CONCLUSION GÉNÉRALE :
POUR UNE PRÉSENCE ENCORE PLUS IMPORTANTE
DE LA FRANCE AUPRÈS DE L'ENSEMBLE DES LIBANAIS

Au fil de ses entretiens, la délégation de la commission des Lois a pu constater que " l'exception libanaise " traduit aussi un paradoxe libanais : les Libanais semblent constituer une société moderne, ouverte sur l'extérieur, mais dans le même temps, tournée vers le passé et le respect des traditions communautaires. Le Liban demeure aujourd'hui encore un ensemble de minorités qui voient dans l'application pure et simple de la loi de la majorité un danger pour leur pérennité.

Plus de cinq ans après la fin des affrontements meurtriers, le Liban est confronté à l'interrogation fondamentale de savoir si cette guerre a été le produit d'une fracture intercommunautaire profonde ou si elle n'a constitué que le prolongement des tensions régionales.

Dans le premier cas, c'est l'avenir de la nation libanaise qui est en question. Avec l'accord de Taëf, le pacte communautaire a été réaffirmé sous la réserve de la recherche d'un nouvel équilibre entre les musulmans et les chrétiens, qui devrait en principe conduire à la " déconfessionnalisation " de la vie politique. La voie de la partition a été écartée, ce qui a permis de préserver, du moins en apparence, l'unité et l'indépendance du Liban.

Nombreux sont ceux qui y voient la preuve que la volonté de vivre ensemble des Libanais s'est révélée en définitive plus forte que les antagonismes communautaires.

Il demeure que les chrétiens ne se sentent plus représentés au sein des institutions et craignent d'être marginalisés.

Qui plus est, aucun mouvement de retour au pays n'est perceptible chez les 800 000 émigrés qui ont fui la guerre entre 1975 et 1990.

Beaucoup de chemin reste donc à faire sur la voie de la réconciliation nationale.

Pour l'heure, les contraintes externes pèsent sur la vie politique libanaise d'un poids plus important que les divisions internes.

Occupé au sud par Israël, le Liban doit subir la tutelle politique et militaire de son puissant voisin oriental.

La présence de la Syrie -dont l'armée est entrée au Liban il y a plus de vingt ans- est un fait dont on ne peut que prendre acte car rien au Liban ne pourra désormais se faire sans l'accord exprès ou tacite du Président Hafez El Assad, ce qui ne doit pas empêcher la France de plaider inlassablement pour le retour à la souveraineté pleine et entière du Liban.

En fait, les autorités de Beyrouth n'ont pas en main toutes les cartes du jeu libanais. Pour une très large part, l'avenir du Liban est suspendu à la reprise du processus de paix, car on peut escompter que le retrait des forces israéliennes du Sud-Liban conduira la Syrie à relâcher son emprise sur le Liban.

Tel est le pari engagé par M. Rafic Hariri : reconstituer la nation et l'économie libanaise sans sous-estimer les données internationales.

Dans les circonstances présentes, le Président du Conseil des Ministres se présente comme l'homme-clé de la situation.

M. Hariri est en effet apparu à la délégation comme un patriote qui croit à l'avenir du Liban. Par sa politique d'équilibre, il a su acquérir un certain charisme en provoquant un sursaut d'abord économique puis national à la suite de l'opération " Raisins de la colère ".

Cela étant, la politique volontariste de reconstruction qu'il a engagée dès son arrivée au pouvoir se heurte à des difficultés financières importantes et à une situation sociale fortement dégradée. Le Gouvernement actuel pourra-t-il prendre en compte les problèmes sociaux ? La tradition fortement libérale du Liban ne va pas dans ce sens, d'autant que les services publics sont quasiment inexistants.

Pour toutes ces raisons, on ne peut pas dire que la période de l'après-guerre est définitivement close.

Le Liban est un pays qui continue à se chercher au gré des incertitudes internationales.

La France est en mesure d'accompagner le Liban sur la voie de la renaissance nationale.

Depuis plusieurs siècles, la France entretient avec le Liban des relations d'une nature particulière.

L'amitié franco-libanaise a survécu aux années difficiles de la guerre pendant lesquelles la France a été l'un des seuls pays à ne jamais abandonner le Liban.

Aujourd'hui, la France peut jouer un rôle décisif dans la défense de la souveraineté, de l'indépendance et de l'intégrité du territoire libanais.

Loin de cautionner la " syrianisation " du Pays du Cèdre, le renforcement de la coopération franco-libanaise peut lui faire contrepoids et contribuer à la reconstitution de la nation libanaise.

Au cours de sa mission, la délégation de la commission des Lois a acquis la certitude que l'accroissement de la présence française était acceptée et même souhaitée par l'ensemble des communautés, par contraste avec les États-Unis qui sont ressentis comme trop proches de l'Etat d'Israël.

L'intérêt de la France est aujourd'hui d'entretenir des relations équilibrées avec l'ensemble des parties prenantes au conflit libanais.

De même, le développement de la francophonie doit concerner l'ensemble des communautés, non seulement les chrétiens, mais aussi les Musulmans qui semblent beaucoup attendre de la France.

Le développement des échanges avec le Liban doit constituer une priorité de notre diplomatie proche-orientale.

Pour sa part, la commission des Lois du Sénat a souhaité apporter sa contribution à la politique d'aide au Liban. En effet, grâce à l'appui déterminant du Président de la commission des Finances, nous avons obtenu l'accord du Gouvernement pour inscrire dans le projet de loi de finances pour 1997 des crédits supplémentaires destinés à financer une opération de coopération culturelle avec l'Université Libanaise dans le cadre de la conservation des monuments historiques de la ville de Tripoli.

La France ne doit manquer aucune occasion pour marquer de plus en plus sa présence et aider le Liban à recouvrer se pleine liberté d'action et de décision.

Le Liban peut-il renaître ?

Les Libanais forment un peuple dynamique, persévérant, dont le courage ne s'est jamais démenti tout au long de son passé prestigieux.

Il revient aujourd'hui à l'ensemble des Libanais d'apporter la preuve que les vicissitudes internationales ne sauraient empêcher la renaissance de la nation libanaise fondée essentiellement sur le pluralisme politique et la tolérance religieuse.

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