2. Concernant l'industrie

" L'Angleterre s'était débarrassée du système corporatif. Colbert veut, au contraire, débarrasser la France de tout ce qui n'est pas incorporé au système des jurandes ".

C'est ainsi dans le domaine manufacturier que l'obsession réglementaire française s'oppose le plus nettement à la libéralisation progressive britannique.

L'instruction pour la teinture des laines ne comprend pas moins de 317 articles. Quant aux 150 règlements, des soieries à la quincaillerie, tous aussi détaillés, ils constituent ensemble une véritable encyclopédie des arts et métiers.

Certes, l'Etat veut ainsi garantir le bien, mais ce perfectionnisme dirigiste " fige, selon Peyrefitte , les forces vives de l'innovation dans un carcan étatique ".

Selon des considérations, anonymes, sur le commerce, publiées en 1758 et citées par Alain Peyrefitte : " le vice caché, le mal intérieur à l'administration et à la législation économique, ce sont les monopoles, qu'ils soient détenus par les compagnies, les maîtrises ou les jurandes ".

" Laissez-les faire, voilà le grand, l'unique principe "
disait Turgot, qui tentera, vainement, d'abroger le corporatisme.

Depuis la divergence qui a suivi la Réforme, bien des pays catholiques, comme la France (dont le PIB dépasse désormais celui de la Grande-Bretagne), l'Italie du Nord ou l'Espagne, (depuis son entrée dans le marché commun) ont effectué un certain rattrapage (malgré l'Eglise ou à cause de son aggiornamento ?).

Mais si l'on regarde l'évolution récente de la croissance et du taux de chômage britanniques (ou hollandais), n'a-t-on pas l'impression que l'histoire se répète ?

N'en va-t-il pas de même pour l'entrée dans la société de l'information comme on se le demandera plus loin ?

Qui pourrait affirmer avec certitude que le principe de Turgot cité plus haut (" laissez-les faire... ") n'est plus d'actualité ou que notre pays est débarrassé à jamais du dirigisme, du corporatisme, de la peur de la libre-concurrence ?

Que l'origine en soit ou non religieuse, la persistance, dans les esprits, de conceptions économiques archaïques traduit, encore une fois, l'importance du rôle des facteurs psychiques dans le développement.