B/ La circulation des eaux

Tous les auteurs s'accordent pour considérer que de par leur structure originelle, puis du fait de leur "argilisation", les laves qui constituent le socle des atolls n'ont qu'une très faible perméabilité. Cela ne signifie pas pour autant que l'eau est totalement absente de ces roches : "Les formations géologiques sont saturées par une eau d'origine marine qui va se déplacer sous l'influence du seul moteur significatif à l'intérieur du massif : la machine thermique dont la source chaude est le flux géothermique terrestre à l'aplomb de l'atoll et dont la source froide est l'océan." 73 ( * )

La chaleur de l'écorce terrestre induit un mouvement naturel de circulation des eaux, les eaux chaudes moins denses remontant vers la surface et étant peu à peu remplacées par des eaux plus froides venant de l'océan à travers les flancs de l'atoll.

Le problème qui se pose est donc de savoir à quelle vitesse se déplacent les eaux qui remontent vers la surface et qui seraient donc susceptibles de ramener des éléments radioactifs du fond des cavités de tir vers la surface et la biosphère.

Cette vitesse est fonction de la perméabilité de la roche qui peut varier de 10 -3 mètres par seconde pour les formations les plus perméables comme le sable par exemple, à 10 -13 mètres par seconde pour les roches les plus compactes comme les argiles franches, la limite entre les roches perméables et imperméables étant en général fixée par les géologues à 10 -9 mètres par seconde.

Les forages réalisés à Mururoa montrent que la formation basaltique profonde dans laquelle étaient réalisés les tirs est relativement compacte et homogène et que sa forte composante argileuse lui confère une perméabilité très faible comprise en 10 -7 et 10 -11 mètres par seconde.

Les formations géologiques situées plus près de la surface, et en particulier la couche de calcaire d'origine corallienne, sont en revanche beaucoup plus perméables, de l'ordre de 10 -4 mètres par seconde, ce qui permet une circulation rapide des eaux en leur sein.

Selon un modèle établi par la DIRCEN pour l'atoll de Mururoa, la vitesse maximum de circulation des eaux serait :

- de 1 cm par an pour les formations géologiques profondes,

- et de 1 cm par jour dans les formations calcaires supérieures.

Le rapport Atkinson indique, toutefois, que "la perméabilité est suffisante pour que puissent être envisagés des flux comparables au 1 mètre par an comme cela avait été estimé dans le rapport Tazieff" . 74 ( * )

Entre 1 centimètre et 1 mètre par an, la marge d'incertitude est donc considérable mais l'explication a peut-être été apportée par le rapport Cousteau, qui attire assez justement l'attention sur "l'hétérogénéité des structures tant au niveau de la structure globale de l'île que celle de chacune des entités géologiques et des éléments qui les constituent" et qui conclut que "chaque forage est un cas particulier et doit donc être réajusté en fonction de la réalité géologique mise en évidence à cette occasion" . 75 ( * )

L'incertitude quant à la vitesse de migration des éléments radioactifs qui pourraient se trouver dans les eaux souterraines se trouve renforcée par l'absence de données précises sur les profondeurs auxquelles ont été effectués les différents tirs. En effet, si le toit de certaines des cheminées formées à la suite des explosions, et qui peuvent atteindre plusieurs centaines de mètres de hauteur, se trouve à proximité des formations calcaires, la migration des éléments initialement piégés dans la lave pourrait se faire dans des délais relativement courts, du moins à l'échelle des temps géologiques. Or il semblerait que certaines des premières expérimentations aient été effectuées à une assez faible profondeur avec, par voie de conséquence, une cheminée relativement proche des couches superficielles qui ne peuvent en aucun cas, tous les experts semblent d'accord sur ce point, servir à retenir la radioactivité. En effet, selon le rapport Atkinson : "Le temps de passage de l'eau à travers le corail est inférieur à 10 ans" . 76 ( * )

* 73 Les atolls de Mururoa et de Fangataufa, Op. déjà cité, tome I, page 123.

* 74 Rapport Atkinson, Op. déjà cité, page 105.

* 75 Mission scientifique de la Calypso sur le site d'expérimentations nucléaires de Mururoa, Rapport de l'équipe Cousteau, novembre 1988, page 14.

* 76 Rapport Atkinson, Op. déjà cité, page 124.

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