ANNEXE I

LA SNECMA

La SNECMA est un groupe à vocation aéronautique constitué par regroupements successifs de filiales intervenant dans presque toutes les catégories de métiers du secteur.

La maison-mère est centrée sur la conception et la production de moteurs civils et militaires.

I. UNE ENTREPRISE AUX PERFORMANCES EXCEPTIONNELLES CONFRONTÉES À UNE CRISE SANS PRÉCÉDENT

A. UNE ENTREPRISE AUX PERFORMANCES EXCEPTIONNELLES DANS LE SECTEUR DES MOTEURS CIVILS

La SNECMA n'est entrée que tardivement sur le marché des moteurs civils puisque après une décennie occupée à accumuler du savoir-faire, ce n'est qu'à la fin des années 1970 qu'après des contacts divers avec les motoristes occupant le marché, la rencontre de deux volontés, celle de la SNECMA et celle de General Electric a donné naissance à une activité qui place désormais l'entreprise au deuxième rang mondial du secteur.

•  Une activité menée en coopération :

L'activité de production de moteurs civils de la SNECMA est menée, pour l'essentiel, en coopération avec General Electric Aircraft Engines -GEAE-, filiale de la plus grande entreprise au monde depuis le début des années 1970.

La coopération entre SNECMA et GEAE emprunte deux modalités. Pour l'essentiel, elle s'opère par le truchement de CMF international mais peut également passer par des opérations spécifiques.

CFMI

CFMI est une structure originale. Il s'agit d'une holding, les deux motoristes s'étant partagé la moitié des programmes de développement des moteurs. Les bénéfices tirés des ventes sont partagés par moitié comme ceux tirés de la fourniture de pièces de rechange.Mais, ceux tirés des activités de réparation ne font pas l'objet de partage.

Démarrant avec la motorisation d'anciens DC-8 que des retraités de Mc Donnel Douglas avaient entrepris de réhabiliter, l'entrée de SNECMA sur le marché s'est poursuivie avec la motorisation des KC 135 de l'armée de l'air américaine, celle du Boeing 737 et enfin en 1988 celle de l'Airbus A-320 et des autres appareils du constructeur européen.

La SNECMA, qui a donc vocation à équiper les avions de tous les constructeurs, devrait avoir atteint le stade des 10.000 commandes en 1996.

Pour l'essentiel ces commandes ont été passées par :

- Mc Donnell Douglas : 600 moteurs

- Airbus : 2.000 moteurs

- Boeing : 7.000 moteurs

Le moteur CFM 56 est devenu, à travers ses différentes versions, le produit le plus vendu dans le monde . Sa version nouvelle, en voie de certification, -le CFM 56-7- équipera la nouvelle version du Boeing 737.

L'alliance avec GEAE est incontestablement une réussite exemplaire

Il faut, à ce propos, se souvenir de ce qu'elle doit à l'impulsion donnée par le Président Georges Pompidou dont la rencontre aux Açores avec le Président américain Richard Nixon a été décisive pour convaincre un partenaire américain réticent à engager une coopération extérieure impliquant l'accès à des technologies jugées stratégiques.

Cette coopération est à l'évidence un atout décisif pour la SNECMA en ce qu'elle lui permet d'accéder dans des conditions favorables au premier marché aéronautique mondial et de développer des synergies avec un partenaire au savoir-faire précieux et à la puissance reconnue.

On doit à cet égard rappeler l'adossement de GEAE au premier groupe mondial -General Electric- avec une capitalisation boursière de l'ordre de 900 milliards de francs.

Cette coopération exemplaire est, de plus, solide.

Les propos tenus à votre rapporteur lors de sa visite par les dirigeants de GEAE sont sans ambiguïté. Il s'agit, selon le partenaire américain, de "son alliance la plus importante qu'il entend sauvegarder malgré les difficultés."

Il faut ajouter qu'au-delà des intentions, le nombre des moteurs en circulation dans le monde résultant de l'effort conjugué des équipes est une garantie sérieuse de pérennité de l'alliance.

•  Une activité mixte

Nulle à l'origine, l'activité de production civile de la SNECMA est devenue progressivement majoritaire. L'activité militaire ne représente plus aujourd'hui que quelque 35 % de l'ensemble de la production.

La mixité des activités de production de la SNECMA dans le secteur des moteurs -sans même évoquer la diversité des métiers du groupe- est une chance pour l'entreprise.

L'activité de production de moteurs civils est en effet fortement cyclique. Les programmes militaires permettent d'absorber une partie des variations des plans de charge civils.

Pour l'avenir, ce socle devrait se maintenir autour de 3 milliards de francs selon la direction de l'entreprise, malgré les effets défavorables de l'aménagement de la programmation militaire à horizon 2002.

B. UNE CRISE SANS PRÉCÉDENT


Résultats de l'activité de la maison-mère (en milliards de francs)
1995 1996 1 1997 1
Chiffres d'affaires 8,6 9 12
Résultat - 1,2 2 - 0,6 -ND
1) Perspectives

2) Rappel du résultat 1994 : - 2,2


L'entreprise a cumulé depuis 1991 des pertes s'élevant en francs courants à 5,1 milliards de francs.

L'évolution du chiffre d'affaires de la SNECMA, qui avait progressé de 56 % entre 1986 et 1991 s'est traduite par un repli considérable depuis, avec un recul de 41,1 %.

Comparé aux entreprises américaines du secteur, le chiffre d'affaires de la SNECMA est inférieur environ de moitié, et les recettes de l'entreprise sont, en revanche, proches de celles de Rolls-Royce.

Surtout, alors que les autres motoristes sont, semble-t-il, parvenus à maintenir chaque année un résultat positif, l'entreprise a accumulé près de 5 milliards de francs de pertes entre 1991 et 1995. Dans le même temps, Rolls Royce maintenait son résultat et GEAE dégageait des excédents.

Sans qu'il soit besoin de se livrer à une étude fine du bilan et des comptes de résultat, il est clair que la SNECMA s'est singularisée par une dégradation de la productivité de sa main d'oeuvre. Celle-ci - mesurée à travers le rapport du chiffre d'affaires par salarié - s'est repliée de 8,2 % entre 1991 et 1995, tandis qu'elle s'améliorait de 38,3 % et 9,1 % chez Rolls Royce et GEAE respectivement.

Plusieurs facteurs se sont conjugués : la crise du transport aérien qui a accentué au début des années 1990 l'entrée dans une phase descendante d'un cycle d'activité normal ; la baise du cours du dollar ; l'inflexion des livraisons militaires qui, quoique moins forte que celle des ventes civiles n'a pas cessé au cours de la période ; la guerre des prix entre constructeurs.

La SNECMA s'est donc trouvée confrontée à un marché hyper-concurrentiel qui traverse encore une crise tarifaire très profonde avec une véritable guerre des prix entre concurrents, forçant à des taux de concessions commerciales très élevés (de 50 à 100 % des prix catalogues) et les prix s'infléchissant actuellement au rythme annuel de 25 %.

Dans ces conditions, si un mandat de négociation des ristournes a été confié à Boeing -il comporte toutefois une clause de sauvegarde au profit de la SNECMA-, une même opération n'a malheureusement pas été possible avec Airbus dont la pratique en matière de concessions commerciales est jugée inacceptable par GEAE.

II. UNE ENTREPRISE EN VOIE DE REDRESSEMENT

A. UN REDRESSEMENT PLUS LENT QUE CHEZ LES CONCURRENTS

Face à ces réalités, un mouvement sans précédent de restructurations s'est engagé à l'échelle mondiale.

Les graphiques ci-après rendent compte des ajustements opérés par les quatre industriels majeurs du secteur.

CHIFFRES D'AFFAIRES ET EFFECTIFS

CA

Effectifs

Effectifs avec chômage partiel

Tous les motoristes ont subi une diminution de leur chiffre d'affaires à partir d'une période comprise entre 1989 et 1991, mais cette dégradation brutale s'est interrompue en 1994 sauf pour la SNECMA. Celle-ci, face à une situation relativement plus dégradée, a cependant adopté un rythme d'ajustement de ses effectifs relativement plus lent que ses concurrents.

La comparaison avec le partenaire privilégié de la SNECMA, GEAE, est instructive. Chez GEAE, la restructuration entamée depuis 1991 a consisté à réduire les effectifs de moitié et à adapter les capacités de production en diminuant l'espace au sol des usines.

Comme l'a indiqué, avec une totale franchise, M. Murphy, président directeur général de l'entreprise, les sites de production ont été réagencés vers les usines les plus productives ou encore celles où la restructuration était susceptible d'être le mieux accepté socialement. Cette restructuration a cependant un coût. Les coûts globaux de la restructuration sont estimés par les dirigeants de l'entreprise entre 400 et 500 millions de dollars en six ans -de 2 à 2,5 milliards de francs-. Mais une précision importante doit être gardée à l'esprit : ces coûts ont été pris en charge par la maison-mère. En outre, il est probable qu'une partie d'entre eux a donné lieu à des versements de crédits publics quand ils étaient associés à une réduction des commandes militaires.

La voie choisie par la SNECMA a été différente. La réduction des effectifs a emprunté un rythme plus lent. Il en est résulté une inflexion des coûts moins prononcée et, probablement, le maintien d'une situation de sureffectifs qui est cependant en voie d'atténuation.

Le retournement du cycle aéronautique pourrait -devrait- permettre à l'entreprise de retrouver une situation financière plus favorable.

A cet égard, le chiffre d'affaires du groupe s'est redressé en 1996, progressant de 4 % et devrait s'accroître fortement en 1997, de l'ordre de 20 %. Quant à elles, les pertes pour l'exercice 1996 devraient être diminuées par 2 et se situer autour de 500 millions de francs. En 1997, les perspectives de résultats tournent autour d'un bénéfice de l'ordre de quelques centaines de millions de francs.

B. LES PERSPECTIVES

La SNECMA se trouve encore confrontée à d'importants défis.

Elle doit sans doute améliorer encore ses performances, diminuer son exposition aux risques, mais éviter la tentation du repli.

Entreprise publique, elle doit bénéficier d'un soutien vigilant et cohérent de son actionnaire et tuteur.

a) Un besoin de consolidation

L'entreprise continue à être sous la pression d'une nécessaire réduction de ses coûts de production . Les coûts de recherche-développement supportés par l'entreprise sont excessifs. Cette situation apparaît avec évidence si on compare la part prise par ces charges dans les chiffres d'affaires respectifs de la SNECMA et de GEAE, de 25 % pour la première et de 7 % pour la seconde.

Elle persiste malgré la mise en oeuvre d'un plan d'amélioration de la qualité, des coûts et de la rapidité en développement et industrialisation (AQCORD). Elle résulte d'une très forte augmentation des effectifs concernés par cette activité au cours des années 80, ainsi que de l'accroissement de la fraction des dépenses de recherche-développement finalement supportées par l'entreprise.

Ce dernier phénomène résulte lui-même de la réduction relative du soutien public dont a bénéficié la SNECMA dans le cadre de ses activités civiles. Il provient aussi de l'exigence manifestée auprès de l'entreprise afin que celle-ci autofinance une partie substantielle du développement de ses plus récents moteurs militaires.

De ce point de vue, il semble que la SNECMA n'ait pas bénéficié des mêmes facilité que ses concurrents. Il y a lieu de rappeler à ce sujet que les motoristes américains bénéficient d'un préfinancement de leurs programmes militaires et bénéficient, au surplus, d'une enveloppe pour "études libres" constitutive de marges de manoeuvre mobilisables pour leurs projets civils.

Outre les coûts de recherche - développement, il y a lieu également de s'inquiéter du niveau des coûts de maintenance. Ce secteur occuperait 6.000 personnes à la SNECMA contre 3.000 chez GEAE.

Mais, la réduction des coûts n'est pas le seul remède à apporter aux difficultés de la SNECMA. Les orientations retenues allant dans le sens d'un développement de l'activité de l'entreprise s'imposent également.

b) Un besoin d'expansion

L'entreprise doit être en mesure de développer les programmes adaptés à l'évolution de la demande qui, elle-même dépend des projets concernant les appareils commerciaux.

Dans cette perspective, l'orientation prise de développer des produits adaptés aux avions régionaux ne peut qu'être approuvée. Elle devrait, à moindre risque économique, permettre de remédier à une lacune dans la gamme des produits offerts.

Mais, il serait également souhaitable d'assurer à la SNECMA une activité "après-vente" plus porteuse. Dans le cadre de sa coopération avec GEAE, on le sait, l'entreprise française n'a pas accès aux "parties chaudes" des moteurs qui, plus valorisantes sur le plan technologique, sont surtout plus "rentables" sur le plan économique. Car, si la vente initiale d'un moteur n'est plus guère aujourd'hui source de recettes, celles-ci sont générées par le service après-vente au terme duquel un moteur est, en cours d'existence, changé entre trois et cinq fois. Or, le service après-vente concerne surtout les parties les plus sollicitées des engins qui sont par ailleurs celles sur lesquelles les marges sont les plus substantielles. Il importe donc de garder présentes à l'esprit ces données afin de juger de l'équilibre des coopérations conclues entre entreprises motoristes. Une appréciation objective conduit à juger la coopération GEAE-SNECMA peu équilibrée sur ce point. Il est dès lors naturel que la SNECMA obtienne de la part de son partenaire avec lequel elle entretient un "quasi-affectio societatis" des compensations équitables.

Au-delà, il apparaît indispensable que la SNECMA accède aux parties nobles des propulseurs qui sont les chambres de combustion et les turbines haute pression. Il en va de la dynamique de l'entreprise à qui il appartient certes de définir le cadre le plus propice à la satisfaction de cette légitime ambition mais qui doit en outre recevoir à cette fin le soutien sans faille du gouvernement français.

Celui-ci doit s'appuyer sur des initiatives diplomatiques mais aussi reposer sur des instruments financiers. A cet égard, on doit rappeler que l'octroi d'avances remboursables à la SNECMA pour des programmes menés en coopération internationale profite non seulement à l'entreprise nationale mais aussi à son partenaire si bien que le contribuable français favorise en fait le succès des appareils industriels nationaux et étrangers. Le moins qu'il puisse exiger est que son effort apporte une faveur égale à l'un et à l'autre.

c) Un besoin de moyens

La SNECMA est en l'état une entreprise publique. L'Etat doit y faire jouer tout son rôle.

Ceci implique d'abord que l'Etat résolve les contradictions qui peuvent naître de son rôle de tuteur -l'entreprise est soumise à cinq tutelles- confronté à sa fonction d'actionnaire. Il convient ainsi de supprimer toutes tutelles qui n'entretiendraient pas de rapport immédiat avec la logique propre de l'entreprise ou alors que l'exercice de ces tutelles s'accompagne d'une compensation financière lorsqu'il débouche sur des décisions constitutives de coûts pour l'entreprise.

Mais il faut également que l'Etat moyennant l'exercice par lui de son plein pouvoir d'actionnaire assume ses responsabilités d'actionnaire. Il convient donc de donner à l'entreprise les fonds propres nécessaires à l'exercice de son métier. Les fonds propres de l'entreprise étaient en effet quasi-épuisés en 1995. Si leur reconstitution passe par un effort de l'entreprise elle-même, elle suppose aussi que les concours de l'actionnaire accompagnent cet effort. Or, depuis 1989, l'ensemble des apports en fonds propres s'est limité à 1.250 millions de francs (500 millions de francs en 1990 et 750 millions de francs en 1993). Si la place prise par les frais financiers dans le chiffre d'affaires de l'entreprise reste contenu, le ratio dettes financières / fonds propres atteint des niveaux fort préoccupants malgré une politique d'investissement très restrictive.

La restauration du bilan de la SNECMA s'imposerait à tout actionnaire quel que soit son statut. Elle doit être entreprise.

En outre, privée d'avances remboursables pour financer les développements les plus récents de son produit-phare -le CFM 56-7- et devant, à l'encontre de ses concurrents, autofinancer une proportion importante de ses produits militaires, la SNECMA doit pouvoir compter sur un soutien par avances remboursables pour ses nouveaux programmes.

Cet objectif s'impose d'autant plus que, tout comme Aérospatiale, l'entreprise devrait être débitrice nette au titre du mécanisme des avances remboursables en 1997 à hauteur de quelques 45,4 millions de francs.

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