2. Les risques pour la création et la politique de soutien à l'audiovisuel

Parce qu'il est de nature fondamentalement économique, le projet d'A.M.I. méconnaît les spécificités des produits et industries culturels. Sa mise en oeuvre non réfléchie pourrait remettre en cause notre droit de la propriété littéraire et artistique et nos politiques de soutien au secteur audiovisuel.

a) Une remise en cause possible du droit de la propriété littéraire et artistique

L'accord général sur le commerce et les services " General Agreement on Trade and Services ", ne comporte aucun engagement de traitement national ou d'accès au marché en matière audiovisuelle de la part des pays européens. Ceux-ci restent libres de maintenir et de renforcer leur politique audiovisuelle en vue de garantir une certaine diversité culturelle.

Cette " exception culturelle " n'est pas prise en compte dans le projet d'A.M.I., au point de remettre en cause éventuellement l'ensemble de l'édifice juridique international constitué autour de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle - OMPI - et en particulier de la convention de Berne, conclue en 1886, et dont la dernière modification date de 1971.

Cette convention prévoit certaines limites à l'application du principe de traitement national :

• la durée de la protection des droits d'auteur est fixée par référence à celle du pays où elle est la plus courte ;

• le droit de suite est subordonné au principe de réciprocité. Une telle exigence se retrouve dans un certain nombre de textes nationaux ou communautaires et, en particulier, dans la directive 93/98/CEE du 29 octobre 1993 relative à l'harmonisation de la durée de protection du droit d'auteur et de certains droits voisins.
Le projet d'A.M.I. pourrait, par application du principe de traitement national, bouleverser l'équilibre actuel dans la mesure où le bénéfice du dispositif très protecteur en vigueur en Europe pourrait être invoqué par des " investisseurs étrangers " sans que la réciproque soit vraie.

De même, le projet d'A.M.I. aurait pour conséquence de modifier le régime applicable à la rémunération pour copie privée . A l'heure actuelle, les protecteurs de vidéogrammes, dont l'oeuvre n'a pas été, pour la première fois, fixée dans la Communauté, ne perçoivent pas de rémunération pour copie privée. La Convention de Rome, applicable en la matière, réserve pour l'instant aux seuls artistes-interprètes et aux producteurs de phonogrammes le bénéfice du traitement national. Le projet d'A.M.I. permettrait aux producteurs de vidéogrammes de prétendre également au bénéfice de cette rémunération, ce qui affectera l'équilibre du secteur.

En l'état actuel des choses, le projet A.M.I. ne fait aucune référence aux conventions internationales existantes , ce qui pourrait remettre en cause tout l'édifice juridique régissant la propriété intellectuelle, tel qu'il résulte des traités constituants l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) et l'Organisation Mondiale du Commerce (O.M.C.). Or, en droit international, un traité antérieur ne s'applique, sauf précision contraire, que dans la mesure où ses dispositions sont compatibles avec celles du traité postérieur.

Enfin, la préservation du droit moral de l'auteur sur son oeuvre, préservé en France mais non aux États-Unis, pourrait être compromise dans la mesure où les détenteurs des droits économiques de l'autre côté de l'Atlantique pourraient vouloir les exercer aussi en Europe, en dépit des droits des auteurs ou de l'artiste.

Il est donc essentiel que soient respectés, en y faisant référence, les traités propres à la propriété intellectuelle et, en particulier, l'accord régissant les droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (Trade in Relation with Intellectual Property Right in relation with services).

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