PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON, PRÉSIDENT : SÉANCE DU JEUDI 30 JANVIER 1997

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I. M. JEAN-CLAUDE GARRIC
SECRÉTAIRE NATIONAL DU SYNDICAT NATIONAL DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR (SNESUP)

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M. le Président. - Je vous remercie, monsieur, d'avoir répondu à notre invitation. Vous êtes secrétaire national du SNESUP et vous venez nous parler de la position de votre organisation, sur l'affaire dite des stages diplômants. Je crois d'ailleurs que l'expression n'est plus la bonne actuellement, peut-être est-elle impropre. Vous nous le direz sans doute.

Nous savons, je le dis pour mes collègues, qu'il n'y a pas de document sur la base duquel des négociations auraient été engagées. Il y a eu des déclarations, des propositions non écrites...

M. Jean Claude Garric. - Et successives...

M. le Président. - Des déclarations, en effet, qui n'étaient pas toutes concordantes, mais il n'y a pas de document officiel émanant du patronat, du moins pas encore, ce qui rend l'exercice un peu difficile. Nous vous remercions d'autant plus d'accepter de nous donner vos appréciations.

M. Jean Claude Garric. - Je distinguerai deux parties : à la fois ce que nous pensons, de ce que nous avons vu et lu dans la presse, de ce projet de "stages diplômants" et la conception que nous avons des stages de formation dans l'enseignement supérieur.

Pour nous, la question des stages étudiants au sens large -c'est-à-dire dans l'ensemble des formations de l'enseignement supérieur, qu'elles soient à finalité directement technologique et professionnelle, ou moins directement, est importante pour toutes ces formations, mais nous la plaçons d'entrée dans l'hypothèse d'un contenu formateur de ces stages. En d'autres termes, et je crois que c'est une question centrale, ces stages doivent être intégrés à l'ensemble de la formation considérée, quelle qu'elle soit, et donc s'inscrire dans la logique de formation qui se conclut par la sanction du diplôme national auquel nous tenons beaucoup. Mais j'insiste, pour nous cette sanction inclut l'ensemble des volets de la formation, y compris le stage, qui n'en est qu'un élément.

On ne part pas de rien en la matière puisque des stages existent déjà. Il y en a d'abord dans les formations technologiques et professionnelles -je citerai le DUT ou le BTS par exemple, les MST, les DESS au niveau du troisième cycle, les formations d'ingénieur de différents types, les IUP qui ont été créés plus récemment -, mais il y a aussi des stages dans les autres formations, dites souvent de façon un peu hâtive, "générales". En effet, en licence et surtout en maîtrise, il y a des stages, en général optionnels, dont on pourrait faire un bilan et recenser notamment les difficultés de mise en oeuvre. Donc on ne part pas de rien.

Pour nous, non seulement il ne s'agit pas de faire comme si cette formule n'existait pas, mais, au contraire, il faut la conforter, l'améliorer et l'étendre avec toute l'expérience acquise dans ce domaine au niveau du service public de l'enseignement supérieur.

Certaines caractéristiques nous semblent importantes et nous permettent de porter une appréciation sur ce que l'on appelle le projet de stages diplômants : tout d'abord, leur contenu et leur durée, doivent être adaptés aux différents types de stages, et aux objectifs de formation de chaque cursus universitaire.

Pour simplifier, on peut distinguer deux types de stage : soit des stages dit de découverte ou de sensibilisation en milieu de travail, au sens large, c'est-à-dire toutes les activités sur lesquelles peuvent déboucher les formations et pas seulement les activités en entreprise au sens restreint du terme, soit les stages -généralement les plus connus et les plus pratiqués- que l'on peut appeler "qualifiants", qui se situent, eux, en fin de parcours ou disons en deuxième partie du cursus. Ces derniers sont davantage des stages d'application et de mise en oeuvre de la formation en situation de travail.

Je souligne, parce que cela a été évoqué dans le débat actuel, que les stages contribuent effectivement à la formation pratique, mais n'en constituent pas le seul et unique aspect. J'insiste sur le fait que toutes les formations supérieures, à des degrés divers, certes, incluent dans les enseignements des enseignements pratiques. Encore faut-il en avoir les moyens, parce que cela a un certain coût. Les stages se combinent avec la formation, mais ne se réduisent pas, comme cela est souvent dit dans la presse, à l'aspect pratique d'une formation qui ne serait que théorique. Cela est complètement contraire à la réalité des formations supérieures à l'heure actuelle.

Il faut ensuite un double suivi pédagogique assuré à la fois par un enseignant et par un maître de stage qui ait à la fois la qualification nécessaire et les moyens d'effectuer ce travail correctement. Il importe que ce soit un stage réellement suivi et intégré du point de vue de son déroulement et de son articulation avec la formation.

Il doit y avoir bien sûr validation du stage dans le cursus universitaire, et non à l'extérieur de celui-ci. Je fais allusion à une notion apparaissant derrière le mot " diplômant " qui a été accolée au terme "stage" dans le projet dont nous parlerons tout à l'heure. C'est un élément de la validation, mais il est intégré dans la validation d'ensemble permettant la délivrance du diplôme.

Il faut qu'il y ait une convention de stage précisant les différents paramètres qui conditionnent le succès du stage. Cela concerne en particulier la question de la durée, des horaires, de la rétribution. J'utilise un terme volontairement neutre compte tenu des éléments de débat autour de cette question. Nous pensons qu'il doit y avoir rétribution, même s'il ne s'agit pas d'une situation de salariat. S'il y a formation, il y a aussi apport à l'entreprise : c'est une situation que l'on pourrait qualifier de mixte.

Il faut également régler, dans le cadre de cette convention, tout ce qui concerne les questions de sécurité, de responsabilité, de contenu, d'objectif et d'organisation du stage.

A ce propos, je voudrais signaler qu'il y a à l'heure actuelle un projet de charte nationale des stages. Ce projet, présenté par les trois organisations étudiantes que sont l'UNEF-ID, l'UNEF et la FAGE, qui sont de loin les organisations les plus représentatives, nous apparaît comme une très bonne base pour avancer sur ce terrain. On a vérifié aussi qu'il y avait un large consensus dans le groupe formé par M. le ministre de l'éducation nationale, qui s'est réuni le 20 janvier dernier.

En ce qui nous concerne, nous ne sommes pas du tout frileux pour ce qui est de l'ouverture de l'université à l'activité de travail et aux entreprises. Je dis l'activité de travail parce que cela doit couvrir toutes les activités par exemple, celles du secteur public et de l'économie sociale. Bref, tous les secteurs où effectivement les jeunes sont susceptibles d'exercer une activité future après leur formation initiale.

Nous voulons toutefois des garanties pour qu'il n'y ait pas dévoiement -et le mot n'est pas trop fort, on le verra quand on parlera tout à l'heure du projet de stages diplômants- de cette formule au détriment des jeunes et de la collectivité.

S'agissant du " projet CNPF de M. Pineau-Valencienne ", qui, selon les informations parues dans la presse, aurait été rédigé par M. Daniel Laurent, personnage relativement connu dans les milieux universitaires, un document existerait, mais n'a pas été rendu public. Notre connaissance du projet ne résulte que d'informations fournies par les journalistes. Ce sont, me semble-t-il, des conditions de présentation pour le moins discutables sur une affaire d'une telle importance.

Ce projet est présenté comme une opération destinée à faire quelque chose pour les jeunes diplômés qui seraient "mal préparés au monde de l'entreprise". Nous considérons, pour notre part, que ce genre de formulation est à la limite une imposture. Prétendre que le problème de l'emploi des jeunes, y compris des jeunes diplômés depuis quelques années, serait lié au fait qu'ils auraient une formation mal adaptée ou de mauvaise qualité, est complètement contraire à la réalité.

Nous avons d'ailleurs eu maintes occasions de le dire : nous voudrions savoir quels sont les emplois, actuellement, que le patronat n'arrive pas à pourvoir faute de jeunes qualifiés et susceptibles d'être embauchés pour les assurer. Nous attendons toujours la réponse.

En même temps, nous sommes prêts à discuter -nous, organisation représentative des enseignants, mais aussi je le pense, les établissements d'enseignement supérieur- de tout ce qui peut permettre d'améliorer la formation. Mais qu'on ne nous demande pas de faire ce qui ne nous revient pas, c'est-à-dire de créer des emplois, notamment des emplois qualifiés.

Ce fameux projet se présentait -je ne sais plus où il en est maintenant- ou se présente comme destiné à des diplômés pour leur permettre d'améliorer leurs chances d'insertion professionnelle. Si le volume total d'emplois disponibles reste insuffisant, il en résultera que globalement ce ne seront peut-être pas les mêmes qui en bénéficieront, mais le problème restera posé.

Prétendre, comme c'est le cas, qu'au travers de ces stages on va apporter une solution même partielle au problème de l'emploi, c'est véritablement une escroquerie. Cela rappelle le CIP de sinistre mémoire où, au nom de l'emploi, on a voulu utiliser la situation de chômage pour faire pression sur les jeunes et sur les jeunes diplômés.

Il se trouve que j'enseigne dans un IUT et que les titulaires de DUT et de BTS étaient directement visés par le CIP alors qu'ils avaient tous les éléments pour travailler tout de suite. Prétendre qu'il doit y avoir une phase " d'adaptation ou d'insertion " revient à les mettre en situation précaire, sous-rémunérée, déréglementée au lieu de permettre une embauche normale.

De plus, ce projet de " stage ", outre une longueur démesurée s'affichait, ou s'affiche à prétention diplômante. Neuf mois, c'est démesuré en terme de stage. Dans la pratique actuelle, même dans les secteurs où les stages sont les plus longs, il peut y avoir des stages jusqu'à quatre ou cinq mois, voire six mois, notamment dans certaines formations d'ingénieur, mais c'est au terme d'un cursus universitaire relativement long et cela s'intègre dans la formation.

Nous considérons pour notre part que ce projet est un CIP bis. Il est totalement inacceptable. Nous le prenons aussi comme une machine de guerre contre les formations diplômantes de l'enseignement supérieur public, qui ne seraient pas bonnes. Celles qui seraient validées et prises en compte au niveau de l'embauche, seraient celles obtenues au cours des stages diplômants, dûment estampillés par les entreprises.

Il est vrai que dans le projet, pour être honnête, le stage n'est pas estampillé uniquement par les employeurs, mais ceux-ci piloteraient cependant l'essentiel de l'opération.

Non seulement ce stage ne nous semble pas se situer dans l'intérêt des jeunes et de l'emploi, mais y est même contraire parce qu'on peut imaginer, comme cela se produit déjà à l'heure actuelle dans différentes formules d'emploi "aidé", qu'il viendra se substituer à de vrais emplois existants ou à créer.

Après, on peut imaginer le pire. Ce n'est peut-être pas l'essentiel maintenant, mais on peut se demander si ce dispositif n'est pas destiné à trier ceux qui auront la chance d'accéder à un emploi globalement rationné. Toutes les hypothèses sont possibles.

La FSU a rencontré M. Gandois lundi dernier. Si nous avons eu connaissance d'une version orale, nous n'avons toujours pas de document écrit, lequel devrait nous être envoyé d'ici une dizaine de jours. Ce document doit nous renseigner sur la durée des stages : peut-être pourrait-on aller vers quatre mois et demi, la durée de neuf mois n'étant plus évoquée ?

En revanche, et il y a eu un échange assez nourri sur ce point, -M. Gandois a maintenu la possibilité de stages dont le contenu pourrait être complètement déconnecté de la formation initiale de l'étudiant.

Apparemment, les sciences humaines sont systématiquement visées dans ce projet, pour des raisons que M. Gandois ne nous a pas vraiment explicitées. Nous l'avons toutefois interrogé sur ce point. Il nous a donné l'exemple d'un étudiant en maîtrise d'histoire qui pourrait effectuer un stage dans une entreprise de haute technologie de logiciels informatiques.

Cette indication nous a laissés rêveurs. S'agit-il d'un stage de "découverte" ? Il faudrait qu'il se fasse plus tôt et une aussi longue durée ne nous paraît pas nécessaire pour ce genre de stage. C'est totalement inadapté à un stage qualifiant s'intégrant à la formation.

Nous n'avons pas lu dans la presse de choses sérieuses et concrètes sur le contenu des stages. Qu'apporteraient-ils à la formation et à l'emploi ? Autant de questions restées sans réponses.

Nous souhaiterions qu'on ne parle pas seulement du stage diplômant, mais de l'ensemble des stages. C'est une préoccupation centrale. Nous n'avons pas pour l'instant d'engagements concrets des employeurs visant à conforter ce qui existe, alors que ce sont eux qui nous permettent ou pas d'offrir des stages aux étudiants.

La mise en place de ces "nouveaux stages" pourrait conduire à remettre en cause une partie des stages actuels. Il nous a été dit qu'en même temps les entreprises établiraient des hiérarchies et des choix dans leur offre de stages. Il ne faudrait pas qu'il y ait régression de ce point de vue et qu'on se retrouve avec des difficultés accrues pour trouver les stages dont on a besoin à l'heure actuelle, tant au niveau du nombre que de la qualité.

On reste dans le flou sur les conditions d'intégration des stages dans le cursus et il ne semble pas que tout le monde partage la logique que j'ai exposée au début de mon intervention. Telle est la vraie question qui se pose pour nous.

M. le Président. - Nous allons maintenant vous poser quelques questions et pourquoi pas, car peut-être pouvons-nous être utiles à ce moment du débat, vous faire part de ce que nous avons pu entendre dans la bouche de tel ou tel, sans forcément le citer d'ailleurs.

M. Henri Weber. - On nous a dit hier, concernant la durée des stages, que le CNPF, ou plus précisément l'UIMM préconiserait désormais une durée de type semestriel. La question des neuf mois, dont la symbolique n'a échappé à personne, serait de ce point de vue réglée.

On nous a dit également, pour ce qui est de l'effet d'aubaine, qu'il n'y avait pas tellement lieu de s'inquiéter parce qu'aujourd'hui les entreprises sont submergées de demandes de stages, et souvent de stages gratuits.

L'idée qu'un stagiaire rapporte nécessairement, c'est vrai dans certaines branches de l'industrie bien connues, mais dans la production proprement dite, tant de services que de biens, son accueil est assez perturbant et peut se traduire par des coûts pour l'entreprise.

Maintenant, j'entends bien vos critiques, je les partage pour l'essentiel. Il n'en demeure pas moins que le problème de la liaison entre l'université et l'entreprise demeure. Ce n'est pas un problème nouveau. Avez-vous des propositions alternatives à opposer à cette proposition de stages diplômants ?

M. Jean-Pierre Camoin . - J'ai cru comprendre que ce rapprochement entre l'université et l'entreprise soulevait encore beaucoup de problèmes psychologiques, d'un côté comme de l'autre. Si les propositions de stages proviennent actuellement des grandes entreprises, et peut-être même du secteur non concurrentiel, le milieu des PME manifeste une certaine réticence vis à vis de l'université, même si ces entreprises accueillent le plus grand nombre de stagiaires.

Là aussi, je vous pose la question : avez-vous des solutions pour améliorer l'interpénétration du monde universitaire et du monde du travail comme nous y oblige la loi d'ailleurs ?

M. Franck Sérusclat. - Je suis quelque peu perplexe à l'égard des propos entendus hier et aujourd'hui. Cependant, je partage pour une bonne part les réflexions qui ont été faites par l'orateur qui est intervenu aujourd'hui, notamment le fait de considérer que l'université ne prépare pas si mal au monde du travail et que de nombreux stages existent déjà. De plus, comme l'a dit l'orateur, cette habitude de " taper " sur l'université depuis que des relations universités-entreprises existent finit par être agaçante. Il est lassant d'entendre critiquer à ce point l'université.

J'ai relevé toutefois une certaine contradiction entre deux choses. Vous pensez que cela peut être une escroquerie à l'emploi et, pourtant, il serait essentiellement fait appel à des littéraires pour des postes sans rapport avec leur formation d'origine et qui leur sont difficilement accessibles malgré les capacités de ces diplômés qui ont été rappelées hier.

Cela me rappelle les stages effectués par les instituteurs dans certaines entreprises. Cela leur a permis de découvrir des milieux nouveaux et d'en faire part à leurs élèves.

M. Albert Vecten. - Votre exposé nous a appris que bien sûr des stages existent déjà et que vous n'êtes pas opposé à une amélioration éventuelle du système.

M. Jean-Claude Garric. - Non seulement nous n'y sommes pas opposés, mais nous le souhaitons.

M. Albert Vecten. - Aujourd'hui, il faut que l'entreprise se rapproche de plus en plus de l'université. Je suis convaincu que c'est une nécessité.

Des procès d'intention sont faits peut-être à l'initiateur du projet de stages diplômants. Mais je suis persuadé qu'il serait dommage qu'aujourd'hui il n'y ait pas un dialogue, une concertation visant à améliorer ce qui existe. Un important effort reste à faire en la matière, j'en suis sûr, tant du côté des universitaires que du côté des entreprises compte tenu de la difficulté croissante de trouver des stages.

Dans mes activités antérieures, j'ai eu beaucoup de stagiaires de l'enseignement supérieur -il s'agissait de l'enseignement supérieur agricole- et je peux vous assurer que cela représentait un effort important pour moi, en tant que maître de stage. J'y ai passé beaucoup de temps et beaucoup de ces stagiaires exercent aujourd'hui des responsabilités. Nous avons fait un bon travail. Nous avions alors des stages peut-être pas de neuf mois, mais de plusieurs mois sur plusieurs années consécutives. Il serait dommage de se dire que tout est mauvais d'un côté et tout est bon de l'autre.

M. le Président. - Nous sommes malheureusement obligés d'aller très vite. C'est difficile pour nous et plus encore pour vous sans doute, mais si nous pouvons être utiles -je l'ai dit tout à l'heure-, c'est peut-être en vous permettant de réfléchir sur les bases dont nous disposons et qui nous ont été fournies par les interlocuteurs que nous avons entendus hier.

Il semble -je vais peut-être compléter, s'il me le permet, ce qu'a dit M. Henri Weber- que les stages seraient désormais inférieurs à neuf mois. Cela concernerait prioritairement des étudiants engagés dans des formations générales. Il s'agirait de stages intégrés et validés dans le cadre de la formation et non de stages en fin de cycle se situant à la charnière entre la fin de la période de formation et l'entreprise. Il ne s'agit donc pas, si nous avons bien compris, de stages qui permettraient aux représentants des entreprises de dire : nous prenons des gens parce que nous estimons que leur formation ne les a pas bien préparés à s'insérer dans l'entreprise. Ce n'est donc pas le même public que celui visé par le projet CIP.

Comment réagissez-vous à ces éléments qui ont été portés à notre connaissance ?

M. Jean-Claude Garric. - C'est en partie le discours que nous a tenu M. Gandois. J'étais dans la délégation de la FSU, lundi matin. Il y a une évolution au travers des propositions du CNPF, si celles-ci se confirmaient, mais il reste des zones de flou importantes, notamment en termes d'objectifs et surtout de contenu. J'ai indiqué tout à l'heure ce que nous avait dit M. Gandois sur ce point, c'est-à-dire des stages sans relation avec la formation suivie. Nous pensons que cela pose problème.

J'ajouterai, un mot sur plusieurs questions que vous venez de soulever. L'ouverture à l'entreprise, si on l'entend comme la relation avec le milieu de travail au sens large, je l'ai dit au début de mon intervention, nous sommes tout à fait d'accord. Ce sont les modalités, le contenu, les objectifs qui sont en cause. Nous, nous voulons que ce soit dans une logique de formation au sens large, de dimension professionnelle, mais aussi au niveau des connaissances, de la culture, de la citoyenneté, etc. Reconnaissez que le projet initial, franchement, n'était pas tellement dans cette logique !

Quant à l'ouverture de l'université sur l'entreprise, je ne dis pas que tout est pour le mieux dans l'ensemble de l'université, mais quand même... Sur ce terrain, les choses ont énormément changé. Je regrette qu'il y ait une sous-évaluation de la réalité en ce domaine.

Que l'on puisse faire plus dans le domaine des stages, pourquoi pas ? Des propositions sont faites là, mais dans une certaine orientation. Sur ce point, il n'y a pas forcément accord, mais il y a débat. Nous, nous avons l'intention de continuer le débat.

Par ailleurs, vous venez de dire que ces stages viseraient des formations générales, telles les lettres et les sciences humaines.

M. le Président. - Prioritairement.

M. Jean-Claude Garric. - Mais dans les formations générales, il y a aussi des formations scientifiques.

M. le Président. - Je ne l'ai pas dit.

M. Jean-Claude Garric. - Non, mais M. Gandois nous l'a dit. Nous lui avons parlé des disciplines scientifiques. Il a dit non, ce sont uniquement les lettres et les sciences humaines. Pourquoi seulement les lettres et sciences humaines ? Peut-être, mais je ne veux pas aller plus avant dans ce qui pourrait apparaître comme un procès d'intention, y a-t-il l'idée que ce sont des disciplines aux débouchés limités. Il faudrait voir exactement sur quoi elles débouchent.

Il y aurait peut-être un travail intéressant et intelligent à faire pour balayer tous les secteurs d'activité où ces formations pourraient être utilisées. Il y a les débouchés classiques comme l'enseignement, mais aussi des activités dans le secteur des services et des administrations. Que l'on fasse cet inventaire et que l'on essaie de voir s'il existe des besoins de formations complémentaires.

J'évoquerai aussi les DESS (diplômes d'études supérieures spécialisées), qui sont des formations de troisième cycle postérieures à la maîtrise. Ce sont des formations professionnelles relativement ciblées, où le stage intégré tient une place importante. Si la palette actuelle des stages n'est pas suffisante, qu'il faut faire plus et mieux, très bien. Il y a là un travail important à faire, mais dans une logique de formation. Le stage tout seul ne peut pas être la réponse à ces problèmes, notamment à des problèmes de reconversion ou de réorientation.

M. le Président. - C'est intéressant. Puis-je, monsieur Garric, vous poser une dernière question. Supposons qu'il n'y ait pas d'accord. On peut envisager cette hypothèse. Le patronat, pour parler simple, maintient ses propositions. Vous n'empêcherez pas telle ou telle université d'organiser avec telle ou telle entreprise des stages de ce type ou d'un autre. Ne craignez-vous pas qu'il y ait alors une entorse relativement sérieuse, peut-être grave, au principe d'égalité ? Ne vaut-il pas mieux qu'il y ait une impulsion nationale et un cadre national ? En clair, n'y a-t-il pas là une occasion à ne pas manquer ?

M. Jean-Claude Garric. - Oui. Enfin, disons que pour notre part, nous pensons qu'il faut d'abord un cadre national, sinon il y aura tout et n'importe quoi. Les universités ne peuvent pas, pour l'instant, faire tout ce qu'elles veulent dans ce domaine. On ne va pas s'en remettre à des formules contraignantes ou administratives. Mais nous espérons que la façon dont les choses se feront, se discuteront, permettra d'aboutir à un accord avec, par exemple, les représentants des enseignants, mais aussi des étudiants, ces derniers exprimant une demande relativement forte en matière de stage. Il y a quelques différences entre les uns et les autres, mais tout de même d'assez fortes convergences. Il faut que les représentants des employeurs, acceptent de discuter.

J'indique quand même qu'il y a eu une évolution sur ce point, car à un moment on a lu que M. Pineau-Valencienne indiquait que le projet était à prendre ou à laisser, qu'il n'était pas négociable. Cela est inacceptable.

L'évolution récente apparaît aller dans le bon sens. Je dis bien "apparaît".

M. le Président. - Vous attendez la confirmation.

M. Jean- Claude Garric. - Oui, voilà. Nous espérons que la suite du film ne sera pas ce que vous venez d'indiquer parce que, franchement, ce serait dommageable à tous points de vue.

M. le Président. - Finalement, s'il n'y avait pas eu une initiative peut-être individuelle, mais de portée nationale, prise par un membre important du patronat, et si cette offre avait été faite par les relais locaux, départementaux ou régionaux du patronat, est-ce que l'affaire ne serait pas faite sans problème ?

M. Jean-Claude Garric. - Nous avons eu quelques échos, je dois le dire, de je ne sais plus quelle région où une expérience a été menée qui ressemble fort à la formule initiale de M. Pineau-Valencienne ; elle a été mise en oeuvre dans le cadre du financement régional visant un public de jeunes titulaires de DUT ou de BTS.

Je trouve cela gravissime parce que c'est le CIP dans toute son horreur, avec des financements régionaux qui est mis en place. Les jeunes ont des problèmes d'emploi, y compris pour les DUT et les BTS, même s'ils sont moins touchés que d'autres. Il existe un moyen de pression consistant à dire : mes petits, si vous acceptez cela, peut-être arriverez-vous à trouver un emploi plus facilement. C'est révoltant !

Je dirai même que le travail confié à ces diplômés dans ce cadre ira peut-être à l'encontre de ce qui pourrait être fait dans de véritables emplois. Pour les DUT et les BTS, c'était cela le scandale du CIP : on ne pouvait pas dire que ces diplômés n'étaient pas prêts à travailler.

Les représentants du patronat le reconnaissent puisqu'ils participent directement à l'élaboration de la formation supérieure. Ils sont partie prenante puisqu'ils siègent au Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche. Peut-être pas avec le même poids que pour la définition des formations de DUT et BTS, mais ils y sont représentés. Dans les éléments d'habilitation de telle ou telle formation, il y a des éléments tenant compte de leur relation avec l'emploi.

Il y a des choses qui méritent d'être revues. Dans le même temps, il ne faut pas caricaturer la présentation de ce que fait l'université à l'heure actuelle. Je pense que nous avons un travail intéressant et intelligent à faire pour améliorer notre relation avec le secteur des entreprises au sens large.

Je me permets de rappeler qu'au niveau des diplômés de l'enseignement supérieur, le premier employeur est le secteur public au sens large. Donc il est aussi concerné par la question des stages. Il faut aussi que ce secteur public joue son rôle dans cette question des stages insérés aux formations, ainsi qu'au niveau de l'emploi.

Vous savez ce qu'il en est au niveau de l'emploi. Nous sommes très préoccupés par cette question, en particulier dans le domaine de l'enseignement. Vous avez dû voir récemment qu'il y avait une diminution de l'offre de recrutement dans le second degré. Or il s'agit d'une partie des débouchés des étudiants de l'université, sans parler des débouchés des étudiants de plus haut niveau, au niveau des métiers de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Nous sommes assez fortement préoccupés par tout cela. S'il y a des choses positives pour les jeunes, pour leur devenir, la qualité de la formation et la réalité de l'emploi, je peux vous dire que nous serons partie prenante.

M. André Maman. - En écoutant nos interlocuteurs hier, nous avons pu constater que l'on allait vers une réduction de la durée des stages : de neuf mois, ils sont passés à trois mois et demi. A un moment donné, on a même parlé de deux stages, un premier au milieu des études et un second à la fin. Qu'en pensez-vous ? En revanche, on n'a pas du tout abordé la question des stages dans les entreprises à l'étranger.

M. le Président. - Hier, me semble-t-il, on a évoqué la possibilité de deux stages de quatre mois et demi chacun, mais pas à la fin d'un cycle. Le premier aurait lieu en cours de premier cycle et le deuxième en cours de deuxième cycle.

M. André Maman. - Effectivement. Qu'en est-il des stages vers l'étranger ? Parce que nous, sénateurs des Français établis hors de France, savons qu'il y a des entreprises françaises hors de France. On envoie les VSNE. Ce sont en général des gens des grandes écoles scientifiques, mais les diplômés en sciences humaines n'ont pas beaucoup de chances en la matière. Quelle serait votre réaction si on disait qu'il y a des entreprises françaises à l'étranger qui voudraient offrir des stages diplômants ?

M. Jean-Claude Garric. - La première partie de votre question porte sur l'organisation des stages dans le temps. J'ai dit, au début de mon intervention, qu'il nous semblait qu'il pouvait y avoir deux types de stages : tout d'abord, un stage de découverte, en début de cursus -ce pourrait être le premier évoqué-, puis un deuxième stage se situant plus vers la fin du cursus, centré sur la mise en oeuvre des connaissances. S'il n'est pas complètement à la fin du cursus, il offre ainsi la possibilité d'un retour à l'université. Pourquoi pas ? Nous n'avons pas de position absolument arrêtée là-dessus, pas plus que sur la durée des stages d'ailleurs.

On parle maintenant de quatre mois et demi, soit un semestre universitaire. Nous ne sommes pas arrêtés sur l'idée que tous les stages doivent être de quatre mois et demi ou du semestre. Pourquoi s'accrocher au semestre ? Cela nous semble déjà un stage assez long. Nous ne l'excluons pas, mais il doit y avoir des stages plus courts. Les stages de DUT et BTS durent plus de deux mois, dix semaines exactement. Ils étaient de huit semaines et la dernière réforme les a fait passer à dix parce que c'était un meilleur compromis. Il est vrai que pour un stage d'application de fin de cursus, cette durée peut être un peu juste. Mais entre un peu plus de deux mois et quatre mois et demi, il y a une différence. Qu'on ne dise pas qu'en dehors de quatre mois et demi on ne peut rien faire d'intéressant en termes de formation !

Quant aux stages à l'étranger, il y en a déjà à l'heure actuelle. Etant dans un IUT, je peux dire que cela existe et dans des conditions qui ne sont pas simples à cause de l'éloignement. Cela rend leur suivi assez difficile car nous n'avons pas les moyens d'assurer le même encadrement, en tout cas pour l'instant. Nous souhaiterions faire mieux, peut-être arriverons-nous à assurer un encadrement équivalent, mais cela pose des problèmes de déplacement des enseignants et suppose un travail de partenariat avec les responsables de l'encadrement dans l'entreprise.

M. André Maman. - Le tuteur universitaire serait peut-être difficile à trouver. Aux Etats-Unis, les entreprises vont dans les universités et tous les étudiants effectuent des stages diplômants. Tous les étudiants américains travaillent durant l'été, mais cela ne s'appelle pas " stages diplômants ". Peut-être pourrait-on réfléchir à cette possibilité : les entreprises viennent sur le campus, regardent les dossiers des étudiants, choisissent ceux qui les intéressent et offrent un contrat compatible avec la législation du travail.

Cette formule a pour objet seulement d'ouvrir l'esprit des étudiants, de leur indiquer l'idée qu'il n'y a pas qu'une catégorie sociale et de les familiariser aux réalités des entreprises.

Ces travaux se font normalement à tous les niveaux. En France, il y a une résistance à l'égard de ces travaux d'été des étudiants. Je voudrais connaître votre point de vue à ce sujet.

M. Jean-Claude Garric. - Vous évoquez là un autre type de stages. Nombreux sont les étudiants qui travaillent l'été en faisant des stages, des activités salariées, des " jobs ", principalement pour financer leurs études. Pour ma part, je ne considère pas que ce sont des stages intégrés à la formation, sauf s'il s'agit de stages dits de " découverte " dont je parlais tout à l'heure. Dans le cas d'un stage de découverte de l'entreprise, celui-ci mérite alors un minimum de suivi et d'intégration sans doute moins lourd que pour un stage qualifiant ou d'application de fin de cursus. Sinon, rien n'empêche l'étudiant de faire les stages qu'il veut avec les entreprises qu'il veut. Cela se fait déjà à l'heure actuelle.

Nous souhaitons que tous les étudiants en cours de formation puissent bénéficier d'un stage. Nous irions même jusqu'à préconiser un droit au stage car à l'heure actuelle, même dans le cadre de formations à finalité technologique et professionnelle, celui-ci n'est pas toujours assuré. Il y a parfois des discriminations, certaines tombant sous le coup de la loi, même dans le cadre de stages obligatoires.

C'est pourquoi nous sommes obligés de trouver des solutions de rattrapage et parfois d'offrir un pseudo stage au sein même de l'établissement universitaire.

Nous demandons une charte des stages afin que les droits et les devoirs de chacun soient précisés. Nous ne sommes pas frileux en la matière. Il faudrait que les employeurs offrent des stages de qualité et en nombre suffisant.

Compte tenu de la situation actuelle, et des perspectives de développement de la demande, les entreprises seront conduites à engager un effort financier pour offrir des stages sérieux aux étudiants.

L'investissement des entreprises n'est pas sans retour, y compris en termes de qualité, des jeunes qu'elles pourront embaucher. Qu'elles pourront embaucher, car reste en suspend la question de l'emploi ultérieur, que le stage ne règle pas.

M. Henri Weber. - Si j'ai bien compris votre critique, la proposition de stages diplômants serait dans une large mesure un gadget, un effet d'annonce. Le système existe, il est diversifié et mériterait d'être amplifié et amélioré.

Cela dit, il y a une contradiction : il n'est pas dans la tradition, ni dans la culture des entreprises françaises de s'occuper d'éducation et de formation. On a donc un problème d'offre de stages, vous venez de l'évoquer à l'instant même.

Monsieur de Calan nous a dit hier que ce problème d'offre de stages serait moindre, en dépit des réticences patronales d'ordre culturel, si les demandes de stages n'intervenaient pas à des moments précis. Il a même signalé que les mois de novembre et de décembre enregistraient les demandes les plus importantes. Il nous a dit qu'à ce moment-là, ce qui était demandé sur le court terme équivalait à créer 400 000 emplois à temps plein.

Je vous pose deux questions complémentaires. Sentez-vous une évolution de la part des entreprises du point de vue de l'offre de stages, ou y a-t-il une carence qui se perpétue ? Que peut faire l'éducation nationale pour étendre et mieux répartir les stages au cours de l'année ?

Quand on compare le système allemand et le système français, il n'est de secret pour personne que ce que les entreprises allemandes consentent comme investissement pour la formation -je n'ai plus les chiffres en tête-, c'est un multiple de ce que nos propres entreprises consacrent elles-mêmes. C'est un gros effort financier. En Allemagne, cela correspond à une tradition historique, qui renvoie à la place respective des entreprises et du service public de l'éducation nationale.

La carence dont on parle puise ses racines très loin, en ce qui nous concerne. Je crois que cela tient au fait que depuis fort longtemps, il est entendu que c'est à l'Etat de s'occuper d'éducation et de formation et pas aux entreprises privées. Cette idée n'est pas partagée en Allemagne et il est considéré comme normal que l'entreprise participe à la formation de la main d'oeuvre. Ce sont là des obstacles culturels qui ne sont pas faciles à surmonter.

M. Jean-Claude Garric. - Sur la question de notre perception de l'évolution de l'offre de stages, il est difficile sans doute de faire un bilan exhaustif et précis. Selon les indications que l'on peut recueillir auprès de nos collègues, la tendance serait plutôt à l'augmentation des difficultés. Ce n'est pas dramatique, bien sûr. Je parle en particulier des secteurs où les stages sont assez fortement développés comme les formations technologiques et professionnelles.

S'agissant de la qualité du stage, on voit ici et là un certain développement de la rotation des stagiaires dans les entreprises. Plutôt que de considérer qu'il y a une activité spécifique, qui nécessite un emploi salarié normal, on fait tourner des stagiaires à la place d'un salarié permanent.

Dans les stages, il y a une partie formation, et une partie activité en entreprise. C'est ce qui fonde l'idée qu'il peut y avoir une rémunération du stagiaire non salarié. Il y a là-dessus aussi un débat. Mais cette rémunération ne peut être que partielle, sinon le stage ne correspondrait plus à une activité de formation.

Il y a malheureusement, dans certains cas, une dérive plus forte que ce qui serait à la rigueur admissible. Cela sort sans doute de ce qui serait souhaitable et, quelquefois, cela peut nuire aussi à l'encadrement des stagiaires. Parce que dans le même temps, il faut qu'il y ait suffisamment de salariés permanents qualifiés pour encadrer correctement le stagiaire en formation.

Pour ma part, je dirais donc que l'on constate une dégradation au niveau de l'offre et de la qualité des stages.

Le patronat lui-même reconnaît qu'il y a des difficultés sur ce point. L'échange que nous avons eu avec M. Gandois lundi l'a fait apparaître. Nous avons dit que nous étions preneurs de tout ce qui pouvait aller dans le sens d'une amélioration de la qualité, à condition que cela ne restreigne pas le volume des stages disponibles. Nous avons eu une réponse de principe positive, mais nous voudrions que cela se traduise concrètement.

Sur le lissage des stages dans l'année, je pense qu'il y a des possibilités. Celles-ci ont aussi leurs limites, compte tenu des contraintes qui peuvent apparaître à un moment donné pour articuler le stage avec le reste de la formation.

M. Jean-Pierre Camoin. - Existe-t-il une corrélation entre la taille des entreprises et le fait qu'elles utilisent les stagiaires comme employés ?

M. Jean-Claude Garric. - J'aurais tendance à dire que c'est peut-être plus le fait des PMI et des PME que des grandes entreprises. A la rigueur, on peut comprendre qu'elles ont plus de difficultés que les grandes entreprises à assurer l'accueil des stagiaires. La tentation est grande, surtout dans les niveaux de qualification élevés. Certaines disent qu'elles prennent un stagiaire pour faire tel projet. Evidemment, on fait tout ce que l'on peut pour qu'il y ait un aspect formateur là-dedans. Quand vous avez une pénurie de stages, c'est la " loi de l'offre et de la demande ", la loi du marché. Ce n'est pas toujours simple à gérer sur le terrain.

M. le Président. - Vous avez parlé des stages de découverte. Ceux-ci sont souvent courts. Est-ce que ces stages, passez-moi le mot, n'encombrent pas beaucoup les entreprises ?

M. Jean-Claude Garric. - Il y a un débat sur leur utilité. Actuellement, ces stages ne sont pas les plus développés et sont difficiles à obtenir. Il nous semble qu'ils présentent l'avantage d'une ouverture des étudiants qui souvent, surtout en début de cursus, n'ont pas trop de contacts directs avec les réalités extérieures. Quand je dis " les réalités extérieures ", ce n'est pas seulement la réalité des entreprises, c'est plus largement tout l'environnement social.

Des activités d'ouverture de ce type, mais toujours intégrées dans une logique de formation, nous apparaissent donc utiles si elles sont prises dans ce sens. Il nous semble qu'il y a des choses utiles à faire sur cet aspect d'ouverture, mais certainement dans le cadre de stages d'une durée nettement plus courte que pour les stages d'application et les stages qualifiants.

M. le Président. - Nous vous remercions.

M. Pouria AMIRSHAHI
Président de l'Union nationale des étudiants de France
indépendante et démocratique (UNEF-ID)


________

M. le Président. - Je vais ouvrir les questions, après quelques mots pour vous remercier très sincèrement de revenir devant notre commission ; vous avez déjà été entendu dans le cadre de la mission d'information consacrée à l'orientation des étudiants de premier cycle.

Nous travaillons sur les stages diplômants, pour employer l'expression qui a été utilisée, même si celle-ci est, je le sais, contestée et contestable.

L'avantage de ces auditions, c'est que nous sommes maintenant un peu mieux informés et que peut-être, ce que nous avons entendu, permettra aux différentes parties de mieux connaître la position des unes et des autres ; la position initiale du CNPF, ou de ceux qui parlaient en son nom, a semble-t-il en effet évolué. Si vous le voulez bien, sur la base de ce que nous avons entendu, nous allons vous poser des questions auxquelles vous répondrez tout simplement.

M. Jean-Pierre Camoin. - Je vais vous poser des questions très générales. D'abord, que pensez-vous de la définition des publics qui seront concernés par ces stages ? M. Didier Pineau-Valencienne a notamment parlé d'étudiants qui font des études générales, et plus particulièrement des littéraires qui normalement ne sont pas trop concernés par les stages. Je voudrais avoir votre avis là-dessus.

Ensuite, la durée du stage a évolué également. Partis de neuf mois, durée très symbolique comme le soulignait mon collègue Weber, nous voici arrivés à une durée plus réduite.

Pensez-vous que ces stages doivent être rémunérés ou doit-on simplement, par exemple, prendre en compte les frais qu'ils occasionnent ?

Par ailleurs, quel doit être le statut des stagiaires à l'intérieur de l'entreprise ?

Pour terminer, pensez-vous que l'appellation " stages diplômants " soit la plus adaptée ? Nous nous sommes également posés la question de la validation de ces stages. J'aimerais avoir votre avis là-dessus.

De l'extérieur, nous avons le sentiment d'une grande incompréhension du public à l'égard de l'université -je défends cette thèse en disant que l'université est finalement mal connue des Français-, mais aussi que l'entreprise est, elle aussi, mal connue des Français. En tout cas, et c'est ma troisième impression, l'université et le monde du travail se regardent un peu en chiens de faïence. Ces stages ne pourraient-ils pas être un moyen de faciliter l'interpénétration entre l'université et le monde du travail ?

M. Pouria Amirshahi. - Je commencerai par rebondir sur votre dernière réflexion par l'affirmative. Effectivement, il y a sans doute une série de raisons culturelles et historiques qui expliquent l'incompréhension et une méconnaissance mutuelle entre les entreprises, et le CNPF en particulier, et le monde étudiant. L'idée d'introduire des stages, dont je vais essayer de définir les contours tels que les étudiants les voient et les souhaitent en tout cas, peut permettre effectivement de dépasser un peu cette situation qui résulte de l'histoire propre de l'université et peut-être d'une vision réciproque du mouvement syndical étudiant sur les entreprises et des entreprises sur l'université.

Concernant les publics, il y a deux questions, et deux réponses. A la question " Faut-il des stages ? ", je répondrai positivement. Nous ne sommes pas contre le principe des stages et je crois que les étudiants aspirent à avoir une relation concrète avec le monde professionnel, entendu au sens large, à condition -et cela peut permettre de répondre à la première question- qu'il y ait une relation directe avec le contenu de la formation initiale.

Il ne s'agit pas de demander, en tout cas à nos yeux, et je crois que les étudiants ne le souhaitent pas, à un ingénieur scientifique d'aller tourner des yaourts dans une entreprise qui s'occupe de la production de ces produits, mais de permettre à des étudiants d'effectuer un stage en relation avec le contenu de leur formation. Cela veut dire permettre, par exemple, à un étudiant en histoire de l'art de faire des fouilles archéologiques et à un étudiant en droit de faire un stage dans un cabinet d'avocats.

J'ai entendu dire que certaines populations étudiantes, du fait de leur formation, par nature n'auraient pas de débouchés, notamment les étudiants en lettres ou en philosophie. C'est contraire à la réalité telle qu'elle résulte des chiffres donnés par le CERC, le CEREQ ou l'Observatoire de la vie étudiante. Alors qu'ils sont toujours cités comme étant ceux qui n'auraient pas de débouchés, ces étudiants-là aussi ont des possibilités de stages correspondant à leur formation pour peu qu'on leur laisse avoir un stage qui consiste, par exemple, à être correcteur dans un journal.

On peut aussi effectuer un stage dans les métiers de l'édition et si l'Etat prenait ses responsabilités de ce point de vue, ou les collectivités locales, dans une association de lutte contre l'illétrisme ou d'aide à l'alphabétisation et aux devoirs. Ce sont des stages pratiques et utiles pour l'étudiant et utiles, de surcroît, à la société dans le contexte actuel.

Je réponds ainsi à votre question : nous sommes favorables à une validation des stages, évidemment dans le cadre du cursus, mais sous certaines conditions et garanties pédagogiques.

Ma deuxième réponse concerne le public. Si la volonté d'un schéma cohérent de professionnalisation des études, et non pas de formation professionnelle, existe, il faut mettre en place des stages dans le cadre d'une spécialisation des études. Aujourd'hui la totalité des stages dispensés dans le cadre des formations supérieures concernent des études spécialisées : IUT, IUP, DESS, MST, MIAGE...

Pour l'université, cette spécialisation intervient dans les seconds cycles universitaires, c'est-à-dire lors de l'entrée en licence. A l'issue d'un Deug de droit général, on se dirige vers une licence de droit privé, de droit international privé, de droit public, de droit commercial, de droit pénal, etc., donc vers une spécialisation. C'est à partir de ce moment-là qu'il semble cohérent, intelligent, utile et judicieux, prenons le terme que l'on voudra, de mettre en place des stages parce qu'ils correspondent à une spécialisation. C'est à partir de là, et seulement à partir de là, que l'on peut combiner spécialisation et professionnalisation.

C'est sur la durée que visiblement les négociations buttent, puisqu'elles sont actuellement en cours avec le CNPF et le ministère de l'éducation nationale. Le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) a pris position à l'unanimité pour une durée de l'ordre du trimestre. La prise de position de l'UNEF-ID va dans le même sens et est appuyée par la Confédération Force ouvrière-CGT et la Confédération CGT. La CFDT a également signifié, à travers le SGEN, que c'était une position intéressante. Quant à la FSU et la FEN, nous en avons discuté avec ces organisations et cette période de référence leur paraît judicieuse.

Même si, ultérieurement, il faudra discuter d'une certaine adaptation de la durée selon les filières, la période de référence proposée par l'UNEF-ID a été acceptée, même si elle a posé un certain nombre de problèmes à M. Pineau-Valencienne lors des différentes rencontres.

Sans porter le débat sur un plan idéologique, c'est-à-dire sans chercher à revenir sur le point de savoir pourquoi nous sommes opposés au stage diplômant -parce que c'était neuf mois et 1 500 F, ce qui ressemblait fort au CIP, même si ce n'était pas un contrat de travail, d'où création d'un effet d'aubaine et d'un effet de substitution, car quel intérêt aurait un employeur à embaucher un jeune diplômé en recherche d'emploi, alors qu'il pourrait recruter des stagiaires très qualifiés et peu rémunérés-, il semble qu'il y ait des arguments techniques et pédagogiques à prendre en compte.

Une durée supérieure à trois mois présenterait deux risques et aurait deux conséquences. La première conséquence, c'est de revenir à un effet d'aubaine. Six mois, c'est quelque chose qui correspond dans sa durée, peu ou prou, à ce qu'est aujourd'hui légalement un contrat de travail à durée déterminée. Il y a de ce point de vue un seuil psychologique et une crainte évidente des étudiants à quitter l'université avec le sentiment par ailleurs -c'est ce que nous ont dit les confédérations syndicales- que cela pouvait être mal perçu par les salariés.

Proposer des stages de six mois ou de plus de trois mois aurait une autre conséquence : un risque de substitution avec les enseignements actuels. Nous serions obligés, quoi qu'il arrive, de supprimer des enseignements pour les remplacer par des stages. C'est pour les étudiants inconcevable, de même que pour les enseignants.

Il faut être attentif à ne pas remettre en cause le contenu des enseignements qui, jusqu'à preuve du contraire, est de très grande qualité. Un rapport récent montre que 60 % des étudiants franchissent le cap du premier cycle et ce taux est beaucoup plus important dans les cycles supérieurs. Il faut bien préciser qu'il s'agit non pas de remplacer les formations universitaires théoriques par des stages, mais d'offrir le pendant pratique à une formation théorique, qui manque peut-être aujourd'hui à l'université.

Troisième et dernier argument : nous nous appuyons sur ce qui existe et qui marche. Les stages en BTS durent deux mois, dix semaines en IUT, soit deux mois et demi, et trois mois en DESS. Très exceptionnels sont les stages qui dépassent ces durées. Je mets de côté une série de stages propres aux grandes écoles, dont le cursus, l'organisation et l'architecture des études sont particuliers. Toutefois dans ces filières, ce n'est qu'en dernière année que le stage dépasse trois mois.

J'ai pu constater avec étonnement que le CNPF qui encensait le fonctionnement des IUT en disant " Regardez, les IUT, ça marche parce qu'il y a des stages, alors que dans les universités, le taux d'échec est incroyable, il n'y a pas de formation professionnelle, etc. ", tout à coup, n'a plus voulu de stages pour les formations universitaires.

Donc une durée de trois mois nous semble adaptée sur le plan pédagogique, nécessaire et en même temps applicable à condition que le projet pédagogique du stagiaire soit défini en amont et qu'on y rajoute éventuellement une semaine pleine de familiarisation de l'étudiant avec l'environnement dans lequel il va effectuer son stage.

Cela implique aussi la nécessité d'instaurer des règles entre les différents partenaires. Nous préconisons une période de référence de trois mois qui pourrait être discutée, sans aller au-delà des quatre mois et demi qui constituent le semestre universitaire, si -et seulement si- les étudiants, l'université, à travers le conseil représentatif, et les entreprises se mettent d'accord. A défaut, la période de référence serait applicable.

Les stagiaires doivent évidemment rester sous statut universitaire, puisqu'il s'agit d'une formation.

Cela me permet de répondre à la dernière question : c'est de ce point de vue que nous défendons les stages. Nous voulons des stages de formation, plus que d'expérience professionnelle, non pas que cette dernière soit inutile. J'ai bien entendu l'argument qui consiste à expliquer qu'une expérience professionnelle est toujours utile pour les étudiants, cela ne fait aucun doute. Sachez cependant qu'aujourd'hui, selon l'Observatoire de la vie étudiante, 800 000 étudiants sont obligés de travailler pour financer leurs études. Donc l'expérience professionnelle et le monde de l'entreprise ne sont pas quelque chose d'inconnu pour les étudiants. Il s'agit de donner un objectif pédagogique, d'assortir les stages d'un certain nombre de paramètres pédagogiques qui permettent de répondre à des objectifs de formation.

C'est pourquoi, selon nous, la logique ne doit pas conduire à mettre des étudiants et les universitaires à la disposition des entreprises, mais de mettre les entreprises à contribution pour aider à remplir les objectifs pédagogiques que l'éducation nationale, les étudiants et les enseignants se sont fixés pour eux-mêmes.

Cela n'implique pas que les entreprises. J'ai parlé des cabinets d'avocats ou de fouilles archéologiques. Cela implique l'ensemble des organismes publics ou privés qui, aujourd'hui, ont un rôle à jouer dans la formation des jeunes.

Il pourrait d'ailleurs être intéressant que le ministère de l'éducation nationale donne l'exemple. Il y a un service juridique au ministère de l'éducation nationale, des bibliothèques à gérer et toute une série d'infrastructures propres à certains ministères. Je crois que le gouvernement, l'Etat en général, peuvent donner l'exemple.

Sur la rémunération, dès lors que c'est un objectif de formation, cela peut se combiner avec l'allocation d'étude que nous revendiquons. En tant que tel, le stagiaire n'effectue pas un travail salarié, mais réalise quand même un travail.

Beaucoup d'entreprises, notamment des PMI-PME, qui aujourd'hui n'ont pas la possibilité pour de nombreuses raisons, en particulier financières, de prendre des stagiaires, reconnaissent que si elles en avaient, cela les aiderait à améliorer leur productivité.

Je crois qu'il faut une rétribution en fonction de ce travail fourni. Sur quelle base ? C'est à discuter entre partenaires, étudiants inclus, pour établir une grille de référence nationale qui fixe une rémunération des stages en fonction de leur durée, du niveau de qualification et de la nature des études suivies.

Tout cela est à négocier. Mais il me semble que la proposition faite en l'état par M. Pineau-Valencienne de 1 700 F est largement inférieure ne serait-ce qu'aux besoins, puisque le Conseil national des oeuvres universitaires et scolaires, en 1992, chiffrait à 4 000 F par mois les dépenses nécessaires à un étudiant pour financer ses études. Je ne dis pas que c'est ce que nous revendiquons, mais il y a un décalage entre ce qui est constaté par le CNOUS et ce qui est proposé par M. Pineau-Valencienne.

Dernier élément, la validation. Il ne faut pas confondre validation et évaluation. Nous sommes opposés à l'idée d'un jury mixte qui regrouperait un tuteur entreprise et un tuteur enseignant. Nous sommes pour mettre en avant la notion de double tutorat -ce qui n'est pas la même chose- dans lequel les tuteurs en entreprise et les tuteurs enseignants, élaboreraient en amont avec l'étudiant son projet de stage, chacun ayant des responsabilités particulières, l'un de suivi pédagogique, l'autre de suivi dans le cadre de l'entreprise, et débouchant à terme, pour le tuteur entreprise sur une évaluation et pour le tuteur enseignant sur une validation.

L'idée de subordonner l'obtention d'une unité de valeur ou d'un diplôme, ou d'une partie d'une UV ou d'un diplôme à l'assentiment des employeurs me paraît très négative dans la mesure où, jusqu'à preuve du contraire, les étudiants et les universités n'ont pas leur mot à dire sur les conventions collectives et sur les différentes négociations traitant du monde de l'entreprise et de la vie du salarié ; il n'est pas du rôle de l'entreprise, sauf dans le cadre de la formation professionnelle interne, de participer à la délivrance des diplômes de l'éducation nationale.

Encore une fois, il s'agit de mettre à contribution des entreprises pour des objectifs de formation et non pas de mettre les universitaires et les étudiants à leur disposition.

M. Henri Weber. - Je voudrais davantage de précisions sur la proposition de l'UNEF-ID tendant à articuler l'allocation étudiante et la rémunération des stages. Comment peut-on cumuler les deux ? Sont-elles exclusives ? Ce n'est pas clair.

M. Pouria Amirshahi. - C'est d'autant moins clair que c'est une proposition que nous avons faite et qui n'a pas été approfondie parce que la négociation sur ce point n'a pas avancé. L'idée serait de dire qu'il y a une rémunération fixée par exemple à 3 000 F, que l'allocation d'étude est de 2 000 F, il resterait 1 000 F à combler pour lesquels on demanderait à l'entreprise de mettre la main à la poche. Voilà l'idée du mécanisme, étant entendu que les critères précis sur la base desquels nous voudrions négocier n'ont pas été fixés.

M. le Président. - Pouvez-vous nous dire si vous liez cette négociation sur l'indemnisation ou la rémunération du stage, à la mise en place de l'allocation d'étude dans le cadre de la procédure dite des états généraux ?

M. Pouria Amirshahi. - D'une manière générale, nous lions la question des stages diplômants à la réforme en cours de l'enseignement supérieur. Nous voulons voir intégrer dès la licence -et nous avons bon espoir que cela aboutisse dans le cadre de la réforme de l'organisation des études- des unités de valeur, des modules, des unités d'enseignement, appelons cela comme on veut, d'expérience professionnelle pour les raisons que j'ai évoquées tout à l'heure, cela en second cycle universitaire, sur la base d'une charte nationale des stages.

Nous avons bon espoir que cela aboutisse et débouche rapidement, notamment lors de la présentation par le ministre de l'éducation nationale, d'un rapport d'étape qui a été annoncé, et que cela soit évoqué au moment de l'annonce de la réforme et du sommet sur l'emploi des jeunes. Mais nous lions le dossier des stages à la question des états généraux : nous ne voulons pas régler un problème conflictuel ponctuel, mais l'intégrer dans une dimension à plus long terme.

M. le Président. - Sur la validation, pouvez-vous nous en préciser les modalités ? Vous êtes pour le double tutorat. Mais la validation doit-elle être uniquement faite par l'université ?

M. Pouria Amirshahi. - Oui.

M. le Président. - Sans participation de l'entreprise ?

M. Pouria Amirshahi. - Une participation de fait, puisque l'entreprise évalue en amont. L'enseignant juge l'évolution de l'étudiant dont il a la charge tout au long de son stage, et sur la base du rapport final qui est quand même effectué avec et sous la responsabilité du tuteur en entreprise, il délivre une note. Mais il s'agit effectivement de ne pas soumettre l'attribution d'une partie du diplôme à l'avis de l'employeur.

M. le Président. - C'est pourtant une démarche fréquente dans les formations professionnelles. Il y a quantité de jurys qui associent des représentants du monde économique et des universitaires.

M. Pouria Amirshahi. - Dans les IUT, les employeurs ne donnent pas de notes. Ils élaborent un rapport de stage, lequel est présenté à l'enseignant, le tuteur en entreprise étant aux côtés de l'enseignant au moment de la soutenance du rapport, soutenance au terme de laquelle l'enseignant donne une note, après avis du tuteur. Je ne dis pas qu'il faut mettre hors circuit le tuteur en entreprise, loin de là, mais c'est l'enseignant in fine qui accorde et attribue la note. A titre d'exemple, j'ai fait l'an passé une maîtrise de politique de l'emploi où il y a un stage obligatoire avec rapport à rendre avec un tuteur en entreprise. C'est au final l'enseignant, fort heureusement, qui délivre une note après s'être concerté avec le tuteur.

M. le Président. - Vous avez déjà parlé de cela avec le patronat, avec vos interlocuteurs ?

M. Pouria Amirshahi. - L'intégralité de ce que je viens de vous dire a été dit au CNPF, directement à M. Gandois, directement à M. Pineau-Valencienne, directement à M. Daniel Laurent qui a travaillé sur ce projet et directement à M. François Bayrou, directement à M. Jacques Chirac et directement à M. Alain Juppé.

M. le Président. - Vous travaillez en direct.

M. Henri Weber. - Qu'est-ce qui se passe en cas de désaccord ? Quand on fait cette distinction, il y a un problème de hiérarchie. Si l'évaluation par le tuteur d'entreprise est négative, est-ce que la validation peut être positive ?

M. Pouria Amirshahi. - Je ne comprends pas le sens de la question.

M. Henri Weber. - Il y a en vérité une double appréciation. Dans le cas où la notation de part et d'autre va dans le même sens, il n'y a pas de problème. Si l'évaluation par le tuteur de l'entreprise est positive et si la validation par l'enseignant est positive, il n'y a pas de problème. Mais en cas de conflit, qu'est-ce qui se passe ? Si le tuteur d'entreprise considère que l'étudiant s'est occupé davantage de courir les dactylos dans les bureaux que de faire son travail, si donc il donne une note éliminatoire, qu'est-ce qui se passe ? Qui a le dernier mot en quelque sorte ?

M. Pouria Amirshahi. - Qui a le dernier mot ? Nous sommes pour qu'en dernier ressort ce soit l'enseignant qui tranche eu égard à ce que j'ai dit tout à l'heure. Mais on peut, pourquoi pas, réfléchir au sein d'une équipe pédagogique, dont on espère qu'elle sera réellement mise en place dans le cadre des états généraux, à une audition des deux parties, en cas de conflit. C'est un problème auquel je n'ai pas réfléchi.

M. Henri Weber. - Mais qui dans la pratique va se poser.

M. Pouria Amirshahi. - Qui peut arriver. Je n'ai pas eu connaissance de cas de conflit entre les deux tuteurs. J'ai eu à régler des cas d'étudiants qui n'ont pas obtenu de stage, alors que c'est obligatoire. Comme la recherche du stage est de leur propre responsabilité, c'est parfois difficile. Mais je n'ai pas eu de cas de ce type. Si cela arrivait, il faudrait prévoir, pourquoi pas, une commission ou des auditions dans le cadre de commissions pédagogiques où les deux parties, seraient entendues pour qu'il y ait finalement une deuxième correction.

Mais ce que je viens de dire n'engage que moi et pas mon organisation. Je soumettrai cela au Bureau national de l'UNEF-ID.

M. le Président. - Oui parce que la situation peut se rencontrer.

Merci de nous avoir éclairés et appris des choses nouvelles.

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