10- PROFESSEUR JEAN-PIERRE JOUET, RESPONSABLE DE L'UNITÉ MOELLE ET CELLULES DE L'EFG

La loi de 1994, dans sa partie relative aux greffes de moelle, est appliquée sans aucun détournement. On relève cependant des difficultés liées à la pratique et à l'évolution scientifique.

Si la majorité des greffes de cellules souches hématopoïétiques continue à se faire à partir de prélèvements de moelle osseuse, on assiste à un développement des greffes à partir de sang périphérique et de sang placentaire. Ce dernier présente l'avantage de créer moins de réactions immunitaires et l'inconvénient de fournir un faible nombre de cellules ; il n'est donc utilisable que pour de très jeunes receveurs.

La loi n'avait pas pris en considération ces nouveaux types de prélèvements qui peuvent donc être mis actuellement en oeuvre sans aucun consentement. Il serait souhaitable d'unifier le régime des cellules souches en les soumettant soit au régime des organes (avec certaines adaptations) soit à celui des cellules.

S'agissant du prélèvement sur mineur, il n'est actuellement possible que sur un frère ou une soeur du receveur. Cette disposition est trop restrictive, sachant qu'un cousin germain peut parfois être le seul donneur HLA identique pour un patient donné.

S'agissant du recueil du consentement, il faut maintenir la compétence du président du Tribunal de grande instance mais il est préférable que le mineur ne soit mis en relation qu'avec le membre du comité d'experts désigné en raison de sa compétence dans le domaine de la psychologie. Il conviendrait par ailleurs, afin d'éviter des déplacements pénibles, que le TGI et le comité d'experts territorialement compétents puissent être, au choix, ceux du lieu de prélèvement ou du lieu de résidence du donneur.

Le sang placentaire doit, préalablement à son utilisation, faire l'objet d'une conservation. Des banques sont en voie de constitution sous la double responsabilité de l'Agence française du sang et de l'Etablissement français des greffes.

11- AUDITIONS ORGANISÉES À LA MATERNITÉ RÉGIONALE DE NANCY, LE 17 SEPTEMBRE 1998

1. Dons d'organes, tissus et cellules

- Le docteur Francine JACOB souligne les effets très positifs que la loi a produits sur le public en renforçant l'encadrement et la sécurité des prélèvements. Les contraintes supplémentaires qui en résultent étaient sans doute nécessaires. Elles ont été parfois accentuées par les décrets d'application : ainsi, la signature concomitante du procès-verbal du constat de la mort et du certificat de décès ne permet plus au corps d'être transporté.

La prise en charge du retour du corps après transfert et décès sur le lieu de transplantation devrait être rendue obligatoire, même si elle est toujours effective en pratique.

La prise en compte de la balance bénéfice-risque pose des problèmes d'application, certains médecins n'acceptant pas d'accorder le prélèvement s'ils n'ont pas de certitude.

Lorsqu'à la suite d'un accident, les parents sont décédés en même temps que l'enfant, le prélèvement d'organes sur ce dernier ne peut être autorisé, par délégation, que par le juge de tutelle qui hésite à prendre cette responsabilité et intervient trop tard.

Le texte d'application relatif à la conservation des tissus n'est pas encore paru. Le CHU de Nancy finance une banque pour la conservation des os, des cornées et prochainement des vaisseaux.

La catégorie des donneurs vivants pourrait être élargie aux concubins et un suivi des donneurs devrait être organisé.

- Le professeur Danièle SOMMELET évoque le cas d'un mineur dont le cousin était HLA identique. Le prélèvement de moelle a dû être effectué en Suisse compte tenu des dispositions restrictives de la loi française. Ce type de situation se présente fréquemment dans les familles à forte consanguinité.

Il serait souhaitable que le pédiatre siégeant au comité d'experts soit spécialisé dans le domaine des greffes.

- Le professeur Jean-Pierre VILLEMOT critique les dispositions de l'article L 671-9 sur le consentement applicable aux autopsies. Le régime de ces prélèvements devrait être distinct de celui des organes destinés à une greffe.

Il serait utile d'instaurer pour les cornées, comme pour les autres types de tissus, des listes d'attente afin d'éviter que les établissements à but lucratif ne soient traités prioritairement. Dans ces mêmes établissements, l'utilisation publicitaire des résultats ne conduit-elle pas à sélectionner les receveurs en fonction des chances de succès plus qu'en considération des exigences thérapeutiques ?

- Le professeur Jacques HUBERT estime nécessaire un suivi des donneurs selon un protocole semblable à celui qui s'applique aux néphrectomisés " classiques ".

2. Assistance médicale à la procréation

- Le docteur Frédérique GUILLET-MAY considère que la recherche sur l'embryon est indispensable pour limiter les grossesses multiples et les réductions embryonnaires. Les modifications apportées à la loi doivent prendre en compte la souffrance des couples en attente d'enfant.

- Le docteur Frédérique BARBARINO formule plusieurs observations :

o Sur l'article L 152-2 : la notion de couple en âge de procréer permet les grossesses tardives avec don d'ovocyte ; le délai de deux ans est trop long pour la femme âgée et dont la stérilité est définitivement établie ; la preuve du statut marital contraint le praticien à sortir de son rôle purement médical.

o Sur l'article L 152-4 : en cas de décès d'un membre du couple, à quel moment doit intervenir la consultation du conjoint survivant sur l'accueil de l'embryon par un autre couple ?

o Sur l'article L 152-6 : la notion d'ultime indication impose le recours systématique à toutes les techniques de procréation assistée.

o Le don d'ovocytes est très fortement entravé par l'exigence de l'anonymat.

- Le professeur Hubert GERARD s'interroge sur les conditions dans lesquelles peut être pratiquée une autopsie des embryons qui ont arrêté leur développement ou qui, à l'évidence, ne le poursuivront pas. Il souligne le caractère scientifiquement flou de la distinction entre " bons " et " mauvais " embryons. Certains de ceux qui sont qualifiés de " mauvais " seraient susceptibles d'un développement alors que les " bons " embryons qui ont de meilleures chances d'implantation peuvent être porteurs d'anomalies non détectées. Les médecins se substituent, pour la fécondation et l'implantation, au processus naturel mais le laissent ensuite se dérouler sans s'être prémunis contre les risques d'anomalies. Ce n'est pas un comportement très responsable.

L'étude de l'embryon par autopsie devrait pouvoir être menée sur les embryons dont le développement a été arrêté, soit spontanément, soit par intervention médicale.

La loi ne donne pas de solutions :

o pour les études sur les gamètes,

o pour la destruction des embryons surnuméraires.

- Le docteur Alain MITON pose le problème du statut du foetus et déplore les retards qui affectent l'agrément des centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal.

Auditions du 23 septembre 1998

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