2. RÉSULTATS DES OBSERVATIONS D'ENTREPRISES

Sur la base d'une enquête auprès de huit grandes entreprises françaises, qui ont des implantations à l'étranger, nous avons cherché à mesurer le coin socio-fiscal, c'est-à-dire la différence entre le coût total payé par l'employeur et le salaire net in fine perçu par le salarié (c'est-à-dire après impôt et cotisations de sécurité sociale) pour trois pays européens: France, Allemagne, Royaume-Uni.

Nous nous sommes attachés à relever l'ensemble des prélèvements obligatoires qui apparaissaient sur les feuilles de paie que nous avons collectées et dans la mesure du possible nous avons cherché à prendre en compte les autres prélèvements portant sur le travail salarié qui ne figuraient pas nécessairement comme des prélèvements obligatoires. Cet exercice est particulièrement difficile. Les systèmes de prélèvements fiscaux sont très différents selon les pays (ainsi que l'a illustré la première partie) et il est nécessaire de faire des choix quant aux prélèvements que l'on considère et quant à la manière dont on va les intégrer.

La prise en compte dans leur globalité des prélèvements effectués sur les revenus salariaux nécessite au préalable l'homogénéité des prélèvements sur l'ensemble des territoires nationaux. Ce n'est pas toujours le cas. Certains prélèvements, comme les cotisations à des systèmes de retraite complémentaire, sont très variables et leur importance se décide au niveau de chaque entreprise (cas de l'Allemagne), voire au niveau de chaque individu (cas des systèmes individuels anglais). Dans la mesure où notre enquête est assez limitée, nous avons choisi un taux moyen qui reflète au mieux le poids de ces prélèvements.

Du fait que les systèmes de financement sont très différents, il n'y a pas vraiment de possibilité de comparer la structure des prélèvements. Par exemple, les dépenses d'assurance maladie sont financées par l'impôt au Royaume-Uni, alors qu'elles sont financées en grande partie par les cotisations salariales et patronales en France et en Allemagne. A l'inverse les prestations familiales sont financées en France par des cotisations de sécurité sociale alors qu'elles sont financées par l'impôt dans les deux autres pays. Que faut il penser de la CSG française ? Doit elle être assimilée à un impôt sur le revenu ou à une cotisation supplémentaire ? Nous avons choisi de l'assimiler à une cotisation sociale mais ce choix n'est pas sans conséquence sur les résultats comparatifs.

Nous nous sommes limités à un certain nombre de prélèvements qui ne sont en aucun cas exhaustifs. Par exemple, au Royaume-Uni et en Allemagne, les allocations familiales ne donnent pas lieu à des versements en espèce mais sont données sous forme de crédit d'impôt. Par souci de compatibilité nous avons donc soustrait du montant de l'impôt sur le revenu payé par un salarié français le montant des allocations familiales perçu. Ce ne sont là qu'une partie des prestations familiales. Il faudrait tenir compte de toutes les prestations, en nature comme en espèces, pour aboutir à des conclusions plus robustes.

La présentation des résultats qui va suivre doit donc être lue avec discernement. Il s'agit de mesurer le taux de prélèvement obligatoire qui pèse sur le travail à travers la différence entre le coût total pour l'employeur et ce que reçoit l'employé net d'impôt. Cette mesure est pertinente économiquement puisqu'elle donne l'importance de la distorsion introduite sur le marché du travail par les prélèvements fiscaux et sociaux.

Les résultats sont issus d'une enquête que nous avons conduite auprès de responsables de huit entreprises françaises, qui possèdent des implantations à l'étranger.

Nous leur avons demandé de nous fournir d'une part des feuilles de paie correspondant à des cas types de salarié, d'autre part des données concernant les autres charges qui peuvent porter sur les salaires et qui n'apparaissent pas nécessairement sur la feuille de paie.

Ce travail a été fait pour cinq cas types de salariés. Nous avons retenu :

- le cas d'un ouvrier avec un salaire proche du SMIC,

- le cas d'un employé avec une rémunération mensuelle, de 12 000 FF,

- le cas d'un cadre avec une rémunération de l'ordre de 25 000 FF,

- celui d'un cadre supérieur avec une rémunération proche de 40 000F,

- celui d'un cadre dirigeant dont la rémunération avoisine 100 000 FF par mois.

Les comparaisons sont donc faites sur des rémunérations de niveau comparables et, dans la mesure du possible, à des postes comparables.

En ce qui concerne la structure familiale, nous avons retenu deux cas d'étude : le cas d'un salarié célibataire et celui d'un salarié marié avec deux enfants à charge dont le conjoint ne travaille pas.

Les résultats issus de nos enquêtes auprès des entreprises conduisent aux observations suivantes :

1) Des trois pays étudiés, la France et l'Allemagne se distinguent nettement du Royaume-Uni par le niveau plus élevé du coût total pour l'employeur correspondant à un même niveau de salaire net, in fine pour l'employé.

2) La France se distingue nettement des deux autres pays par un taux de charges fiscales et sociales pour l'employeur beaucoup plus fort.

3) L'impôt sur le revenu des personnes physiques est singulièrement plus faible en France qu'en Allemagne et au Royaume-Uni.

4) Les charges payées par l'employeur sont nettement moins dégressives en fonction du salaire en France qu'en Allemagne et dans une moindre mesure qu'au Royaume-Uni.

5) En France, l'exonération des charges sur les bas salaires introduit une forte progressivité des taux de charges patronales sur la tranche des salaires allant du SMIC à une fois et demi le SMIC.

6) Le "coin socio-fiscal" (mesuré par la différence entre le coût total pour l'employeur et le salaire net reçu après impôt) correspondant aux salaires élevés est plus grand en France qu'en Allemagne et au Royaume-Uni.

- LE COIN SOCIO-FISCAL POUR UN SALARIÉ CÉLIBATAIRE

Pour un salarié gagnant un salaire brut équivalent au SMIC, les charges fiscales et sociales payées par l'employeur et le salarié représentent, en France, 76% du salaire net perçu par le salarié après impôt. Elles ne représentent que 27% du salaire net au Royaume-Uni. En Allemagne, l'écart entre le coût total et le salaire net reçu après impôt est de l'ordre de 115%.

Cette hiérarchie des trois pays n'est pas la même pour des niveaux de salaires supérieurs. Le Royaume-Uni reste dans une situation privilégiée avec un coin socio-fiscal plus faible qu'en Allemagne et en France.

Coût total pour l'employeur pour un salaire net d'impôt de 100F
Cas d'un salarié célibataire

Niveau de salaire mensuel
en FF

France

Allemagne

Royaume-Uni

6 664 (ouvrier)

176

215

127

12 000 (employé)

212

225

141

25 000 (employé)

228

258

151

40 000 (employé)

246

268

162

100 000 (employé)

297

275

174

Sur les trois premiers niveaux de salaires, le coin socio-fiscal est plus important en Allemagne qu'en France. Pour des rémunérations plus élevées, l'écart est plus important en France qu'en Allemagne.


Avertissement concernant la lecture des graphiques

Les graphiques qui vont suivre présentent les résultats en terme de coin fiscal et de sa structure en fonction des salaires mensuels bruts.

Il n'est pas possible d'appliquer une échelle linéaire des revenus pour les cinq niveaux de salaire retenus. Les pentes des droites qui rejoignent deux points d'observations ne sont donc pas pertinentes pour un pays donné. Seule la comparaison de ces pentes entre deux courbes distinctes (c'est-à-dire entre deux pays de l'étude) est justifiée.



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