfléchie. Il ne faut pas confondre Schengen et Europol, dont un certain nombre d'États ne veulent pas. Il faut une juridiction qui assure une jurisprudence commune. Le principe de l'unanimité nous gêne.

En ce qui concerne les questions, je retiens l'intervention de M Janssens qui souhaite accréditer dune manière plus pédagogique l'idée de la libre circulation auprès de nos citoyens. Ce n'est pas simple, dans la mesure où certains de nos parlementaires ne sont Pas convaincus.

Par ailleurs, j'ai été étonné de l'intervention de M. Regensburger connaissant les positions officielles du Gouvernement allemand, je pense que l'Allemagne est plus que satisfaite de la mise en application des accords de Schengen.

Quant à l'évolution de la criminalité organisée, si l'on est convaincu que chaque pays, seul, ne peut la combattre sans l'appui des autres États, il nous faut réaliser davantage ensemble.

Je rappelle que la libre circulation des personnes est la première finalité de Schengen. Je défie tout Gouvernement faisant partie de Schengen de présenter son premier bilan intérimaire. Je sais que tous ces rapports sont positifs.

Je sais également que plusieurs Gouvernements sont en retard dans la saisie des données, mais tout cela est récent et le retard peut être comblé.

Quant aux contrôles aux frontières intérieures. M. Vande Lanolte nous avait expliqué que la latitude laissée aux pays membres de procéder encore à des contrôles intérieurs avait permis d'engranger des résultats substantiels. La France ne doit pas chercher une lacune derrière les attentats, qui ont commencé le 28 juillet, alors que sa position a changé un mois avant.

Il faut être très clair. Si c'est un problème de frontières extérieures, je demanderai alors à chaque pays de nous présenter son bilan. Il ne faut pas parler de ce problème de frontières extérieures pour en faire un problème de frontières intérieures.

J'espère qu'à partir de 1996, nous continuerons ensemble, au même rythme et dans la même direction.

Quant à la politique de lutte contre la drogue, on entend singulariser un État comme si la convention de Schengen était à l'origine d'un problème. Si problème il y a, il y avait déjà problème avant. M faut tenir compte également de la volonté des Pays-Bas en matière de lutte contre la drogue. Cette démarche devrait nous inciter à revoir nos positions initiales.

Comme les parlementaires autrichiens, je souhaite une harmonisation de la coopération policière. Cela nécessite d'amender la convention. La convention n'a jamais prévu de traiter de la lutte contre la drogue.

Le Président : J'invite les collègues à aborder maintenant des points ponctuels.

Mme Van Lancker (Parlement européen) : Je voudrais revenir à ma question sur le manque de transparence des structures de Schengen ainsi qu'au rôle de la commission spéciale du contrôle aux frontières extérieures et sur celui des commissions de suivi.

Que comptez-vous faire pour une meilleure information ? Si nous ne nous y retrouvons pas clairement nous-mêmes, nous pouvons imaginer ce que doit penser le citoyen !

Et qu'est-ce que la présidence compte faire en matière de respect des droits et devoirs des citoyens ?

M. Van Oven (Pays-Bas) : Je reviens un instant sur la possibilité d'obtenir une dérogation à Schengen en invoquant l'article 2.

La mesure d'exception peut dorénavant être prolongée unilatéralement par l'État membre qui l'applique.

Ne faudrait-il pas, pour l'octroi de cette prorogation, appliquer la même procédure que pour l'octroi initial de la mesure d'exception ?

M. Fishback . ministre : À Mme Van Lancker, je dirai : comment convaincre quand on ne l'est pas soi-même ? On ne peut convaincre que sur la base de résultats probants. J'encourage donc la publication de chiffres et l'organisation de conférences avec le public.

La commission spéciale chargée du contrôle aux frontières extérieures est composée de fonctionnaires des États membres. Elle suit régulièrement l'évolution de l'application des dispositions aux frontières extérieures.

En ce qui concerne la commission de suivi, le suivi incombe au comité central. Nous devrons, au Parlement, discuter du bilan qui sera fait après un an.

À M. Van Oven, qui a soulevé un problème très sensible, je signale que le Gouvernement français est disposé à rediscuter de la portée de l'article 2, §2. Cela se fera lors de la prochaine réunion, le 20 décembre.

Le Président : J'exprime le souhait que cette conférence informative contribue à éclairer l'opinion, comme le souhaite Mme Van Lancker.

Mme Jorgensen (Norvège) : Ne faisant pas partie de l'Union européenne, la Norvège ne peut être membre à part entière de Schengen. Nous nous intéressons cependant à une collaboration sur le plan policier. Un problème pourrait toutefois se poser si la Suède et le Danemark devaient devenir membres à part entière de Schengen, puisqu'il existe une union des passeports entre les cinq États nordiques. D'importants problèmes de contrôle aux frontières pourraient se poser entre la Norvège et la Suède, ces deux pays ayant une très longue frontière commune.

Les gouvernements des pays nordiques sont dès lors conscients de la nécessite d'un accord entre les membres de Schengen et ceux de l'Union nordique des passeports.

La Norvège et l'Islande souhaitent, après la conclusion d'un accord frontalier avec les États de Schengen, créer un plus vaste espace de libre circulation, à l'intérieur duquel la lutte contre la criminalité organisée pourra être menée avec plus d'efficacité.

Eu égard aux deux refus norvégiens d'adhérer a l'Union européenne, je comprends le scepticisme des autres États. Mais qu'ils se rassurent : la Norvège est disposée à accepter l'acquis de Schengen et à se comporter comme un partenaire loyal dans le cadre de Schengen. Nous partageons les préoccupations des autres membres en matière de lutte contre la drogue et de protection des données personnelles. J'espère que ces engagements parviendront à temps aux oreilles de ceux qui seront appelés a examiner, le 20 décembre prochain, le dossier de l'extension vers Nord de l'espace de Schengen.

SYNTHESE
PAR M. VAN DER HEIJDEN

M. Van der Heijden , porte-parole du Parlement Benelux : L'utilité de réunions comme celle-ci est une fois de plus mise en évidence aujourd'hui. Schengen devra être constamment évalué et corrigé, sous peine de ne pas devenir l'épine dorsale de l'Europe des citoyens.

Il ressort de nombreuses interventions que Schengen suscite des craintes. Nous ne pouvons le tolérer C'est pourquoi l'opinion publique doit être informée beaucoup mieux encore.

Bien des choses ont été dites à propos de la politique en matière de stupéfiants. L'article 2 ne peut être appliqué isolément. Il ne faut pas rendre permanente une situation temporaire. La France et les autres pays membres de Schengen devraient parvenir à mieux s'entendre, en faisant preuve d'un peu bonne volonté.

La coopération policière reste une pierre d'achoppement. La coopération judiciaire, qui doit déboucher sur de vrais procès, n'a pas encore été réglementée, et l'instance où les citoyens pourront éventuellement interjeter appel n'a pas davantage été définie.

En ce qui concerne le Système d'information de Schengen, des tensions subsistent entre les pays dotés d'une loi rigoureuse en matière de protection de vie privée et les pays où la réglementation est moins sévère. Il est étonnant que la part de la France et l'Allemagne dans ce système soit bien plus importante que celle des autres États.

L'afflux de demandeurs d'asile et d'étrangers clandestins aux frontières extérieures de Schengen est problème concret que la délégation autrichienne évoqué à juste titre.

Les déclarations finales de celle conférence seront rédigées en temps opportun, de sorte que les différentes délégations pourront s'en servir comme matériau de travail

La réunion est suspendue à 17 heures 15. La séance est reprise à 17 heures 55

LA QUESTION DE L'ADHÉSION DE CANDIDATS-MEMBRES

EXPOSÉ INTRODUCTIF DE M. VANDE LANOTTE

M. Vande Lanotte , vice-premier ministre et ministre de l'Intérieur de Belgique, président du Comité exécutif de Schengen :

Il est bon qu'on réfléchisse à l'avenir de Schengen au niveau parlementaire.

Une extension de Schengen aux cinq pays nordiques, dont trois font déjà partie de l'Union européenne, est à l'ordre du jour. Nous avons vérifié si les candidats ont bien la volonté de souscrire aux acquis de Schengen Ces discussions ont montré que les cinq étaient déterminés à progresser ensemble. D'ailleurs, ils ont déjà conclu entre eux une union des passeports.

Il a. en outre, fallu s'assurer que les cinq pourraient adhérer aux décisions futures de Schengen.

Cette question revêt également un aspect institutionnel. Deux candidats ne sont pas membres de l'Union européenne, mais adhèrent à l'accord de coopération nordique. Les trois autres États signataires de cet accord sont membres de l'Union européenne. Quelle solution institutionnelle pourrait-on apporter à ce problème ?

Première possibilité : au sein des groupes chargés du travail préparatoire, il doit être possible de traiter tous les pays sur un pied d'égalité.

L'on pourrait attribuer à ces deux pays un rôle d'observateur au sein du Comité. Les deux pays concernés ont proposé eux-mêmes la formule d'un « joint committee » qui serait composé de tous les pays signataires de l'accord de Schengen. Toutefois, cette formule ne suscite guère l'enthousiasme.

On envisage actuellement une nouvelle piste, qui insisterait à permettre à ces deux pays - la Norvège et l'Islande - de formuler des objections à certaines décision dans la recherche d'un consensus. Ainsi ils Pourraient avoir un impact sur les décisions.

Les États nordiques n'entendent pas remettre en cause leur union des passeports. Par conséquent, il est peu probable qu'un seul pays fasse obstacle. À mon sens, la meilleure solution résiderait dans une formule permettant aux deux pays associés de se faire entendre préalablement dans le cadre d'une concertation entre les cinq pays nordiques.

L'extension de Schengen, par laquelle le nombre des membres passerait de dix à treize plus deux, soulève également des questions à propos de l'extension du fichier du SIS. De même, l'extension pose la question de savoir comment concilier la sévérité des pays nordiques en matière de lutte contre les stupéfiants et le laxisme dont un certain nombre d'autres pays de l'Union Européenne font preuve dans ce domaine. En Europe du nord, on prône effectivement une politique pénale sévère visant à punir les consommateurs de drogue, tandis que d'autres pays de l'Union européenne se concentrent sur le trafic de stupéfiants.

Ces divers aspects institutionnels seront abordés sous l'angle tant du contenu que des procédures lors du déjeuner de travail du 20 décembre prochain.

Les contacts avec les États nordiques ne se sont pas toujours déroulés sans heurts. Toutefois, il faut progresser sur le plan politique. Le 20 décembre prochain, des questions importantes devront être tranchées.

L'adhésion des candidats nordiques est fondamentale pour l'accord de Schengen. Ces pays sont bien préparés à cette adhésion, grâce à leur union des passeports.

Les prochaines semaines seront mises à profit pour préparer la réunion du 20 décembre par des contacts informels dans l'espoir que des progrès y seront enregistrés.

POINTS DE VUE DES DÉLÉGATIONS PARLEMENTAIRES

M. Bickauskas , président de l'Assemblée balte : L'Assemblée balte a consacré un débat passionnant aux accords de Schengen. L'objectif ultime est d'adhérer à l'accord. Les États baltes se trouvent dans une phase transitoire. La démocratie et la libre économie y progressent. Il ne faut donc pas craindre un flux migratoire incontrôlé vers les autres pays de l'UE. Les différents États baltes peuvent négocier séparément l'exemption de visa avec les pays de Schengen. La Lituanie est certainement prête. Le problème des frontières extérieures subsiste toutefois. Les États baltes ne veulent en aucun cas d'une frontière orientale perméable aux illégaux africains ou asiatiques. Ils examinent actuellement la question et oeuvrent à l'élaboration d'un protocole.

Les États baltes se rendent parfaitement compte que la banque de données commune est une excellente arme dans la lutte contre la criminalité organisée.

Des représentants des pays de Schengen pourraient éventuellement se rendre dans les États baltes afin de mieux les connaître. Ils pourraient alors se rendre compte de l'intérêt que portent les pays baltes à la poursuite de la coopération avec les pays signataires de l'accord de Schengen.

M. Olander (Suède) : La Suède voit cette conférence comme une main tendue des pays de Schengen vers les pays de l'Europe du nord.

Mon pays a demandé le statut d'observateur en juin 1995. Une adhésion définitive nécessite la mise en oeuvre intégrale des mesures de compensation. La Suède attache par ailleurs une importance capitale au maintien de l'Union nordique des passeports. Cette question soulève bien évidemment un problème d'ordre institutionnel : deux membres de l'Union des passeports, l'Islande et la Norvège, ne sont, en effet pas membres de l'Union européenne.

Nous tenons à féliciter la présidence belge pour la souplesse avec laquelle les négociations d'adhésion ont été menées.

Le maintien des mesures compensatoires prévues dans l'accord de Schengen constitue pour la Suède une condition sine qua non pour devenir membre à part entière de Schengen. Nous pensons à cet égard à une approche collective du problème de la drogue.

La Suède estime également qu'une surveillance spéciale est indispensable partout où il existe des présomptions de trafic de stupéfiants. Nous espérons que la lutte contre le trafic de la drogue sera intensifiée sous la présidence néerlandaise.

La Suède croit en une Europe sans frontières intérieures, où la sécurité et la lutte contre la criminalité organisée constituent des préoccupations premières. La libre circulation des personnes ne peut engendrer un sentiment d'insécurité.

Il est important que la première phase de notre adhésion puisse se terminer le plus rapidement possible

M. Johansson (Conseil Nordique) : J'ai apprécié avec beaucoup de plaisir la franchise dont à fait preuve M. Vande Lanotte dans son exposé. En tant que porte-parole du Conseil nordique, je voudrais remercier le Conseil interparlementaire de Benelux pour son invitation.

Les États nordiques s'intéressent beaucoup à Schengen et espèrent qu'une coopération avec l'Union nordique des passeports sera possible. Après 40 années de collaboration, il serait regrettable de devoir fermer à nouveau les frontières avec certains États membres du Conseil nordique.

Les premiers ministres des États nordiques ont dès lors préconisé l'adoption d'une position commune concernant les propositions de Schengen. Il est vrai cependant que la Norvège et l'Islande ne peuvent devenir membres à part entière. Ces pays souhaitent dès lors trouver une solution pour maintenir en tout état de cause l'Union des passeports.

Les pays nordiques ont aussi une longue tradition commune en matière de lutte contre la criminalité. Cette tradition doit pouvoir être maintenue intégralement dans le cadre des accords de Schengen.

Le Conseil nordique souligne que les acquis de l'Union nordique des passeports ne peuvent pas se perdre dans le cadre d'un autre accord de coopération. Il faut oser nourrir de grandes ambitions en ce qui concerne l'accord de Schengen.

Des décisions devront être prises lors des négociations du 20 décembre prochain. Il est important d'éliminer les obstacles.

Le Président : Puis-je rappeler que le Conseil interparlementaire de Benelux entretient d'excellentes relations avec le Conseil nordique depuis 1958.

M. Van Oven (Pays-Bas) : La mise en oeuvre des accords de Schengen n'est pas aisée. Le moment est il bien choisi pour accueillir de nouveaux membres ? Les pays nordiques souhaiteraient adhérer collectivement. Formellement la convention ne le permet pas, puisque la Norvège et l'Islande ne sont pas membres de l'Union européenne. L'on cherche dès lors à contourner la difficulté. Le ministre Vande Lanotte a évoqué trois constructions qui nous paraissent plutôt artificielles. Les Parlements des États membres actuels n'ont pas suffisamment voix au chapitre dans ce cadre. Cela risque, en outre, de créer un dangereux précédent. Le lien entre l'Union européenne et Schengen se relâchera bien trop et l'autorité de la Cour européenne de justice risque d'être vidée de sa substance.

Je voudrais, pour conclure, attirer l'attention sur le fait que la Deuxième Chambre néerlandaise ne s'est pas encore prononcée formellement sur cette extension. J'estimais néanmoins pouvoir faire part de nos réserves.

REPLIQUE DE M. VANDE LANOTTE

M. Vande Lanotte . ministre : L'élargissement vers l'Europe de l'Est est une donnée importante. Il faut organiser une campagne d'information à l'intention des pays concernés, de manière à harmoniser progressivement les points de vue.

Bien évidemment, les délégations nordiques sont surtout sensibles au maintien des acquis de l'Union nordique des passeports.

Le représentant néerlandais a formulé un certain nombre de remarques d'ordre institutionnel à propos des négociations menées en vue de l'admission de nouveaux membres. Aucune décision définitive n'a encore été prise. Le volet politique fait toutefois l'objet de nombreuses discussions avec les candidats nordiques. Le Comité exécutif a parfaitement le droit de mener de telles discussions. Les Parlements concernés ne doivent pas être consultés au préalable à ce sujet.

Il n'y a par ailleurs pas lieu de craindre un précédent. Aucun autre pays ne fait partie à la fois de la zone européenne de libre échange et d'une - déjà ancienne - Union des passeports.

L'argument de M. Van Oven, qui estime que Schengen et l'Union européenne doivent aller de Pair, est beaucoup plus pertinent. Mais, pour européaniser Schengen, il faudra permettre aux cinq États nordiques d'adhérer en même temps, puisqu'ils ne voudront certainement pas renoncer à leur Union des passeports.

Même en dehors du contexte de l'adhésion de la Norvège et de l'Islande, il existe des divergences d'opinion fondamentales à propos du rôle de la Cour de justice.

M. Van Oven a qualifié mes constructions d'artificielles. En tant que Belge, j'ai quelque expérience en matière de constructions complexes. Je crois d'ailleurs que Schengen tirerait profit de l'adhésion de cinq États qui possèdent une expérience de quarante années déjà dans le cadre d'une Union des passeports. Tant qu'il n'en résulte pas de retards dans l'application de l'accord, je ne vois aucun inconvénient à un élargissement de l'Europe sans frontières.

SYNTHÈSE PAR M. DEES

M. Dees , porte-parole du Parlement Benelux : Il est difficile de faire une synthèse du deuxième volet de cette conférence étant donné que de nombreux Pays ne sont pas intervenus dans la deuxième partie du débat.

À juste titre, les candidats à l'adhésion considèrent les accords de Schengen comme une étape positive apportant une plus-value. Le Benelux et l'Union nordique des passeports ont démontré depuis pas mal de temps qu'un tel système fonctionne.

Les pays de l'Europe de l'Est ambitionnent un ancrage dans les structures européennes. Or, Schengen est un rouage essentiel de ces structures. Il est normal de vouloir honorer ce souhait politique. Il convient toutefois de régler au préalable une série de problèmes, notamment sur le plan institutionnel.

Les plaidoyers des pays nordiques étaient convaincants. En fin de compte, nous sommes tous favorables à la suppression des frontières.

Le ministre Vande Lanotte a. à mon avis, choisi la bonne procédure. Le 20 décembre, on ne se limitera pas à une discussion de principe : on recherchera aussi des solutions originales pour toute une série de problèmes pratiques.

Le débat de Schengen doit s'inscrire dans le cadre de l'Union européenne. La conférence intergouvernementale de 19 % devra, en tout état de cause, tenir compte de Schengen.

En tant que parlementaires (du Benelux), nous devons, dans notre appréciation, nous laisser guider par six critères. Tout le monde marque-t-il son accord sur une extension du système d'information de Schengen ? Tous les membres et candidats-membres veulent-ils collaborer activement à une protection efficace des frontières extérieures ? L'évolution au sein de Schengen est-elle parallèle à celle au sein de l'Union européenne ? Va-t-on harmoniser les législations nationales en matière de protection de la vie privée ? Quelle est notre position en ce qui concerne le déficit démocratique ? Est-il raisonnable de vouloir étendre Schengen à d'autres pays alors que le processus doit encore être approfondi ?

Il était important d'entendre les délégations du Conseil nordique et des États baltes dans le cadre du débat sur Schengen. Grâce à cette initiative du Conseil interparlementaire consultatif de Benelux, le Comité exécutif et les différents Gouvernements auront sans doute une idée plus précise des aspirations des candidats à l'adhésion. (Applaudissements)

La séance est levée à 19.20 heures

RÉUNION DU SAMEDI 9 DÉCEMBRE 1995

PRÉSIDENCE DE M. Ady JUNG, Président du Parlement Benelux

La séance est ouverte à 9h25

LE CONTROLE PARLEMENTAIRE DE SCHENGEN

EXPOSÉS INTRODUCTIFS DE MM. VAN OUTRIVE ET SUYKERBUYK

M. Van Outrive (Belgique) : Quiconque a suivi attentivement l'élaboration des accords de Schengen, ne peut que s'interroger sur le respect des règles démocratiques.

Le problème est double. D'une part, nous sommes habitués au modèle de l'État démocratique de Hobbes qui offre un cadre aux initiatives institutionnalisées en matière de migration et d'asile, ainsi qu'à la collaboration policière. Ce cadre implique une législation spécifique, une Cour de justice, un Parlement législatif et de contrôle ainsi qu'un Gouvernement. D'autre part, nous constatons que de simples accords de coopération, respectant intégralement la souveraineté des États signataires, ne suffisent plus en raison du caractère transfrontalier de nombreux problèmes. Il en résulte des initiatives comme Schengen, une espèce de « patchwork » de diverses ententes et institutions y afférentes à différents niveaux, avec des alliances alternatives d'États et de régions.

Nombreux sont ceux qui déplorent le déficit démocratique qui accompagne le fonctionnement des accords de Schengen. À l'occasion de la procédure de ratification - un instrument digne du siècle passé -plusieurs Parlements ont pris l'initiative de débattre du déroulement ultérieur de la procédure. Mais il serait illusoire de penser que 7, et bientôt 10 à 17 Parlements pourront exercer un contrôle efficace. Je plaide pour la création, par les Parlements concernés, d'une commission de surveillance interparlementaire adéquate, éventuellement en collaboration avec le Parlement européen. Cela permettrait de neutraliser les différences quant à l'intérêt que portent à celte matière les Parlements concernés. Par ailleurs, les accords de Schengen constituent une matière à ce point complexe que les parlementaires concernés doivent être motivés et doivent parfaitement maîtriser la problématique. Enfin, la constitution d'une commission de surveillance permettrait de (aire régulièrement rapport devant les Parlements concernés.

Le contenu du contrôle est également de nature à susciter de nombreuses réflexions. Il appartient à la commission interparlementaire de déterminer ce qu'elle entend contrôler et de quelle manière elle souhaite le faire, pour éviter d'être totalement livrée au bon vouloir de ministres ou de fonctionnaires.

Je me bornerai ici à esquisser les grandes lignes de ce que peut être ce contrôle.

Les ordres du jour et les rapports du comité exécutif et du groupe central sont bien évidemment essentiels. Les procédures d'urgence que le comité souhaite appliquer doivent être examinées attentivement. Les quatre manuels, élaborés en vue de la mise en oeuvre de l'accord, comportent des textes tout aussi importants que la convention. Il s'indique également de vérifier scrupuleusement l'organigramme des groupes de travail pour obtenir, si nécessaire, des rapports spécifiques.

La surveillance extérieure des organes de contrôle internes est tout aussi importante. Je songe avant tout aux instances de contrôle nationales et à l'autorité de contrôle commune de Schengen qui assurent la protection de la vie privée et des données y relatives. Mais disposent-elles de suffisamment d'effectifs et de moyens ?

Il y a ensuite le contrôle de l'admissibilité de la demande de renseignements par l'intermédiaire du SIS (art. 103), ainsi que le contrôle de l'enregistrement des demandeurs d'asile.

Les organes CIREA ou CIREFI étudient la situation dans les pays d'origine des immigrés et des demandeurs d'asile. Quelles sources consultent-il à cet effet ?

Le comité ou groupe d'experts, constitué au sein du groupe de travail « frontières », établit l'inventaire des difficultés rencontrées aux frontières extérieures.

Enfin, il y a le « comité de suivi » qui, depuis le 28 mars de celle année, évalue le fonctionnement de la convention. Cet organe est entouré d'un certain mystère.

Des problèmes qualitatifs requièrent également un suivi parlementaire. J'en dénombre dix-sept.

Mon texte traite en détail des dix-sept points J'attire avant tout l'attention sur les relations entre les instances judiciaires et les fonctionnaires chargés de l'application, sur la position des citoyens de Schengen et sur l'exécution de la politique d'asile et de visa.

Des informations quantitatives demandées avec une certaine régularité permettent également d'évaluer le fonctionnement des accords de Schengen. Je compte 23 types de données réparties dans les catégories suivantes : l'éloignement des étrangers non désirés, l'assistance juridique réciproque, le traitement des demandes d'asile, le Système d'information de Schengen (SIS), la coopération politique et les stupéfiants.

Voilà la seule façon pour les Parlements concernés d'exercer le contrôle efficace, que leur impose leur devoir démocratique. Schengen est. en effet, une expérience. C'est pourquoi un contrôle démocratique est requis d'urgence. (Applaudissements)

M. Suykerbuyk (Belgique) : Le contrôle et la surveillance de la réglementation vont de soi dans une démocratie parlementaire. Une commission de contrôle interparlementaire, chargée d'informer les différents Parlements sur le fonctionnement des accords de Schengen, est dès lors indispensable.

La relation entre Schengen et l'Union européenne constitue un point de discussion important. Dans quelle mesure sont-ils complémentaires ?? Quel modèle de coopération est préférable ? Il n'est pas aisé de répondre à ces questions.

Il est clair que la coopération policière est plus difficile à réaliser que la coopération économique. Si le contrôle démocratique apparaît essentiel en cette matière, les opinions divergent quant à la manière d'y procéder.

Le contrôle parlementaire ne peut rester sans effet. Le contrôle vertical - chaque Parlement contrôle son propre Gouvernement - doit aller de pair avec une collaboration interparlementaire horizontale. Pour que celle-ci soit efficace, les délégations doivent être restreintes et étudier attentivement et de manière continue la problématique de Schengen. Le groupe de contrôle interparlementaire doit bénéficier de l'appui nécessaire - financier et autre - des Parlements nationaux. Le professeur Van Outrive a énuméré diverses raisons qui justifient la nécessite de ce contrôle. Nul ne contestera cette nécessité, mais il faut également la volonté d'organiser un contrôle efficace. Le problème de la drogue en est la meilleure illustration.

Le problème de la toxicomanie fait actuellement l'objet dune attention toute particulière, comme I a encore démontré le débat d'hier.

Le raisonnement en vertu duquel, aux Pays-Bas, la consommation de stupéfiants serait surtout une affaire de santé publique paraît peu crédible.

Les Français discutent du trafic de la drogue avec les Néerlandais. Leur négociation s'apparente à un dialogue de sourds. Le problème de la criminalité dans le nord de la France ne date d'ailleurs pas d'hier. Aucun changement brusque ne s'est opère après Schengen.

On dit de certains aéroports internationaux qu'ils sont les maillons faibles des accords de Schengen. Pourquoi ne parle-t-on pas des nombreux aéroports régionaux, tout aussi vulnérables ?

Les opinions divergent au sujet du SIS. D'aucuns y voient un élément positif, alors que d'autres s'interrogent sur le fonctionnement du système. La situation n'est pas claire.

Un accord entre Gouvernements sans aucune forme d'autorité supranationale, reste bancal. C'est précisément l'aspect intergouvernemental qui fait la faiblesse de Schengen. Tout le monde s'accorde à dire que Schengen doit subsister et doit se développer. Un système de contrôle interparlementaire bien conçu doit donc accroître les possibilités de survie et de développement de Schengen. L'Europe sans frontières intérieures ne doit en aucun cas devenir une Europe où l'on ne sente pas en sécurité. Un contrôle démocratique étendu et dûment structuré est la seule garantie pour préserver l'Europe de ce genre d'excès.

CONTRIBUTIONS DES DÉLÉGATIONS

M. About (France) : Je tiens à remercier et à féliciter les deux orateurs que nous venons d'entendre. Leurs discours confortent la position de la France de voir se mettre en place un haut comité consultatif parlementaire. En effet, tout n'est pas rose dans Schengen. Même si les différents Parlements nationaux ont mis en place des commissions d'enquête qui ont établi des rapports, on peut se demander si cela suffit. Nous nous réjouissons donc de la mise en place des contrôles horizontal et vertical afin de combler un déficit démocratique évident. Le Sénat français mettra à disposition toute la logistique possible pour le haut comité consultatif. Nous espérons que tous les pays appuieront la proposition française de créer ce haut comité consultatif parlementaire.

M. Van der Heijden , porte-parole du Parlement Benelux : J'ai récemment lu, dans un journal néerlandais, une belle citation. Les ministres et les fonctionnaires « creusent le trou démocratique plus rapidement que les Parlements ne le comblent. » Cela se passe de commentaire. Le Parlement Benelux se rend bien compte que le contrôle démocratique du fonctionnement de Schengen laisse à désirer. Je songe à cet égard à la possibilité du secret au sein du comité exécutif et à l'impossibilité de contrôler le fonctionnement des organes responsables. Au moment de la ratification de Schengen, des réserves ont notamment été exprimées à cet égard aux Pays-Bas.

Des comités ad hoc de tout genre, peu efficaces, ne peuvent pas compenser l'insuffisance du contrôle.

Le Parlement européen n'est pas suffisamment impliqué dans ce contrôle. De même, la compétence de la Cour européenne est trop restreinte ;.

Schengen n'est pas achevé. Il continue de s'étendre et de se développer. Nous ne pouvons rester les bras croisés. Les parlementaires ont, en effet, le devoir de renforcer le contrôle. J'insiste pour que tous les Parlements nationaux prennent à coeur leur devoir de contrôle. Schengen les concerne directement. Schengen n'est pas le jouet de quelques dirigeants ou fonctionnaires. Par l'intermédiaire du Parlement - qui représente le peuple - Schengen doit être l'affaire des populations.

M. G. Van Oven (Pays-Bas) : Aux Pays-Bas, le contrôle parlementaire du fonctionnement de Schengen est actuellement réglé comme suit : deux semaines avant la réunion, la commission de la Justice reçoit l'ordre du jour du comité exécutif, avec le commentaire et les positions du Gouvernement national. Les parlementaires peuvent alors émettre des réserves au sujet de certains points et en faire part au Gouvernement. Ce système n'est cependant pas idéal. En effet, l'information ne circule pas toujours aisément. Une fois que le comité exécutif a pris des décisions contraignantes, il n'est plus possible de déposer des amendements.

Pour combler ce déficit démocratique. Schengen devrait davantage être une matière communautaire, relevant, par exemple, du premier ou du troisième pilier de Maastricht Pour l'instant, cela semble relever de l'utopie.

Les organes européens pourraient également contribuer au contrôle de Schengen. Nous en sommes encore fort éloignés dans la pratique

Comme le suggérait M. Suykerbuyk, le contrôle vertical pourrait aussi être combiné avec un contrôle interparlementaire horizontal. Comment conçoit-on cet organe de contrôle interparlementaire ? Je m'engage à soulever ce problème au Parlement néerlandais. Nous sommes favorables à l'idée d'une plate-forme interparlementaire

M. Strutzenberger (Autriche) : Il est important qu'un contrôle international soit exercé sur le fonctionnement des accords de Schengen. La possibilité de contrôle des Parlements nationaux est tout aussi importante

Celle question est relativement bien réglée en Autriche Chaque parlementaire peut interpeller des ministres sur les décisions prises au sein du comité exécutif et sur certaines modifications apportées aux accords existants

Le ministère autrichien de l'Intérieur est tenu de présenter annuellement au Parlement un rapport circonstancié sur la politique de sécurité. Ce rapport fait alors l'objet d'une discussion au sein du parlement, qui prend position en la matière à l'égard des ministres compétents.

J'ai déjà indiqué hier que mon pays est doté d'une législation stricte en matière de protection de la vie privée. Elle permet aux citoyens d'exercer eux-mêmes un certain contrôle sur l'usage qui est fait des données personnelles qui les concernent.

Mme Ojala (Finlande) : La suppression des contrôles aux frontières présente incontestablement des avantages. Ces avantages compensent-ils toutefois l'accroissement des activités policières qu'implique une Europe ouverte ?

Schengen est une construction qui a été érigée de manière peu démocratique. Les chefs de police se sentent en quelque sorte libérés, à présent qu'ils sont débarrassés du poids que représentait le contrôle parlementaire. C'est intolérable. Le Parlement finlandais veut une plus large emprise sur Schengen. Pour éviter que les corps de police n'opèrent en toute indépendance en Europe, il convient de renforcer sans tarder le troisième pilier du traité européen. On prétend que cette démarche serait actuellement impossible à réaliser pour des raisons politiques Devons-nous nous y résigner ? Pouvons-nous approfondir Schengen si le contrôle parlementaire fait défaut ?

M. Evangelisti (Italie) : L'Italie est un pays de paradoxes Il fut parmi les premiers à rejoindre Schengen, mais il est un des derniers à ratifier la convention Nous sommes les seuls, avec les Pays-Bas, à disposer d'un comité parlementaire de contrôle. Cependant, en raison des élections, nous n'avons pu réuni' ce comité !

À propos de la séance de ce matin, c'est avec surprise que je note un scepticisme que je ne comprends pas trop, mais qui concerne les types de contrôle.

L'Italie préconise un contrôle politique. Il est normal que certaines difficultés surgissent, car les pro blêmes sont nombreux Notre président du Conseil M Dini, a présenté devant la Chambre le programme européen cl a cité Schengen comme un objectif prioritaire.

Malgré les difficultés, nous suivons le débat avec attention

REPLIQUE DE MM. VAN OUTRIVE ET SUYKERBUYK

M. Van Outrive (Belgique) : Les rapports introduits par le Sénat français sont très intéressants et Par ce biais, nous constatons que les commissaires européens ne nous disaient pas toujours la vérité. Les rapports anglais aussi étaient fort intéressants, tout comme ceux du groupe d'experts d'Utrecht.

Par ailleurs, de plus en plus, les universités se préoccupent des phénomènes de collaboration internationale. Elles sont aussi des enceintes importantes d'information et de critique positive. Nous ne pouvons pas nous passer de toutes ces sources, fort utiles.

Je répondrai au porte-parole du Benelux que le volet parlementaire de Schengen n'est toujours pas Pleinement concrétisé. Les Parlements doivent déterminer eux-mêmes les domaines qu'ils souhaitent contrôler ainsi que la manière dont ce contrôle sera effectué. Il leur est loisible de demander au comité exécutif des données chiffrées, notamment au sujet du SIS ou de la possibilité offerte aux citoyens de solliciter des données.

Je me suis étonné hier de la manière dont les instances de Schengen fournissent les informations. Tout n'est pas parfait, et c'est compréhensible. Il n'y a pas de honte à l'admettre. Il faut oser désigner les choses par leur nom.

Le délégué autrichien a rappelé que son pays est doté d'une législation stricte en matière de respect de la vie privée. Dans le cadre de Schengen, il s'avère que ce système n'est pas encore aussi bien développé dans d'autres pays signataires ce qui peut poser des problèmes.

La déléguée finlandaise a exprimé sa crainte de voir les services de police étendre leur pouvoir à la suite des accords de Schengen. Il appartient aux parlementaires d'enrayer cette « loi naturelle » : il faut renforcer le contrôle parlementaire à l'égard des services de police.

Il a été abondamment question de la communautarisation de Schengen. Je ne suis pas très optimiste à cet égard.

Dans les domaines de la sécurité et de la lutte contre la criminalité, il existe des besoins auxquels il est presque impossible de répondre. Les sept pays qui font actuellement partie de Schengen n'y parviennent pas. Même en incluant les cinq États nordique, il sera impossible d'endiguer totalement le trafic international de voitures volées. Schengen doit dès lors s'étendre, malgré l'obstacle que constitue l'article 142 de la convention d'application

Les difficultés qu'éprouvent les parlementaires à obtenir les documents nécessaires m'ont souvent irrité. J'ai demandé un jour à un ministre qui décidait de la « confidentialité » des documents Il s'agit apparemment d'un fonctionnaire. À mes yeux, ce caractère confidentiel ne vaut que pour les informations délicates, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme par exemple. Il n'est pas normal que trop souvent, parlementaires n'aient pas accès a des nombreuses informations.

M. Suykerbuyk (Belgique) : L'idée d'une collaboration interparlementaire reçoit, à juste titre, un accueil favorable. Le Conseil du Benelux a toujours été demandeur à cet égard. Nous sommes en fait des pionniers en la matière

Les différents Parlements doivent décider eux-mêmes de la manière dont ils souhaitent organiser le contrôle de Schengen. Les mécanismes de contrôle nationaux peuvent parfaitement aller de pair avec le contrôle interparlementaire. Il peut d'ailleurs en résulter un échange d'expériences fructueux.

M. Van Oven (Pays-Bas) : Ne faut-il pas aller au-delà de la suggestion de M. Suykerbuyk pour qui une délégation restreinte et fidèle de connaisseurs de Schengen devrait suivre cette problématique au sein de chaque Parlement national ? Le Conseil interparlementaire de Benelux ne pourrait-il pas transmettre régulièrement un rapport aux Parlements nationaux ?

M. About (France) : Nous pourrions réaffirmer, dans notre déclaration finale concernant l'état de la question, notre volonté de voir se créer un tel contrôle interparlementaire. Ce serait un bon acte de poser cette première pierre aujourd'hui.

M. Strutzenberger (Autriche) : Je partage les idées exprimées par les deux orateurs précédents. Il serait utile de mettre sur pied une commission permanente de contrôle sur Schengen qui serait chargée de suivre l'évolution des dossiers.

Cette formule serait plus efficace qu'une rencontre, une ou deux fois par an, entre les Parlements nationaux, qui ne permet pas de suivre de près l'actualité.

SYNTHESE PAR M. VAN DER HEIJDEN

M. Van der Heijden , porte-parole du Parlement du Benelux : Bien des critiques ont été émises aujourd'hui. La critique est source d'inspiration. Je conclus de toutes les interventions qu'il faut renforcer le contrôle parlementaire. Cela ne peut se faire que si un nombre plus grand de documents circulent librement parmi les parlementaires intéressés. Un contrôle démocratique renforcé implique également que chaque Parlement national prenne à coeur sa tache « verticale » de contrôle. Les différents orateurs ont, enfin, plaidé pour un contrôle « horizontal » plus large. Ce contrôle pourrait être organisé sous la forme d'une consultation interparlementaire, d'un comité propre, d'un Sénat distinct ou d'une plate-forme. Nous nous proposons d'insérer ces conclusions dans une deuxième déclaration finale.

M. Van Outrive (Belgique) : Le document que j'ai évoqué contient des informations intéressantes sur les problèmes rencontrés jusqu'à présent dans le cadre de l'accord de Schengen. Il n'est nullement confidentiel.

La réunion est suspendue à 11 heures 20

La séance est reprise à 11 heures 55

DÉCLARATIONS FINALES

Discussion et notes

M. Van der Heijden , porte-parole du Parlement Benelux : Trois textes ont été présentés.

Il y a tout d'abord le proposition de déclaration finale sur l'état de la question. Je demande à tous les participants de s'y rallier. Seul le Benelux est mentionné au début du texte ; les autres pays n'y figurent pas encore. Il leur est, en effet, loisible de souscrire ou de ne pas souscrire la déclaration.

La proposition de déclaration finale qui vous a été distribuée est libellée comme suit :

« Proposition de déclaration finale concernant l'état de la question

Les représentants parlementaires du Benelux,.... se sont réunis les 8 et 9 décembre 1995 à Luxembourg, à l'invitation du Conseil Interparlementaire Consultatif de Benelux.

L'Assemblée a examiné la mise en application de la convention de Schengen, et plus particulièrement les questions suivantes : les contrôles aux frontières intérieures, les contrôles aux frontières extérieures, le Système d'information Schengen (SIS), la politique en matière de visas et de délivrance de visas, le traitement des demandes d'asile, la coopération dans la lutte contre la criminalité, la coopération dans le cadre de la lutte contre les stupéfiants, la protection des données à caractère personnel

Les représentants parlementaires des pays participant à la Conférence :

- constatent que le bilan global de la mise en application lion de la convention de Schengen est positif dans la perspective de la libéralisation totale de la circulation des personnes à l'intérieur de l'Union européenne ;

- insistent pour que cette mise en application soit poursuivie intégralement afin d'arriver à une vraie Europe des citoyens ;

- insistent pour que soit réalisé, intégralement et dans les meilleurs délais, le but préconisé en ta matière par la convention de Schengen ;

- insistent pour que, en vue d'assurer un contrôle uniforme et efficace aux frontières extérieures, les aménagements infrastructurels qui restent à réaliser soient poursuivis et achevés sans délai ;

- insistent pour que les pays signataires de la convention transmettent au Système d'information Schengen toutes les informations relatives aux catégories de données visées à l'article 94 de la convention, afin que le SIS puisse fonctionner dans des conditions optimales ;

- demandent, en ce qui concerne la question de l 'asile que les parties contractantes échangent toutes les données requises pour leur permettre de traiter correctement les demandes d'asile ».

- insistent pour que l'attention se concentre sur la coopération transfrontalière en matière de police et de justice, l'observation et la poursuite transfrontalière, jugées indispensables pour organiser de manière efficace la lutte contre la criminalité ;

- insistent pour que, à défaut d'harmonisation de la politique dans le domaine de la lutte contre les stupéfiants, les pays contractants intensifient la coopération en la matière afin de réduire à néant les effets négatifs des politiques divergentes ;

- insistent pour qu'un effort sérieux soit consenti afin d'expliquer de manière pédagogique la portée de l'acquis de Schengen aux citoyens ;

- insistent pour que le comité exécutif présente à intervalles réguliers un rapport sur la mise en application de la convention de Schengen. »

La délégation française a déposé un amendement visant à compléter le premier tiret. Le texte de cet amendement illustre clairement la volonté de collaboration qui a marqué cette conférence. Je vous demande d'adopter cet amendement.

Je vous demande également d'appuyer l'amendement déposé par la Belgique, visant à modifier le sixième tiret. Il vise un meilleur échange de données relatives a la problématique des demandeurs d'asile.

Le Président : Pour « L'État de la question », il y a un amendement de la délégation française visant à modifier le premier tiret en y ajoutant les mots « malgré de nombreuses difficultés qui nécessitent les efforts de chaque partie ». Le Bureau propose d'accepter cette modification. (Assentiment)

Au 6 e tiret, il y a l'amendement de la délégation belge visant à ajouter à la fin de la phrase les mots : « dans le respect intégral des conventions internationales ». Le Bureau propose d'accepter aussi cet amendement. (Assentiment)

Il faut aussi compléter le document par rémunération des Assemblées parlementaires qui ont assisté a la Conférence.

Pouvons-nous adopter le document ainsi amendé ? (Assentiment unanime)

Le Président : Nous passons a la proposition de déclaration finale concerne le contrôle parlementaire, qui est libellée comme suit :

« Proposition de déclaration finale concernant le contrôle parlementaire

Les représentants parlementaires du Benelux,. ... se sont réunis les 8 et 9 décembre 1995. à Luxembourg, à l'invitation du Conseil Interparlementaire Consultatif de Benelux.

L'Assemblée a examiné le problème du contrôle parlementaire de la mise en application et du fonctionnement de la convention de Schengen.

Les représentants parlementaires des pays participant à la conférence :

- constatent que le contrôle est pour chaque Assemblée parlementaire, une responsabilité primaire :

- constatent que ce contrôle est insuffisant et donne lieu à un vide juridique gênant.

- estiment que le contrôle peut être amélioré par la création dune structure de coopération entre les Parlements nationaux des pays signataires de la convention de Schengen, en attendant qu'un contrôle efficace puisse être assuré par les instruments adéquats au sein de l'Union européenne :

- souhaitent que soit organisée à intervalles réguliers une conférence où, d'une pan, le comité exécutif puisse être entendu au sujet de l'état des choses par les représentants parlementaires des pays signataires de la convention de Schengen et où, d'autre part, des échanges de vues puissent avoir lieu sur l'exécution et le fonctionnement de la convention :

- « chargent le Conseil Interparlementaire de Benelux d'élaborer, en concertation avec le secrétariat général de l'Union économique Benelux, une proposition visant à informer dans l'intervalle les Assemblées nationales au sujet des résultats du contrôle exercé au sein des différentes Assemblées parlementaires ».

M. Van der Heijden , porte-parole du Parlement-Benelux : La délégation belge a déposé un amendement à la déclaration finale concernant le contrôle parlementaire libellé comme suit : « Insérer entre le 3 e et le 4 e tiret : - estiment qu'il convient d'associer le Parlement européen à cette structure de coopération » Le texte de cet amendement préconise d'associer davantage le Parlement européen.

Je tiens tout d'abord à signaler qu'une erreur s'est glissée dans le texte au deuxième tiret : il convient de remplacer le mot « juridique » par « démocratique ». Pouvons-nous considérer cette modification comme une correction technique ?

Pour le surplus, la déclaration finale me paraît refléter fidèlement l'échange de vues de ce matin. L'Assemblée peut-elle souscrire unanimement au texte ? À mes yeux, celui-ci rencontre pleinement le souhait formulé par les différents orateurs de renforcer le contrôle parlementaire.

M. Evangelisti (Italie) : En ce qui concerne l'allusion au contrôle « insuffisant », le terme utilisé me semble inadéquat. On pourrait utiliser le terme « défaillant »

M. Van Oven (Pays-Bas) : Il me semblait que ce matin nous avions déjà progresse davantage en ce qui concerne la structure de coopération internationale, et surtout en ce qui concerne le fonctionnement futur de la plate-forme.

Le texte en discussion ne pourrait-il être étendu en ce sens ?

M. About (France) : Je m'associe à la proposition italienne, mais je propose de parler de « déficit démocratique ».

J'approuve la proposition de mon collègue néerlandais.

Le Président : L'Italie, qui avait proposé le mot « défaillante », est-elle d'accord sur la terminologie « déficit démocratique » ? (Assentiment)

M. Janssens (Belgique) : Nous souhaiterions défendre notre amendement. M. Delathouwer se propose de le faire.

M. Delathouwer (Belgique) : La délégation belge a présenté un amendement relatif au contrôle parlementaire. Il ressort des débats que toutes les délégations semblent accorder à ce problème spécifique assez d'importance pour y consacrer une résolution finale distincte.

Notre amendement vise à renforcer sans tarder le contrôle parlementaire en associant plus étroitement le Parlement européen au fonctionnement des structures de Schengen.

M. Van der Heijden , porte-parole du Parlement-Benelux : La délégation belge a apporté des précisions intéressantes. Nous estimons cependant que le texte initial qui prévoit un « contrôle (...) assuré par les instrument adéquats au sein de l'Union européenne » est plus conforme à nos intentions. En mentionnant explicitement le Parlement européen comme organe de contrôle, nous irions au-delà de ce qui est politiquement réalisable à l'heure actuelle.

Nous susciterions en même temps un concurrent pour la plate-forme de contrôle, sur laquelle nous nous sommes mis d'accord aujourd'hui.

Le Président : Notre porte-parole nous invite donc à la prudence. Est-ce notre rôle de nous défaire de certaines de nos compétences nationales au bénéfice du Parlement européen, alors que l'Union européenne n'est pas totalement réalisée ?

M. Delathouwer (Belgique) : Je ne suis pas convaincu par les réactions à l'amendement présenté par la délégation belge. Dis lors que la Commission européenne est déjà associée au fonctionnement de Schengen, pourquoi ne pas établir le lien avec le Parlement européen ?

Nous préconisons uniquement « une association... ». Si le troisième tiret de la proposition de déclaration finale était interprété dans le sens de notre amendement, nous pourrions le retirer. Nous nous interrogeons toutefois encore sur la portée des termes « en attendant que... »

M. Olander (Suède) : La délégation nordique se réjouit d'avoir été invitée à cette conférence, mais nous ne souhaitons pas nous immiscer dans cette problématique interne à Schengen. Nous sommes uniquement présents en qualité d'observateurs.

M. Van der Heijden , porte-parole du Parlement Benelux : Nous devons effectivement nous limiter aux pays de Schengen. C'est pourquoi la résolution relative aux États baltes est déposée par le Parlement Benelux et non par tes États baltes eux-mêmes.

Permettez-moi de donner lecture du texte modifié du dernier alinéa de la déclaration. Il est complété comme suit : « ainsi qu'au sujet de l'élaboration d'une structure de collaboration entre les Assemblées nationales telles que mentionnées dans la présente déclaration finale »

Le Président : Nous allons nous prononcer paragraphe par paragraphe sur la proposition de déclaration finale concernant le contrôle parlementaire, qui est libellée comme suit :

- Le premier alinéa doit être complété par l'énumération des pays signataires de Schengen. (Assentiment)

- Le 1 er tiret ne suscite-t-il pas d'objection ? (Assentiment)

- Le 2 e tiret avec le remplacement des mots « vide juridique » par les mots « déficit démocratique » ne suscite-t-il pas d'objection ? (Assentiment)

- Le 3 e tiret ne suscite-t-il pas d'objection ? (Assentiment)

Le 4 e tiret ne suscite-t-il pas d'objection ? (Assentiment)

Le dernier tiret, avec l'amendement néerlandais visant à compléter le texte par les mots « ainsi qu' sujet de l'élaboration d'une structure de coopération entre les Assemblées nationales telle que mentionnée dons la présente déclaration finale », ne suscite-t-il pas d'objection ? (Assentiment)

La proposition de déclaration finale est adoptée à l'unanimité.

Le Président : Nous passons a la discussion de la troisième déclaration finale relative à la coopération avec les États balles. La proposition est libellée comme suit :

« Déclaration finale concernant la coopération entre les pays Schengen et les pays halles.

Les représentants parlementaires du Benelux et.... se sont réunis les 8 et 9 décembre 1995, à Luxembourg, à l'invitation du Conseil interparlementaire consultatif de Benelux.

- ayant entendu les interventions de la délégation de Assemblée balte et des ministres présents à la réunion :

- souhaitent que des consultations entre les Pays Schengen et les Pays baltes débutent en 1996 en vue d'examiner les possibilités de mettre sur pied des programmes de coopération visant à faciliter la circulation des voyageurs.

M. Van der Heijden , porte-parole du Parlement Benelux : Cette troisième proposition de déclaration finale concerne la collaboration entre les pays Schengen et les États baltes.

Cette recommandation met l'accent sur les liens d'amitié que nous entretenons avec ces nouveaux États.

M. Makkreel (Pays-Bas) : Nous adhérons évidemment au contenu du texte. Je tiens cependant à formuler une observation quant à la forme. À mon avis, les versions française (« en vue d'examiner ») et néerlandaise (« ten einde te onderzoeken ») ne concordent pas avec le texte anglais (« by examining »). Dans les deux premières versions, il s'agit d'un objectif alors que dans le texte anglais, il s'agit d'un moyen.

Je propose donc de modifier le texte anglais comme suit : « in order to examine ».

M. About (France) : La déclaration finale aurait aussi pu faire état de la coopération entre les pays de Schengen et le Conseil nordique. Toutefois, ce n'est pas le cas

Je ne dispose pas d'assez d'éléments pour me prononcer sur la coopération avec les États baltes.

Aussi, je m'abstiendrai a propos de cette proposition et je souhaite que le nom de la France n'y soit pas mentionné.

M. Van der Heijden , porte-parole du Parlement Benelux : Nous comprenons l'objection de la délégation française. Ils ont, bien sûr, le droit de s'abstenir, si notre prudence leur paraît insuffisante.

M. About (France) : Pour mieux faire comprendre notre point de vue. je dirai que nous ne sommes pas hostiles à des consultations entre les pays Schengen et les États baltes. Cependant, la proposition me semble trop ciblée sur la mention spécifique de « coopération visant à faciliter la circulation des voyageurs ».

M. Erangelisti (Italie) : La France souhaite-t-elle une déclaration de coopération avec l'Union nordique ?

M. About (France) : Les négociations sont bien avancées avec l'Union nordique ; c'est cela qui compte et nous ne demandons pas une déclaration spécifique aujourd'hui.

Le Président : Je mets aux voix la proposition de déclaration finale, l'abstention de la France étant constatée.

Comme il n'y a pas d'autre abstention, la proposition de déclaration finale est adoptée.

Le délégué du Conseil nordique nous a communiqué un texte relatif à The Nordic Passport Union in an European Context. Il sera joint en annexe au compte-rendu analytique.

Enfin, je tiens à vous remercier de votre collaboration ainsi que celle du secrétariat et du personnel administratif. (Applaudissements)

La séance est levée à 12 heures 45.

III. DÉCLARATIONS FINALES

A. DÉCLARATION FINALE CONCERNANT LA MISE EN APPLICATION DE LA CONVENTION DE SCHENGEN

Les représentants parlementaires du Benelux, de l'Allemagne (Bundesrat et Bundestag), de l'Autriche (Bundesrat). de la Belgique (Chambre des représentants et Sénat), de la Finlande (Parlement), de la France (Sénat), de la Grèce (Assemblée nationale), de l'Italie (Chambre des députés), du Luxembourg (Chambre des députés), de la Norvège (Storting), des Pays-Bas (le et 2e Chambre des États généraux), et de la Suède (Rikstag) ainsi que les représentants de l'Assemblée balte, du Conseil nordique et du Parlement européen se sont réunis les 8 et 9 décembre 1995, à Luxembourg, à l'invitation du Conseil Interparlementaire Consultatif de Benelux

L'Assemblée a examiné la mise en application de la convention de Schengen, et plus particulièrement les questions suivantes : les contrôles aux frontières intérieures, les contrôles aux frontières extérieures, le Système d'information Schengen (SIS), la politique en matière de visas et la délivrance de visas, le traite ment des demandes d'asile, la coopération dans la lutte contre la criminalité, la coopération dans le cadre de la lutte contre les stupéfiants, la protection des données à caractère personnel.

Les représentants parlementaires des pays de Schengen participant à la Conférence :

- constatent que le bilan global de la mise en application de la convention de Schengen est positif dans la perspective de la libéralisation totale de la circulation des personnes à l'intérieur de l'Union européenne, malgré de nombreuses difficultés qui nécessitent les efforts de chaque partie ;

- insistent pour que cette mise en application soit poursuivie intégralement afin d'arriver à une vraie Europe des citoyens :

- insistent pour que soit réalisé, intégralement et dans les meilleurs délais, le but préconisé en la matière par la convention de Schengen.

- insistent pour que. en vue d'assurer un contrôle uniforme et efficace aux frontières extérieures, les aménagements infrastructurelles qui restent à réaliser soient poursuivis et achevés sans délai.

- insistent pour que les pays signataires de la convention transmettent au Système d'Information Schengen toutes les informations relatives aux catégories de données visées à l'article 94 de la convention, afin que le SIS puisse fonctionner dans des conditions optimales ;

- demandent, en ce qui concerne la question de l'asile, que les parties contractantes échangent toutes les données requises pour leur permettre de traiter correctement les demandes d'asile dans le respect intégral des conventions internationales.

- insistent pour que l'attention se concentre sur la coopération transfrontalière en matière de police et de justice, l'observation et la poursuite transfrontalières, jugées indispensables pour organiser de manière efficace la lutte contre la criminalité ;

- insistent pour que, à défaut d'harmonisation de la politique dans le domaine de la lutte contre les stupéfiants, les pays contractants intensifient la coopération en la matière afin de réduire à néant les effets négatifs des politiques divergentes :

- insistent pour qu'un effort sérieux soit consenti afin d'expliquer de manière pédagogique la portée de l'acquis de Schengen aux citoyens ;

- insistent pour que le comité exécutif présente à intervalles réguliers un rapport sur la mise en application de la convention de Schengen.

B. DÉCLARATION FINALE CONCERNANT LE CONTRÔLE PARLEMENTAIRE DE SCHENGEN

Les représentants parlementaires du Benelux, de l'Allemagne (Bundesrat et Bundestag), de l'Autriche (Bundesrat), de la Belgique (Chambre des représentants et Sénat), de la Finlande (Parlement), de la France (Sénat), de la Grèce (Assemblée nationale), l'Italie (Chambre des députés), du Luxembourg (Chambre des députés), de la Norvège (Storting), des Pays-Bas (1 e et 2 e Chambres des États généraux) et de la Suède (Rikstag) ainsi que les représentants de l'Assemblée balte, du Conseil nordique et du Parlement européen se sont réunis les 8 et 9 décembre 1995, à Luxembourg, à l'invitation Conseil Interparlementaire Consultatif de Benelux.

L'Assemblée a examiné le problème du contrôle parlementaire de la mise en application et du fonctionnement de la convention de Schengen.

Les représentants parlementaires des pays de Schengen participant à la Conférence :

- constatent que le contrôle est, pour chaque Assemblée parlementaire, une responsabilité primaire ;

- constatent que ce contrôle est insuffisant et donne lieu à un déficit démocratique gênant ;

- estiment que le contrôle peut être amélioré par la création d'une structure de coopération entre les Parlements nationaux des pays signataires de la convention de Schengen, en attendant qu'un contrôle efficace puisse être assuré par les instruments adéquats au sein de l'Union européenne ;

- souhaitent que soit organisée à intervalles réguliers une conférence où, d'une part, le Comité exécutif puisse être entendu au sujet de l'état des choses par les représentants parlementaires des pays signataires de la convention de Schengen et où, d'autre part des échanges de vues puissent avoir lieu sur l'exécution et le fonctionnement de la convention ;

- chargent le Conseil Interparlementaire de Benelux d'élaborer, en concertation avec le secrétariat général de l'Union économique Benelux, une proposition visant à informer dans l'intervalle les Assemblées nationales au sujet des résultats du contrôle exercé au sein des différentes Assemblées parlementaires, ainsi qu'au sujet de l'élaboration d'une structure de coopération entre les Assemblées nationales « elle que mentionnée dans la présente déclaration finale.

C. DÉCLARATION FINALE CONCERNANT LA COOPÉRATION ENTRE LES PAYS DE SCHENGEN ET LES PAYS BALTES

Les représentants parlementaires du Benelux, de l'Allemagne (Bundesrat et Bundestag), de l'Autriche Bundesrat), de la Belgique (Chambre des représentant et Sénat), de la Finlande (Parlement), de la France (Sénat), de la Grèce (Assemblée nationale), de l'Italie (Chambre des députés), du Luxembourg (Chambre des députés), de la Norvège (Storting), des Pays-Bas (l e et 2 e Chambres des États généraux), de la Suède (Rikstag) ainsi que les représentants de l'Assemblée balte, du Conseil nordique et du Parlement européen se sont réunis les 8 et 9 décembre 1995. à Luxembourg, à l'invitation du Conseil interparlementaire consultatif de Benelux.

Les représentants parlementaires des pays de Schengen participant à la conférence, à l'exception des représentants de la France, qui se sont abstenus :

- ayant entendu les interventions de la délégation de l'Assemblée balte et des ministres présents à la réunion :

- souhaitent que des consultations entre les Pays Schengen et les Pays baltes débutent en 1996 en vue d'examiner les possibilités de mettre sur pied des programmes de coopération visant à faciliter la circulation des voyageurs.

IV. EXPOSÉS INTRODUCTIFS

A. EXPOSÉ DE M. FISCHBACH, MINISTRE

J'ai aujourd'hui l'honneur et le plaisir d'être parmi vous pour vous parler de la convention d'application de l'accord de Schengen et cela huit mois el demi après sa mise en vigueur

Le 26 mars 1995, la libre circulation des personnes dans un espace sans frontières intérieures est devenue une réalité entre sept États qui ont ratifié la Convention Schengen, à savoir les pays du Benelux, la France, l'Allemagne, l'Espagne el le Portugal.

Préfigurée dans l'article 7 A du traité de Rome, celle liberté de circulation n'a hélas, pas encore pu eue réalisée dans l'Union Européenne en raison des divergences d'interprétation du traité.

À l'origine cinq pays (Benelux. Allemagne et France) ont décidé de créer un espace sans frontières intérieures. L'accord de Schengen, signé le 14 juin 1985 à la Moselle luxembourgeoise, a été la première étape dans cette voie et c'est le 19 juin 1990 qu'à été signée la convention d'application prévoyant, en dehors du principe de la libre circulation, les mesures compensatoires rendues nécessaires par l'abolition des contrôles aux frontières intérieures.

En décembre 1990, l'Italie a rejoint les cinq États signataires ; en 1991, ce fut le tour de l'Espagne et du Portugal ; en 1992, celui de la Grèce et, en décembre 1994, l'Autriche a été admise comme nouveau membre. D'autres candidats attendent de pouvoir rejoindre le groupe, je veux parler des pays membres de l'Union nordique.

Cette volonté de faire partie de l'espace Schengen est la meilleure preuve que l'idée à la base des accords de Schengen est partagée par la grande majorité des États de l'Europe de l'Ouest.

Les critiques contre le principe d'un espace de libre circulation n'ont toutefois pas manqué avant la mise en vigueur de la convention et les discussions sur les avantages et les inconvénients d'un tel accord continuent à l'heure actuelle. D'aucuns soutiennent, en effet, que la sécurité des citoyens ne serait plus assurée, d'autres estiment que les frontières extérieures, plus strictement contrôlées, créent un nouveau mur entre l'Europe de l'Ouest et l'Europe centrale et orientale.

Quelle est, à l'heure actuelle, le bilan que l'on peut faire ; les craintes des uns et des autres sont-elles fondées ?

Il faut relever d'emblée que le « laboratoire Schengen » a fait ses preuves et que, dans l'ensemble l'opinion publique a réagi d'une manière tout à fait positive à la mise en oeuvre de la convention.

Des problèmes subsistent, certes, mais les mécanismes de contrôle aux frontières extérieures, le système d'information Schengen, la coopération policière et judiciaire fonctionnent à la satisfaction des États membres.

Pour ce qui est du contrôle aux frontières intérieures, il a été aboli en vertu de la convention. Après une première phase d'application qui s'est terminée à la Tin du mois de juin, les États contractants, à l'exception de la France, ont constaté que le fonctionnement des mécanismes prévus par la convention permettait l'ouverture complète des frontières.

La France faisant usage de la clause prévue à l'article 2 paragraphe 2 de la convention, a toutefois décidé de maintenir pour un délai de six mois les contrôles aux frontières intérieures. Cette position était motivée par des considérations tenant à la sauvegarde de l'ordre public. La France a estimé en particulier que les contrôles à certaines frontières extérieures n'étaient pas satisfaisants et que le problème du trafic des stupéfiants méritait encore un réexamen.

Il convient de relever à ce propos qu'au mois de décembre 1994, la France avait donné son accord pour la mise en vigueur de la convention et avait constaté avec les autres États que toutes les conditions pour une mise en vigueur étaient remplies.

Tel n'ayant plus été le cas, de l'avis de la France en juin 1995, la France continue actuellement à exercer des contrôles aux frontières intérieures.

Quant aux autres États, ils ont aboli les contrôles aux frontières et ils ont démantelé, en partie du moins, les infrastructures qui gênaient le libre passage.

La protection des personnes à l'égard de leurs données à caractère personnel traitées dans le système d'information Schengen.

La convention d'application de l'accord de Schengen organise cette protection sur un double plan :

- le plan national : l'article 114 prescrit que chaque partie contractante désigne une autorité de contrôle chargée, dans le respect du droit national, d'exercer un contrôle indépendant du fichier de la partie nationale du SIS ;

- le plan supranational : l'article 115 prévoit la création d'une autorité de contrôle commune chargé du contrôle de la fonction de support technique du SIS cette autorité se compose de deux représentants de chaque autorité nationale de contrôle.

La mission principale de cette autorité de contrôle commune est de vérifier la bonne exécution des dispositions de la convention d'application.

Par ailleurs, elle est également compétente pour analyser les difficultés d'application et d'interprétation pouvant survenir lors de l'exploitation du SIS, pour étudier les problèmes pouvant se poser lors de l'exercice du contrôle indépendant effectué par les autorités de contrôle nationales, et notamment à l'occasion de l'exercice du droit d'accès au système informatisé.

Depuis la mise en vigueur de la convention d'application, celte autorité de contrôle commune s'est réunie à quatre reprises. Elle a discuté essentiellement d'un règlement intérieur, dont elle était appelée à se doter. Ce règlement a été adopté lors de la dernière réunion de l'autorité.

Actuellement, l'autorité de contrôle commune analyse de quelle façon elle pourrait établir la meilleure coopération possible avec les autorités de contrôle nationales en matière d'exercice du droit d'accès aux données contenues dans le SIS.

L'article 115 de la convention d'application de l'accord de Schengen prévoit par ailleurs que l'autorité de contrôle commune doit établir des rapports portant sur l'exécution de ses missions, rapports qui sont transmis aux instances auxquelles les autorités de contrôle nationales transmettent leurs rapports.

À ma connaissance, l'autorité de contrôle commune n'a jusqu'à présent publié aucun rapport, ce qui me semble d'ailleurs normal a ce stade, alors que sa réunion de constitution n'avait lieu qu'en date du 17 mai 1995

Par ailleurs, comme cette autorité est appelée à exercer les missions lui confiées en toute indépendance, il n'incombe certainement pas à un membre du comité exécutif Schengen de s'immiscer de loin ou de près dans l'exécution des missions de l'autorité, ni d'ailleurs, de trop s'étendre sur le déjà réalisé dans le cadre de ses missions.

Afin de permettre une coopération policière optimale dans la région frontalière, la création de commissariats communs a été envisagée. Ces bureaux communs permettent notamment de coordonner les opérations de police transfrontière en cas d'événements extraordinaires.

Contrôle aux frontières extérieures Aux frontières extérieures des États contractants, le contrôle est effectué selon des règles arrêtées de commun accord et consignées dans le « Manuel commun ». Le SIS, qui est l'outil technique indispensable pour permettre un contrôle efficace et fiable, fonctionne à la satisfaction générale et donne des résultats très positifs.

En ce qui concerne les aéroports, on a constaté que, dans l'ensemble, la situation est satisfaisante. Quelques situations particulières ont bien été signalées par les États concernés avant la mise en application de la convention, mais seront normalisées dans les délais annoncés par ceux-ci. C'est ainsi que l'aéroport d'Amsterdam/Schiphol devrait être prêt pour la mi-décembre 1995. Tous les autres aéroports des États parties à la convention, et l'appliquant depuis le 26 mars 1995, pratiquent la séparation physique des passagers telle qu'elle est prévue par la convention.

Si cette séparation des flux « Schengen » et « non-Schengen » a pu créer quelques inconvénients, la facilitation de la circulation des passagers empruntant des vols Schengen est unanimement reconnue et saluée par les passagers comme un grand progrès.

Aux frontières maritimes, les États parties appliquent des procédures prévues au Manuel commun La situation particulière posée par les marins sera réglée en tenant compte des spécificités du trafic maritime.

En conclusion, on peut retenir que tant du point de vue des États membres que de celui de l'usager, la mise en place des mesures de contrôles prévues par la convention, si l'on excepte les quelques problèmes mineurs en voie d'être résolus, fait apparaître les avantages du système. En ce qui concerne les ports, les aéroports et les gares internationales, les autorités concernées ont réalisé les investissements nécessaires en matière d'infrastructure, évitant par là l'engorgement du flux des passagers, ce qui a évité, dans une large mesure, les files d'attente, tant redoutées aux frontières extérieures.

Le système d'information Schengen

J'ai déjà mentionné tout à l'heure l'importance du SIS comme moyen de contrôle efficace, en particulier aux frontières extérieures mais aussi lors de la délivrance des visas. On peut affirmer sans exagérer que le SIS constitue l'épine dorsale du dispositif Schengen.

Depuis le 26 mars, l'ordinateur central à Strasbourg et les 7 systèmes nationaux impliqués actuellement sont opérationnels 24 heures sur 24 et ceci sans interruptions significatives.

En ce qui concerne des données contenues dans le système, on peut dès à présent affirmer que ce système de recherche s'avère être plus efficace que les systèmes nationaux traditionnels, vu le grand nombre de signalements de personnes, de véhicules et d'objets qui y sont introduits d'après des critères communs.

En effet, à l'heure actuelle le fichier SIS contient des signalements concernant 800.000 véhicules volés ou recherchés, 110.000 armes à feu recherchées, 1.300.000 documents d'identité volés, 560.000 personnes recherchées (+ 350.000 alias) dont 3.400 personnes recherchées pour arrestation/extradition, 500.000 étrangers non admissibles, 14.000 personnes disparues, 40.000 personnes recherchées par les autorités judiciaires.

À ces quelques 3,5 millions de fiches sont ajoutées actuellement 10.000 nouvelles fiches par jour (une estimation complète avait été fixée à 8 millions).

Actuellement 65 % des fiches proviennent de l'Allemagne et 32 % proviennent de la France.

Pour ce qui est de l'utilisation du système et des découvertes effectuées à l'aide du système. un premier bilan est plus que positif pour toutes les administrations concernées.

Au Luxembourg, la consultation par quelques 2000 fonctionnaires des forces de police, des douanes et accises, du ministère de la Justice et du ministère des Affaires étrangères, qui ont un accès direct au fichier dans le strict respect de leurs attributions légales respectives, a permis la découverte de 550 personnes et véhicules recherchés. Ce taux de découvertes est tout à fait appréciable et il semble qu'il soit encore plus élevé dans certains autres pays.

À l'heure actuelle les préparatifs sont en cours pour l'intégration des dispositifs italien et grec qui pourront entrer dans le système existant au niveau opérationnel pour le milieu de 1996, à condition d'adopter les législations nationales nécessaires en matière de protection des données personnelles.

L'extension de ces deux pays du système augmentera bien sûr l'efficacité du dispositif dans son ensemble.

Les visas et la Coopération consulaire

1. Coopération consulaire

On peut affirmer sans exagération que la coopération consulaire entre les représentants des États Schengen dans l'ensemble des pays du monde est bien engagée.

Non seulement les représentants Schengen se réunissent régulièrement afin d'harmoniser leurs approches des instructions générales ou ponctuelles qu'ils reçoivent de leur capitale respective mais, en outre, dans la plupart des pays où plusieurs États Schengen sont représentés, les contacts informels sont fréquents.

C'est ainsi qu'en général de nombreux problèmes liés aux spécificités locales ont pu être résolus sur place.

Dans la plupart des pays tiers, on a pu constater qu'en général, on pouvait compter sur la disponibilité et la participation active de l'ensemble des représentations des États Schengen.

Cependant, compte tenu de l'importance que revêt la coopération consulaire dans le fonctionnement global du système, cette dernière doit être approfondie, en particulier ; les difficultés rencontrées localement, doivent être portées a la connaissance du groupe « visa ». À cet égard, la présidence belge a, encore récemment, invité ses représentations à maintenir leurs efforts en ce domaine.

2. L'asile

Certains États membres ont fait valoir que l'application effective des procédures de prise en charge des demandeurs d'asile et leur transfert engendrait des difficultés pratiques et juridiques. Elles doivent donc continuer à être améliorées pour remédier aux difficultés constatées. Des difficultés ont été signalées dans les domaines suivants :

- réfugiés dépourvus de documents ;

- délais de réponse trop longs de la part de certains États ;

- divergences d'interprétation des États parties sur les demandes d'asile postérieures au 26 mars 1995 mais dont le fait générateur est antérieur ;

- harmonisation du niveau d'exigence en matière de preuve de la responsabilité d'un État.

La recherche de solutions pratiques entre États membres de Schengen est en cours.

Il convient encore de préciser que, dès la ratification par tous les États membres de l'Union Européenne de la convention de Dublin déterminant l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile, le chapitre « Asile » de la convention Schengen cessera de trouver application, conformément à l'article 134 de la convention en vertu duquel le droit communautaire prime les dispositions de la convention Schengen.

Lutte contre les stupéfiants

La mise en application de la Convention d'application de l'Accord de Schengen a permis de développer la coopération des services de police et de douanes des États membres. Des opérations précises de lutte contre le tourisme de la drogue ont été organisées. Les acquis de ces opérations, les problèmes rencontrés et les moyens pour les résoudre ont été examinés. Un aide-mémoire des mesures à prendre en compte lors de l'organisation de telles opérations a été élaboré.

Des opérations conjointes de lutte contre les flux transfrontaliers illégaux ainsi que l'échange d'expériences en ce domaine seront poursuivis.

Les contrôles anti-drogues aux frontières extérieures terrestres, maritimes et aériennes ont fait l'objet de débats approfondis au cours de l'élaboration de la convention.

Depuis la mise en application de celle-ci, le groupe stupéfiants a entamé un examen global de la situation aux frontières extérieures afin de dégager des critères communs permettant d'évaluer les risques et de déterminer le renforcement en effectifs à déployer à ces endroits stratégiques, leur répartition et leur équipement.

L'évolution de la situation aux frontières extérieures sera constamment examinée avec la plus grande attention afin de permettre l'adaptation des mesures prises sur la base de critères d'analyse tenant compte des spécificités locales.

Le trafic de stupéfiants entre États membres soulève toutefois encore des difficultés et une discussion approfondie de cette question est en cours en vue de trouver des solutions satisfaisantes pour toutes les parties.

La coopération policière

Dans les zones frontalières, cette coopération se développe sur la base des accords prévus à l'article 39 quatrième alinéa.

D'autres accords sont en préparation pour certaines zones frontalières.

Par ailleurs des arrangements seront conclus directement entre services de police.

Tous les États ont pris des initiatives, depuis 1992, pour faire connaître les nouvelles règles et procédures Schengen aux services de police. On peut notamment citer des cours donnés dans les instituts nationaux de formation policière et dans les corps de police régionaux, ainsi que des séminaires de recyclage organisés pour les services chargés des contrôles aux frontières et des contrôles d'immigration. Afin d'aider a cette formation au niveau national, le groupe « police et Sécurité » a poursuivi l'élaboration d'un Mémento de coopération policière, qui contient une série de renseignements juridiques et pratiques pour la mise en application des dispositions de coopération policière contenues dans la convention.

B. L'EXPOSÉ DU PROFESSEUR L. VAN OUTRIVE

Les accords de Schengen et le contrôle parlementaire

Aucune personne sensée ne peut nier la nécessité d'une coopération internationale dans les nombreux domaines couverts par les accords de Schengen. Mais quiconque a suivi les choses par intérêt politique ou professionnel aura assurément des objections. Sans doute ne faut-il pas aller aussi loin que l'expert néerlandais Meyers qui, dans l'introduction du numéro spécial de la revue néerlandaise des juristes de 1991, consacré à Schengen, a écrit : « Si l'on aime la démocratie, on ne peut qu'espérer que la convention de Schengen ne sera pas traduite dans le droit ». Dans le Discours qu'il a prononcé lors de la séance inaugurale solennelle de la Cour d'appel de Gand, le 1 er septembre 1993, le procureur général Bauwens à déclaré quant à lui : « Cette convention témoigne sans doute d'un sens prononcé de la réalité, mais bien moins du respect des principes démocratiques ».

Quoi qu'il en soit, comme vous le savez assurément, toutes sortes de `accords de coopération internationaux voient le jour dans le domaine de la justice et du maintien de l'ordre public - actuellement on parle plutôt de « sécurité » - que ce soit dans le cadre du troisième pilier du traité de Maastricht ou non, mais en tout cas aussi `à géographie variable'. Le problème est double. D'une part, nous sommes habitués au modèle d'État démocratique dit de Hobbes, qui offre un cadre aux initiatives institutionnalisées en matière de migration, d'asile, et certainement à la coopération policière. Ce qui nous fait d'ailleurs dire : « pas de police sans État ! » Ce cadre comporte une législation adéquate, une cour de justice, un Parlement législatif et investi du contrôle, ainsi qu'un Gouvernement. Mais, d'autre part, nous constatons qu'en raison du caractère transfrontalier de nombreux problèmes, les accords de coopération habituels, respectant pleinement la souveraineté des États participants, ne suffisent plus. C'est ce qui explique que des initiatives comme les accords de Schengen voient le jour. Du reste, des phénomènes similaires se produisent aussi dans d'autres domaines. Le résultat est qu'on se trouve finalement devant un « patchwork » d'ententes diverses, assorties de leurs institutions à des niveaux divers, avec des alliances variables d'États et de régions. Un des problèmes majeurs que cela pose est celui de la responsabilité (« accountabiliy ») : à qui les bureaucraties ad hoc créées de la sorte, dans la plupart des cas par des représentants des pouvoirs exécutifs, devront-elles rendre des comptes et par quelle population seront-elles légitimées ?

Comme vous le savez sans doute mieux que moi-même, on s'est plaint de toutes parts du « déficit démocratique » qu'entraîne la réalisation et le fonctionnement des accords de Schengen. La procédure de ratification, cet instrument du siècle dernier, par laquelle un accord déjà signé avec beaucoup de publicité par les ministres est soumis aux parlements - comme étant à prendre ou à laisser - n'apporte guère de remède, elle non plus. Je suis évidemment au courant des initiatives prises par plusieurs Parlements à l'occasion de la ratification, en vue d'être au moins informés ou de pouvoir débattre sur la suite. Cela veut dire que l'on entend surtout suivre les ordres du jour du comité exécutif. Mais j'ai également connaissance des problèmes qui en résultent.

Personnellement, je suis d'avis qu'il est illusoire de croire que sept, et bientôt dix à dix-sept Parlements ou un nombre plus grand encore pourront assurer un contrôle efficace. Cette situation permettra d'ailleurs très facilement d'opposer les Parlements les uns aux autres ou de mettre en relief des intérêts divergents.

À mon sens, les différents Parlements concernés feraient mieux d'instituer une commission de contrôle interparlementaire ad hoc. On pourrait d'ailleurs y associer le Parlement européen, eu égard au fait que l'article 142 de la convention prévoit la communautarisation, et compte tenu du fait que la Commission européenne participe également au comité exécutif.

Pourquoi une telle commission interparlementaire ? Je vois plusieurs raisons.

1° Je suis d'avis que d'un point de vue démocratique, il ne se justifie pas que les différents parlements ne témoignent pas du même intérêt pour la question, et qu'il faudrait dès lors, en tout cas, déléguer des personnes particulièrement intéressées.

2° Les accords de Schengen et leur fonctionnement sont devenus des questions extrêmement complexes, tant sur lu plan technique que sur le plan politique, pour lesquelles il convient d'engager des parlementaires dotés des connaissances et de la motivation requises. Une importante motivation est évidemment le fait que les accords de Schengen ne concernent pas uniquement les fonctionnaires ou les policiers, mais des gens, des citoyens, dans leur vie quotidienne. En outre, mes citoyens, représentés par les Parlements, ont le droit de savoir ce à quoi servent réellement de tels appareils coûteux `à la Schengen'.

3° Dans le cadre d'initiatives supranationales de ce genre, il faut travailler sans cesse sur une base comparative. Or, cela ne peut se faire de manière efficace que lorsque les uns et les autres sont mis en présence. Cela ne peut se faire à distance. Seul un tel travail comparatif pourra déboucher sur des positions parlementaires communes.

4° De cette manière, les Parlements compétents pourront être saisis à intervalles réguliers de rapports bien étayés, attirant leur attention sur d'éventuelles interventions nécessaires.

Jusqu'à présent, j'ai évoqué la forme dans laquelle le contrôle parlementaire pourrait être exercé, mais le contenu de ce contrôle appelle également une série de considérations.

Il serait utopique de prévoir une sorte de contrôle au jour le jour. Pourtant, la commission interparlementaire devrait déterminer elle-même ce qu'elle entend contrôler, et de quelle manière, afin de ne pas être livrée au bon vouloir de ministres ou de fonctionnaires supérieurs. Après la lecture de nombreux documents de travail, j'ai d'ailleurs pu constater que la présentation des choses à l'extérieur est plus d'une fois édulcorée. Du reste, bien des choses qui vont mal aujourd'hui ont été prédites depuis des années par toutes sortes d'intéressés et d'experts... Mais je comprends qu'il est parfois difficile de l'avouer.

Aujourd'hui, je devrai me limiterai à indiquer les grandes lignes de ce que pareil contrôle pourrait comprendre.

A. Il est clair que les ordres du jour du comité exécutif mais aussi du groupe central, revêtent la plus haute importance. Il faut surtout être très attentif aux procédures d'urgence dont le comité veut faire usage à présent. Personnellement, je trouve que les quatre manuels rédigés en vue de l'opérationnalisation contiennent des textes tout aussi importants que convention elle-même. Il s'indique également de suivre attentivement l'organigramme des groupes de travail, afin de requérir, le cas échéant, des rapports spécifiques.

B. Par ailleurs, il importe de prévoir une surveillance externe des organes de contrôle internes. À l'heure actuelle, il y en a plusieurs.

1° Les autorités de contrôle nationales et l'autorisé de contrôle commune pour Schengen. Celles-ci doivent assurer la protection des données et de la vie privée. Il serait bon de savoir qui s'adresse à ces instances et pour quels motifs, et aussi quelles initiatives ces autorités prennent elles-mêmes, et si elles disposent d'effectifs et de moyens suffisants.

2° Le contrôle de l'accès à l'interrogation au moyen du SIS (art. 103).

3° Le contrôle de l'enregistrement des demandeurs d'asile.

4° Le CIREA ou CIREFI - organes qui examinent la situation dans les pays d'origine des migrants des demandeurs d'asile - établissent des rapports. Il est important de vérifier à quelles sources (limitées) ils recourent pour ce faire.

5° Le comité ou le groupe d'experts prévu dans le cadre du groupe de travail « frontières », qui inventorie les difficultés qui se produisent aux frontières extérieures. Il est utile de vérifier si l'on examine aussi bien les difficultés des fonctionnaires que celles des citoyens.

6'Le « comité de suivi », qui vérifie le fonctionnement de la convention depuis le 28 mars. Cela me semble être un organe bien mystérieux !

C. Il y a, par ailleurs, encore une série de problèmes qualitatifs qui, à mon avis, appellent un suivi parlementaire. J'en compte 17 et je les énumère par ordre d'importance.

1° Il y a. premièrement, les relations entre les instances judiciaires et les fonctionnaires exécutifs donc pas seulement la police. Comment le contrôle judiciaire est-il organisé et y a-t-il réellement des dispositions légales régissant aussi bien ce contrôle que la possibilité d'échanger des données sur le plan international, par exemple en vue de l'observation et de la Poursuite policière ? Les Parlements devraient, en tout cas, veiller à ce que le contrôle judiciaire fonctionne également de manière efficace et que l'application des accords de Schengen puisse se faire partout sur une base juridique solide. Sinon, on risque oc voir - surtout dans des matières internationales - des fonctionnaires, et non pas des juges, se mettre à déterminer la procédure en justice. La compétence de la Cour de Justice de Luxembourg est un problème connexe à cet égard.

2° Une des principales plaintes à propos de Schengen était - et est toujours - que l'on attache beaucoup d'importance aux compétences de toutes sortes d'autorités, mais beaucoup, beaucoup moins à la position des citoyens, quelles que soient leur nationalité et leur qualité, qui d'une manière ou d'une autre sont concernés par l'application des accords On prévoit bien quelques droits formels, mais la question est de savoir si ces possibilités sont réellement rendues opérationnelles et si elles sont pratiquement réalisables. Il faudrait absolument le vérifier, et cela non seulement en ce qui concerne les contrôles aux frontières extérieures, mais aussi - par exemple - en ce qui concerne l'entraide judiciaire en matière pénale Ainsi se pose la question de savoir ce qu'il advient des personnes qui doivent être transfères d'un pays à l'autre et qui doivent souvent attendre très longtemps (art 31).

3° Actuellement, le SIS et la convention se focalisent manifestement sur l'application de l'article 96, qui vise les étrangers signalés aux fins de non-admission. Un suivi très attentif s'impose en cette matière, car elle suscite de nombreux problèmes : en rapport avec le transfert de personnes ; en ce qui concerne la nécessité contestée de produire des informations (SIRENE) complémentaires aux fins de motiver la mesure demandée ; en rapport avec l'octroi d'un permis de séjour ; en rapport avec le fonctionnement insuffisant de la concertation en application de l'article 25.

4° L'exécution de la politique d'asile se heurte également à des obstacles Les difficultés signalées concernent : des réfugiés qui se présentent sans documents des États participants qui attendent trop longtemps pour fournir les informations demandées, des problèmes d'interprétation dans les cas où la demande, tout en ayant été introduite après le 26 mars 1995, basée sur des faits antérieurs à celte date ; le manque d'harmonisation en ce qui concerne la preuve à fournir quant à la responsabilité d'un État déterminé pour le traitement de la demande

5° La politique en matière de visas n'est absolument pas encore au point et l'on constate surtout de grandes des inégalités en matière de politique de délivrance. La question mérite d'être suivie.

6° Un nombre considérable de termes clé sont de plus en plus remis en question en raison des interprétations divergentes dans les différents pays ; un « hit », titre de séjour, étranger, menace pour l'ordre public ou pour la sécurité ou sûreté nationale, etc.

7° Le système complémentaire SIRENE n'a pas été prévu dans la convention. Il doit déjà être étendu et se voit doté de tâches de plus en plus nombreuses en dehors de la fonction de support informatif du SIS. Il importe de suivre cette évolution

8* La coopération avec INTERPOL et EUROPOL est une question complexe, qui mérite d'être suivie.

9° Le débat est pleinement engagé sur la coopération avec les États nordiques, donc aussi avec la Norvège et l'Islande, qui ne sont pas membres de l'Union. Il serait utile que les Parlements de Schengen en discutent avec leurs collègues nordiques.

10° On constate une tendance à remplacer les contrôles aux frontières intérieures par des contrôles dans les zones frontalières, ce qui ferait de la suppression des contrôles aux frontières un grossier troc frauduleux. Ce serait d'ailleurs tout à fait contraire à l'esprit de l'article 7A du traité de Maastricht. Les Parlements devraient faire entendre leur voix à ce propos.

11° Il faudrait que la commission de contrôle interparlementaire sache quelles sont, dans les pays concernés, les instances qui émettent les signalements, fournissent les données et procèdent aux interrogations dans le cadre du SIS et de SIRENE. Qui dispose d'un terminal permettant de procéder partout et en tout temps à des contrôles ? (art. 92 et 101,4)

12° Il serait assurément utile de connaître les accords complémentaires en matière de coopération policière conclus en vertu de l'article 39, 4e alinéa. De même, il serait bon de savoir quels accords ont été conclus en vue d'étendre les possibilités d'observation et de poursuite (art. 40 et 41).

13° Il existe une possibilité d'étendre les traités d'extradition Sont-elles utilisées ? Par quels pays ? (Art. 59. 2e alinéa)

14° Le groupe de travail permanent « stupéfiants » ne semble guère obtenir de résultats (art. 70 et suivants). Il serait bon de suivre attentivement les travaux.

15° Quelles initiatives ont été prises pour contrôler exceptionnellement des organismes nuisibles et des déchets dangereux et non dangereux (art 121. 2 et 122, 2) ? A ce jour, on n'a aucune information à ce sujet.

16° Il est également recommandé de vérifier le nombre et le lieu d'affectation des agents de contact et de liaison des services de police et des douanes, y compris des services de sécurité.

17° La réglementation relative au contrôle des armes à feu (art 77 à 91) serait abrogée parce que en 1991, une réglementation européenne plus souple a été adoptée Ne faudrait-il pas revoir cette question ?

D. Toute une série de données quantitatives, demandées avec une certaine régularité, peuvent également donner une bonne idée du fonctionnement des accords de Schengen.

J'en compte 23, que j'ai répartis en groupes.

D.l. L'éloignement d'étrangers indésirables.

1° À qui délivre-t-on des visas (à validité générale, à validité territoriale limitée, de passage et de transit) ? Ces données sont d'ailleurs déjà collectées. Mais il faudrait également demander les chiffres et les caractéristiques des visas refusés.

2° Combien de titres de séjour sont délivrés à des étrangers en dépit d'un signalement aux fins de non-admission, a qui et sur quelles bases ? Combien d'entre eux (ne) sont (pas) inscrits dans les listes de signalement nationales ? (art. 25)

3° Quelles catégories d'étrangers pénétrant dans le territoire de Schengen sont, par exception, exemptées de l'obligation de déclaration auprès des autorités compétentes ? (art. 22,3)

4° À combien s'élèvent les compensations financières du déséquilibre résultant des éloignements obligatoires prévus a l'article 23 ? (art. 24)

5° Combien d'amendes ont été infligées aux sociétés de transport ? Quel en était le montant ? De quelles sociétés s'agit-il ? (art. 26)

D.2. L'entraide judiciaire

6° Combien de demandes d'entraide judiciaire ont été faites entre les autorités judicaires, quels étaient les pays concernés et quel en était l'objet ? (art. 53.1)

7° Combien de demandes d'entraide judiciaire ont été refusées, entre quels pays et pour quels motifs ? (art. 50.4)

8° À combien d'extraditions a-t-il été procédé, avec le consentement (sans procédure formelle) et sans le consentement des intéressés, entre quels pays et pour quels faits ? (art. 66,1)

9° Combien de commissions rogatoires ont été instaurées entre quels pays et pour quel genre d'affaires ? (art. 51)

D.3. Traitement des demandes d'asile 10' Combien de demandes d'asile et lesquelles, ont été traitées en dépit du fait que l'État traitant n'était pas compétent, et pour quelles raisons ? Quel était, dans ces cas, l'État compétent ? (art. 29, 4 et art. 33)

11° Combien de demandeurs d'asile, de quelle nationalité, et dans quels pays, ont demandé à pouvoir prendre connaissance des données les concernant pour les améliorer ou les vérifier (art. 38, 7) et combien de fois, quelles personnes, de quelle nationalité dans quels pays, ont eu recours à l'autorité de contrôle nationale ou commune ? (art. 38,12)

D.4. Le Système d'information Schengen

12' Combien de données ont été introduites dans le SIS, par pays, sur la base des articles 95, 96,97, 98 99 et 100 ? (Les chiffres existent, mais sont incomplets à ce jour)

13° Combien de contrôles `positifs' ont été effectués au moyen du SIS, par pays, à l'intérieur et à l'extérieur du pays, sur la base des articles 95 à 100 ? (art. 96) (Les données existent, mais sont incomplètes à ce jour)

14° Combien de personnes, de quelle nationalité, et dans quels pays, ont introduit une demande en vue de faire corriger leurs données ? (art. 110 et 111 )

15' Combien de personnes, de quelle nationalité et dans quels pays, ont introduit une demande auprès de l'autorité de contrôle commune pour quelles questions ? (art. 114,1 et 2, art. 115,3)

16° Combien d'actions en dommages-intérêts ont été intentées, par qui, dans quels pays, pour quelles questions ? (art. 116)

17° Combien de signalements de données erronées ont été faits à une partie signalante et quelles étaient les parties concernées ? (art. 106,2)

18° Combien de fichiers ont été assortis d'une indication (« flag »), par quels pays, à rencontre de quels pays et pour quels motifs ? (art. 99.6)

19° Contrairement aux règles concernant la protection des données, combien de données ont été utilisées à d'autres fins avec autorisation, quels étaient les pays concernés, et pour quelles questions ? (art. 126, alinéa 3a)

20° Combien de communications de données ont eu lieu avec l'autorisation des parties intéressées quels étaient les pays concernés, pour quelles questions ? (art. 129, b)

D.5. La coopération policière

21° Combien d'observations et poursuites ont été formellement exécutées, avec et sans caractère d'urgence, quels étaient les pays concernés, pour quelles questions ? (art. 39 et 40

22° Quelles observations et poursuites ont été arrêtées, quels étaient les pays concernés, pour quelles questions ? (art. 41)

D.6. Les stupéfiants

23' Combien de livraisons contrôlées ont organisées dans le cadre de la lutte contre les stupéfiants quels étaient les pays concernés et dans quels pays les interventions ont-elles eu lieu ? (art. 73.1)

Conclusion

Ce n'est que de la manière qu'ils détermineront eux-mêmes que les Parlements concernés pourront exercer un contrôle efficace. J'estime qu'il s'agit d'un devoir démocratique. On dit à juste titre que les accords de Schengen constituent un « laboratoire ». C'est bien le cas, parce qu'on procède à toutes sortes d'expériences très coûteuses dans ce cadre. Cependant, il faudrait aussi songer à procéder à une expérience sérieuse quant au contrôle politique d'une entreprise supranationale d'un type nouveau, qui à l'avenir, servira sans nul doute de modèle.

C. EXPOSÉ DE M.H. SUYKERBUYK

Le contrôle du Gouvernement et de la réglementation on constitue l'une des tâches essentielles du Parlement dans une démocratie parlementaire. En appliquant ce principe à la convention de Schengen, on s'étonnera non pas de l'existence d'un Comité de ministres exécutif mais, bien au contraire, de l'absence d'un véritable pendant (inter)parlementaire.

Il faut s'interroger sur la nécessité de ce pendant parlementaire. Non pas sous la forme d'une thérapie occupationnelle mais d'un groupe de parlementaires légitimé par tous les parlementaires chargé de contrôler l'évolution du dossier Schengen et de faire rapport à ce sujet aux Parlements, ensuite de quoi ceux-ci sont amenés à prendre leurs responsabilités.

On se demande souvent, à propos des accords de Schengen, si le modèle dit d'intégration -l'Union européenne- n'est pas préférable au modèle dit d'adhésion dans le cadre duquel ces accords s'inscrivent.

La question ne manque certes pas d'intérêt mais le point de vue du comité de ministres exécutif, exprimé le 12 janvier 1994 au Sénat belge par M. Urbain, alors ministre belge des Affaires européennes, me paraît toujours d'actualité M Urbain avait déclaré qu'à la lumière du troisième pilier de Maastricht, les pays de Schengen avaient acquis, sur le plan politique, une avance importante.

Ainsi, le S.I.S. est une réalité Développer parallèlement un système d'information européen (S.I.E.) ne serait pas seulement une source de dépenses importantes. En effet, si, pour quelque raison technique, le SIS devait ne pas fonctionner, le S.I.E. lui-même ne constituerait pas une solution.

Bref, dans le cadre contrôle parlementaire, le souhait d'intégrer Schengen à l'Union européenne est hic et nunc hors de propos.

Mais il y a plus. Politiquement et psychologiquement, l'accord de Schengen n'est pas simple aux yeux du citoyen. Les conventions bilatérales en matière de police et de gendarmerie existent depuis un certain temps déjà. Des accords de coopération ont vu le jour dans ce domaine dès 1890.

Cela peut paraître contradictoire, mais les réglementations détaillées de la convention de Schengen en matière de poursuites et d'observation transfrontalières, complétées par des déclarations distinctes sur le lieu et l'endroit, sont aujourd'hui la cause de difficultés plus nombreuses que prévu en matière d'abandon de souveraineté.

Il faudra se faire à l'idée que la coopération policière en Europe semble plus difficile à réaliser que la coopération économique. Pour des raisons légitimes liées au déficit en matière de sécurité, les citoyens ressentent clairement les effets de Schengen. Si, dès lors, les réglementations sont nécessaires, le contrôle et l'information sérieuse le sont tout autant.

La raison essentielle en est le « déficit démocratique » qui perdure sous une forme plus ou moins affirmée, au sein de l'Union européenne comme dans le contexte de la coopération intergouvernementale.

La coopération intergouvernementale confronte les partisans du contrôle à des difficultés de taille. Si l'on juge la sécurité importante, et c'est le sentiment général, il ne peut être question de s'engager dans la voie périlleuse d'institutions et de décisions incontrôlables.

Je ne citerai qu'un exemple. Interrogé au Sénat de Belgique sur l'emploi des langues dans le cadre du SIS., le ministre Urbain avait répondu que la question concernait en fait les bureaux SIRENE. Mais il n'avait guère été en mesure d'en dire plus sur le fonctionnement de ces bureaux. Voilà où nous en sommes !

Cela ne signifie pas pour autant que le contrôle démocratique soit meilleur dans le cadre de l'Union européenne. Il y a, bien sûr, le parlement européen qui fait bien mieux que remplir sa tâche dans ce domaine. Mais il y a le rôle du Conseil de ministres, qui est assez inusitée. Des représentants du pouvoir exécutif dans leur pays occupent au niveau européen la fonction de législateur. C'est une situation pour le moins extraordinaire !

C'était là une parenthèse mais elle s'inscrit dans la ligne de mon propos : il est difficile pour une institution parlementaire de contrôler des structures de coopération internationales. C'est une raison de ne pas se contenter de réunions interparlementaires sans véritable pouvoir.

Je vais m'efforcer de schématiser un scénario de contrôle.

À mon sens, il y a deux façons de voir les choses du point de vue parlementaire.

Il y a le contrôle vertical. Chaque parlement contrôle son Gouvernement, lequel est responsable des décisions prises au comité exécutif.

Parallèlement, il y a le contrôle horizontal. Il s'agit d'un contrôle des décisions prises dans le cadre de Schengen par le comité exécutif, exercé en commun par les Parlements et tous les membres.

Le contrôle horizontal, qui adopte la forme d'une coopération interparlementaire, présente l'avantage de réduire la différence entre le « Schengen intergouvernemental » et le « Schengen communautaire »

En outre, les représentants interparlementaires sont également membres de leur Parlement national. Ils assument donc déjà une fonction de contrôle.

En même temps, la coopération horizontale constitue une plate-forme de premier ordre en vue de l'échange d'informations et d'expériences.

Cette coopération interparlementaire horizontale n'atteindra toutefois ses objectifs que si un certain nombre de conditions sont réunies :

Les Parlements nationaux devront faire preuve de la discipline requise pour constituer un groupe restreint et, partant, plus efficace. H ne saurait, dès lors, être question de prendre en considération, pour chaque parlement, tous les équilibres envisageables, ce qui aurait pour effet d'accroître l'importance numérique des délégations.

La délégation restreinte doit se composer de membres susceptibles d'assurer au groupe interparlementaire une continuité satisfaisante. Les matières sont à ce point vastes et techniques qu'un organe de contrôle, dont la composition serait soumise à de constantes modifications et dont les membres seraient désignés pour un court terme, n'aurait fatalement aucune maîtrise du très large domaine couvert par Schengen.

Tous les Parlements doivent avoir la volonté d'instituer ce contrôle. J'entends par là une volonté politique, qui implique un soutien technique et logistique suffisant. Ce soutien doit émaner des Parlements mêmes, cl non des Gouvernements ou du secrétariat de Schengen. La mission du parlement exige de l'indépendance. Pour sanctionner, il faut des moyens financiers. Il en va de même pour le recours aux services d'experts. Les Parlements ne pourront donc pas se borner à simplement approuver cette mission de contrôle.

Tous les Parlements doivent laisser une marge « politique » à leurs représentants au sein de l'organe de contrôle afin de soumettre la question de Schengen au processus décisionnel politique Quand je vois l'intérêt que manifestent les Parlements nationaux pour le Benelux, je me dis qu'il n'est pas inutile de souligner ces différentes conditions.

Voilà pour ce qui concerne le « scénario ».

À la lumière de ce que Brice De Ruyver* ( * ) définit comme « danser sur la corde lâche de la liberté individuelle au regard de la sécurité », on pourrait évoquer pour chacun des aspects de Schengen des exemples qui attestent de la nécessité de ce contrôle : trop souvent encore, chacun y va de « sa » vérité.

1. La politique d'asile

Je ne crois pas que les Parlements nationaux, défaut de possibilités de s'informer, de surveiller et de contrôler, soient en mesure aujourd'hui de se prononcer sur les choix politiques.

Ce constat est sans doute osé mais, à supposer même qu'il ne corresponde que pour moitié à la réalité, il n'en demeure pas moins navrant d'un point de vue parlementaire et démocratique.

2. La politique en matière de drogue

Je pèche peut-être par excès mais la situation néanmoins quelque chose d'invraisemblable. Aux Pays-Bas, on considère aujourd'hui que le problème de la drogue ressortit à la santé publique. Quant à la France, elle établit un lien entre les drogues et les routes de la drogue, lesquelles deviennent des routes du crime, alors que la criminalité est un phénomène ancien dans le nord de la France. Entre les deux, il y a la Belgique, qui sert de lieu de transit et subit de ce fait les effets graves du problème de la drogue.

Il pourrait être mis fin à ce dialogue de sourds si un organe de contrôle parlementaire était en mesure de dissocier le fruit de l'imagination de la réalité.

3. Les contrôles frontaliers

Les contrôles frontaliers sont devenus, sans qu'on s'en rende presque compte, des contrôles de zones frontalières. Chacun sait-il de quoi il retourne exactement ? Comment les contrôles aux frontières extérieures autres que les aéroports sont-ils renforcés ? On connaît la situation dans les grands aéroports Mais qu'en est-il dans les nombreux aéroports régionaux ?

4. Le S.I.S.

En dehors des assurances fournies quant au bon fonctionnement du système, des rumeurs font était de fournitures et de mises en oeuvre non conformes, du manque de coopération de certains pays, etc.

En juin 1995, un ministre français déclarait encore que le S.I.S. ne donnait pas satisfaction. Et pas plus tard qu'hier, le secrétaire d'État allemand. M. Regensburger, s'est interrogé sur ce système.

5. Le problème des étrangers

J'ai lu récemment, à propos du problème des étrangers, que le groupe de travail ad hoc « Immigration » prendrait des mesures inapplicables dans la pratique.

Je ne puis pas en juger. Et combien de collègues issus des Parlements nationaux sont-ils en mesure de se faire une opinion ?

Il faut donc un contrôle efficace, exercé par les représentants politiques élus. Ce contrôle ne peut être instauré que si les Parlements ne se contentent plus de le préconiser verbalement mais fournissent des moyens effectifs à cet effet. Des moyens, il en faudra beaucoup. Les Parlements devront apporter la preuve de leur volonté d'y contribuer. Néanmoins, la meilleure sécurité n'est pas celle qu'on impose.

Par ailleurs, en ce qui concerne spécifiquement Schengen, un accord conclu entre des Gouvernements, sans aucune forme d'autorité supranationale contraignant les pays concernés à en respecter les termes, ne tiendra que tant que les pays participants le voudront et dans la mesure où ils le décideront. Si l'un de ces pays ne se conforme pas à l'accord, les autres ne pourront guère que le déplorer en espérant le voir revenir à de meilleurs sentiments.

Voilà sans doute le point faible d'une construction intergouvernementale. Mais personne, j'imagine, n'opère un tel revirement.

C'est pourquoi il faut poursuivre la mise en oeuvre de Schengen. Dans le même temps, il faut améliorer le contrôle parlementaire ou mieux, il faut organiser contrôle interparlementaire. Et si par exemple, le contrôle des actions judiciaires et policières transfrontalières est indispensable, comme on l'a dit hier encore, un contrôle permanent exercé par des représentants issus des Parlements nationaux au sein desquels ils sont législateurs et contrôlent leurs Gouvernements, pourrait être un excellent gardien des mesures de sécurité et concrétiser le souci de ne pas en arriver à une sécurité imposée.

Le libre espace européen ne doit pas s'ouvrir à l'insécurité et à la criminalité.

Il ne faut pas permettre non plus que des milliers de personnes, à l'image d'Alain Peyrefitte, soient arrêtée sans motif sérieux ou que leur liberté soit entravée. L'honneur de la démocratie parlementaire ne s'en accommoderait pas.

3. DÉCLARATION DES PREMIERS MINISTRES DES PAYS NORDIQUES

L'Union nordique des passeports dans un contexte européen

Lors de leur réunion à Reykjavik, le 27 février 1995, les premiers ministres ont fait la déclaration suivante :

La libre circulation transfrontalière est un élément fondamental dans le cadre de la coopération nordique comme de la coopération européenne. La libre circulation engendre des contacts étroits entre les populations ainsi qu'une affinité transfrontalière, deux conditions préalables essentielles du support nécessaire pour une coopération dynamique durable.

Lors de leur réunion à Reykjavik, le 27 février, les premiers ministres ont examiné les possibilités de maintenir la libre circulation des citoyens nordiques dans un contexte européen plus large. Le point de départ des discussions était un rapport rédigé par un groupe de fonctionnaires nordiques à la demande des ministres de la Justice et de l'Intérieur des pays nordiques, où sont esquissées les conditions formelles préalables devant être remplies pour maintenir la libre circulation à l'intérieur des pays nordiques.

Les premiers ministres nordiques ont pris acte du fait que plusieurs États membres de l'UE établissent dans le cadre de la coopération de Schengen, un espace de libre circulation basé sur les mêmes principes que ceux appliqués au sein de l'Union nordique des passeports Celte coopération entre en vigueur le 26 mars de cette année. Le Danemark a posé sa candidature comme membre de la coopération de Schengen

Les premiers ministres nordiques soulignent la nécessité d'une solution nordique en relation avec la coopération de Schengen, afin d'éviter que de nouvelles frontières soient tracées entre les pays nordiques ou entre les pays nordiques et d'autres pays européens

Les premiers ministres notent que les meilleures conditions préliminaires en vue du maintien de la libre circulation dans les pays nordiques, dans le cadre d'une coopération européenne plus poussée en matière de contrôles aux frontières, etc., y compris l'exemption de l'obligation d'être en possession d'un passeport, seront réalisées par l'adoption d'une position positive commune des pays nordiques quant à leur contribution à la coopération de Schengen.

Dans cette optique, les premiers ministres nordiques jugent nécessaire de souligner que la Norvège aussi bien que l'Islande ont exprimé leur intention et leur capacité d'assurer les contrôles requis aux frontières extérieures, dont la nature et l'étendue répond pleinement aux exigences de la convention de Schengen.

En outre, il convient de souligner que les pays nordiques ont établi, depuis de nombreuses années, une coopération dans le domaine de la lutte contre le trafic de stupéfiants, contre la criminalité et l'immigration clandestine. Les nouvelles relations de coopération sous le couvert de la convention de Schengen ne doit pas compromettre les possibilités de combattre effectivement la criminalité transfrontalière.

Les premiers ministres des pays nordiques considèrent comme une responsabilité commune de trouver des solutions, d'une part, dans le cadre de la convention de Schengen, d'autre part, dans le cadre de la coopération nordique en matière de passeports et de contrôles, afin de sauvegarder, dans le cadre d'un contexte européen plus large, les principes fondamentaux de l'Union nordique des passeports en ce qui concerne l'accès libre et l'exemption de passeport dans tous les pays nordiques. Sur cette toile de fond. les premiers ministres sont prêts à entamer des négociations avec les États membres de Schengen pour trouver une solution pratique qui préserve les intérêts des pays nordiques comme des pays de Schengen.

* * Professeur de criminologie à l'Université de Gand (Belgique)

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page