6- MME DOMINIQUE THOUVENIN, PROFESSEUR DE DROIT PRIVÉ À L'UNIVERSITÉ PARIS VII

Si l'étude de l'Office parlementaire doit être essentiellement centrée sur la loi n° 94-654, seule explicitement soumise à révision quinquennale, il faut néanmoins relier les trois textes qui constituent le corpus juridique de la bioéthique et couvrent trois champs très différenciés :

o l'intérêt de la personne (modification du Code civil par la loi n° 94-653),

o les pratiques médicales (modification du Code de la santé publique par la loi n° 94-654),

o la recherche et l'épidémiologie (modification de la loi informatique et libertés par la loi n° 94-548).

Les travaux préparatoires explicitent le principal enjeu : encadrer les nouvelles pratiques médicales consistant à intervenir sur un corps humain en vue d'un objectif thérapeutique qui lui est étranger. L'activité thérapeutique peut être définie comme la prise en charge d'un individu par un médecin : le receveur d'organe entre bien dans ce champ traditionnel mais non le donneur qui est utilisé dans l'intérêt thérapeutique d'autrui. La même personne, hospitalisée à la suite d'un accident, peut d'ailleurs être placée successivement dans ces deux situations.

La loi a créé implicitement des intérêts contradictoires mais il n'existe dans les hôpitaux aucun système de représentation de ces différents intérêts permettant de distinguer clairement, au moment de l'hospitalisation :

o la finalité thérapeutique pour la personne,

o la finalité thérapeutique pour autrui,

o la finalité scientifique.

L'article 16-3 du Code civil ne fait pas ressortir l'intérêt thérapeutique pour autrui. L'article 672-4 du Code de la santé publique n'est pas plus explicite. Quant à l'article 672-1 relatif aux déchets opératoires, il est totalement incompréhensible. Dans une matière qui a une forte valeur symbolique, on se trouve face à des règles juridiques qui n'organisent pas clairement le régime du consentement. Il en résulte, dans certains hôpitaux, des comportements attentistes qui conduisent à un blocage de l'activité de prélèvement.

Mme THOUVENIN juge inapproprié le recours à la notion de " don " qui, outre la gratuité, impliquerait que le donneur soit connu et exprime son consentement alors que celui-ci peut être présumé en l'état actuel de la loi.

La rédaction du 671-7 qui enjoint au médecin de " s'efforcer " de recueillir le témoignage de la famille n'a pas grande valeur juridique. En tout état de cause, il serait souhaitable que la recherche du consentement associe aux médecins des représentants des associations qui se consacrent à la défense des droits des patients. Il manque, dans le dispositif actuel, un médiateur chargé de représenter l'intérêt des donneurs.

S'agissant de l'élargissement éventuel du cercle des donneurs vivants, Mme THOUVENIN souligne qu'il ne faut pas confondre la parenté biologique et les solidarités fondées sur un lien affectif fort qui permet de garantir le caractère désintéressé du don. L'évolution des pratiques sociales devrait conduire à admettre les concubins au nombre des donneurs potentiels.

En ce qui concerne le statut de l'embryon, la question ne doit pas être posée en terme de personnalité car il n'est pas nécessaire d'être un sujet de droit pour bénéficier d'une protection juridique. Ainsi le Code pénal punit-il les mauvais traitements infligés aux animaux.

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