2. Quelques images des industries aéronautiques européennes

En Europe, deux puissances se dégagent. Le Royaume-Uni suivi de près par la France : l'Allemagne suit, l'Italie offrant le visage des problèmes mais aussi des atouts d'une industrie un peu en retrait.

a) L'industrie aéronautique au Royaume-Uni

Avec un chiffre d'affaires consolidé de 19,3 milliards d'euros en 1997, l'industrie aérospatiale britannique civile et militaire qui exporte plus des ¾ de sa production, constitue l'un des fleurons de l'économie britannique.

Elle figure bon an mal an au 1 er ou au 2 e rang européen, proche de la France, et au 2 ème ou au 3 ème rang mondial.

Cette industrie est caractérisée par l'étendue de sa gamme de produits qui bien que s'étant un peu rééquilibrée entre ses sources civiles et militaires reste dominée par les activités de défense.

Le quadruplement des ventes aéronautiques civiles pendant les années 1980 a toutefois permis à ce secteur d'accroître son poids relatif dans l'ensemble de l'industrie aéronautique passé de 26 à 42 % du chiffre d'affaires total.

Depuis la reprise des ventes intervenue en 1994, le secteur civil s'est maintenu aux alentours de 45 % du total.

Répartition du chiffre d'affaires et des exportations
selon l'activité civile ou militaire

 

1980

1985

1990

1994

1995

1996

Chiffre d'affaires
Total (milliards £)

4,76

7,88

11,07

10,221

11,355

13,066

CA civil (milliards £)

1,42

2,33

4,782

4,714

5,212

5,782

CA civil en %

25,7

32,7

41,6

46,5

45,9

44,2

Exportations totales (milliards £)

2,50

3,25

7,652

6,229

8,008

9,702

Exportations civiles (milliards £)

0,796

1,05

3,666

3,528

4,020

4,603

% Exportations civiles

37,6

40,6

48,5

57,4

50,5

47,4

Source : SBAC

Le poids des exportations s'est considérablement accru . Les exportations de matériels aéronautiques s'élevaient en 1996 à 9,702 milliards de £ dont 4,6 pour le domaine civil et 5,1 pour le militaire.

La progression des exportations est remarquable puisque leur part du chiffre d'affaires total est passée de 47 % du total en 1980 à 65,4 % en 1990 pour atteindre 74,2 % en 1996, représentant 9,7 milliards de £ et même 84 % en 1997.

La part relative des exportations de matériels civils qui a culminé en 1994 avec 57,4 %, est redescendue à 47,4% sous l'effet mécanique des succès à l'exportation des avions de chasse britanniques en particulier grâce au contrat Al Yamamah 2 signé avec l'Arabie Saoudite.

En termes de produits, les structures d'avions représentant près de la moitié du total des ventes aéronautiques (46,2 %) en progression régulière depuis 1985 (40,6 %).

En revanche, la rubrique espace n'a pas suivi l'évolution de l'industrie et son importance relative n'est plus que de 3% de l'ensemble en 1996.

Répartition du chiffre d'affaires par famille de produits

(milliards £)

 

1985

1990

1994

1995

1996

Structures

2,879

5,611

4,018

5,007

6,044

Moteurs

1,727

2,673

2,203

2,231

2,749

Equipements

2,332

3,308

3,826

3,678

4,089

Espace

0,150

0,114

0,174

0,439

0,183

Total

7,088

11,706

10,221

11,355

13,066

Source : SBAC

Une présentation sommaire des acteurs conduit à souligner que la tendance à la concentration des actifs a dominé une industrie aéronautique britannique constituée par quelques grands groupes (British Aerospace, Rolls-Royce, GEC Marconi, GKN-Westland). Etant revenus sur les diversifications opérées dans les années 1980, ils se sont recentrés sur certains métiers et ont préparé les grandes restructurations en cours en Europe et dans le monde.

On y trouve également de grands équipementiers comme TI Group, Smith Indutries, Lucas Varity et Cobham qui travaillent dans le monde entier.

Il s'agit par ailleurs d'une industrie à capitaux privés , l'Etat se bornant à détenir une golden share dans les entreprises les plus sensibles. Le management des entreprises bénéficie de stocks-options, ce qui est susceptible d'influer sur les choix de gestion.

Les acteurs de l'industrie aéronautique britannique en 1996


Sociétés

Rang 1996

Rang 1995

Capital millions £

CA millions £ 1996

CA millions £ 1995


Bénéfices

Effectifs 1996

Effectifs 1995

Domaines d'activité

GEC

15

22

10.954

10.990

10.330

981

82.967

82.200

élec., nav.

British Aerospace

45

57

4.538

5.741

7.153

234

45.200

56.400

aérosp., élec.

GKN

56

66

3.949

2.893

2.470

322

32.861

32.300

terr., hel.

Rolls Royce

64

71

3.533

3.597

3.163

175

43.200

43.500

aéro, moteurs

TI Group

78

83

2.766

1.480

1.420

185

22.400

22.600

aéro.

Smiths Industries

84

98

2.407

899

759

138

11.718

11.000

aéro.

Lucas Varity*

61

99

3.644

-

2.796

30 (1995)

-

48.500

aéro., électr.

Pilkington

100

112

1.962

2.899

2.676

55

35.800

37.100

optron.

Vickers

164

178

951

1.144

727

75

9.627

9.100

terr.

Racal Electronics

177

183

856

1.059

950

70

12.855

11.300

élec.

SEMA Group

168

237

901

678

596

37

8.734

8.156

élec., inform.

Cobham

213

288

585

228

211

30

3.457

3.470

aéro.

Hunting

496

372

141

1.128

1.126

31

12.680

13.500

terr., aéro.

Les options des industriels visent pour l'essentiel à accroître leur activité dans le respect d'un principe constant d'optimisation financière.

Les industriels britanniques ont, en 1996, élaboré un document important traduisant leur conception des enjeux du secteur.

Ce document dénommé « Action Foresight » dénombrait huit programmes spécifiques prioritaires et en faisait une évaluation.

Évaluation du marché potentiel des nouveaux programmes aéronautiques
pour le Royaume-Uni

Marché aéronautique

Début de production

Opportunités pour le Royaume-Uni

Valeur estimée
(Mds de £)

CIVIL

 
 
 

Airbus A3XX

2002/3

Ailes, réacteurs, principaux équipements

25

AI (R) 70 places

2002/3

Ailes, réacteurs, principaux équipements

3

Boeing B 747

2000/1

Structures, réacteurs, principaux équipements

15

China AE 100

2002

Structures, réacteurs, principaux équipements

2

MILITAIRE

 
 
 

FLA (ATF)

2003

Ailes, réacteurs, principaux équipements

7

FOAS (futur avion de chasse)

2010/15

Maîtrise d'oeuvre des systèmes-structures, réacteurs, équipements

17

JSF (futur avion de chasse américain)

2005/10

Partenaires minoritaires d'entreprises américaines-structures, réacteurs, équipements

21

TOTAL

 
 

90

Source : SBAC

L'orientation militaire de l'industrie britannique est sous-jacente à l'évaluation des industriels.

On observera en effet que si que la répartition des priorités est à l'équilibre entre le civil et le militaire, toutefois, certains programmes civils étant, depuis, abandonnés ou retardés « sine die », cet équilibre est largement optique.

Les aspirations « américaines » de l'industrie britannique se dégagent aussi. Il est assez frappant de noter que les industriels britanniques n'excluaient pas, au moins en affichage, de participer à des programmes concurrents comme l'A3XX d'Airbus et la modernisation du 747 de Boeing. Leur volonté d'être associés au JSF va dans le même sens.

Enfin, l'évaluation des contraintes ressenties par les industriels britanniques n'est pas sans enseignement. Celle-ci est conduite dans le cadre de la SBAC, qui regroupe les industriels comme en France le fait le GIFAS.

Constatant que 25 % du budget total de la défense aux USA sont alloués aux démonstrateurs technologiques contre seulement 5 % au Royaume-Uni, et que la contribution du gouvernement au financement de la R&D a augmenté en termes réels de 7 % aux USA de 1985 à 1992 alors qu'il a baissé de 25 % au Royaume-Uni, le Directeur Général de la SBAC a demandé formellement au gouvernement en juin 1997 d'affecter aux programmes de démonstrateurs tout ou partie des remboursements des avances consenties à Rolls Royce et à British Aérospace dans les années 80 estimées à 100 millions de £ par an pendant les cinq prochaines années.

Les industriels et le gouvernement investiraient à parité égale 80 millions de £ en 1997 et jusqu'à 100 millions la cinquième année.

b) L'industrie aéronautique italienne
(1) La galaxie Finneccanica

L'industrie aéronautique italienne hors les activités de motoriste exercés par Fiat Avio est pour l'essentiel regroupé dans le groupe Finmeccanica qui, depuis 7 ans, a concentré les entreprises du secteur.

L'activité de Finmeccanica n'est pas seulement aéronautique mais celle-ci occupe une place importante dans l'ensemble du chiffre d'affaires.

Le chiffre d'affaires de Finmeccanica en 1996

(en millions de dollars)

Activité

Niveau

% du total

Mécanique

2.410

25 %

Hélicoptères

574

6 %

Aéronautique

1.848

19 %

Energie

2.280

26 %

Transports

730

8 %

Défense

1.480

16 %

Le groupe exerce à travers ses filiales tous les métiers du domaine de l'électronique de défense et de l'aéronautique.

Les principales filiales du groupe sont Alenia Difesa, Alenia Aérospajio Agusta et Aermachi.

Alenia Difesa a réalisé en 1996 un chiffre d'affaires de 1,5 milliard de dollars. Ses effectifs s'élevaient alors à 10.018 personnes.

Issue de la fusion en 1989 d'Aeritalia et de Selenia, Alenia Difesa est dorénavant la filiale du groupe Finmeccanica chargée des activités de défense (hors aéronautique militaire). Le mariage en 1998 avec GEC-Marconi dans 3 de ses métiers (missiles, systèmes navals et radars) est significatif de la stratégie de la société.

Alenia Difesa développe son activité dans 5 secteurs principaux représentés par les divisions :

Elle comporte deux divisions :

- La division aéronautique (huit usines, dont une au Texas) participe dans le domaine militaire au programme EF 2000 -Eurofighter- (21 % du consortium Eurofighter avec BAe, DASA, et CASA), au programme AMX (avec Aermacchi et Embraer) et au programme FLA. Elle participe également (au sein de la société conjointe LMATTS avec Lockheed Martin) à la production du C27J. Dans le domaine de l'aviation civile, elle est impliquée dans le programme ATR avec Aérospatiale. L'entreprise a également signé un accord avec Airbus Industrie pour la participation au développement de l'A3XX et participait avec Avic of China et Singapore Technology au développement d'une nouvelle famille d'avion de 100 places désormais abandonné. Une partie importante de son activité consiste dans la fabrication d'éléments de voiture mobile pour Boeing (767 et 777) et d'éléments pour le MD80 de McDonnell Douglas.

- La division Espace (2.100 personnes, 7 usines) oeuvre dans le domaine des :

- missiles : « Divisione Sistemi Missilistici » (17 % du chiffre d'affaires)

- systèmes navals : « Divisione Sistemi Navali » (16 % du chiffre d'affaires)

- radars : « Divisione Sistemi Radar » (30 % du chiffre d'affaires)

- avionique : « Divisione Sistemi Avionici ed Equipaggiamenti » (21 % du chiffre d'affaires)

- armements navals et terrestres : « Divisione Otobreda » (16 % du chiffre d'affaires)

Alenia Aerospazio a réalisé en 1997 un chiffre d'affaires de 1,3 milliards de dollars. Elle emploie 12.300 personnes.

- satellites de télécommunication (Artemis pour l'Agence spatiale européenne, European Mobile telecommunication system, Globalstar, Intelsat, Eutelsat),

- senseurs satellitaires (radars altimétriques, radiomètres à micro ondes) pour les programmes européens,

- satellites scientifiques,

- infrastructures spatiales en orbite.

Aermacchi , quant à elle, réalise un chiffre d'affaire plus modeste, de 182 millions d'euros en 1997, et occupe 1.772 personnes. L'acquisition récente de la société SIAI-Marchetti, appuyée par le ministère de l'industrie, a permis à Aermacchi de devenir le principal constructeur italien d'avions d'entraînement. Aermacchi a une activité réduite dans le domaine de l'aviation civile, se consacrant surtout au secteur militaire. Les principaux produits militaires développés par Aermacchi sont les avions légers d'entraînement et d'attaque MB 99, AMX (en coopération avec Alenia et Embraer), MB 399 (en coopération avec Lockheed Martin et Raytheon-Hugues), YAK-130 destiné au marché russe, en coopération avec le russe Yakovlev : le système complet d'entraînement Primary Training System (PTS 2000) en « joint-venture » avec DASA.

Agusta enfin opère dans le secteur des hélicoptères où elle a réalisé en 1997 un chiffre d'affaires de 492 millions d'euros (84 % venant des activités militaires). Elle occupe 5.200 personnes.

(2) Quelques considérations stratégiques

Finmeccanica détenue à 63 % par l'IRI s'est vue fixée par son actionnaire public une stratégie d'excellence dans les domaines économique et financier pour toutes ses filiales, avec pour objectif une vente ou un mariage avec des groupes européens, activité par activité, dans les meilleures conditions possibles.

Cette stratégie s'est déclinée dans les différents secteurs.

Dans le domaine des missiles , Alenia Difesa (avec GEC-Marconi) a entrepris en 1998 des discussions sur les termes d'une alliance avec Thomson-Aérospatiale (le programme franco-italien FSAF/ASTER constituant une bonne base structurante) et en parallèle avec MBD (avec lequel il coopère sur l'Otomat et le Milas). Un accord de principe a été conclu avec BAe.

Dans le domaine de l'aviation , l'Italie a manifesté avec force sa volonté de faire entrer Alenia Aerospazio dans la société de plein exercice Airbus en cours de constitution, à hauteur de 8 à 10 %. Le Gouvernement italien a annoncé avoir provisionné les crédits publics nécessaires au soutien de l'A3XX. Il faut noter enfin que l'Italie participe au consortium EF 2000 avec BAe, DASA et CASA.

L'hélicoptériste Agusta, pour sa part, a noué une alliance avec la société britannique GKN Westland (production de l'hélicoptère EF 101) ce qui en fait un pôle d'importance.

Dans le domaine des satellites , des accords de principe ont été conclu avec MMS.

L'Italie a d'ailleurs été associée aux discussions étatiques sur la constitution d'une grande société aérospatiale européenne (European Aerospace Defense Company). Ces orientations qui d'ailleurs coïncident avec une volonté de privatisation des différentes filiales ne doivent pas être négligées.

Il faut cependant mettre en évidence quelques difficultés posées en l'état à l'intégration de l'industrie italienne dans les processus européens.

La première d'entre elles réside dans la nature publique des entreprises aéronautiques qui, si l'on en croit les propos de certains partenaires -BAe et DASA-, serait un obstacle majeur. Il faut raisonnablement tempérer cette appréciation en ce sens que la place des entreprises italiennes dans une des deux unités européennes plus vastes qui sont en chantier ne serait pas telle que leur statut public dont le changement est d'ailleurs programmé, puisse être considéré comme un obstacle dirimant.

Il est d'ailleurs probable qu'une participation des entreprises italiennes à un ensemble européen s'accompagnerait d'un changement de statut de leur actionnariat, sans compter les effets mécaniques qui, de ce point de vue, résulteraient de leur fusion avec des actifs gérés par des personnes privées.

Une difficulté plus substantielle vient de la nature de certaines activités des industriels italiens et de certaines de leurs alliances qui font de l'industrie de la péninsule une industrie largement tournée vers les Etats-Unis .

La chose est évidente pour les hélicoptères où l'alliance entre Agusta et Bell prévient tout apport italien à cette partie des productions aéronautiques.

Pour les appareils commerciaux, le plan de charge de l'industrie italienne lié à Boeing est important même si la cessation des programmes de MDD va rapidement en réduire le volume.

Il reste à déterminer comment les industriels italiens sont prêts à arbitrer entre leurs activités pour Boeing -qu'on voit mal la firme américaine maintenir quelque soit le devenir de ses partenaires italiens- et un renforcement de son ancrage européen.

Un élément important de réponse viendra assurément des perspectives ouvertes par Airbus à des industriels italiens qui ont des expériences mitigées en la matière, satisfaisante pour l'A320 et plus encore les A340-500 et 600 mais beaucoup moins pour l'avion de 100 places 12( * ) , l'A318.

Une autre variable importante viendra des orientations retenues par Boeing qui selon les témoignages recueillis est pris entre deux logiques : celle, financière, au terme de laquelle les programmes conduits avec les industriels italiens en passe d'extinction ne seraient pas remplacés, des sous-traitances asiatiques étant plus avantageuses au regard de considérations stratégiques et de coûts ; celle où la poursuite de relations intimes avec l'industrie italienne permet de conserver une forte présence en Europe.

En toute hypothèse, l'industrie italienne encore plus que son homologue suscite toutes les convoitises comme réunissant un ensemble d'actifs susceptibles de renforcer la position de celui qui s'assurera sinon de son contrôle du moins d'une étroite association avec lui.

Il est d'ailleurs notoire qu'une banque d'affaires a récemment acheté 15 % du capital de Finmeccanica au profit d'un industriel que certains désignent comme particulièrement intéressé par les perspectives offertes par la part italienne de l'Eurofighter.

c) L'industrie aéronautique en Allemagne

L'industrie aéronautique allemande emploie environ 63 000 personnes et dégageait un chiffre d'affaires un peu supérieur à 9 milliards d'écus en 1997.

Décimée après la dernière guerre mondiale, elle a su se reconstituer autour d'une gamme d'activités diversifiée, toutes conduites en coopération.

L'industrie allemande est dominée par Daimler-Benz Aerospace Group (DASA) dont le chiffre d'affaires s'est élevé en 1997 à 7,8 milliards d'euros (environ 51 milliards de francs)

Sa répartition entre les différentes activités est illustratrive de la présence relative de l'industrie aéronautique allemande sur les différents métiers du secteur.

Chiffre d'affaires de DASA

(en millions de DM)

 

1997

1996

Avions commerciaux

5,970

4,603

Avions militaires

1,654

1,589

Espace

1,105

1,012

Satellites

1,450

1,183

Systèmes

2,841

2,747

Moteurs

2,963

2,311

Total

15,983

13,445

Elle dénote une prépondérance des activités de nature commerciale mais aussi une place dans chaque secteur respectable mais seconde en général.

L'industrie aéronautique est en Allemagne l'objet d'une grande attention politique.

Elle a bénéficié dans le passé d'un soutien public financier actif qui a d'ailleurs suscité des contentieux avec les Etats-Unis.

Elle a fait l'objet d'un rapport gouvernemental récent 13( * ) récapitulant la stratégie des autorités allemandes.

Principales conclusions du rapport Lammert

La République fédérale d'Allemagne voit dans une industrie aéronautique performante et compétitive un intérêt politiquement comme économiquement vital. Dans les années à venir, il importera que l'industrie aéronautique allemande obtienne en cogestion un rôle de direction dans les domaines importants.

Ceci dépend de manière cruciale des décisions concrètes et dont le report aurait de grandes conséquences sur la situation et les perspectives de développement de l'industrie aéronautique allemande. L'Allemagne ne prendrait plus part aux décisions européennes concernant le développement de nouveaux systèmes et ne pourrait plus maintenir les maîtrises d'oeuvre de sous-systèmes qu'elle détient. A moyen terme, des sites industriels et des emplois de haute qualification pourraient être perdus.

Les discussions en cours sur une nouvelle structure européenne seront largement déterminées par la dynamique générée par le processus de consolidation engagée en France.

L'objectif déclaré de l'industrie allemande consiste à :

- conserver les marchés,

- garantir les capacités systèmes et les facultés fondamentales correspondant à leurs compétences et leurs capacités,

- garantir une importante participation allemande dans les programmes stratégiques

- être un partenaire incontournable en Europe ou dans d'autres coopérations internationales.

L'Allemagne voit là dans des structures européennes relevant de l'économie privée une base déterminante pour une compétitivité à l'échelle mondiale.

Les scénarios visant à doter l'industrie aéronautique d'une structure efficace et compétitive à l'échelle internationale ne sont pas encore suffisamment décantés. Une très large intégration de toutes les activités aéronautiques et spatiales européennes (« full merger ») apparaît comme l'objectif le plus logique avec toutefois de considérables implications en politique concurrentielle.

Les difficultés d'un tel scénario amène à envisager un processus d'intégration par étapes successives dans lequel plusieurs domaines de l'aéronautique et de l'espace fusionneraient en unités de plus grande ampleur (« package merger »).

Sur cette voie l'objectif de l'industrie allemande est de conserver l'actuel portefeuille de compétences pour pouvoir préserver au mieux son poids relatif dans une entreprise future entièrement intégrée.

La partie la plus important d'un tel scénario concerne la restructuration d'Airbus Industrie (AI). Les partenaires Airbus doivent rapidement concrétiser la constitution d'une société à capital européenne. Une importance particulière réside d'abord dans les décisions relatives aux apports dans la nouvelle société et à leur évaluation. Ces décisions sont en rapport direct avec les sites industriels et les emplois en Allemagne. Le gouvernement fédéral apporte un soutien politique à la restructuration. Restructurée, Airbus pourrait ultérieurement servir de noyau pour une intégration de l'industrie aéronautique militaire, d'abord dans la construction d'avions de transport.

Mais, la restructuration des seules activités civiles d'Airbus sous forme d'une société européenne de capitaux ne permettra pas, à moyen et à long terme, d'assurer de façon durable la compétitivité d'une industrie aéronautique et spatiale européenne.

La consolidation requiert aussi l'incorporation d'autres partenaires européens comme par exemple l'Italie et la Suède.

Pour garantir la position acquise par Airbus sur le marché, des décisions sont en outre nécessaires quant aux futures stratégies projets et gammes de produits pour permettre d'éliminer le monopole détenu par Boeing dans le domaine des avions commerciaux de plus de 350 places. D'ici la fin 1998 devront être achevés les travaux préparatoires pour une décision du conseil de surveillance d'Airbus sur le nouveau gros porteur A3XX.

Dans l'armement et d'un point de vue national le maintien d'une capacité minimum demeure indispensable pour garantir les propres compétences et les capacités nécessaires comme la possibilité de participer aux réalisations communes et à la coopération. Une amélioration du contexte général appliqué à l'industrie d'armement nécessite un marché européen de l'armement et des approvisionnements qu'il faut soutenir politiquement. Pour cela, il importe en particulier :

- de procéder à une large privatisation des entreprises européennes de l'armement,

- d'harmoniser les politiques d'exportation et

- d'établir en Europe des règles communes d'approvisionnement.

En effet, la diminution de la part des investissements dans le budget de la défense pose la question de savoir s'il est possible de maintenir le minimum des capacités industrielles nécessaires du point de vue stratégique. Dans cette perspective, l'on peut conclure que face à la baisse des commandes provenant des forces armées nationales et face à une compétition internationale renforcée, l'exportation des armes est nécessaire pour maintenir l'essentiel des capacités liées aux techniques e défense. Dans ce contexte, l'harmonisation des politiques d'exportation dans les différents pays concurrents joue un rôle essentiel. La république fédérale souhaite un alignement sur le niveau élevé de l'Allemagne.

Dans le domaine de la construction des avions de combat, il sera impossible de maintenir, comme le par le passé, des capacités parallèles. L'objectif visant à renforcer les synergies des compétences civiles et militaires, tel que c'est aujourd'hui le cas aux Etats-Unis, exige également une intégration croissante dans ce domaine.

Dans un passé récent les exemples américains ont montré combien des modifications structurelles pouvaient être générées par des décisions concrètes portant sur des projets. Sur ce point les décisions sur les programmes en cours conditionnent les chances allemandes d'accompagner une aéronautique européenne intégrée. De prompts décisions sont particulièrement urgentes quant à la poursuite des programmes Eurofighter 2000 FLA et des projets d'infrastructure satellitaires dans le domaine de la navigation et des communications.

Les problèmes fondamentaux et les perspectives en suspens ne peuvent être réglés qu'avec le soutien de l'échelon politique. Sur ce point, des discussions doivent être poursuivies entre les Etats au niveau le plus élevé. Les gouvernements partenaires en particulier la France et la Grande-Bretagne devraient ainsi être invités à désigner un fondé de pouvoir de rang élevé.

Cette implication politique forte ne débouche pour autant pas sur la conduite d'une vraie politique industrielle.

Le Gouvernement allemand, pourtant conscient des enjeux politiques d'un projet aéronautique européen et largement pourvoyeur de fonds publics à ses entreprises, s'abstient de toute influence sur les entreprises .

Il ne dispose à l'inverse de l'Etat britannique ou français d'aucune « action spéciale » dans DASA.

Il a tout particulièrement insisté sur les inconvénients du statut public d'Aérospatiale.

Cette abstention est le reflet d'une situation où, comme au Royaume-Uni, les entreprises sont entièrement privées.

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