Au cours des mois de mai et juin 1996, la délégation du Sénat pour l'Union européenne a poursuivi ses travaux sur la préparation de la Conférence intergouvernementale.

Elle a également abordé des questions économiques et financières : fraude au budget communautaire, marché européen de l'électricité, utilisation des fonds structurels communautaires.

Elle a examiné certains problèmes concernant l'élargissement à l'Est et les relations euro-méditeranéennes.

Enfin, elle a continué son examen systématique des propositions d'actes communautaires soumises au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution.

LA PREPARATION DE LA CONFERENCE INTERGOUVERNEMENTALE

La délégation a mené depuis 1994 une réflexion continue sur la préparation de la Conférence intergouvernementale. Depuis le lancement de celle-ci, elle suit régulièrement ses travaux. Cette démarche s'est poursuivie en mai et juin 1996.

I. RENCONTRE AVEC UNE DELEGATION DES MEMBRES FRANÇAIS DU COMITE DES REGIONS

Le mardi 4 juin 1996, la délégation, réunie conjointement avec la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, a rencontré plusieurs membres français du Comité des régions.

Les délégations ont conjointement entendu un groupe de membres français du Comité des régions de la Communauté européenne conduite par M. Philippe Leroy, président de la délégation française au Comité des régions, et composée de MM. Maurice Dousset, Michel Lafay, Roland Nungesser et Jérôme Polvérini.

M. Jacques Genton
a rappelé que la délégation du Sénat avait consacré un rapport au Comité des régions lors de sa création. Il a jugé utile de faire le point alors que ce Comité avait maintenant trois années d'existence : Quel est son bilan ? Quelles sont ses activités ? Quelles difficultés rencontre-t-il pour être entendu ? Il a indiqué que ces questions se posaient également dans le cadre de la conférence intergouvernementale en cours, qui doit aborder des thèmes tels que le principe de subsidiarité et le rôle des parlements nationaux.

M. Robert Pandraud a déclaré qu'il avait accueilli avec réserve la création du Comité des régions, étant pour sa part attaché à l'unité et à l'indivisibilité de la République, mais qu'il avait été rassuré par la désignation de ses membres, se félicitant à cet égard que tous les niveaux de collectivité et toutes les sensibilités soient représentés dans cet organisme et que le premier président du Comité ait été un Français. Après avoir souhaité que le statut actuel du Comité des régions soit préservé, il s'est prononcé contre la possibilité pour celui-ci de saisir la Cour de justice des Communautés. Les recours, a-t-il estimé, sont déjà trop nombreux et donnent un trop grand rôle au juge communautaire.

Il a précisé qu'à ses yeux les délégations des Assemblées et le Comité des régions pouvaient en revanche utilement collaborer en vue d'un meilleur respect du principe de subsidiarité. Il a indiqué que, dans la conception défendue par l'Assemblée nationale, la Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires (COSAC) devrait jouer un rôle consultatif, à l'échelon de l'Union, pour l'application du principe de subsidiarité, et qu'elle devrait pouvoir être saisie dans ce but par le Comité des régions.

M. Philippe Leroy a tout d'abord confirmé la difficulté rencontrée par les collectivités locales pour trouver leur place au sein de l'Union européenne. Le Comité des régions constitue pour elles un moyen d'expression, selon un mode de fonctionnement original : en effet, le Comité siège en groupes nationaux, dans une logique géographique et non pas politique.

Ainsi, les collectivités locales ont fait la preuve de leur capacité à travailler ensemble, en dépit de leur diversité. L'expérience de ces premières années de fonctionnement montre que la Commission prête attention aux avis rendus par le Comité des régions, dont on retrouve l'influence dans les textes européens.

Les difficultés proviennent du fait que le rôle du Comité des régions reste imprécis et qu'en outre, il n'est pas toujours considéré avec beaucoup de bienveillance par les parlementaires européens ou nationaux. Cette méfiance se traduit notamment par la faiblesse des moyens matériels accordés à son fonctionnement quotidien.

M. Philippe Leroy a déploré que le rôle des collectivités locales soit ainsi controversé alors même qu'elles constituent un moyen de liaison direct permettant de rapprocher l'Europe et les citoyens. Il s'agit, à son sens, d'un problème européen, et non pas d'un débat franco-français et qui se traduit notamment par le fait que certains Etats-membres -  comme la Finlande ou l'Allemagne - créent des niveaux supplémentaires de collectivités territoriales pour renforcer ces liaisons.

En conclusion, M. Philippe Leroy a considéré que ces premières années autorisent un bilan positif, non conflictuel, où l'alternance à la présidence a été surmontée, mais qui soulève encore un certain nombre de questions.

M. Michel Lafay a considéré que l'intérêt du Comité des régions était de donner l'opportunité de vérifier les conséquences localisées des interventions communautaires. Il s'est félicité que l'expérience de terrain dont disposent les membres du Comité des régions soit écoutée et entendue par la Commission européenne.

M. Roland Nungesser a souligné le rôle fondamental du Comité des régions pour combler ce qu'il est convenu d'appeler le " déficit démocratique " de l'Europe, tout en rappelant l'expérience antérieure des jumelages entre collectivités territoriales qui a permis des rapprochements très positifs.

Il a précisé que le Comité des régions devait concentrer son action sur les collectivités territoriales, en évitant de disperser son influence jusqu'à mettre une Europe des régions en concurrence avec l'Europe des nations. Dans ce sens, il a estimé souhaitable de modifier la dénomination de " Comité des régions " pour en faire un " Comité des collectivités locales ", plus proche de sa réalité.

M. Jérôme Polvérini a considéré pour sa part que le Comité des régions permettait de défendre les positions françaises en recherchant l'union entre les collectivités territoriales. Dans cet objectif, il s'est félicité du rapprochement opéré avec l'Assemblée nationale et le Sénat et a souhaité que les membres du Comité des régions soient destinataires des rapports des délégations parlementaires.

M. Maurice Dousset a tout d'abord précisé que l'intitulé de " Comité des régions " avait été retenu dans le Traité de Maastricht comme un terme générique, et non dans l'acception juridique française. Il s'est ensuite interrogé sur le rôle du Comité des régions, en évoquant les démarches du Parlement européen, qui a été tenté un temps d'influer sur la désignation même du président du Comité des régions. Il a considéré que le Comité avait pour vocation de faire naître une certaine conception de l'Europe des collectivités locales en utilisant le poids politique de ses membres - maires de grandes villes ou responsables de régions importantes - pour influencer les décisions communautaires et jouer un rôle modérateur face à certains excès du Parlement européen.

A l'issue de cette présentation, M. Jacques Genton a souligné que le Sénat, représentant des collectivités locales, pouvait avoir en effet pour vocation naturelle d'établir des liens constructifs avec le Comité des régions et s'est engagé à lui transmettre les documents parlementaires utiles.

M. Robert Pandraud , tout en rappelant que sa sensibilité ne l'inclinait pas vers le développement des attributions du Comité des régions, a convenu du rôle positif que les collectivités locales pouvaient avoir dans le rapprochement de l'Europe et des citoyens, et a indiqué qu'il améliorera bien volontiers la diffusion au Comité des régions des rapports d'information de la délégation de l'Assemblée.

Mme Michèle Alliot-Marie, député, a indiqué qu'elle avait parfois constaté, lorsqu'elle siégeait au Conseil des ministres de l'Union, la tendance de certains membres de la Commission à rechercher l'appui direct des collectivités locales pour assurer le succès de certaines décisions, en éludant le niveau des Etats-membres. Elle s'est déclarée très hostile à toute attitude qui pourrait affaiblir l'Etat dans ses rapports avec la Commission et a considéré que c'était le plus souvent l'Etat qui était le protecteur des spécificités locales et non la Communauté.

Après avoir rappelé que, au cours des trente-cinq années qu'il avait passées au Parlement européen, il s'était à de nombreuses reprises interrogé sur le rôle qui devait revenir à celui-ci, M. Christian de La Malène a considéré que, pour un organe nouveau comme le Comité des régions, il convenait tout d'abord de se poser la question : " Un Comité des régions, pour quoi faire ? ". Il a regretté que, au moment où la Conférence intergouvernementale se prépare à transformer les institutions, l'avis sur " la révision du Traité de l'Union européenne " adopté par le Comité des régions ne dessine pas clairement le rôle que celui-ci souhaite jouer dans l'avenir. Tout en reconnaissant la légitimité politique forte que conférait au Comité la présence de maires de grandes villes ou d'élus de collectivités puissantes, il a souligné le handicap que constituait l'hétérogénéité de la composition du Comité qui réunit tout à la fois des représentants de régions, de départements, de communes et même des fonctionnaires.

M. Francis Galizzi , député, a insisté sur certains dysfonctionnements notoires d'actions conduites au niveau européen en court-circuitant les Etats membres, notamment lors de l'allocation des fonds structurels ressortissant aux initiatives communautaires. Il a rappelé que la participation financière était votée par les Etats membres et qu'ils devaient de ce fait conserver la maîtrise des opérations. Il a toutefois considéré que le Comité des régions pouvait avoir un rôle à jouer dans la gestion des fonds structurels dont les objectifs ressortent effectivement de l'action locale.

M. Maurice Ligot , député, a souligné le paradoxe du Traité de Maastricht qui a créé un Comité des régions, affirmant ainsi le rôle des collectivités locales, mais n'a pas reconnu le rôle des parlements nationaux dans les institutions européennes. Il a rappelé les conclusions adoptées par la délégation de l'Assemblée nationale en faveur de l'intervention des parlementaires nationaux qui, au sein de la COSAC, devraient pouvoir se prononcer notamment dans la mise en oeuvre du principe de subsidiarité et dans les secteurs des deuxième et troisième piliers. Il a souligné que la délégation de l'Assemblée nationale était favorable à ce que le Comité des régions puisse saisir la COSAC afin que celle-ci se prononce pour avis sur le respect, par une proposition d'acte communautaire, du principe de subsidiarité.

En réponse à ces interventions, M. Jérôme Polvérini a souligné le caractère ambigü du principe de subsidiarité et, rappelant que le Traité sur l'Union européenne traite seulement de la subsidiarité entre la Communauté et les Etats membres, mais non à l'intérieur de ceux-ci, il a évoqué les différentes lectures qui sont faites de ce principe au sein du Comité des régions. Il a considéré difficile d'édicter un statut de la subsidiarité unique pour l'ensemble des Etats membres et a jugé que la notion de partenariat était souvent plus opérationnelle.

M. Philippe Leroy a précisé que, à l'évidence, il convenait d'éviter toute idée d'une rivalité entre le Comité des régions et les parlements. Il a déploré l'utilisation des fonds structurels par les préfets sans association des collectivités locales, soulignant que ceci ne pouvait que contribuer à éloigner l'Europe du citoyen.

M. Jacques Genton a souhaité que le Comité des régions ne suive pas l'exemple du Comité économique et social européen dont l'influence a semblé diminuer au fur et à mesure de l'élargissement de l'Europe, en dépit de la grande qualité de ses travaux. Estimant que cette première rencontre avait été fort utile, il a confirmé son souhait de renforcer la collaboration du Comité des régions avec le Sénat et l'Assemblée nationale.

En conclusion, M. Robert Pandraud s'est également déclaré favorable à des rencontres périodiques entre le Comité des régions et les délégations parlementaires et a rappelé les propositions de la délégation de l'Assemblée nationale en faveur de la saisine de la COSAC par le Comité des régions en vue d'assurer le respect du principe de subsidiarité. Soulignant l'hétérogénéité des régions en Europe, il a souhaité que la France ne soit pas tentée par l'exemple espagnol.

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