8. Les politiques commerciales et tarifaires des ports

8.1 Les limites de l'action commerciale des autorités portuaires

La mission de promotion de l'activité commerciale de leurs sites incombe aux autorités portuaires, qu'elles soient ports autonomes ou concessions. Elles s'en acquittent directement par la pratique de politiques tarifaires adaptées dans les secteurs d'activités dont elles ont la charge (voir 8.3) et, indirectement, en jouant un rôle de coordination entre les différents intervenants de la filière portuaire : ceux implantés sur le site mais aussi les compagnies maritimes, les transporteurs terrestres, les collectivités locales et les diverses administrations intervenantes.

Par exemple, l'autorité portuaire est la mieux placée pour effectuer le montage d'une offre portuaire dans le choix d'une ligne « tour du monde » où il faut réunir à la fois les prestations des multiples services portuaires et celles de l'acheminement terrestre. Elle participe aussi, souvent en tant que tête de file, à la promotion commerciale et aux démarchages auprès des chargeurs et des armateurs afin d'accroître les flux de marchandises et d'augmenter le nombre d'escales. Représentant de la puissance publique, l'autorité portuaire apporte un élément de crédibilité qui peut s'avérer décisif auprès d'une clientèle toujours soucieuse de sécurité. Enfin, elle peut jouer un rôle moteur dans l'évolution de l'organisation portuaire en expérimentant au niveau local des processus qu'il serait hasardeux de promouvoir trop rapidement sur un plan national. À titre d'exemple, on peut citer la création d'un terminal privé (quai à pondéreux ouest à Dunkerque) ou la mise en place d'un système de prise en compte compétitive de la marchandise (« FOB Dunkerque » analogue à celui d'Anvers pour le tramping).

Cependant, l'apport de valeur ajoutée commerciale par les autorités portuaires est limité du fait que l'essentiel du coût de passage est constitué par des prestations du secteur privé. Ce n'est pas le directeur du port qui négocie les contrats mais les opérateurs privés et c'est là que se situe un des principaux points faibles du système portuaire français. En effet, pour trouver toute son efficacité, l'animation commerciale de l'autorité portuaire devrait être relayée par un secteur privé solide financièrement, sachant prendre des risques, ayant les hommes compétents et pouvant investir. Or, la faiblesse du tissu privé, l'absence de capacité d'initiative et de dynamisme commercial de certaines professions, l'organisation sous forme de monopoles protégés d'autres, empêchent de tirer le meilleur parti d'une politique commerciale active et entravent le développement des ports.

8.2 L'importance des droits de port par rapport aux redevances d'outillage et produits domaniaux

Les tarifs de droits de port perçus sur les navires et les marchandises, redevances d'outillage et de produits domaniaux, traduisent par eux-mêmes des choix commerciaux plus que la réalité des coûts afférents. Ces tarifs sont proposés par les ports à leur conseil d'administration pour les ports autonomes et au conseil portuaire pour les ports d'intérêt national qui les fixent en principe librement. Toutefois, ils sont ensuite validés par arrêté ministériel pour les ports autonomes et par le préfet pour les PIN. En revanche, l'État fixe les droits sur les passagers, car il prélève 25 % de leur produit pour son propre compte.

Depuis 1990, le chiffre d'affaires des ports autonomes a tendance à se contracter à un niveau proche de 3 milliards de francs. Sa composition est à peu près stable : 52 % de droits de port, 30 % de recettes d'outillage et 15 % de produits domaniaux.

Cette structure de recettes est très différente de celle des ports du Bénélux, en particulier en ce qui concerne les produits du domaine, qui représentent moins du tiers des droits de port en France alors qu'ils sont équivalents à ceux-ci à Anvers et à deux-tiers de ceux-ci à Rotterdam. Cette différence s'explique à la fois par le grand nombre de concessionnaires opérant dans les ports du Bénélux et par des valeurs locatives (prix au m 2 ) nettement plus élevées. En raison des difficultés inhérentes à la gestion des personnels, l'activité d'opérateur industriel semble, de façon générale, mobiliser plus intensément les efforts des autorités portuaires françaises, peut-être au - détriment de l'activité de promoteur plus porteur d'avenir quant au développement du port. Il semble qu'un rééquilibrage des métiers aurait un effet bénéfique pour le devenir des places portuaires.

Globalement, les marges de manoeuvre en matière tarifaire sont étroites. Sur les trafics volatils (conteneurs, marchandises diverses, vracs légers), la concurrence entre les ports est telle que des efforts tarifaires sont nécessaires pour attirer ces trafics réputés plus riches en valeur ajoutée. La compensation habituelle, qui s'effectuait grâce à la surtarification des trafics captifs (pondéreux lourds, hydrocarbures), tend à s'amenuiser en raison de la forte pression à la baisse des industriels subissant par ailleurs des contraintes importantes. C'est ainsi que la tutelle a invité le port de Nantes-St Nazaire à réduire de 8 MF en 1997 les droits de port sur des produits pétroliers. De plus, un groupe de travail constitué des pétroliers et des représentants des quatre grands ports pétroliers français est chargé d'examiner ces questions tarifaires.

Chiffre d'affaires en MF constants 1995 des ports autonomes

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997 (prévisions)

Droits de port

1 589

I 631

1 586

1 598

1 573

1 530

1 533

1 557

Location d'outillages

998

982

909

870

868

850

843

845

Droits domaniaux

400

417

428

428

428

425

447

455

Autres

241

203

242

245

234

177

169

161

TOTAL

3 228

3 233

3 165

3 141

3 103

2 982

2 992

3 018

Source : DTMPL

Dans quelques cas particuliers, des marges de manoeuvre importantes existent, comme le montre l'exemple de Calais, qui, grâce aux recettes importantes générées par le trafic transmanche, a pu investir dans une extension du port de commerce et y pratiquer des trafics très attractifs. Le port de Dunkerque estime d'ailleurs que cette tarification jugée anormale (droits de port six fois inférieurs) constitue un élément déstabilisateur pour son activité.

Évolution des droits de port et des tarifs d'outillage

(en%)

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

DROIT DE PORT

PA Dunkerque

2,5

3,4

0,9

1,6

1,9

0,8

- 1,1

PA Le Havre

2,9

2,8

2,8

1,0

1,5

0,9

0,0

PA Rouen

4,0

4,0

4,0

0,4

3,5

1,8

2,0

PA Nantes

2,9

1,9

2,7

2,6

2,5

1,0

0,0

PA Bordeaux

2,2

2,5

2,5

3,0

1,0

1,9

1,7

PA Marseille

0,0

2,3

3,0

1,9

1,5

0,8

0,0

TARIFS D'OUTILLAGE

PA Dunkerque

2,5

3,4

0,9

2,5

1,9

2,0

1,3

PA Le Havre

2,9

2,8

2,8

0,0

1,0

1,4

0,0

PA Rouen

4,0

2,5

2,5

0,0

2.0

2,2

2,0

PA Nantes

2,9

2,7

3,0

1,3

2,5

1,0

0,0

PA Bordeaux

3,0

2,0

2,5

1,5

2,0

1,9

0,2

PA Marseille

0,0

3,0

3,0

1,9

1,5

2,5

0,0

Source : DTMPL

Le tableau ci-joint montre que, depuis 1993, l'évolution générale des tarifs est inférieure à l'inflation. En 1997, le port de Dunkerque applique une réduction tarifaire afin de mieux se positionner par rapport à ses concurrents proches belges (environ 20 % moins cher qu'Anvers) et hollandais. Les ports de Marseille et du Havre maintiennent depuis plusieurs années des évolutions tarifaires modérées.

Dans le cas du port de Rouen, des considérations liées à l'équilibre financier de l'organisme portuaire peuvent prendre le pas sur le volontarisme commercial : depuis 1995, une progression tarifaire plus accentuée essaie de compenser les pertes de recettes liées à la régression des trafics de céréales et d'hydrocarbures.

L'absence de comptabilité analytique unifiée ne permet pas de porter une appréciation sur le degré de rentabilité des différentes activités relevant de l'organisme portuaire (celle-ci est laissée à l'initiative des établissements portuaires pour tenir compte de leur spécificité de gestion). Globalement, on a vu que la situation financière, sans être florissante, s'améliore lentement et que l'endettement diminue (paragraphe 5.3 du chapitre I). Jusqu'à maintenant, les trafics de vrac (dits « captifs ») subventionnaient les trafics que se dispute la concurrence. Mais cette compensation est remise en question. Enfin, il est avancé que la location des outillages et des matériels est plutôt une activité déficitaire pour des raisons tenant plus aux errements passés qu'à une stratégie commerciale. En tout état de cause, la capacité contributive limitée des manutentionnaires, d'une part, et les coûts élevés du personnel grutier, d'autre part, ne permettraient pas de modifier cette situation.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page