N° 42

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998

Annexe au procès-verbal de la séance du 21 octobre 1997.

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) et du groupe d'études sur l'avenir de la Poste et des Télécommunications (2) sur " La Poste , opérateur public de service public face à l'évolution technique et à la transformation du paysage postal européen " ,

Par M. Gérard LARCHER,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean François-Poncet, président ; Philippe François, Henri Revol, Jean Huchon, Fernand Tardy, Gérard César, Louis Minetti, vice-présidents ; Georges Berchet, William Chervy, Jean-Paul Émin, Louis Moinard, secrétaires ; Louis Althapé, Alphonse Arzel, Mme Janine Bardou, MM. Michel Barnier, Bernard Barraux, Michel Bécot, Jean Besson, Jean Bizet, Marcel Bony, Jean Boyer, Jacques Braconnier, Gérard Braun, Dominique Braye, Michel Charzat, Marcel-Pierre Cleach, Roland Courteau, Désiré Debavelaere, Gérard Delfau, Fernand Demilly, Marcel Deneux, Rodolphe Désiré, Michel Doublet, Mme Josette Durrieu, MM. Bernard Dussaut , Jean-Paul Emorine, Léon Fatous, Hilaire Flandre, Aubert Garcia, François Gerbaud, Charles Ginésy, Jean Grandon, Francis Grignon, Georges Gruillot, Mme Anne Heinis, MM. Pierre Hérisson, Rémi Herment, Bernard Hugo, Bernard Joly, Gérard Larcher, Edmond Lauret, Pierre Lefebvre, Jean-François Le Grand, Kléber Malécot, Jacques de Menou, Louis Mercier, Jean-Baptiste Motroni, Jean-Marc Pastor, Jean Pépin, Daniel Percheron, Jean Peyrafitte, Bernard Piras, Alain Pluchet, Jean Pourchet, Jean Puech, Jean-Pierre Raffarin, Paul Raoult, Jean-Marie Rausch, Charles Revet, Roger Rigaudière, Roger Rinchet, Jean-Jacques Robert, Jacques Rocca Serra, Josselin de Rohan, Raymond Soucaret, Michel Souplet, Mme Odette Terrade, M. Henri Weber.

(2) Ce groupe d'études est composé de : MM. Gérard Larcher, président ; Pierre Hérisson, René Régnault, Jean-François Le Grand, Jean-Marie Rausch, vice-présidents ; André Egu, secrétaire ; Louis Althapé, Bernard Barbier, Jean Bizet , Philippe de Bourgoing, Jean Boyer, Dominique Braye, Auguste Cazalet, Jacques Chaumont, Désiré Debavelaere, André Diligent, Hubert Durand-Chastel, Jean François-Poncet, Alain Gérard, François Gerbaud, Alain Gournac, Adrien Gouteyron, Mme Anne Heinis, MM. Rémi Herment, Jean Huchon, Pierre Lagourgue, Edmond Lauret, Kléber Malécot, Louis Mercier, Georges Mouly, Pierre Laffitte, Lucien Neuwirth, Michel Pelchat, Alain Pluchet, Michel Rufin, Claude Saunier, Maurice Schumann, Franck Sérusclat, Fernand Tardy, René Trégouët, André Vallet, Xavier de Villepin.

Poste et télécommunications . - Rapports d'information.

RÉSUMÉ DU RAPPORT

I. CONSTAT

Le présent rapport commence par conter la longue histoire inachevée de La Poste et met en relief :

- que, pendant la plus longue partie de l'histoire de l'humanité, le service postal a été la seule forme fiable de diffusion de l'information au sein des sociétés ; de ce fait, son immersion dans la société de l'information et sa confrontation avec d'autres vecteurs (téléphone, fax, télévision interactive, réseaux informatiques, Internet...) de diffusion de cette denrée essentielle s'apparente pour les postes historiques à un choc de nature identitaire ;

- que, tout au long de leur histoire, l'activité des Postes françaises s'est avérée, non seulement un facteur fondamental du développement économique et de l'unité nationale, mais aussi un service extrêmement rentable , notamment pour les finances publiques qui en capturaient les bénéfices ; à l'exception d'une brève période faisant suite à l'introduction du timbre en 1848, ce n'est qu'en 1992 que La Poste a connu son premier déficit. Ceci est dû à un changement radical de son environnement résultant pour l'essentiel d'une contraction de fait de son monopole.

Le tableau synoptique de l'évolution récente des grandes postes occidentales que dresse le rapport relève que si elles conservent beaucoup de points communs (administrations d'Etat à l'origine, organisation à l'échelle nationale, transformation en opérateur autonome, obligation de service universel du courrier, monopole juridique, ...), certaines ont d'ores et déjà réalisé d'importantes transformations (statut de droit commercial, voire privatisation, orientation résolue vers le marché international, réorganisation et diversification de leurs réseaux, ....) qui semblent les rendre plus aptes à assurer leur mission et l'efficacité de leur économie nationale dans le nouvel environnement mondial.

Insistant sur la qualité d'opérateur majeur du service public de " l'aïeule des services publics de la vie quotidienne ", le rapport souligne l'importance des missions d'intérêt général que La Poste assure au bénéfice de la Nation : service public du courrier, contribution fondamentale à l'aménagement du territoire au travers des 17.000 points de son réseau, transport et distribution de la presse qui en font un vecteur essentiel de notre vie démocratique, rôle de " guichet bancaire " des plus démunis de nos concitoyens.

Le poids de La Poste ( premier employeur du secteur marchand ; 1,4 % des emplois nationaux) dans l'économie nationale et locale (700 millions de francs par an et par département en moyenne) est souligné en exposant, d'une part, le caractère vital des relations interdépendantes qu'elle entretient avec les entreprises (notamment celles de la vente par correspondance, de la presse, de la grande et moyenne distribution) et, d'autre part, l'importance de chacun de ses deux métiers : le courrier et les services financiers.

Les défis qui pourraient être mortels auxquels La Poste se trouve désormais exposé sont ensuite détaillés. Il s'agit d'abord de l'irruption d'une concurrence multiforme incarnée à la fois par les nouvelles technologies, l'émergence d'opérateurs privés efficaces et le " brigandage " du repostage organisé par des postes peu scrupuleuses. Il s'agit aussi des échéances programmées de la réglementation européenne qui aboutissent à une restriction progressive du monopole du courrier (75 % de l'activité aujourd'hui, 50 % en 1998, 33 % en 2003) et à une interdiction de fait du financement d'autres missions d'intérêt général au travers de ce monopole. Le temps des facilités financières ouvertes à l'Etat et à La Poste au moyen des hausses du prix du timbre est désormais révolu.

Face à ces défis, les atouts et les handicaps de La Poste sont examinés attentivement. La première richesse de La Poste ce sont les hommes et les femmes qui la composent. Mais c'est aussi la lucidité de ses dirigeants qui ont su commencer à lui insuffler un réel esprit d'entreprise au travers de la gestion de ses ressources humaines et d'une approche désormais plus commerciale de sa clientèle.

Néanmoins, ses handicaps sont considérables . Au premier rang, le poids de ses charges qui découlent du coût d'entretien d'un réseau immobilier pour partie peu fréquenté (4,5 milliards de francs), du paiement de la totalité des pensions de retraite des anciens postiers (600 millions d'accroissement cumulatif par an ou, si l'on préfère, 360 milliards de francs de 1997 à 2015) et, d'une manière générale, d'un désengagement de l'Etat à son égard (coût du transport de la presse, gestion sociale du livret A : plusieurs milliards par an). Or, toutes ces charges s'accumulent sur La Poste dans un contexte où elle n'a plus de marges de manoeuvre (résultats déficitaires, fort endettement, prix du timbre déjà très élevé, tendance à un assujettissement à une fiscalité de droit commun). Non moins importantes, les rigidités structurelles et sociales que subit La Poste hypothèquent son avenir. Ses pesanteurs organisationnelles sont lourdes. Mais surtout, pourra-t-elle supporter longtemps qu'une majorité de ses personnels ait des droits et qu'une minorité -les contractuels précaires- n'ait que des incertitudes ?

II. PRINCIPALES PROPOSITIONS

1.
Initiatives internationales relevant des pouvoirs publics :

- lutter contre le repostage par une " amicale pression " sur les gouvernements des pays où agissent les reposteurs et, éventuellement, par des mesures de rétorsion menées de manière concertée, avec d'autres pays européens victimes de cette pratique ;

- proposer la création d'un timbre à valeur unique pour le courrier entre les Etats membres : l'euro-timbre, assis sur un fonds de péréquation postale européenne.

2. Développer une stratégie internationale d'alliances en préparant une alliance avec la poste allemande et en réfléchissant, sur cette base, à un rapprochement franco-allemand avec l'un des grands opérateurs mondiaux de la messagerie.

3.
Adopter, avant fin 1998, une loi d'orientation postale traduisant, dans notre législation, non seulement les dispositions de la directive européenne mais aussi un grand nombre des propositions avancées ci-après.

4.
Statut de La Poste :


- la privatisation est exclue ;

- sa sociétisation, c'est à dire sa transformation en entreprise nationalisée sous forme de société anonyme détenue par l'Etat, n'apparaît pas indispensable, mais le débat doit rester ouvert, dans la perspective de la réalisation d'alliances internationales.

5. Définir un service public ambitieux :

- utiliser les marges de flexibilité qu'offre la future directive postale en définissant un périmètre du monopole du courrier aussi étendu que permis et en créant parallèlement un fonds de compensation destiné à compléter, en tant que de besoin, le financement du service universel ;

- faire mieux respecter le monopole en créant un corps d'inspecteurs assermentés de La Poste et en renforçant vigoureusement les sanctions pénales prévues en cas d'atteinte à ce monopole ;

- confier à La Poste l'habilitation publique de la certification postale électronique restant à établir.

6. Le réseau de La Poste :

- il doit être modernisé et dynamisé, par des idées innovantes, pour mieux revitaliser les territoires ;

- il doit sortir du moratoire rendu désormais inutile par la loi " Pasqua " du 4 février 1995 ;

- le réseau immobilier doit être valorisé par une démarche centrée sur l'identification locale des besoins des hommes et des territoires, par une transformation des guichets les moins fréquentés en points d'appui de démarche commerciale à domicile, par la recherche de nouveaux partenariats publics, par l'examen de l'intérêt d'une polyactivité postale, par l'augmentation des ventes ;

- le réseau immobilier doit être reformaté et renforcé par un service postal mobile, à l'exemple de ce qui est actuellement en oeuvre en Allemagne ;

- les partenariats entrepreneuriaux doivent être multipliés, tant au niveau national que local, pour développer les canaux de contact avec la clientèle et aider les petits commerces ruraux ;

- la loi d'orientation postale déjà préconisée doit définir des objectifs en termes de temps d'accès au service postal, d'une part, en fixant les distances maximales entre tous points d'une catégorie de territoires donnée et une antenne postale fixe et, d'autre part, en établissant des discriminations positives en faveur des zones les moins favorisées ;

- les responsabilités postales des élus locaux doivent être confortées au travers des schémas départementaux des services publics, des agences postales communales et par l'adaptation aux réalités locales des orientations de la future loi postale ;

- le soutien financier de l'Etat doit être assuré en maintenant les abattements fiscaux de La Poste, en versant une subvention d'équilibre et en affectant une partie du produit de la taxe professionnelle de France Télécom à un Fonds géré de manière paritaire par les élus et l'Etat, permettant de mobiliser plus de 2,5 milliards de francs par an pour la redynamisation des zones urbaines et rurales en difficultés, dont au moins 500 millions de francs par an seront consacrés à la modernisation et à la dynamisation du réseau de La Poste, dans les départements dont plus de la moitié du territoire est composé de zones rurales classées comme très vulnérables ;

- les élus locaux doivent être garantis qu'il n'y aura pas de " marché de dupes " en renforçant la relocalisation de services de La Poste dans les zones rurales et en organisant des " tables-rondes " Poste-élus permettant d'ouvrir le dialogue et d'explorer ensemble les voies de l'avenir.

7. L'aide postale à la presse :

- dépasser les paradoxes qu'elle a engendrés : elle coûte cher et satisfait peu de ceux auxquels elle est attribuée, elle ne garantit pas nécessairement une délivrance optimale de l'information à l'opinion, elle ne répond plus aux ambitions politiques qui l'ont inspirée et n'obéit pas pour autant à la rationalité économique ;

- établir la vérité des coûts (selon le présent rapport le coût du transport postal de la presse se situe vraisemblablement dans une fourchette de 6,5 à 6,75 milliards de francs plutôt qu'autour de 7,5 milliards) ;

- poursuivre dans la voie du ciblage sur la presse d'opinion ;

- développer les relations commerciales avec les autres éditeurs ;

- alléger les charges de La Poste en portant de 15 millions en 1997 à 90 millions en 1998, l'aide au portage des journaux à domicile et ce en utilisant à due concurrence le produit de l'impôt sur les recettes publicitaires des supports hors médias en cours d'instauration au Parlement ;

- enfin, étudier la préservation de la deuxième tournée postale dans la capitale pour la presse du soir, assurer un suivi externe de la qualité et veiller à garantir la pérennité de la contribution de l'Etat au financement du transport de la presse.

8. Conforter les compétences financières de La Poste :

- maintenir le cadre juridique actuel en refusant la banque postale, en développant une comptabilité analytique aux résultats invulnérables à la critique en ayant bien conscience que si cette exigence pouvait être satisfaite, il faudrait se résoudre à une filialisation dans le cadre du statut public de La Poste.

- confirmer le périmètre actuel des services financiers en appliquant la loi de 1990, toute la loi de 1990, rien que la loi de 1990, tout en veillant cependant à ne pas ébranler le marché par des actions commerciales brutales ;

- maintenir le duopole de la collecte du livret A : en s'opposant à sa banalisation et en affirmant clairement dans la loi la mission de cohésion sociale accomplie par La Poste.

9. Clarifier les relations financières entre l'Etat et La Poste dans le cadre du prochain contrat de plan :

- réfléchir aux moyens permettant à La Poste de mieux couvrir les coûts de la collecte des CCP ;

- réfléchir au mode rémunération des fonds de la Caisse Nationale d'Epargne ;

- traiter de l'éventuel assujettissement de La Poste à la TVA lors de la discussion de la loi d'orientation postale ;

- envisager la suppression du droit de timbre, impôt archaïque.

10. Les retraites de postiers :

- traiter le problème pour 1998 sans sacrifier les postiers au culte du 3%  de déficit public ;

- trouver une solution définitive en ajustant les charges de retraites de La Poste sur les prélèvements sociaux de droit commun ;

- gager la soulte que La Poste acquitterait à l'Etat et à la collectivité des contribuables sur une meilleure continuité du service public postal.

11. Assurer la continuité du service public postal

- respecter préalablement à toute grève, un préavis d'une durée minimale, comme l'impose la loi ;

- mettre le délai de ce préavis à profit pour engager des négociations ;

- en cas de blocage de ces négociations, recourir à un médiateur ;

- maintenir le réseau B qui fiabilise les infrastructures ;

- mieux indemniser les entreprises clientes du préjudice subi du fait d'une grève.

12. Mobiliser les personnels :

- améliorer la communication interne à l'entreprise pour faire, par un dialogue interractif, faire prendre conscience aux postiers de la réalité des dangers, et leur donner la visibilité indispensable à leur mobilisation au service de l'entreprise et du pays ;

- confirmer la priorité donnée à la formation aux nouveaux métiers ;

- développer une politique ambitieuse de stages des cadres de La Poste dans d'autres entreprises publiques mais aussi dans le secteur privé ;

- embaucher davantage de cadres issus d'entreprises privées ;

-développer des formules d'intéressement du personnel à la bonne marche de l'entreprise.

13. Doter La Poste d'une stratégie résolument offensive :

- retrouver le chemin de la croissance en améliorant la performance sur les marchés traditionnels, en conquérant de nouveaux marchés, en développant les services à valeur ajoutée et en appliquant trois maîtres mots à l'égard des clients : partenariat, réactivité, responsabilité ;

- maîtriser l'évolution des charges et améliorer la productivité.

14. Toujours placer l'intérêt national au coeur des réflexions à mener et de l'élan à créer.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page