b) Les organismes spécifiques de la protection sociale complémentaire

Ces organismes, mutuelles du code de la mutualité et institutions de prévoyance, ne sont pas soumis aux dispositions du code des assurances, mais effectuent des opérations qui entrent dans le champ d'application des directives européennes d'assurance. Ils interviennent dans le domaine de la protection sociale complémentaire. Celle-ci peut être définie comme la couverture des risques sociaux liés à la personne (maladie, maternité, incapacité, invalidité, dépendance, décès) s'ajoutant à celle organisée par le régime de base obligatoire de sécurité sociale.

Les pouvoirs de contrôle sur ces organismes sont exercés par une autorité spécifique, la Commission de contrôle des mutuelles et des institutions de prévoyance, créée par la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 dite loi Evin.

- les mutuelles du code de la mutualité

Les mutuelles relevant du code de la mutualité sont des groupements à but non lucratif qui se proposent de mener, dans l'intérêt de leurs membres et principalement au moyen des cotisations de ceux-ci, une action de prévoyance, de solidarité et d'entraide (article L.111-1 du code de la mutualité). Ce sont des organismes sans capital social et qui ne peuvent distribuer à leurs membres leurs excédents éventuels.

Le remboursement complémentaire à celui du régime d'assurance maladie obligatoire constitue leur activité principale (environ 70 % du chiffre d'affaires total des mutuelles). Les mutuelles qui proposent en outre la couverture des risques vieillesse, accidents, invalidité, décès ainsi que le service de prestations au-delà d'un an doivent, sauf si ces activités restent accessoires, constituer en leur sein une caisse autonome ou transférer à la Caisse nationale de prévoyance la gestion de ces risques (article L.321-1 du code de la mutualité). Les caisses autonomes permettent d'isoler la gestion des risques longs, mais n'ont pas de personnalité juridique distincte de celle de la mutuelle fondatrice (article L.321-3 du code de la mutualité). Depuis 1985, les mutuelles sont autorisées à effectuer des opérations de prévoyance collective.

Certaines mutuelles proposent également des services associés à la couverture des risques (" réalisations sanitaires et sociales " ou " oeuvres sociales ") : elles gèrent des établissements de soins, des centres dentaires et d'optique, des pharmacies, des maisons de retraite, etc. Ces établissements n'ont pas de personnalité juridique propre (article L.411-2 du code de la mutualité). Dans certains cas, les services proposés n'ont qu'un rapport lointain avec " la prévention des risques sociaux liés à la personne et la réparation de leurs conséquences ", objet principal de l'activité mutualiste, mais se rattachent plutôt à l'objectif très large de " développement culturel, moral, intellectuel et physique de leurs membres et l'amélioration de leurs conditions de vie " également poursuivi par les mutuelles (article L.111-1 du code de la mutualité) : centres de vacances et de loisirs, cautionnement de prêts, tarifs réduits sur des produits culturels, etc. Grâce à des accords passés avec des sociétés d'assurance mutuelles, certaines mutuelles du code de la mutualité laissent aussi entendre à leurs adhérents qu'elles sont en mesure de les faire bénéficier de conditions avantageuses sur des produits d'assurance de dommages (en particulier assurance automobile et garantie multirisques habitation).

Par leur inspiration et leurs modalités d'organisation, les mutuelles du code de la mutualité se rapprochent des sociétés d'assurance mutuelles. Ce qui les distingue de ces dernières, c'est, d'une part, leur champ d'intervention plus limité et, d'autre part, le fait qu'elles sont fondées sur le principe d'égalité de traitement des adhérents (article L.121-2 du code de la mutualité). Les cotisations ne sont pas fixées en fonction du risque mais peuvent l'être éventuellement en fonction du revenu des membres.

Les mutuelles les plus importantes sont celles qui regroupent, à l'échelon national, des fonctionnaires d'un même secteur (Mutuelle générale de l'éducation nationale, Mutuelle générale des P.T.T., Mutuelle nationale des hospitaliers et des personnels de santé, Mutuelle générale du personnel des collectivités locales, etc.). D'autres sont constituées à l'échelon local et peuvent se regrouper dans des unions départementales. Le mouvement mutualiste est également important dans le secteur privé, avec des mutuelles d'entreprises, regroupant les salariés appartenant à une même entreprise, ou des mutuelles constituées sur une base professionnelle ou interprofessionnelle. Le nombre total des mutuelles est supérieur à 6 000, mais tend à diminuer en raison d'une tendance de plus en plus marquée au regroupement des petites mutuelles.

Il est important de noter également que pour des raisons d'ordre historique (existence d'un mouvement mutualiste puissant au moment de la création de la sécurité sociale en 1945), certains groupements mutualistes participent à la gestion des régimes obligatoires d'assurance maladie. Les mutuelles d'une certaine importance peuvent être habilitées en qualité soit de correspondants locaux, soit de sections locales, pour la gestion du régime général (article L.211-3 et L.211-4 du code de la sécurité sociale). S'agissant du régime d'assurance maladie obligatoire des exploitants agricoles, les articles 1106-1 et suivants du code rural prévoient que les exploitants agricoles peuvent être assurés, à leur choix, soit par les caisses de la mutualité sociale agricole, soit par des mutuelles du code de la mutualité ou des institutions de prévoyance, soit par tous autres organismes d'assurance. Pour la gestion du régime obligatoire des travailleurs non salariés non agricoles, les caisses mutuelles régionales confient le soin d'assurer pour leur compte l'encaissement des cotisations et le service des prestations soit à des organismes régis par le code de la mutualité, soit à des organismes régis par le code des assurances, conventionnés à cet effet (articles L.611-1 et R.611-124 et suivants du code de la sécurité sociale). Enfin, dans le cadre des régimes spéciaux de sécurité sociale des fonctionnaires et des étudiants, le service des prestations est obligatoirement assuré par des mutuelles du code de la mutualité, qui créent à cette fin des sections locales (articles L.712-6 et L.381-9 du code de la sécurité sociale). Ces sections constituent des services de la mutuelle, sans autonomie juridique mais dont la comptabilité doit être séparée de celle des autres activités de la mutuelle.

Les mutuelles chargées de la gestion de régimes obligatoires d'assurance maladie reçoivent, pour cette activité, des remises de gestion versées par les caisses primaires d'assurance maladie (articles R.252-11 et R.712-1 du code de la sécurité sociale). Pour leurs autres activités, et notamment leur activité d'assurance, les mutuelles peuvent bénéficier de subventions. D'une part, en effet, il existe un fonds national de solidarité et d'action mutualistes, qui, notamment, " contribue aux dépenses de promotion et d'éducation mutualistes ainsi que, sous forme de prêts, aux réalisations sociales mutualistes " (article L.522-1 du code de la mutualité). D'autre part, en vertu de l'article R.523-2 du code de la mutualité, l'Etat peut accorder aux mutuelles de fonctionnaires et d'agents de l'Etat et des établissements publics nationaux " des subventions destinées notamment à développer leur action sociale et, dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la mutualité et du ministre chargé des finances, à participer à la couverture des risques sociaux assurée par ces mutuelles ". D'après les informations recueillies, ces subventions peuvent représenter pour les mutuelles concernées jusqu'à 25 % des cotisations versées par les adhérents. Par ailleurs, les mutuelles de fonctionnaires bénéficient de facilités pour l'exercice de leur activité (locaux, matériel de bureau parfois prêtés par l'administration), les plus grandes d'entre elles employant, en outre, dans une mesure non négligeable, des personnels fonctionnaires détachés ou mis à disposition.

Les mutuelles d'entreprises bénéficient aussi parfois de versements patronaux, mais ces subventions ont une nature différente de celles des mutuelles des fonctionnaires car il s'agit alors de la prise en charge partielle par les employeurs des cotisations de leurs salariés à des régimes complémentaires rendus obligatoires par accord d'entreprise ou convention collective. Cette prise en charge a fiscalement le caractère d'un complément de salaire et entre dans l'assiette des cotisations sociales dues par l'employeur.

- les institutions de prévoyance

Il existe trois grandes catégories d'institutions à gestion paritaire régies par le code de la sécurité sociale (livre IX) ou - pour celles qui interviennent dans le domaine rural - par le code rural (article 1050).

- les institutions de retraite complémentaire, qui gèrent des régimes de retraite complémentaire obligatoire par répartition dont la plupart font l'objet d'une compensation interprofessionnelle au sein de l'A.G.I.R.C. ou de l'A.R.R.C.O.,

- les institutions de retraite supplémentaire - antérieurement " régimes surcomplémentaires " -, qui gèrent des régimes collectifs de retraite par capitalisation, notamment dans les entreprises publiques et dans le secteur pétrolier (on en dénombrait 125 au 31 décembre 1995) ;

- les institutions de prévoyance (87 au 31 décembre 1995), qui effectuent essentiellement des opérations de prévoyance collective (couverture complémentaire maladie, risques maternité, invalidité, décès), mais qui peuvent intervenir aussi dans le domaine de l'assurance vie.

Seuls ces deux derniers types d'institution réalisent des opérations entrant dans le champ de l'assurance et sont soumises au contrôle de la Commission de contrôle des mutuelles et des institutions de prévoyance. Toutefois, le contrôle de la Commission s'exerce également sur les quelques institutions de retraite complémentaire ne faisant pas l'objet d'une compensation interprofessionnelle.

Les institutions de prévoyance sont définies comme des personnes morales de droit privé ayant un but non lucratif, administrées paritairement par des membres adhérents - des entreprises - et des membres participants - salariés de ces entreprises (articles L.931-1 et L.931-3 du code de la sécurité sociale).

Elles sont constituées sur la base d'une convention collective, d'un accord d'entreprise ou d'un accord entre des membres adhérents et des membres participants. Elles gèrent le plus souvent des contrats de groupe, souscrits par des entreprises au profit de leurs salariés. Selon ce qui est prévu dans le règlement de l'institution ou le contrat d'adhésion, l'affiliation des salariés à l'institution peut être libre ou obligatoire. Il existe aussi des possibilités d'adhésion individuelle de salariés pour la couverture des mêmes risques que ceux qui sont couverts dans le cadre des opérations collectives.

Pour pouvoir exercer leur activité, les institutions de prévoyance doivent avoir obtenu un agrément délivré par le ministre chargé de la sécurité sociale. Cet agrément est subordonné notamment à la constitution préalable d'un fonds d'établissement d'un montant minimal, selon les activités pratiquées, de 2,5 millions de francs (principalement assurance vie et capitalisation) ou de 1,5 million de francs (maladie, accident, chômage). Depuis que les directives européennes ont été transposées en ce qui les concerne, les institutions de prévoyance sont soumises, comme les entreprises relevant du code des assurances, au principe de spécialisation.