2. Le modèle d'analyse : typologies des accords de branche et d'entreprises

L'objectif de cette section est d'élaborer des catégories d'analyse des accords négociés dans le cadre de la loi Aubry, tant au niveau de l'entreprise qu'au niveau de la branche, afin d'accroître la connaissance de leurs effets potentiels sur l'emploi à partir de la façon les acteurs de la négociation se saisissent de la loi et de son dispositif d'aide.

Deux grandes logiques d'entrée des branches dans le dispositif de la loi Aubry, seront distinguées : des logiques "mécaniques" et des logiques "organiques". Chacune d'elles est ensuite subdivisée pour analyser les accords au niveau des entreprises, en distinguant quatre types de stratégies d'entreprises. Pour la logique mécanique, une distinction est faite entre une "stratégie comptable" et une "stratégie productiviste". Pour la logique organique, une distinction est faite entre une "stratégie coopérative" et une "stratégie mutualiste". Ces différents types correspondent à des modes d'entrée dans la loi qui révèlent des formes différenciées de recherche de compétitivité de la part des entreprises et de leurs acteurs. Ils déterminent en partie la viabilité et la dynamique de l'emploi de ces entreprises, à court, moyen ou plus long terme 87 ( * ) .

Ces différentes formes de recherche de compétitivité se repèrent à partir d'ensembles de représentations et de pratiques de gestion, d'organisation et de négociation, construits sur la base d'un socle de règles et de normes sociales au niveau du territoire national. Ces pratiques, représentations, règles et normes, par les effets qu'elles produisent sur la construction des compétences, sur le choix des technologies, sur les niveaux de coûts, sur la qualité des produits et des services ainsi que leur diversité, participent à la viabilité de l'entreprise et de ses emplois dans le temps. Il est donc important de les connaître, même partiellement, à la fois à partir de l'analyse du contenu des accords et des résultats d'enquêtes monographiques complémentaires.

De plus, bien que ces formes de recherche de compétitivité soient distinctes, on suppose qu'elles peuvent se transformer sur la base d'apprentissages collectifs, en particulier du point de vue de la négociation collective, de l'organisation du travail, de la gestion des rémunérations, des formations et des carrières.

La question essentielle qui est alors posée du point de vue de l'évaluation de l'efficacité de la loi en matière de création d'emplois, est celle de sa capacité à agir favorablement sur des processus d'apprentissages des acteurs du point de vue des modalités de gestion, d'organisation et de négociation, pour favoriser la viabilité de long terme des entreprises.

L'interprétation du contenu des accords en rapport avec l'expression de différents types de stratégies globales de compétitivité est donc une démarche incontournable lorsqu'on souhaite augmenter la prédictibilité en matière de création ou maintien d'emploi à moyen long terme dans l'économie, sur la base du choc introduit par une législation de type loi Aubry.

La croissance de l'emploi dans une entreprise dépend non seulement des modalités de construction de la compétitivité par les acteurs à l'intérieur de l'entreprise, mais aussi des capacités de construction de ressources pertinentes (humaines, financières, cognitives, informationnelles,...) dans un environnement sectoriel ou localisé et plus largement sur le territoire national. Il importe alors de s'intéresser aux formes d'accords et de recherche de compétitivité, capables d'intégrer cette dimension d'un point de vue stratégique.

Cette section propose un modèle d'analyse tenant compte de ces dimensions 88 ( * ) et une typologie des accords de branches et d'entreprises à l'aune de leur aptitude à maintenir l'emploi ou le rendre viable sur le long terme.

2.1. Les conditions de viabilité des emplois créés ou maintenus par les accords : modèle d'analyse

La réduction du temps de travail n'a pas d'effet mécanique sur la croissance de l'emploi ou sur son maintien à moyen-long terme. Ses effets vont dépendre de la manière dont l'entreprise construit sa stratégie de compétitivité dans un contexte de renouvellement des façons de produire. De ce point de vue, deux modalités de recherche de compétitivité qui se combinent dans l'entreprise peuvent être distinguées :

- Une compétitivité qui s'obtient par une rationalisation des coûts de production sur des produits et services dont les marchés sont bien repérés. Cette compétitivité résultera de gains de productivités globaux (travail, capital, énergie,...) qui peuvent eux-mêmes provenir des transformations de l'organisation, des techniques et des savoirs ou des compétences. Cette recherche d'avantages comparatifs en termes de coûts correspond à une phase d'exploitation de processus existants, combinés à une recherche d'amélioration de ces mêmes processus. Cependant cette amélioration peut induire une modification partielle de ce processus de production et de la qualité des produits et services proposés.

- Une compétitivité qui s'obtient par une transformation ou une création de produits, de services et de techniques ou encore par une internalisation de leur production lorsqu'ils sont déjà fabriqués ailleurs. Trois types de stratégies peuvent être repérés sur ce plan : une recherche d'avantages comparatifs en termes de différenciation à l'intérieur d'une gamme de produits et de services, une stratégie de diversification des gammes proposées et enfin, une stratégie de production de nouveauté radicale.

Pour résumer, les exigences productives les plus vives auxquelles sont confrontées les entreprises portent sur la capacité d'intégrer ou de concevoir de nouvelles technologies , la capacité à fabriquer des produits et des services combinés, différenciés, diversifiés ou innovants, selon des contraintes évolutives en termes de délais, de qualité, de coûts. Ces nouvelles exigences impliquent, par exemple, une interactivité ou du moins une attention au client ou aux utilisateurs, plus soutenues qu'auparavant, ainsi qu'un partenariat pour la construction de certaines ressources (par exemple en matière de R&D ou de formation professionnelle de branche). Il s'agit là d'autant d'objectifs qui, pour être menés à bien, supposent des réorganisations, en particuliers des relations internes et externes, et des investissements tant matériels qu'immatériels (Iribame 1989).

Compte tenu de ces évolutions en termes d'exigences de conception, de production et de valorisation des produits et services, on suppose, en s'appuyant sur certains travaux économiques, que la conciliation entre une compétitivité microéconomique et une dynamique positive de l'emploi, n'apparaît possible que sur les bases d'une capacité de l'entreprise à construire de nouveaux processus de production (Gaffard 1989), ce qui exige des capacités d'innovation en termes de techniques d'organisations ou conventions qui concernent l'entreprise mais la dépassent aussi notamment du point de vue de la création institutionnelle ou de normes sociales. En effet, les représentations et pratiques d'acteurs en termes de gestion, d'organisation et de négociation que l'on propose de prendre en considération pour analyser les effets sur l'emploi des accords négociés, dépendent eux-mêmes de la construction historique de normes sociales, de règles et conventions qui homogénéisent d'un certain point de vue l'ensemble des entreprises du territoire national, mais qui contribuent aussi à leur diversité. Cette diversité se traduit notamment dans des formes d'intégration dans des réseaux de nature économique, sociale ou politique, liées en particulier à des spécificités territoriales (en particulier nationales, régionales ou infra-régionales).

Ces capacités à construire la viabilité de la firme reposent sur la trajectoire passée des entreprises 89 ( * ) , mais dépendent aussi de l'évolution des ressources ou des contraintes (financières, humaines, cognitives, informationnelles, législatives,...) qu'elles sont susceptibles d'internaliser, d'externaliser (par exemple en termes de recrutement ou licenciement) ou de co-construire, avec des partenaires privés (partenariat de R&D par exemple) ou publics 90 ( * ) .

La notion de compétitivité créatrice d'emploi mobilisée selon ces hypothèses, correspond en fait à celle d'une compétitivité territoriale dont est supposée dépendre la performance micro-économique de l'entreprise selon sa capacité d'innovation, selon sa capacité de croissance en termes d'emploi ou en fonction d'une capacité à une mobilité professionnelle volontaire entre entreprises, des différents salariés. Elle correspond aussi à la capacité de création de PME ou Très Petites Entreprises (TPE) par des salariés sortant d'entreprises existantes ou du secteur public ou enfin de formations initiales du système éducatif.

Cet ensemble d'hypothèses conduit à évaluer l'impact possible en termes d'emploi à moyen-long terme de la loi sur la réduction du temps de travail en rapport avec les capacités diverses des entreprises ou des branches, à mobiliser les ressources humaines ou construire les compétences nécessaires à la transformation ou l'adaptation de leur processus de production.

C'est pourquoi, les dimensions d'analyse retenues pour caractériser des accords selon des formes de recherche de compétitivité ou de viabilité de l'entreprise sont exprimées d'un côté en termes de stratégies de relations internes et de l'autre en terme de relations externes. Ces différentes dimensions de l'analyse trouvent une expression sous certains aspects dans les accords négociés, soit sous forme d'éléments de préambule, soit sous forme d'article comprenant à la fois des indicateurs plus précis et des procédures de mise en oeuvre spécifiques. Par exemple dans l'accord-cadre de la Poste, une méthode de conduite du changement est proposée par les signataires dans une perspective d'élaboration des nouvelles organisations du travail par le biais d'accords locaux qui prolongent cet accord-cadre.

Les dimensions retenues pour l'analyse des relations internes sont les suivantes :

- La qualité de l'information, de la concertation et de la négociation collective ainsi que leurs objets supports (emplois, compétences, organisation du travail et du temps de travail, relations avec d'autres entreprises,...). Sur ce thème, est précisé ce que signifie la pratique du mandatement selon les entreprises dans le cadre de la loi Aubry.

- La trajectoire technico-organisationnelle de l'entreprise du point de vue de l'organisation du travail (développement d'une coopération horizontale entre différents services, gestion par objectifs, par projets, travail en équipes tournantes, rationalisation des temps de production), de l'intégration ou du développement de nouvelles technologies.

- Les pratiques et référentiels de gestion financière et surtout de gestion de l'emploi, des ressources humaines (en termes de rémunération et formation, et plus généralement en termes de dispositifs de contrôle ou d'incitation des salariés au travail ou à la coopération).

Du point de vue des relations externes et de la relation de l'entreprise à son environnement, les dimensions d'analyse portent essentiellement sur les modalités de relations avec les fournisseurs, partenaires (privés ou publics), clients (ou marchés potentiels) ou enfin avec les donneurs d'ordres. Dans le cadre de ce travail, ces dimensions ne seront que partiellement prises en compte, puisque ce n'est pas l'objet essentiel.

Il faut ajouter de plus que la construction d'un cadre analytique calé sur la notion de compétitivité territoriale conduit à évaluer la façon dont les divers acteurs intermédiaires traduisent la loi ou le dispositif d'aide auprès des entreprises aux différents niveaux territoriaux et s'en saisissent eux-mêmes pour agir dans le cadre de leurs missions. Ces acteurs collectifs sont aussi bien les fédérations syndicales d'employeurs et de salariés et leurs confédérations, que les acteurs publics tels que les services déconcentrés des différents ministères, et enfin des organismes consulaires, paritaires ou associatifs, etc.

Les principaux indicateurs analysés dans les contenus d'accords sont résumés l'encadré ci-dessous.

Principaux indicateurs retenus

pour l'analyse des accords d'entreprise et de branche

- Les modalités de l'annualisation, s'il y est une, (avec les conséquences sur le travail le week-end, les horaires atypiques, le nombre d'heure maximum effectué sur combien de semaines).

- Les autres formes de modulations horaires (avec la même question que ci- dessus).

Le traitement du paiement des heures supplémentaires et de leur quantité, (sont-elles rémunérées normalement à partir de l'annualisation ? sont-elles augmentées ?).

La création ou la transformation du travail en équipes tournantes.

La transformation de l'organisation du travail, de l'organisation et des contenus de la formation et de nouvelles filières de carrières (impliquant ou non un décloisonnement des services).

La transformation des tâches ou des postes, (du point de vue de la responsabilisation et l'autonomisation des salariés d'exécution, lorsque cela n'était pas le cas, ou des modalités d'expression au travail renouvelées notamment en terme de capacité d'action ou d'expression sur les processus productifs).

Les formes de modération salariale ou de compensation sur la base des 39 heures (en particulier existe-t-il des accords qui réduisent les salaires et si tel est le cas comment sont traités les salariés au SMIC et les salariés à temps partiel ?), les modalités de calcul du temps de travail (compte-t-on les pauses, les temps d'habillage, les trajets ?)

Les modalités de calcul de la rémunération globale (salaire de base avec suppression des primes ou maintien des diverses primes avec modification des conditions d'attribution ou non).

L'aspect aidé ou non des accords.

La qualité des emplois créés ou transformés (CDD, CDI, contrats d'apprentissage en alternance....).

La façon d'organiser le travail des cadres et les modalités de compensation (en particulier s'agit-il de forfaits pour 35 heures de travail ou de récupérations en terme de jours de congés supplémentaires ?).

L'aspect offensif ou défensif de l'accord, même si cette information n'est pas suffisante pour prédire la viabilité de l'entreprise à moyen terme.

C'est sur la base ce modèle d'analyse et d'une démarche de recueil d'information, qu'une typologie des modalités d'entrées des branches ou des entreprises dans la loi Aubry sera proposée dans la section suivante, pour analyser les effets potentiels sur l'emploi des accords signés.

2.2. Les logiques des négociations de branche sur la RTT

Les accords de branche sur les 35 heures et l'application du dispositif Aubry s'inscrivent dans des logiques relativement différentes. Ainsi, pour caractériser ces négociations branches sur la RTT, la grille d'analyse est celle proposée par J.J Silvestrc (1986) et M. Gadille (1998) pour rendre compte des modalités d'ajustement des politiques de gestion de main d'oeuvre et d'organisation du travail des entreprises :

- Une logique "mécanique", où l'adaptation aux nouvelles contraintes productives s'est effectuée par la recherche de réduction des coûts salariaux, qui s'est traduit par une augmentation de la productivité du travail et l'utilisation accrue de contrats d'emplois précaires . Dans cette logique, la politique publique permet à la norme d'emploi et salariale précédente de se renforcer par l'utilisation massive de dispositifs de préretraite progressive ou de contrats aidés pour certaines catégories d'emplois (temps partiels), sans favoriser une reconstruction collective de compromis sociaux sur l'emploi et le travail.

Dans ce cadre, le dispositif Aubry est vécu comme une contrainte supplémentaire pour les acteurs de la négociation sociale et comme un coût pour les entreprises, qu'il s'agit de réduire notamment par le renforcement des gains de productivité. En ce sens, les négociations de branche sur la réduction du temps de travail sont menées pour renforcer une flexibilité du temps de travail de nature défensive, telle que définie par Robert Boyer (1986), notamment par l'augmentation du contingent annuel des heures supplémentaires et l'annualisation des horaires de travail. La question de l'effet de la RTT sur l'emploi est substituée par celle de l'augmentation de la productivité du travail.

- Une logique "organique ", où la transformation des systèmes de mobilité s'est mise en oeuvre par de nouvelles formes de gestion des ressources humaines mieux adaptées aux nouvelles contraintes productives. Dans ce cadre, l'action publique met en oeuvre des dispositifs qui visent une transformation plus structurelle des espaces de qualification et une organisation du travail plus qualifiante au sein des entreprises et des branches.

Dans cette perspective, la loi Aubry est mobilisée comme un dispositif ressource, que les acteurs sociaux s'approprient par le jeu de la négociation. Les accords de branche sont engagés pour développer des compromis équilibrés entre réduction et aménagement du temps de travail, et envisager plus généralement la question des durées du travail et de l'organisation des temps de travail dans la branche pour les différentes catégories de salariés (cadres, temps partiel). La transformation des normes d'emploi et de la structure de qualification est également abordée à travers la mise en oeuvre de la RTT.

La mise en perspective d'une logique défensive et offensive ne correspond pas à la distinction telle que définit dans la loi, qui ne s'applique en l'occurrence qu'aux accords d'entreprises. Elle est utilisée dans un sens plus large.

Tableau 35 - Logiques d'accords de branche

Accords de branche

Industries

Services

Logique "mécanique",

Métallurgie ; BTP :

Industries chimiques : Industries de la viande ; Industries charcutières

Services de l'automobile Banque ; Grande distribution

Logique "organique"

Industrie textile : Industrie de l'habillement ; Industries du sucre : Industries du secteur de coopératives agricoles ;

Experts comptables : Entreprises de propreté ; Artisanat du bâtiment

À l'intérieur de cette grille d'analyse, des groupes de branches peuvent être repérés, dont la philosophie et le contenu de l'accord sont très proches.

Dans une logique mécanique , trois pôles de négociations de branche sur la RTT peuvent être mis en perspective :

- Les branches de la métallurgie et du BTP , qui négocient une forte flexibilité du temps de travail, avec une augmentation du contingent d'heures supplémentaires à 180 h., une annualisation des horaires de travail autour d'une durée de 1645 heures/an, et des durées hebdomadaires du travail pouvant varier jusqu'au seuil maximal de 48 h. Ces accords contournent la philosophie initiale de la loi sur la réduction légale de la durée du travail, en développant de fortes flexibilités du travail qui augmentent les possibilités de gains de productivité des entreprises et limitent ainsi la possibilité d'un impact de la RTT sur la création d'emplois. Ces branches se situent dans une logique conflictuelle de négociation sociale, d'affrontement entre un patronat des grandes entreprises industrielles et le syndicat ouvrier alors majoritaire la CGT, logique traditionnellement présente en France dans les années 1950-80, tel que le "modèle industriel de la métallurgie" le met en perspective (cf. Encadré). L'objectif des accords est moins de représenter un modèle professionnel, que d'organiser à minima les différentes possibilités d'organisations du temps de travail des entreprises.

- Les branches des industries chimiques, des industries des produits du sol et du secteur des IAA -industries de la viande, industries charcutières, industries de la conserve , dont les élément de flexibilité sont importants : annualisation des horaires de travail, RTT comptabilisée autour d'une durée annuelle du travail, réduction du temps de repos quotidien, abandon des congés de fractionnement et d'ancienneté. Cependant, ces accords apportent malgré tout certains garde-fous : maintien du contingent des heures supplémentaires en deçà de la limite légale à 130 h., limitation des durées du travail du dimanche, création d'une indemnité différentielle pour compenser la RTT, engagement de recrutement des jeunes de moins de 26 ans. Les différentes dispositions négociées restent relativement larges, et comme pour la métallurgie ou le BTP, l'accord de branche ne fait pas réellement norme dans la gestion du temps de travail des entreprises. Ces branches se caractérisent à la fois comme des industries de process en amont (production en continue) et des industries de conditionnement (travail en équipes), avec une part importante de la main d'oeuvre féminine. Les marges de manoeuvre de ces branches en termes de gains de productivité sont donc assez faibles.

- Les branches des services automobiles, de la banque et de la grande distribution, caractérisées par des activités de services soumis aux fluctuations de fréquentation de la clientèle, où la négociation du dispositif de réduction de la durée du travail constitue un support non négligeable à la volonté des fédérations patronales de transformation et de régulation de l'organisation des temps travaillés des entreprises de ces branches. En effet, les accords de branche signés abordent de nombreux aspects de mise en oeuvre de la RTT : propositions de différentes possibilités de RTT (hebdomadaire, sous forme de repos supplémentaires, par l'annualisation des horaires), articulation du temps de travail et du temps de formation, organisation du travail pour les salariés à temps partiel ou pour la catégorie des vendeurs. Ils constituent en ce sens une forme de régulation de branche des pratiques de temps de travail des entreprises. Toutefois, l'ampleur de la flexibilité du temps de travail reste importante (annualisation, référence annuelle pour la RTT à 35 heures).

Dans une logique organique, on repère plus spécifiquement trois groupes de négociations de branche :

- Les branches de l'industrie textile, de l'habillement et de la chaussure, qui s'impliquent largement dans le dispositif des 35 heures, dans une optique de la négociation relativement offensive. D'une part, les accords signés incitent très directement les entreprises dans la mise en oeuvre et la négociation d'une réduction effective de la durée du travail D'autre part, les modalités de passage aux 35 heures prévoient des contreparties sociales importantes : modulation et non-annualisation des horaires de travail, avec un seuil horaire maxima assez limité, paiement des heures supplémentaires dès la 36e heure, précision du nombre de jours de repos pour l'encadrement assurant une RTT effective. L'ensemble de ces clauses forme un modèle professionnel de gestion des horaires de travail. Ces branches se caractérisent par une main d'oeuvre fortement féminine, relativement peu qualifiée et une situation de restructuration de l'emploi. En ce sens, la loi Aubry représente donc une opportunité pour poursuivre un travail de réflexion mené par les organisations professionnelles sur la question de l'emploi et du temps de travail.

Les branches de l'industrie du sucre et du secteur des coopératives agricoles (6 accords), qui s'inscrivent assez dans la philosophie initiale de la loi Aubry, en prévoyant une mise en oeuvre de la réduction de la durée légale du travail à 35 heures, sans prévoir une augmentation des heures supplémentaires. En ce sens, l'accord de branche de l'industrie du sucre a été cité comme exemple par Martine Aubry et a été étendu sans aucune réserve par le ministère du Travail. Les autres accords signés dans le secteur des coopératives agricoles prévoient une annualisation du temps de travail, mais qui se situent dans la continuité d'accords de RTT signés dans le cadre de la loi Robien 91 ( * ) . Dans ces branches composées d'entreprises assez hétérogènes, la loi Aubry semble permettre d'aborder par le biais de la négociation sociale des problèmes d'emploi et de transformation des qualifications assez importants.

- Les branches de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment, des entreprises de propreté et des experts comptables, qui opèrent une application relativement directe et immédiate de la RTT à 35 heures. En effet, ces branches sont composées en grande partie par des PME. Les acteurs sociaux de la branche mobilisent cette mesure législative pour organiser et réguler les pratiques hétérogènes de temps de travail des entreprises, le plus souvent non dotées de représentants syndicaux. Ainsi, l'objectif des fédérations patronales est que l'accord de branche fasse norme ou modèle la gestion du temps de travail des entreprises.

Les logiques de la négociation de branche

I Logique "mécanique"

Métallurgie (1,7 millions de salariés)


• Accord non signé par la CFDT cl la CGT


• RTT sous forme de congés supplémentaires, distribué à 25 % sur des jours individuels et pouvant être cumulé sur un compte-épargne-temps


Annualisation des horaires de travail autour d'une durée annuelle du travail de 1645 h./an, avec un seuil fixé a 48 h. et l'attribution d'une sixième semaine de congés payés


• Contingent des heures supplémentaires porté à 180 h. et 150 h. dans le cas d'une annualisation des horaires de travail


• RTT avec maintien des salaires à 39 h.

ï Définition de trois types de forfait : forfait à la mission sans référence horaire pour les cadres et non cadres ; forfait avec référence à l'horaire annualisé à 1 610 h. ; forfait assis sur un horaire mensuel, pour les salariés autonomes, ne pouvant estimer un temps de travail

ï Exclusion des temps de formation du temps de travail effectif

ï Extension du dispositif de l'Arpe (cessation d'activité contre embauche)

BTP (1,1 millions de salariés)

ï Accord non signé par la CGT et la CFDT

ï Annualisation des horaires de travail autour d'une durée annuelle de 1645 h./an, avec un seuil fixé à 46 h. et l'attribution d'une sixième semaine de congés payés


• Contingent des heures supplémentaires porté à 180 h. et 45 h. dans le cas d'une annualisation des horaires de travail


• RTT avec maintien des salaires à 39 h.


• Définition de deux types de forfait : un forfait sans référence horaire pour les salarié assurant des fonctions de management élargie, un forfait avec référence horaire, avec 14 à 16 jours de repos supplémentaires


• Extension du dispositif de l'Arpe (cessation d'activité contre embauche)

Industries chimiques (230 000 salariés)


• Accord non signé par la CGT, FO, CFTC et CGC


• Durée annuelle du travail fixée à 1645 h./an


• Annualisation des horaires de travail avec un seuil maximal de 48 h. et 42 h. en moyenne sur 12 semaines et l'octroi d'une semaine de RTT (1610 h./an)


• Contingent des heures supplémentaires maintenu à 130 h., majoré de 20 h. sur deux ans, et limité à 90 h. en cas de modulation


• Définition plus stricte de la prise en compte des temps de pauses de salariés postés dans le temps de travail effectif, comme ceux où le salarié ne peut s éloigner de son poste


• Réduction de la durée du repos quotidien à 9 heures en cas de travail posté


• Deux régimes de forfait définis pour l'encadrement : un forfait sans référence horaire réservé aux cadres ayant un pouvoir de décision, avec une majoration de 10 % du salaire conventionnel

Industries des produits du sol (15 000 salariés)


• RTT portée à 35 h.


• Annualisation des horaires de travail


• Maintien des heures supplémentaires à 130 h. et 158 h. en période de pointe


• Compensation salariale graduelle : 35 h. payées 39, 38 ou 37h30

. Redéfinition du "temps de travail effectif", qui exclu les temps de douche, de casse-croûte, et des temps d'attente pour les chauffeurs

. Négociation sans délégués syndicaux

. Encadrement : RTT par l'octroi de 10 jours de congés supplémentaires

Industries de la viande (65 000 salariés)

. Accord non signé par la CGT et la CGC

. Annualisation des horaires de travail sur la base de 35 h., avec une fourchette entre 21 h. et 45 h.

. Maintien des heures supplémentaires à 100 h.

. Travail du dimanche ne pouvant excédé 5 h. et avec une majoration de 100 %

. RTT avec maintien des salaires par la création d'une indemnité différentielle bénéficiant aux nouveaux embauchés

. Abandon des congés de fractionnement et d'ancienneté

. Encadrement : RTT par l'octroi de 10 jours/an

. Négociation sans délégués syndicaux

Services automobiles (400 000 salariés)

. Accord non signé par la CFDT

. Trois modalités de RTT : un horaire hebdomadaire de 35 h. ; un horaire de 37 h. ou 39 h, avec l'octroi de jours de congés supplémentaires, de 12 à 24 jours ; une annualisation des horaires de travail, avec un seuil de 46 h. et 44 h. en moyenne

. Contingent des heures supplémentaires porté à 182 h. pour les entreprises bénéficiant du dispositif d'aide publique de la loi Aubry (applicable à partir de la nouvelle durée légale) et de 130 h., pour celles ne bénéficiant pas des aides de l'Etat

. RTT avec maintien des salaires

. Deux types de forfait pour les cadres : un forfait annuel et un forfait mensuel avec des obligations sur le décompte des heures de travail

. Dispositions précises pour le temps de travail des vendeurs, en limitant le nombre de dimanche travaillés à cinq/an.

. Modification du régime des primes de formation-qualification

Banque (200 000 salariés)

. Accord non signé par la CGT, FO, CFDT et CFTC

. Détermination d'une durée annuelle du travail à 1610 h.

. Annualisation des horaires de travail

. RTT sous forme de jours de repos : au niveau de la branche, 17 jours de repos dont 9 jours à la disposition des salariés et 8 jours ouvrés ; au niveau de l'entreprise : 12 jours de repos

. Contingent des heures supplémentaires fixé à 120 h., pouvant être majoré de 70 h. sur les deux prochaines années, puis ramené à 110 h.

. Définition de trois groupes d'emploi pour le travail au forfait de l'encadrement : cadres supérieurs avec un forfait sans référence horaire ; cadres de direction et cadres des activités de banque de marché ou d'investissement, avec une RTT de 3 jours de repos supplémentaires, cumulables sur un CET

. Dispositif de préretraite progressive, concernant de 15 000 à 20 000 salariés

Grande distribution (600 000 salariés)

. Accord non signé par la CFDT

. Annualisation du temps de travail avec une nouvelle référence conventionnelle horaire à 1603 h., avec la prise en compte des 7 jours fériés chômés et des congés payés

. RTT sous forme de jours de repos, dont 30 % réservé au choix individuel du salarié

. Annualisation des horaires de travail avec un seuil de 42 h. sur 12 semaines

. Contingent des heures supplémentaires limité à 90 h., et 130 h. si accord d'entreprise

. RTT avec maintien des salaires, accompagné par un mécanisme d'indemnité compensatrice sur trois ans


• Heures de formation non intégrées dans le contingent des heures supplémentaires et dispositif de co-investissement de formation


• Trois types de forfait pour l'encadrement : un forfait tous horaires, un forfait fixé en nombre de jours travaillés annuellement (215) et un forfait classique se référent à un horaire hebdomadaire précis.

. Dispositif du compte-épargne-temps assoupli

. Temps partiel : dans le cas dune modulation horaire hebdomadaire, garantie d emploi fixé à 26 h. au lieu de 22 h.


• Augmentation du temps de coupure dans la journée fixé à 4 h. au lieu des 2 h. légales.

II Logique « organique »

Industrie textile (143 000 salariés)

. Accord signé par toutes les fédérations syndicales, après modification des propositions patronales

. Incitation des entreprises à la mise en oeuvre d'une réduction effective du temps de travail


• Maintien de la modulation de type II, signé par l'accord de 1993, avec un seuil limité à 44 h.


• Augmentation des heures supplémentaires de 90 h. à 130 h. et 175 h. si l'accord d'entreprise, après une revue à la baisse de l'organisation patronale de 2000 h. A 130 h.


• Paiement des heures supplémentaires dès la 36e h., avec une majoration minimale de 25 % à partir d'un contingent annuel de 90 h.


• RTT avec maintien du pouvoir d'achat


• Encadrement : RTT sous forme de jours à partir des 35 h. légale, avec une possibilité de les cumuler sur un compte-épargne-temps. Système de forfait tous horaires, sans référence horaire précise, pour les cadres commerciaux.

Industrie de l'habillement (130 000 salariés)


• Accord non signé par la CFDT, la CFTC et la CGT


• Trois modalités de RTT : RTT hebdomadaire, une RTT par l'octroi de jours de congés, dont 30 % à la disposition du salarié, et une RTT par modulation


• Modulation des horaires, avec un seuil de 46 h. et 44 h. en moyenne


• Augmentation des heures supplémentaires à 130 h. hors modulation, et à 175 h. si accord d'entreprise
• Paiement des heures supplémentaires dès la 36e h., avec une majoration minimale de 25 % à partir d'un contingent annuel de 90 h.


• Deux types de forfait pour l'encadrement : un forfait avec référence horaire, avec l'octroi de jours de repos, de l'ordre de 8 jours pour une durée hebdomadaire de 39 h. : un forfait sans référence horaire pour les cadres supérieurs et dirigeants.

Industrie de la chaussure


• Accord non signé par FO


• Incitation des entreprises à négocier sur le dispositif d'aide publique Aubry.


• RTT par l'octroi de jours de congés, de 22 jours, dont 30 % à la disposition du salarié,


• Modulation des horaires autour de 35 h. avec un seuil de 42h.


• Augmentation des heures supplémentaires à 130 h. hors modulation, et à 175 h. si accord d'entreprise


• Paiement des heures supplémentaires dès la 36e h., avec une majoration minimale de 25 % à partir d'un contingent annuel de 90 h


• RTT avec maintien du pouvoir d'achat


• Modalités de la RTT pour les salariés à temps partiel


• Deux types de forfait pour l'encadrement : un forfait avec référence horaire, et un forfait sans référence horaire pour les cadres supérieurs et dirigeants, avec l'octroi de jours de repos de l'ordre de 8 jours pour une durée hebdo de 39 h.

Industrie du sucre (8 000 salariés)


• Accord non signé par la CGT et FO

. Application immédiate des modalités de RTT, avec un passage à 35 h. dès le 01 juin 1999 pour les salariés postés, et à 37 h. en juin 1999 et 35 h. au 01.01.2000, pour les salariés non-postés

. Fixation d'une durée annuelle du travail à 1586 h.

. RTT avec maintien des salaires, accompagnée par un mécanisme d'indemnité compensatrice

. Encadrement : RTT de 2 h. en moyenne par semaine au 01 juin 1999 et de 4 h. en moyenne/sem. au 01.01.2000. RTT cumulée sur un compte-épargne-temps et co-investissement formation.

Artisanat et petites entreprises du bâtiment (450 000 salariés)

. Accord d'accès direct pour les entreprises de moins de 20 salariés

. Application immédiate des 35 h. avant la 2ed loi

. RTT à 35 h/sem, sur 4 ou 5 jours, avec une possibilité d'appliquer un horaire de 39 h. puis de 31 h. sur deux semaines consécutives, ou à 36 h/sem, avec 6 jours de repos supplémentaires

. Deux types de modulation des horaires de travail : modulation de type III sur 6 mois, autour de 35 h. et avec un seuil de 42 h. : modulation avec un horaire de 39 h./sem et l'octroi de jours de congés supplémentaires de 24 jours dont certains restent à la discrétion de l'employeur

. Maintien des heures supplémentaires à 145 h.

. RTT pour les salariés à temps partiel, de l'ordre de 10.26 %

. Instauration d'un compte-épargne-temps

. RTT avec maintien des salaires

Entreprises de propreté (286 000 salariés)

. Accord non signé par la CGT. après avoir reconnu les avancées importantes de la fédération patronale

. Application de la RTT dès le 01.07.99, avec une durée conventionnelle du travail à 35 h.

. Modulation des horaires de travail autour de 35 h. avec un seuil de 00 à 44 h.

. Augmentation du contingent annuel des heures supplémentaires de 130 h. à 190 h.

. RTT pour les salariés à temps partiel, avec une revalorisation de leur salaire sur trois ans de 11 %, pour s'aligner sur le personnel à temps plein

. Encadrement : RTT par l'octroi de jours de congés, de l'ordre de 2 jours/mois

Experts comptables (120 000 salariés)

. Accord non signé par la CGT-FO

. Application immédiate de la RTT avec une durée conventionnelle du travail ramenée à 35 h

. RTT par l'octroi de jours de repos supplémentaires, de 22 jours si maintien d'une durée hebdomadaire de 39 h.

. Modulation des horaires de travail autour de 35 h., avec un seuil de 48 h. et 44 h.

. Contingent des heures supplémentaires limité à 90 h. ; Majoration de 10 % des heures effectuées entre 35 h. et 39 h., et majoration légale au-delà de 39 h. ;

. Deux types de calcul du "temps de travail effectif" : un temps budgété de 1596 h./an pour le personnel itinérant non autonome et un volume d'activité annuel pour le personnel autonome

. Accès direct de la RTT pour les entreprises de moins de 50 salariés, avec trois possibilités de RTT : 35 h./sem, attribution de 22 jours de repos supplémentaires ; modulation autour de 35 heures.

La caractérisation des négociations de branche sur la RTT selon une logique organique ou mécanique nécessite d'être mise en relation avec ce que l'entreprise négocie et met en oeuvre au niveau décentralisé. Il s'agit d'interroger sur le mode d'articulation entre le niveau de la branche et le niveau avec les entreprises dans la négociation sur les 35 heures, sachant que traditionnellement cette relation entre les différents niveaux de négociation n'a jamais été de nature homogène en France.

Ainsi, dans la dynamique contractuelle sur la RTT, on peut envisager deux options : soit les accords d'entreprises se concentrent dans la même logique que celle définie pour les accords de branche, soit les accords d'entreprises se situent dans une logique très différente de celle repérée pour la branche.

2.3. Typologie des accords d'entreprises

La typologie classe les accords selon leur mode de recherche de compétitivité et leurs effets potentiels sur la viabilité des emplois crées ou maintenus

La seule définition institutionnelle des accords offensifs et défensifs ne suffit pas à déterminer le sens et la logique du projet de RTT, inscrit dans la cohérence d'ensemble de l'entreprise par rapport à un projet stratégique et à une implication dans une pratique du dialogue social. Aussi, la typologie proposée "croise" les critères institutionnels défensif/offensif avec différents types de stratégie de compétitivité dont les accords sont une expression partielle. Ces différentes stratégies étaient au nombre de quatre :

- Une stratégie comptable : le mode d'entrée est essentiellement lié à une volonté de réduire le poids des coûts salariaux (qu'il s'agisse d'accords offensifs ou défensifs),

- Une stratégie productiviste : l'objectif est de contourner le plus efficacement possible le principe initial de la loi pour assurer la possibilité d'aménagement du temps de travail à même de garantir la recherche intensive de gains de productivité du travail et du capital (les accords sont ici de nature plutôt défensive),

- Une stratégie coopérative : la direction de l'entreprise cherche par la concertation un compromis équitable entre les différents partenaires sociaux ; parmi les termes de l'accord, sont en jeux l'aménagement du temps de travail, la création d'emplois non précaires et l'amélioration des conditions de vie des salariés en termes de recherche de compatibilité des temps sociaux (temps de travail pour l'entreprise, temps d'activités domestiques, temps de formation, congés familiaux..),

- Une stratégie mutualiste : Elle consiste à inscrire la réduction du temps de travail dans une reconfiguration de l'organisation interne du travail, des modalités de gestion et de construction des compétences, sur la base d'une mise en relation étroite avec son environnement (en terme d'espace territorialisé et de réseaux de partenaires) dans lequel elle puise, et à la transformation duquel elle participe. Cette stratégie globale vise à acquérir une autonomie en termes de capacité d'innovation du point de vue technologique, financier et en termes de services et de produits.

Tableau 36 - Accords d'entreprise et type de recherche de compétitivité

Accords offensifs

Accords défensifs

Accords non aidés

Stratégie comptable

PME de la Paca

Tannerie R.

Stratégie productiviste

FBFC, Chausseur CJ

PSA

Stratégie coopérative

Sans Frontières.

Entremont

La Poste F.DF-GDF 92 ( * )

Stratégie mutualiste

Les Chantiers de l'Atlantique, Cablerie

St Antoine

Carrefour

Les effets potentiels de la RTT sur l'emploi, à moyen long terme, dépendent des hypothèses faites sur le nombre d'entreprises inscrites dans l'une ou l'autre de ces différents types et des capacités dont elles se doteront pour se déplacer d'une catégorie vers l'autre.

2.3.1. La stratégie comptable

Les modalités d'entrée dans le dispositif des 35 heures décrites ici ne concernent que des accords d'entreprise. Elles correspondent à une stratégie de petites entreprises (principalement entre 20 et 50 salariés) que l'on peut répartir en deux groupes : un groupe de PME indépendantes traditionnelles 93 ( * ) (hôtellerie, restauration, métallurgie) et un groupe d'entreprises entrepreneuriales 94 ( * ) créées dans les nouvelles activités de services (par exemple issus de nouveaux services aux entreprises, aux particuliers ou de l'exercice de professions libérales : cabinets médicaux, de comptables,..) ou modernisées à la suite de succession ou de reprises (agroalimentaire). Deux types de raisonnement qui peuvent se combiner, conduisent ces PME ou ces Très Petites Entreprises à demander l'aide publique pour la réduction du temps de travail. Soit, elles perçoivent l'opportunité de l'aide dans une perspective de croissance importante de l'activité, soit, elles anticipent (effet cliquet) sur le choc d'une loi qui s'appliquera de toute façon, et dont il vaut mieux profiter en termes d'aides dans la phase préparatoire.

Pour les PME traditionnelles, les informations qui remontent des enquêtes de terrain montrent qu'il existe une liaison importante entre une mauvaise connaissance de la loi et le fait que ces entreprises ne manifestent pas de stratégies construites de recherche de viabilité à moyen-long terme en termes de transformation des exigences productives. Cela signifie que les responsables d'entreprises de ce type ne manifestent pas l'intention de s'engager dans des projets liés à des transformations de modalités de gestion, d'organisation du travail ou de leurs relations sociales. Les préoccupations de viabilité de l'entreprise exprimées par ces responsables restent principalement centrées autour de la contrainte très forte du poids des « charges patronales ».

Ces entreprises se trouvent souvent sur des segments d'activité qui peuvent être en croissance ou stabilisés (services aux entreprises et aux particuliers), mais qui peuvent être également menacés par une exigence de délocalisation de la part des donneurs d'ordres (la Tunisie, La Réunion, pour certains segments d'activité dans l'aérospatiale par exemple). Le dispositif d'aide publique qui précède la généralisation de la loi représente pour elles une opportunité leur permettant de modérer à la fois le coût salarial et l'impact du passage obligé à la loi dans un avenir proche. Leur réaction consiste à entrer dans le dispositif, essentiellement du point de vue de la réduction des « charges », permise dans une perspective de gestion des effectifs qui reste quantitative (embauches ou réduction). Cette forme de gestion quantitative des emplois prime sur (voire exclut) la réflexion sur les transformations de l'organisation du temps de travail et encore plus sur l'organisation du travail et des compétences.

De plus, ces PME se caractérisent en majorité par l'absence de représentants syndicaux et d'une pratique de négociation régulière, sur le temps de travail ou d'autres thèmes. La direction est le plus souvent à l'initiative des négociations, invitant fortement un des salariés à prendre en charge le dossier, par la procédure de mandatement. Ainsi, les entreprises ont une très faible connaissance des mécanismes d'aide publique de la loi Aubry, vécue comme un dispositif supplémentaire et complexe à mettre en oeuvre.

Pour illustrer cette logique, peut être cité le cas d'une entreprise qui recrute une personne non pas pour réfléchir à la négociation de la RTT et à la réorganisation du temps de travail, mais pour calculer précisément le coût de la mesure. Elle envisage alors, avec l'aide des contrôleurs de gestion, les façons de réduire ce coût par un calcul des différents temps de travail productifs ou non productifs (temps de pauses, de douche, de casse-croûte, passage des consignes.).

Néanmoins les entreprises de type PME traditionnelles, possèdent des bases de compétences et des savoir-faire artisanaux que des salariés peu qualifiés ont appris sur le tas. Ces savoir-faire se sont transmis et améliorés de génération en génération. En cela, elles restent des ressources importantes pour des marchés de proximité, des co-traitants, ou des donneurs d'ordre, même si ceux-ci manifestent des pressions croissantes en termes de coût des produits, de qualité et fiabilité sur les délais. Certaines d'entre elles sont sur certains aspects en dehors du cadre légal du droit du travail avec ou non l'assentiment des salariés (législation sur les heures supplémentaires, sur l'utilisation intensive de CDD, sur le licenciement). Les compétences du management restent très imprégnées du mode de gestion paternaliste. Cette gestion est caractérisée par une faible capacité à s'intégrer dans des réseaux d'échanges d'informations et de connaissances de nature industrielle pour favoriser l'adaptation de leurs entreprises à l'évolution des contraintes productives. Cependant la forme artisanale de l'entreprise, qui repose sur une faiblesse de la codification de l'organisation et de la hiérarchie intermédiaire, peut procurer des marges d autonomie dans les tâches d'exécution qui favorisent des adaptations progressives du processus de production. Cette capacité d'adaptation est d'autant plus importante que les salariés sont en contact avec des clients ou des fournisseurs. Néanmoins, une partie des responsables de ces entreprises, éprouve des difficultés croissantes à gérer un changement qu'ils perçoivent comme s'accélérant et qu'ils subissent plus qu'ils ne précédent.

Les indicateurs d'analyse des accords sont principalement les suivants 95 ( * ) :

- Lorsqu'il y a compensation salariale la révision du système de prime permet de rattraper cette compensation salariale.

- Les accords sont de nature offensive, ce qui correspond à une double logique d'effet d'aubaine et d'effet cliquet de la loi, le second étant plus important que le premier.

- Les heures supplémentaires ou le temps partiel restent importants.

- Il n'y a pas d'annualisation, mais de nombreux type d'horaires inscrits dans le cadre d'une modulation.

- Il n'y a pas de réelle concertation avec les salariés, c'est la direction qui impose sa démarche et demande à un salarié de se faire mandater.

Les accords, majoritairement de nature offensive, ne sont pas liés à une réflexion sur l'amélioration de l'efficacité productive dans le cadre d'une augmentation des parts de marché. Sur de telles bases, la viabilité des emplois recrutés dépend à moyen terme d'une stabilité des marchés associée à de faibles ruptures dans les évolutions de la concurrence, des technologies et des contextes de valorisation de services et produits.

Pour des entreprises de ce type (par exemple des PME de type artisanal ou commercial des secteurs de la maçonnerie, de la menuiserie-ébénisterie. de la coiffure ou de l'esthétique, du commerce de proximité, de la restauration ou de l'hôtellerie), l'application d'une loi sur la RTT à un effet sur l'emploi d'une très grande incertitude. Il dépendra des stratégies de compétitivité qui, seront retenues. Prenons par exemple le cas de TPE artisanales qui n'embauchent pas alors que leurs carnets de commande sont pleins. En cas de réduction du temps de travail généralisée (comme le prévoit l'application de la loi. en 2002), ces entreprises sont confrontées à trois types de stratégies possibles.

La première dépend du nombre de salariés nécessaires pour qu'une réduction du temps de travail nécessite une compensation en termes d'embauche. Si l'on estime un temps travaillé d'environ 42 heures pour cinq personnes salariées, ce temps correspond à un temps de travail de 35 heures pour six personnes à temps plein, ou 35 heures pour cinq personnes à temps plein et deux à temps partiel. Dans ce cas-limite, ou l'effet de partage peut pleinement jouer, et au-dessous de ce seuil, un ensemble de TPE dont l'activité fluctue de façon imprévisible ne souhaitera pas s'engager dans un recrutement en CDI à temps plein ou partiel En effet, après avoir utilisé le volant d'heures supplémentaires disponibles ou, éventuellement augmenté un temps partiel, en estimant les CDI trop "rigides", elles peuvent être amenées à refuser de satisfaire une demande qu'elles ont suscitée. Dans ce cas, les effets de la loi appliquée correspondront à un "déversement" de cette demande sur de nouvelles entreprises créées ou moins entrepreneuriale. La contrainte de la loi sur la RTT se transforme en contrainte sur la création d'entreprises et sur la capacité entrepreneuriale de PME et TPE à être présentes selon l'évolution de nouvelles exigences productives.

Dans le cas d'effectifs qui tendent à être supérieurs à cinq, ces entreprises se trouvent confrontées à l'alternative suivante.

Elles peuvent être tentées d'embaucher de la main d'oeuvre qualifiée et expérimentée (de type Ouvriers Qualifiés ou Ouvriers Hautement Qualifiés en termes de classification), donc immédiatement opérationnelle et autonome. Dans ce cas, le coût salarial qu'elles vont payer s'élève proportionnellement au niveau d'exigence cette catégorie de salariés (plus rarement au chômage), alors que pour certains secteurs, les prix de ventes peuvent rester trop bas 96 ( * ) par rapport aux prix de revient (exemple de PME dans le secteur du bois et de l'ameublement ou de maçonnerie dans le BTP). De plus, comme elles ont malgré tout des variations d'activité, elles vont appréhender à s'engager dans la conclusion de contrats à durée indéterminée, n'ayant aucune connaissance de ce que signifie l'annualisation en termes de relâchement de contrainte et éprouvant des difficultés à concevoir les horaires de travail dans ce cadre nouveau. Une enquête de l'AGEFOS PME publiée en 1998, montre d'ailleurs que si les PME embauchent en CDI (24 %), la formule de préférence pour recruter un jeune est celle du CDD (31 %) et non celle d'un contrat d'apprentissage (18 %) ou de qualification (22 %). Par rapport à l'emploi, le principal problème posé par cette catégorie d'entreprise est alors celui du non-renouvellement des CDD, donc de leur turn-over. Il les conduit souvent à renoncer au volant d'activité supplémentaire. Elles peuvent également s'engager dans un dispositif de formation professionnelle en alternance, pour pouvoir recruter la main d'oeuvre formée. Dans ce cas, la faiblesse du niveau de qualification des personnes à former est souvent corrélative d'une forte incertitude sur les compétences sociales des personnes (du type respecter les horaires de travail, ne pas avoir peur de faire, mettre en oeuvre une intelligence pratique..) qui limitent leurs capacités socio-cognitives à apprendre le métier. Cette incertitude est alors perçue comme un risque trop important en termes d'investissement et de temps, ce qui pousse à ne pas entrer dans ce type de dispositif de formation sauf dans un objectif délibéré d'aide sociale. C'est ce que montre le résultat de la même enquête réalisée par l'AGEFOS PME en 1998. Selon cette enquête, 46 % des responsables de PME sondés qui ont déjà utilisé un dispositif de formation en alternance, considèrent que ce dispositif correspond à «une aide pour l'insertion ou la formation des jeunes», et 40 % d'entre eux considèrent que cette formation correspond « au premier pas d'un jeune dans l'entreprise». Seulement 12 % d'entre eux considèrent que cette formation correspond à «la réponse d'un besoin interne de qualification». Ce dernier chiffre renvoie à la remarque faite au-dessus quant à l'importance, accordée par les PME susceptibles de recruter, soit à une qualification en termes de combinaison de diplôme et d'expérience acquise, soit à une faible qualification mais corrélative de savoirs d'actions importants associés à des compétences sociales 97 ( * ) .

Ces différentes remarques invitent à être prudent quant aux effets positifs attendus d'une combinaison entre une RTT et une réduction des «charges» payées par les employeurs sur les bas niveaux de qualification, afin d'inciter à l'embauche. En effet, il semble que l'arbitrage réalisé par les entreprises dans cette configuration face au choc introduit par une RTT consiste d'abord à augmenter le nombre d'heures supplémentaires même au-delà de la légalité, soit à embaucher des CDD. Du point de vue de la mise en oeuvre de la loi dans des TPE, l'alternative cohérente avec la création d'emploi paraît être celle d'une annualisation pour des temps partiels. Mais alors se pose la question de la qualité de l'emploi créé pour subvenir aux besoins des salariés et celle de la combinaison de plusieurs emplois que ceux-ci peuvent être amenés à accepter pour l'obtention d'un revenu supérieur. Les entreprises concernées par ce type d'emploi, sont majoritairement des entreprises dont les effectifs sont inférieurs à 50, et dont les effectifs globaux représentent plus de la moitié des effectifs salariés en France. C'est de plus la catégorie d'entreprise qui continue à créer le plus d'emploi (cf. tableau ci-dessous). C'est le constat de la précarité de l'emploi dans ces types d'entreprises, désormais jugée inévitable par certains auteurs, qui les conduit à proposer la solution, controversée, du « contrat d'activité » comme substitut au contrat de travail classique à temps plein et à durée indéterminé dont ils font le deuil (Boissonnat, 1995 ; Supiot, 1995). Une autre alternative serait de créer les conditions d'une plus grande stabilité de l'emploi dans ces entreprises. La fiscalité peut être utilisée à cet effet, à l'instar d'une transformation de l'assiette de financement de la protection sociale ou modulation des cotisations en fonction de la part des salaire dans la valeur ajouté en faveur de ce type d entreprise qui recrute, comme cela a été suggéré dans le chapitre précédent.

Tableau 37 - Structure des effectifs salariés selon la taille de l'établissement

au 1 er janvier de chaque année en France de 1975 à 1995 (en %)

1975

1980

1985

1990

1995

1 à 9 salariés

18.4

20.8

23.2

24.

26.0

10 à 49 salariés

24.6

26.1

27.3

28.7

28.8

50 à 499 salariés

36.3

34.9

34.0

34.5

34.2

500 salariés et plus

20.7

18.2

15.5

12.6

11.0

ensemble

100.0

100.0

100.0

100.0

100.0

Source : Assedic

2.3.2. La compétitivité "productiviste"

Les entreprises inscrites dans ce style de politique témoignent de leur volonté de mettre en oeuvre des politiques actives permettant de regagner des marges de liberté par rapport au code du travail en matière de flexibilisation du temps de travail. Leur caractéristique commune est qu'elles sont des donneurs d ordres ou sous-traitants dans des secteurs ou des marchés globalisés (donc avec des délocalisations ou des investissements à l'étranger importants) avec une concurrence à tendance oligopolistique. Mais, compte tenu des modalités de financement du capital (actionnariat international), elles restent très attentives à leurs coûts de production (notamment salariaux) et à l'importance des marges réalisées. Ces entreprises sont principalement des entreprises du secteur industriel de plus de 500 salariés (exemple de PSA), mais elles peuvent être également des PME qui ont été intégrées dans des groupes ou des holdings et qui rationalisent ou délocalisent leur production (exemple de la chaussure avec Chaussure CI ou de l'énergie avec FBCF).

En termes de relations professionnelles ou de concertation et négociation collective, c'est toujours le modèle traditionnel de négociation «à la française» qui est à l'oeuvre, c'est-à-dire un modèle conflictuel par essence (sur la base de positions idéologiques et non gestionnaires). Comme cela a déjà été souligné dans la typologie des accords de branche, les négociations collectives ne remettent pas fondamentalement en cause la norme d'emploi et la norme salariale issue de la période des «trente glorieuses», avec son noyau dur de salariés en CDI non mobiles. Du coup, le mode d'adaptation de cette norme, que nous avons appelé «mécanique», reste le maintien d'un marché du travail périphérique, en partie externalisé par la sous-traitance, dont la précarité des emplois est récurrente et liée à une faiblesse de l'expérience accumulée dans l'entreprise. Le maintien de cette norme de référence peut être exemplifié par l'historique de la négociation de l'accord de PSA dont le projet initial n'avait finalement reçu l'approbation d'aucune organisation syndicale.

Cependant, ces entreprises, conformément à la logique mécanique de branche, ne se contentent pas d'aménagements à la marge pour mettre en oeuvre une RTT. Elles s'emparent du dispositif selon les accords-cadres négociés et travaillent sur une réorganisation du temps de travail (ou son amélioration lorsqu'il y a déjà eu des transformations importantes dans le cadre d'accords Robien par exemple) (voir ci-dessous, les fiches résumées sur les accords de ce type).

Du point de vue de l'organisation du travail, il faut distinguer les établissements industriels, des établissements ou filiales de type plus artisanal. Dans les établissements de type industriel, l'organisation a déjà été rationalisée dans le courant des années 1980-1990 à plusieurs reprises, en particulier sur la base de départs massifs dans le cadre des plans sociaux, combinés à une automatisation des processus de production et la recherche de principes de gestion de la qualité et des délais. Du point de vue des modalités de gestion des ressources humaines et de construction des compétences, dans les grands établissements industriels, l'implication des personnes au travail se fait par l'attribution d'un statut (ou d'un rang que l'on mérite) (Iribarne et Iribarne, 1999) et non d'un rôle qui peut être évolutif. Il subsiste donc des inerties organisationnelles et des cloisonnements entre différentes catégories de personnels (ingénieurs, techniciens, ouvriers par exemple) et d'activité (commercial, marketing et RD par exemple) sur la base d'une logique de distinction. Les salariés ouvriers et techniciens ont acquis une plus grande autonomie mais l'activité de contrôle persiste, ce qui est cohérent avec l'attribution d'un rôle encore confiné dans une logique d'exécution et non de conception. Ce qui laisse penser qu'au sein de cette forme industrielle de production subsistent des éléments du modèle productif taylorien pour lequel l'intensification du travail (en particulier dit d'exécution) reste un repère fondamental. L'exclusion du temps de pause, et du temps de formation, d'habillage, pour la plupart de ces accords, dans la comptabilisation des heures de travail effectif fait partie de cette logique (cf. les fiches ci-dessous résumées sur les accords).

De ce point de vue, les PME inscrites dans ce type de logique même si elles se sont moins industrialisées, n'ont pas échappé à une forme de division du travail cloisonnée en grandissant. C'est ce dont témoignent par exemple les indicateurs de la réalisation de l'accord dans une entreprise indépendante du secteur du cuir (tanneries R., effectif : 101). La négociation d'un accord défensif dans le cadre de la loi sur les 35 heures et sa mise en oeuvre ont conduit l'entreprise à réfléchir sur la question de la polyvalence entre ses ateliers. On observe donc que la loi atteint bien, dans certains cas, un objectif indirect important pour la viabilité de l'entreprise : celui d'une transformation des compétences et d'une plus grande souplesse organisationnelle. Cependant, le risque encouru dans les entreprises de ce type qui négocient et mettent en oeuvre de tels accords, porte sur les effets pervers, qu'elles peuvent développer, en rationalisant les temps travaillés dans une logique de temps de production au sens strict et donc en limitant les temps d'échanges entre salariés, dont une partie consiste à réguler peu ou prou leur propre système de travail.

Les indicateurs des accords inscrits dans ce type de recherche de compétitivité sont les suivants :

- Annualisation ou modulation avec travail le week-end en principe non basé sur le volontariat.

- Plages d'heures supplémentaires conservées ou même agrandies (même au delà du maximum légal) car peu de traduction de la réduction des 35 heures en emplois, plus de douze semaines consécutives chargées en horaires maximum, etc..

- Les 35 heures ne sont pas reliés à la question de la précarité de l'emploi et faiblement à celle de l'embauche.

- Pour les temps de pause, d'habillement, de casse-croûte, les temps de formation, la tendance est à leur suppression complète dans le temps effectif travaillé.

- La durée d'utilisation des équipements est augmentée.

À ces indicateurs, il faut ajouter ceux relevant de l'analyse du discours du management, qui montre que le travail est perçu comme un facteur qui coûte cher ou auquel sont associées de contraintes qu'il faut relâcher. Ce facteur est par ailleurs considéré comme moins fiable que des machines, auxquelles tendanciellement on continue de le substituer, dans la mesure du réalisable.

Compte tenu de ces différentes remarques, on peut supposer que les effets positifs des accords d'ARTT en termes d'amélioration du taux d'utilisation des équipements et de la productivité du travail sur la base d'une annualisation du temps de travail, permettent des gains en termes de coûts salariaux. Néanmoins, ces effets potentiellement positifs peuvent être contrebalancés par une difficile progression dans la réactivité, en terme d'innovation et de qualité, sur des marchés non expansionnistes. Enfin, du côté des salariés, les accords de nature défensive en particulier dans le cadre de fausses PME (c'est-à-dire d'entreprises appartenant à des groupes) ne laissent rien envisager en maintien d'emploi au-delà d'un terme de deux ans.

La question qui reste alors posée dans ce cadre de l'analyse est celle de la viabilité des emplois ainsi que celle de la capacité à une mobilité professionnelle entre des entreprises, ou d'un secteur vers un autre, dans la mesure où la pérennité de l'emploi à moyen terme dans ces entreprises, appartenant à de grands groupes, n'est plus assurée dans l'ensemble.

PSA : stratégie productiviste dans le cadre d'un accord non-aidé

Accord cadre sur le temps de travail, l'emploi et la formation, concernant 92 000 salarié, signé par la CFDT, FO, CGC, et accompagné de négociations sur le départ en préretraite de près de 12 500 personnes de plus de 57 ans sur 5 ans, contre le recrutement de jeunes à raison d'une embauche pour trois départs (Arpe, aide publique au titre des départs anticipés de salariés âgés)

- Passage aux 35 heures, sans baisse de rémunération, au tiers septembre 1999

- Réduction du temps de travail sous forme de baisse de la duré hebdomadaire, d'une diminution quotidienne ou de l'attribution de jours non travaillés

- Engagement de 5 600 embauches, dont 3 000 au titre de la RTT

- Annualisation des horaires de travail, avec comme contreparties faisant suite aux négociations avec les syndicats, le paiement d'une prime de 500 F par mois et l'octroi de jours de repos

- Introduction du travail du samedi dans la semaine de travail, avec comme compensation la liberté d'utilisation des 11 jours de congés supplémentaires

- Modification des règles de décompte des pauses, rémunérés mais non prises en compte dans le calcul du temps de travail effectif, soit une durée du travail ramenée de 38 h 30 à 36 h 40

- Assouplissement du compte-épargne-temps

-Temps de travail des cadres soumis à un régime de forfait sans référence horaire, avec une RTT par l'octroi de 11 jours de congés supplémentaires.

Chaussure CJ : accord défensif, stratégie productiviste Cet accord est conclu dans le cadre d'un établissement d'une société qui délocalise son activité vers d'autres pays (Espagne, Italie, Portugal). Sa marque est déposée en Suisse. Les coûts de fonctionnement de cet établissement qui était un siège, comprennent les charges liées à la fabrication des prototypes et à la gestion d'un réseau commercial qui s'autonomise, à partir de la politique globale du groupe. Les caractéristiques principales de l'accord sont les suivantes :

- 570 salariés sur le site vont passer à 35 heures payés 37h 30 (ce qui correspond à une baisse de pouvoir d'achat d'un mois de salaire à 5200 frs.). Il n'y a pas de compensation pour les salariés au SMIC qui perdent en pouvoir d'achat un mois de salaire

- Les salaires sont gelés sur deux ans

- L'annualisation comprend des jours allant de 0 heure à 8h 45

- Il n'y a plus de majoration pour les heures supplémentaires effectuée en dessous de 41 heures, ni de repos compensateur

- Les nouveaux embauchés sont payés au temps de travail réduit non compensé

- Les syndicats n'ont pas eu le temps de la négociation, signature de l'accord sous la pression du licenciement

FBCF (fabricant de combustible pour le nucléaire ) : accord défensif, stratégie productiviste

Cette entreprise qui est un établissement de 1100 personnes d'une grande société, est amené à réduire

ses effectifs dans le cadre d'un plan social pour faire face à une réduction des commandes. L'accord défensif permet de sauvegarder 83 emplois. Cet accord prévoit :

- Une annualisation sans diminution du salaire sur la base des 39 heures

- Le pointage dans les ateliers

- Une modération des augmentations salariales pendant trois ans

- Une variation des primes de poste

- L'accord ne vaut que pour deux ans

Pour les délégués syndicaux le problème posé par ce type d'accord est l'incertitude sur l'avenir des emplois sauvés ou même sur d'autres emplois, puisque ces emplois dépendent des décisions qui seront prises au niveau du groupe.

Tanneries Roux : accord défensif, stratégie productiviste

Cet accord est réalisé dans le cadre d'une réduction d'effectif d'une usine répondant à une chute des exportations en Asie. La direction se saisit de l'accord pour réorganiser le travail en vue d'une amélioration de sa productivité. Les principaux éléments de cet accord sont les suivants :

- Les 35 heures travaillées sont payés 39 heures

- le licenciement de 7 personnes est évité sur un effectif de 101

- L'annualisation du temps travaillé prévoit un horaire minimum de 27 heures et un horaire maximum de 42 heures (qui ne doit pas dépasser 12 semaines par an)

- Les heures seront contrôlées par un compteur

- Les heures supplémentaires réalisées au-delà de 35 heures seront rémunérées à 120 %

- L'augmentation salariale est limitée à 2 % sur cinq ans

- Les pauses-café et le temps d'habillage ne rentrent plus dans le l'horaire rémunéré ( 1 h 30 par semaine)

- La réorganisation du travail prévoit une augmentation de la polyvalence entre ateliers

2.3.3. La «compétitivité coopérative»

La politique de l'accord est dite coopérative lorsque les acteurs se saisissent de la loi sur 35 heures pour traiter simultanément de l'évolution des exigences productives l'entreprise, des aspirations des salariés en ce qui concerne les modes de vie, de lutte contre la précarisation ou le chômage. Jusqu'à un certain point, ces trois aspects ne paraissent pas antagoniques pour des entreprises déjà inscrites dans une trajectoire de modernisation de l'organisation et des modes de gestion et de négociation collective.

Dans quelques grandes entreprises industrielles, la mise en oeuvre de la RTT et des 35 heures s'inscrit dans un processus plus large de négociations permanentes sur les horaires de travail, les salaires et primes, l'emploi (Sollac, Eurocopter). Dans certains cas, l'application de la RTT vient perturber l'existence d'un système d'organisation du temps de travail déjà relativement négocié et stabilisé et entraîne des conflits dans l'entreprise (cas d'une grande entreprise de transport, où ont été observés des conflits sur l'organisation des différents temps de travail des chauffeurs).

Dans d'autres entreprises de taille moyenne, la mise en oeuvre des 35 heures infléchit une réflexion plus générale sur l'organisation du temps de travail. C'est le cas d'entreprises du commerce de gros (entrepôts d'habits), avec une majorité de femmes à temps partiel et d'intérimaires, où l'accord a permis d'aborder plus généralement les questions de gestion de main d'oeuvre, d'organisation de la production et de réfléchir sur la qualité du travail. C'est aussi le cas d'une entreprise sous-traitante de donneur d'ordre du nucléaire, où l'accord de RTT a permis de réguler la charge de travail de l'entreprise liée aux commandes d'EDF.

Les principaux indicateurs révélateurs de ce type d'accord sont les suivants :

- Réorganisation concertée du travail en relation en fonction de l'évolution du marché à l'occasion de la négociation sur les 35 heures - Augmentation de la durée d'emploi des temps partiels qui le souhaitent (La poste, Nouvelles Frontières)

- Réduction structurelle du nombre de CDD

- Dans te cas d'accords défensifs, résorption par la seule RTT de l'ensemble des suppressions d'emploi envisagées dans le plan social

- Maintien des salaires et modération salariale

- Aspect stratégique et concerté de la conduite du changement

- Pas d'exclusion des temps de pause dans l'entreprise, ni des temps de formation

- Suppression ou réduction des supplémentaires au-delà des dispositions (exemple de la poste)

- Pratique de la concertation pour préparer la négociation d'accord

- Volonté de ne pas constituer une segmentation dans les statuts d'emplois au sein de l'entreprise (homogénéisation du marché interne).

Ce type d'accord est le fait d'entreprises qui font, preuve d'une capacité d'innovation sociale qui, leur, permet de remettre en question, du point de vue de leur fonctionnement interne, la norme d'emploi atypique associée à une segmentation du marché du travail. La réduction du temps de travail est pour elles le moyen d'opérer cette transformation. On peut prendre pour exemple de ce phénomène La Poste qui se saisit de la loi pour pallier la réduction du noyau dur fonctionnarisé (qui diminue naturellement par les départs à la retraite, les recrutements de contractuels remplaçant les départs de fonctionnaires) pas l'embauche de

contractuels dont la précarité est réduite dans le cadre des accords (CDI au lieu de CDD). En termes d'effet potentiel sur l'emploi, le moyen terme de ce type accord négocié dans une perspective de performance plus globale (adaptation à de nouveaux marchés en termes de produits, services), a entre autres comme enjeu la reconfiguration du rôle de cadres dans l'entreprise à l'occasion de la réduction de leur temps de. Il s'agit en particulier, sur la base d'une réflexion sur de nouvelles formes d'organisation, de créer les conditions d'une catégories socio-professionnelles. De ce point de vue, l'efficacité de la loi en terme de viabilité à moyen terme des emplois créés ou maintenus est bien réelle.

EDF-GDF : stratégie coopérative dans le cadre d'une aide structurelle de l'État

Accord cadre sur la réduction et l'aménagement du temps de travail, portant sur 141 000 salariés, signé par les cinq organisations syndicales, et qui vient remplacer l'annulation de l'accord précédemment signé en janvier 1997 sur les 32 heures

- Réduction du temps de travail de 38 heures a 35 ou 32 heures au tiers octobre 1999 (au choix du salarié), avec compensation salariale

- Création d'emplois de 3 000 à 5 000, avec l'embauche de 18 000 à 20 000 jeunes et le départ de 15 000 agents en retraite ou départ anticipé

- Aide structurelle de 600 millions de F sur trois ans

- Introduction d'un temps de travail aménagé, avec des amplitudes d'activités élargies sur la journée ou semaine, ou variables sur l'année

- Clauses accompagnant la RTT dans un accord de modération salariale, avec une augmentation de 0,6 % du salaire de base au tiers janvier 1999

Nouvelles frontières : accord offensif, stratégie coopérative

Cet accord concerne l'ensemble des personnes (1400 salariés concernés) sauf accompagnateurs et animateurs et informaticien (jusqu'à fin 1999)

- Il présente trois formules de RTT, la majorité des salariés a choisi b semaine de 40 heures en cinq jours et 28 jours de congés supplémentaires par an, dont un jour par mois et 16 jours bloqués à prendre pendant les périodes creuses

- Les salariés à temps partiel peuvent demande un temps plein

- Les temps de pause dans l'entreprise sont compris dans l'horaire effectif de travail

- Les heures supplémentaires restent soumises aux dispositions légales actuelles

- L'entreprise recrute 8 % des effectifs concernés par la RTT (104 personnes)

- Les effectifs sont maintenus pendant cinq ans

- Aucune distinction en terme salariaux entre nouveaux cl anciens salariés

- Modération salariale

Entremont : Accord défensif, stratégie coopérative

- Sauvegarde de l'emploi par b réduction et l'aménagement du temps de travail dans le cadre d'un plan social à l'issu d'une perte d'un important marché

- Maintien des emplois : l'accord permet de résorber par b seule RTT. l'ensemble des suppressions d'emploi envisagées dans le plan social, une convention de maintien de l'emploi à cinq ans est signée avec l'État

- Exclusion des cadres : les cadres continuent à bénéficier d'une augmentation salariale mais restent au forfait tout horaire.

- -Encouragement au temps partiel choisi : dégressivité et complément de salaire de 5 % versé aux personnes qui passent d'un temps plein à un temps partiel

- Temps partiels réduits proportionnellement à leur temps de travail

- Achèvement d'une réorganisation interne

- Maintien et gel des salaires

- Paiement des heures supplémentaires remplacé par un repos compensateur non cumulable d'une année sur l'autre

- Temps de pause porté de 15 à 20 minutes pour les postes à activité ininterrompue

- Un seul syndicat dans l'entreprise (FO)

La Poste : accord non aidé, stratégie coopérative

- Passage à 35 heures pour l'encadrement et les commerciaux

- Le passage à 35 heures pour ces deux catégories amène l'entreprise à réfléchir sur une adaptation négociée de l'organisation de leur travail et compétences

- Cet accord prévoit 20 000 recrutements (dont 6000 fonctionnaires et 14000 contractuels) pour 20000 départs naturels en retraite de fonctionnaires 2000 jeunes sont recrutés en contrats de formation en alternance

- Une réduction de 20 % des CDD est prévue

- Une réduction des charges en heures supplémentaire est également prévue

- Augmentation de la durée d'emploi des temps partiels des agents contractuels pour garantir une couverture sociale

- Conduite d'une négociation nationale sur les conditions d'emploi des contractuels et du travail de nuit

- Aspect stratégique et concerté de la conduite du changement

- Augmentation de 55 % à 65 % du nombre de postiers au contact du public

- Cet accord est signé par tous les syndicats sauf CGT et SUD

2.3.4. Une stratégie de «compétitivité mutualisée»

Les modalités de recherche de performance globale des entreprises qui sont entrées dans les accords de ce type correspondent à un rôle actif dans la reconstruction d'une compétitivité basée sur la création de ressources collectives au niveau de territoires et de réseaux de coopération auxquels elles participent. Ces accords reflètent des ambitions de reconstruction locale de normes collectives qui permettent de mieux mettre en cohérence des pratiques de gestion et des aspirations sociales liées aux divers aspects de temps de travail, d'organisation du travail, de rémunération, d'embauché. L'exemple de Carrefour qui s'engage dans son accord à embaucher 250 personnes handicapées relève à notre sens de cette volonté délibérée, tout comme l'exemple des Chantiers de l'Atlantique qui organisent la réduction du temps de travail pour l'ensemble des 4000 salariés de sous-traitants installés sur le site. Plus généralement ces entreprises manifestent une capacité à nouer de nouveaux types de relations de partenariat au niveau territorial pour la création et l'utilisation de ressources de proximité (exemple des fournisseurs maraîchers de Carrefour, ou de ressources de proximité (exemple des fournisseurs maraîchers de Carrefour, ou de l'organisation de la sous-traitance par les Chantiers de l'Atlantique en vue d'un recentrage sur ses métiers).

Mais au-delà de ces grandes entreprises managériales, ce mode de fonctionnement peut également exister pour des PME. Dans une entreprise de commerce de gros (Câblerie St Antoine), le responsable s'est saisi de la loi pour répondre aux aspirations de ses salariés, en matière de réduction du temps de travail, dans un contexte favorable de croissance de l'activité et des effectifs. Alors qu'il n'y avait pas de représentant du personnel syndiqué, c'est un salarié qui a réalisé le montage de l'accord après avoir administré un questionnaire à ses collègues sur leurs souhaits en matière d'accord de RTT. L'accord conclu a obtenu la satisfaction des salariés. Il est présenté comme exemplaire par le syndicat auquel ce salarié a demandé son mandatement et est utilisé depuis comme support. Il faut toutefois remarquer que le collectif de travail a éprouvé de nombreuses difficultés pour concevoir une modulation satisfaisante des horaires. L'exemple de cette entreprise est d'autant plus intéressant que sa stratégie de compétitivité, basée sur des savoirs tacites, a été également offensive, puisqu'elle a racheté les entrepôts de stockage et embauché le personnel commercial compétent dont les industriels producteurs de câbles, se débarrassaient, au profit d'une stratégie de concentration de leur stockage sur un lieu unique, combinée à une réduction des effectifs commerciaux. De plus à son niveau, cette PME a construit des relations d'échanges entre certains de ses différents clients (montage de câble en fibre optique) qu'elle fidélise de la sorte.

Les indicateurs de ce type d'accord sont les suivants :

- Les entreprises du réseau sont également concernées par la réduction du temps de travail (exemple des Chantiers de l'Atlantique)

- L'entreprise profite de l'accord pour réaliser des expérimentations en termes de nouvelle organisation du travail et d'intégration de nouvelles compétences par la formation et le recrutement.

- La concertation précède les négociations dans le cadre d'une pratique déjà établie.

- Pour ce qui relève des heures supplémentaires, CDD, temps partiel, les dispositions sont aussi favorables que dans la stratégie coopérative, elles visent une harmonisation des statuts des personnels.

- La flexibilité horaire peut aller jusqu'à 41 heures.

- Maintien des salaires.

- Non-suppression du temps de pause dans le calcul du temps de travail effectif.

Les accords d'entreprise inscrits dans cette forme de recherche de compétitivité ne sont pas nombreux, compte tenu des enquêtes quantitatives réalisées, mais ils représentent potentiellement une capacité d'emploi importante et viable à moyen terme. Il faut noter que dans le cas des entreprises les plus grandes, les aides publiques ne sont pas souhaitées. Dans le cas des plus petites dont les résultats sont confortables, elles sont perçues comme une aubaine. De façon générale les entreprises inscrites dans ce type de recherche de compétitivité, conquièrent des parts de marchés existants ou en émergence sur la base d'une transformation de leur organisation interne et de leurs relations externes leur permettant de construire les ressources nécessaires pour de nouveaux processus de production.

Les Chantiers de l'Atlantique : accord offensif, stratégie mutualiste

Cet accord ramène la durée hebdomadaire du travail entre 32h 40 et 34h 39. Une réorganisation du travail dans une phase d'expansion doit permettre 900 embauches.

- Réduction du temps de travail par le biais de la réduction du temps de travail quotidien travaillé, du nombre de jours travaillés, et du développement du travail posté en deux, ou trois équipes ou pour les volontaires, les vendredi, samedi et dimanche.

- 250 nouveaux emplois sont crées et 170 salariés intérimaires sont embauchés.

Discussions sur le départ à cinquante-cinq ans, via un dispositif de départ de 500 salariés remplacés par autant d'embauche, et qui devrait être financé par l'entreprise

- Les horaires des 4000 salariés de sous-traitants présents sur le site sont supposés suivre la nouvelle organisation

- Augmentation générale des salaires de 0,4 % et individuelle de 1 % de plus un dispositif de rattrapage des salaires des nouveaux embauché est prévu

- La pause quotidienne reste comprise dans l'horaire effectif de travail

- L'entreprise se fixe l'objectif de réduire ses coûts de 30 % en trois ans pour lui permettre de prendre des commandes sans recouru aux aides publique.

- Elle se recentre sur ses métiers de base avec un recours accru à la sous-traitance et un doublement de son plan de charge. Pour cela, elle réalise un investissement de 200 millions de francs

- Le bassin d'emploi sur lequel cette entreprise est implantée ne parvient pas à fournir la main d'oeuvre qualifiée nécessaire

Carrefour : stratégie mutualiste, sans aides

- Accord réalisé dans le cadre d'une discussion sur la refonte complète des accords de l'entreprise

- Cinq syndicats sur six ont donné un avis favorable

- Abaissement de la durée du travail autour de 5 %, c'est-à-dire à heures

- Une semaine de congés supplémentaire est accordée, ainsi que des facilités pour prendre leurs vacances en même temps que les enfants en âge scolaire

- Un compte épargne temps pour les cadres et une semaine de congés supplémentaires également 1000 emplois en équivalent temps plein complet créés en 1999

- Embauche de 250 personnes handicapées

- Revalorisation de deux heures pour les contrats à temps partiel avec une augmentation de salaires de 2,1 %

- La prime à l'ancienneté est gelée

- Une harmonisation des statuts des personnels réclamée par les syndicats est prévue d'ici 2002

- La semaine peut monter jusqu'à 41 h, ou tomber à 29 h.

- Extension du système expérimental des «horaires en ilots» (répartition autonome de la charge de travail au sein de l'équipe)

- Un projet global de formation est annoncé

Câblerie Saint Antoine : accord offensif, stratégie mutualiste

Cet accord vise à se saisir de la loi pour rendre conciliable l'adaptation du temps de travail dans une phase de croissance et de réorganisation du temps de travail de l'entreprise, avec l'accès des salariés à un temps de travail plus librement choisi et un recrutement supplémentaire.

Les principaux éléments de cet accord sont les suivants :

- Durée du travail de 35 heures par semaine, la réduction est de 10 % (2283 salariés concernés par RTT)

- Le recrutement de 6 % des effectifs concernés

- Augmentation de la polyvalence en termes de fonction et formation si nécessaire

- Annualisation pour l'ensemble du personnel, 2 jours de congés par mois sur l'année, ce qui fait 24 jours soit 4 semaines par an prises par trimestre

- Information des salariés sur les changements horaires, au moins une semaine

- Durée hebdomadaire maximum 48 heures

- La nouvelle organisation du travail soit permettre d'éviter le recours aux heures supplémentaires. Les heures supplémentaires au-delà de 39 heures sont rémunérées selon le régime légal

- La durée de travail du temps partiel est limitée a 28 heures/semaine

- Maintien du pouvoir d'achat des salariés (liée à la réduction des heures supplémentaires) par l'attribution de primes, compensées par un gel des augmentations de salaires

- Maintien des effectifs pendant cinq ans au moins

* 87 Bien que l'on ne puisse postuler une cohérence à priori entre le contenu d'un accord sur la réduction du temps de travail et la construction d'une stratégie de recherche de compétitivité au niveau de l'entreprise et de la branche, on suppose que les intentions exprimées dans les accords sont tout à la fois le reflet de compromis (pas forcément équitables) entre les responsables d'entreprises et leurs salariés et la manifestation partielle de représentation et de pratiques des acteurs du management de l'entreprise ou de la négociation de branche en terme de recherche de compétitivité.

* 88 Un modèle d'analyse en sciences sociales, est constitué outre son système d'hypothèses, par différentes dimensions conceptuelles (négociation collective, organisation, gestion... ), elles-mêmes déclinées en indicateurs qui permettent de saisir concrètement l'information au cours de la recherche et préciser le contenu des dimensions.

* 89 C'est à dire leur histoire du point de vue des techniques, de l'organisation du travail, des modalités de gestion financière ou des ressources humaines

* 90 Par exemple en termes de formation professionnelle initiale, ou de formation de jeunes diplômés de troisièmes dans cycles de type convention CIFRE (convention industrielle de formation par la recherche).

* 91 La branche des coopératives bétail et viande revendique la création de 700 emplois grâce a la loi Robien, comme celle du secteur céréalier qui parle de 1 200 embauches.

* 92 Avec demande d'aide structurelle cependant.

* 93 Elles constituent le modèle générique le plus répandu de la TPE, elle appartient à une configuration d'ordre familial et procède à la banalisation de produits et services et à la recherche d'une réduction des coûts par effet d'expérience L'innovation est faite de "petits plus", donc de façon incrémentale et non radicale (Bentabet et alii, 1999).

* 94 Cette forme d'entreprise se distingue du point de vue stratégique de la forme traditionnelle dans le sens où elle est plus attentive aux fluctuations du marché et manifeste une plus grande capacité de transformation de son activité (Bentabet et alii. 1999).

* 95 Ces informations ne sont pas illustrées par des cas d'entreprises précis, elles résultent d'entretiens réalisés auprès d'acteurs intermédiaires chargés de l'instrumentation ou de la mise en oeuvre du dispositif Aubry (ARACT, représentants syndicaux et patronaux au niveau territorial)

* 96 Ces prix restent bas pour deux types de raison qui se sont cumulées au cours des dix dernières années : elles ont d'une part à faire face à la croissance d'une concurrence de produits plus industrialisés et moins coûteux (exemple des industries et de l'artisanat du bois et ameublement) et d'autre part à un affaiblissement de la consommation des catégories sociales moyennes qui représentaient une part importante de leur clientèle.

* 97 Ce qui justifie le fait que ces entreprises recrutent par connaissance et effets de réseaux de proximité (Bentabet el alii, 1999).

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