Audition de Jérôme CLEMENT

Président d'ARTE
accompagné de monsieur JOACHIM

Résumé : On peut faire autre chose que de la simple télévision commerciale : on peut utiliser la télévision pour des besoins fondamentaux tels que les besoins du savoir, d'une certaine culture, et qui ne trouvent pas leurs réponses sur le marché ; la place de la télévision étant aujourd'hui considérable dans la société, bien l'utiliser me paraît fondamental ; avec l'explosion des bouquets numériques, l'enjeu est de savoir comment utiliser certains instruments nouveaux en faveur de notre culture et de notre mode de pensée ; le service public a donc une carte très importante à jouer dans l'avenir : il faudrait développer des chaînes thématiques, avoir une action dynamique afin de concurrencer efficacement le secteur privé ; il faut s'organiser au niveau européen pour empêcher Internet et d'autres modes de communication de faire voler en éclat toutes les règles internes ; le rôle de l'Etat est de bien définir les missions du service public et ensuite de lui donner les moyens. Si on veut faire pénétrer les NTIC dans les écoles, il faut faire en sorte que leur utilisation par les enseignant joue un rôle significatif dans les évolutions de carrière.

1. On peut tirer partie de façon intéressante du rapprochement des mondes de la télévision, des télécommunications et de l'informatique ; l'essentiel, c'est de montrer qu'on peut utiliser la télévision d'une autre façon que commerciale, laissée comme instrument aux sein du marché avec comme seul souci la rentabilité, dégager du profit avec des émissions qui sont le plus à même de satisfaire les goûts élémentaires du public. On peut faire autre chose que cela ; on peut utiliser la télévision pour des besoins non exprimés, non tangibles ou non suffisamment sensibles, qui sont des besoins fondamentaux : les besoins du savoir, d'une certaine culture, et qui ne trouvent pas leur réponse sur le marché ;

Il faut aussi une politique de la part des pouvoirs publics qui puise aboutir à la diffusion d'une offre de programmes qui corresponde à cela.

2. La place de la télévision est en effet aujourd'hui considérable : son rôle dans la société est flagrant, la vision qu'a la société sur elle-même, celle que les citoyens ont du monde, son poids dans la vie démocratique, dans la vie sociale, la formation des esprits, y compris la pensée ; son importance est capitale. Donc, bien l'utiliser me paraît fondamental dès l'instant où l'on veut maîtriser son destin.

3. Les évolutions technologiques rendent cette analyse plus nécessaire que jamais ; le marché ne cessera de segmenter grâce à la multiplication des capacités technologiques (bouquets numériques, l'évolution du câble, les liaisons avec les ordinateurs ) ; l'enjeu est donc aujourd'hui, plus qu'hier, de savoir comment on peut utiliser certains instruments à la fois pour maîtriser notre culture, disons nationale, un mode de pensée qui nous est propre, les éléments de référence qui sont celles de notre culture occidentale, qui sont l'humanisme de la société, et peut être aller un peu plus loin en ce qui concerne notamment le savoir et la connaissance.

4. Si en Allemagne
le bouquet numérique " Kirsch " a échoué, cela tient au fait que le câble y est déjà très développé ; en France , le retard du plan câble donne une ouverture évidemment inespérée à la diffusion du bouquet numérique . On a donc à faire face à la fois à des systèmes qui vont s'adapter en fonction des circonstances locales, des législations, des technologies mais qui conduiront toutes à une confusion des programmes. Il s'agit de voir comment on agit par rapport à ça. Je pense malgré tout, comme aux Etats-Unis, que les grandes chaînes hertziennes continueront quand même pendant de nombreuses années à être incontournables et à constituer une part importante du marché ;

5. La mission qu'on peut avoir est de conforter, de prendre appui sur les réseaux hertziens . Ce faisant, on peut préparer l'avenir et en particulier par des produits dérivés, par un certain nombre d'actions, d'émissions, on peut prendre pied et maîtriser un peu ce qui se passera avec les différents modes de technologies. On a donc une carte à jouer très importante du côté du service public en étayant sur une idée claire ce que nous faisons. Je suis très partisan qu'aujourd'hui le service public développe des chaînes thématiques , spécifiques, qu'on ait une action dynamique, qu'on se constitue comme un pôle de réunions avec des objectifs et qui puisse concurrencer ce qui se fait par ailleurs dans le privé et qui répond à une autre logique.

6. Toutes les législations volent en éclat sous l'impulsion des nouvelles technologies, ce qui va supposer d'ailleurs une énorme adaptation sur la plan juridique ; il faut s'organiser au niveau européen pour empêcher Internet et les autres modes de communication de faire voler en éclat pratiquement toutes les règles internes. On peut, à ce niveau européen, essayer de conserver un espace dans lequel on puisse agir en fonction des valeurs que nous défendons et de la culture qui est la nôtre. A cet égard , le rôle de l'Etat est surtout de bien définir les missions et ensuite d'en donner les moyens . Il y là aujourd'hui un problème de remise en ordre dans la clarification des objectifs politiques qui sont définis à la fois par le Gouvernement et les Parlementaires lorsqu'ils déposent des lois de finances ou des projets de loi. En Allemagne, les télévisions publiques disposent d'une visibilité budgétaire sur quatre ans ; en France, ce sont six mois : on ne peut ainsi définir de stratégie clairement affirmée.

7. L'Education : équiper les écoles est certes utile et nécessaire mais pas suffisant : tant qu'on intègrera pas, dans le système de notation et d'avancement des enseignants, l'utilisation des nouvelles technologies, ces dernières ne pénètreront pas vraiment efficacement dans les écoles . L'utilisation des NTIC doit jouer dans les évolutions de carrières . C'est fondamental car on voit bien que demain les pays qui sortiront leur épingle du jeu sont ceux qui domineront la connaissance ; or la France a des atouts formidables : un fonds culturel considérable, un appareil pédagogique, scientifique et culturel au sens large du mot, très important ; on a un outil, un trésor ; il faut l'utiliser au mieux.